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dimanche 3 février 2013

Pourquoi n'y aurait-il pas de "localisation cérébrale" de l'esprit?

Et quel danger en redoutent ceux qui semblent s'y opposer comme par un réflexe conditionné? "Étudier le cerveau est-il un bon moyen de comprendre l’esprit ?", elle me rappelle cette querelle sur "la non localisation cérébrale" de l'esprit qu'on fait depuis Bergson et jusqu'au P. Gustave Martelet, qui croit sauver l'homme de la spirale évolutionniste en déclarant "l'esprit" immortel, l'esprit au lieu de l'âme, immortel parce que non localisé dans le cerveau, disséminé partout à travers l'étendue d'un corps non spatialisé. "La psychologie est-elle à l’anatomie du cerveau ce que la physiologie est à l’anatomie du corps ?" voilà peut-être une question plus précise et donc plus pertinente. Mais les aptitudes du corps sont aisément descriptibles :"La marche, la respiration, la digestion, la reproduction", qui " sont étroitement liées à des organes distincts". Il en va peut-être différemment des "instances de l'âme" qui, pour les anciens, étaient "la volonté, la mémoire et l'intelligence", mais peuvent aussi comprendre l'instinct, la faculté de percevoir plaisir et douleur à l'origine des "sensations" (condillac) qui  composent nos "affects" (françoise Héritier par exemple, et son étude "corps et affect"), les trois "fonctions" de l'âme étant, selon Platon (les trois fonctions après les trois "instances") la fonction appétive, la fonction sensitive et la fonction intellectuelle. Bref, tout cela pour dire que la controverse sur "la localisation cérébrale" de l'esprit vient d'une relative imprécision, voire d'une certaine indéfinition des "instances" ou des "fonctions" de l'âme en psychologie, qui ne peut pas resserrer son objet aussi précisément que l'anatomie peut expliquer la physiologie, car l'anatomie a des organes à sa disposition, tandis que la psychologie n'a que des "opérations" de l'esprit ou de l'âme. Quant au "procès d'intention" fait à la méthode de Ramachandran de juger des fonctions normales du cerveau d'après les lésions cérébrales, ne pourrait-on pas faire le même reproche à "l'anatomopathologie" de bichat ? Pourquoi ce qui est devenu la base de la méthode scientifique dansun cas serait-il discrédité a priori dans l'autre ? On peut reprocher au critique du PROFESSEUR ramachandran de ne pas faire ce parallèle. Sa réserve se justifierait par ma remarque antérieure. Elle pourrait même être complétée par le fait que, si l'entreprise du professeur ramachandran devait réussir, les "classification" des maladies mentales se réduiraient à des classifications cérébrales. Or le corps est un tout. C'est ce que nous ont montré toutes les approches anciennes, depuis la médecine chinoise jusqu'à l'approche hollistique musulmane ou chrétienne, l'Evangile de Saint-Jean allant jusqu'à dire que, si on prend un bain de pied, cela suffit à laver tout le corps. Cette remarque prouve surtout que, quand "le corps somatise", il transforme des "affects" en "affections", en maladies mentales ou en lésions cérébrales. Il ne manque, ni de psychanalystes, ni de médecins à l'approche holistique, pour expliquer que tel symptôme corporel, même grave, peut être un message du corps à la personne qui a ce corps pour enveloppe charnelle. Mais voici le "membre fantôme". un neuropsychiâtre dont je tairai le nom me disait qu'un de ses amis américains poursuivait des recherches où il lui apparaissait possible de faire repousser un membre amputé à l'aide de stimulations électro-magnétiques. A prendre avec toutes les réserves qui s'imposent, car la fascination du magnétisme existe depuis le baquet de Messmer, et ses liens avec l'électricité ont permis à nombre de magnétiseurs ou à de prétendus "oftalmologues miracle" de faire croire qu'on pouvait faire recouvrer la vue en restimulant électriquement l'oeil (cf à cet égard le récit que fait Jean Meyer d'une visite à l'un d'entre eux dans ses "Mémoires de l'ombre"). "la vision aveugle" existe. Ma compagne, ayant perdu la vue tardivement, me parle souvent de "la lumière du cerveau". et Jacques Lusseyran parlant d'amour et de l'effet que produisaient sur lui les femmes après qu'il eut perdu la vue disait que son imagination visuelle était tellement intacte que, s'il avait pu toucher chacune des femmes qu'il rencontraient, l'image qu'il s'en serait faite en aurait été décuplée, car il avait un oeil au bout de chaque doigt. "La métaphore est sans doute le fondement de la créativité" comme l'analogie est le meilleur appui des philosophes. Beaucoup d'écrivains souffrent de "troubles dissociatifs", qui, si on les traitait, rendrait infirme ou réduirait leur aptitude au fantastique. C'est la rançon de la psychiâtrisation et de la clinicisation des psychoses, insupportables à vivre