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vendredi 18 avril 2025

Saint Paul, tel le jeune homme riche en EFM

Mon insomnie du vendredi au samedi saint et qui devrait être la nuit du grand silence, produit ceci:

La semaine dernière, lors d’un enterrement que j’accompagnais et qui était celui du meilleur ami (une amitié de quatre vingts ans) d’un prêtre qu’il m’arrive d’accompagner ailleurs et qui se caractérise par son mysticisme, il était proposé un texte de saint Paul, extrait de l’épître aux Corinthiens (II Corinthiens 12 :2-4), texte dont l’importance ne m’était jamais apparue et que j’avais même oublié bien que j’ai lu, comme on dit « crayon en main » toutes les épîtres de Paul, et dont il découle (je l’écris en ce soir où Jésus est également venu chercher Paul dans la matrice de ses enfers personnels) qu’il avait vécu ce qu’aujourd’hui, on appellerait une EFM (expérience aux frontières de la mort) : » Je connais un [jeune] homme dans le Christ… voici quatorze ans – était-ce dans son corps ? je ne sais pas ; était-ce hors de son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait – un tel homme fut enlevé jusqu'au troisième ciel. Et je sais qu'un tel homme – était-ce dans son corps ou sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait – fut enlevé au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme d'énoncer. »

Ce texte relate certainement la formation desaint Paul sur le chemin de damas. saint Paul qui me fait paradoxalement l’impression, dans toutes les autres occurrences où il se modélise (« Prenez-moi pour modèle. Moi, mon modèle, c’est le Christ. »), au jeune homme riche qui aurait appliqué et suivi le conseil de Jésus, serait allé, aurait vendu tout ce qu’il possédait, puis serait venu etaurait suivi Jésus, mais avec une sorte d’amertume de ne pas se voir rendre « le centuple dès cette vie »ni « [délivrer] par surcroît » ce qui est promis à « ceux qui cherchent d’abord le Royaume de Dieu et sa justice », jouissant déjà de l’avant-goût de sa vie éternelle via son EFM, mais étant obigé de se signifier à lui-même qu’il avait remporté la course faute de se voir suffisamment reconnaître par le Collège des apôtres, ni même confirmer par ses propres disciples auprès de qui il doit constamment « se justifier » ou »s’enorgueillir », comme si son tempérament de zélote ne lui faisait pas manifester un amour dans la foi suffisamment contagieux pour qu’on ait envie de le suivre comme disciple, quelque mérite qu’on accorde au dogmaticien.

Saint Paul n’est pas le jeune homme riche de l’Évangile, mais il lui ressemble. Il a connu un transport dont lui vienttoute son énergie. Mais il écume d’en être revenuet de ne pas sentir l’orgueil de la récompense qui l’aurait distingué des autres. Car saint Paul a un tempérament d’athlète qui veut remporter la course. Il veut bien tout sacrifier à l’annonce de l’Évangile et se laisser tomber de cheval pour être emporté au paradis, mais il ne veut pas connaître ce renversement ultime que les derniers seront les premiers et que cela est inséparable, par impossible, d’une disparition complète de l’ego.

 

mercredi 16 avril 2025

La chaîne alimentaire, autour d'un poème de Nataneli


"Le loup mange la brebis, l’homme l’agneau,
La vie se nourrit de sang, de feu, de chaos. Le loup fut là bien avant la fragile brebis Et, qu’on le veuille ou non, il la mange, il l’avilit. C’est la loi de la nature, ainsi que la vie, Le loup tue pour vivre, ce n’est là qu’un imparti. La nature, cruelle, tout autant que l’homme, Est le miroir du monde et de nos propres normes. Dans ce grand équilibre où tout est en réseau, Chacun joue son rôle, dans l’ombre ou sous l’ego. Ce n’est pas parce qu’un acte semble cruel, Comme chasser pour manger, ou pour vivre à ciel, Qu’il est moralement condamnable, car c’est là La vie qui s’accomplit, dans un cercle sans émoi. La vraie question n’est pas de juger l’acte, Mais de comprendre notre place dans ce pacte Où la nature, dans sa rigueur, impose ses lois, Que l’homme doit accepter sans combattre sa foie. Ô chère humanité ! La nature est cruelle, c’est sa vérité. Chacun vit en tuant, c’est là la loi du bois, La nature, sans doute, en elle-même nous enseigne Que