comme les affres de la création, qui réduit l'essentiel de notre création littéraire à de l'autofiction, sorte d'exposition lyrique du trauma, avec une condamnation exclamative de celui qui l'afait naître, condamnation "sans jugement de valeur", "toutes choses étant égales par ailleurs… L'analyse que fait Ramachandran des "neurones miroir" réhabilite la sympathie qui est à l'origine de l'imitation, et le désir de comprendre ce que l'autre pense, dont "la mimésis d'appropriation", qui débouche sur "la rivalité mimétique", n'est qu'un effet dérivé, dont le dépassement est à l'origine de la culture et de la civilisation selon rené girard, le monde ne pouvant se résorber que par la consommation du "Malaise dans la civilisation" et par l'impossible renoncement à "la violence". Je préfère l'explication plus simple de ramachandran, d'une civilisation rassemblée par la capacité à emmagasiner l'expérience transmise par imitation de plusieurs générations. Pour autant, il demeure vrai que l'"effet miroir" devient fasciné par ce qu'il imite. Et je n'ai jamais pu m'empêcher de déduire de la parenté des mots "fascisme" et "fascination" que le fascisme, avant d'être une coalition d'identités vengeresses voulant se poser en "race des seigneurs", naissait de "la fascination" qu'on a pour le leader ou pour le chef. Je ne m'aventurerai pas à analyser les causes de l'autisme ni la naissance du langage. Mais je constate en revanche que la conscience naît du langage. La preuve, c'est que presque personne n'a de souvenir de sa prime enfance, ce temps où il ne parlait pas. Plus encore, personne ne se souvientd'être né ni de sa naissance, d'où on pourrait être amené à en tirer cette conclusion philosophique "merveilleuse" que l'homme n'a d'innée que la notion de l'éternité, il n'a pas la notion du temps. Cela entre en contradiction directe avec tous ces signes de satisfaction que guettent les parents chez leur nourrisson, dont le couronnement est le premier sourire. Le consensus neurologique ne conclut pas aussi affirmativement que moi que l'enfant est inconscient puisqu'il ne parle pas. Les neurologues pensent en générale que l'enfant n'a qu'une "conscience simultanée" du moment qu'il est en train de vivre, le langage ne lui permettant que de corréler ce moment avec les précédents et avec les suivants. Ce qui naît avec le langage (à défaut de pouvoir me prononcer sur la naissance du langage), c'est la mémoire et, avec la mémoire, la peur de l'avenir, qui permet de choisir les expériences qu'on veut faire en fonction de celles qu'on a faites et qui n'ont pas été concluantes, puisqu'elles ont provoqué en nous des "sensations" de "douleur". Or, dans le flou des "instances psychologiques" qui rend si difficiles "les localisations cérébrales", il est tout à fait possible que la conscience se confonde avec la mémoire et l'inconscient avec l'oubli. L'inconscient est peut-être le nom trop savant dont freud a affublé l'oubli. Quant à "la notion de l'éternité" que rudolf steiner appelait "principe d'innatalité" en affirmant qu'il précédait la croyance en l'immortalité de l'âme, dont Platon ne niait pas qu'elle naissait de la réminiscence, la nostalgie comme "douleur du retour" nimbant l'affectivité humaine d'un sentiment de "venir de loin", elle (cette notion de l'éternité), ou il, (ce " principe d'innatalité") pourrait très bien s'expliquer, dans une optique matérialiste, par le fait que l'enfant, en prenant conscience, a le sentiment d'avoir acquis une mémoire sans fond, du fait que, tout à la fois, sa conscience se saisit des moments que, seulement simultanée, elle ne pouvait connecter ; mais cette connexion étant faite demeure floue, parce que les événements ressaisis n'ont pas été bornés par un langage qui leur ont été assigné. Et ce flou, ce manque d'assignation, donne à l'enfant cette impression ou cette illusion d'un océan sans fond, serait à l'origine du "sentiment océanique". "L'effet boubakiki" n'est pas une réponse plus "osée" sur l'évolution du langage que les supputations de Rousseau sur "l'origine des langues". Quant au sentiment esthétique, n'est-il un équivalent émotionnel que dans les phases primitives de l'évolution de l'espèce ? En quoi Eros, qui transcende sa muse, a-t-il dépassé le stade de l'émotion ? "La critique est aisée, mais l'art est difficile", et je suis en admiration devant la libéralité profuse en hypothèses intelligentes et devant l'"exubérance théorique" du professeur Ramachandran, qui met la neurologie en sympathie humaine avec la finalité, et réconcilie opportunément l'optique matérialiste et l'idéalisme spiritualiste, qui ne sont incompatibles que par l'étroitesse d'esprit de ceux qui voudraient s'élargir du corps pour en disserter à loisir, quitte à en dire n'importe quoi.

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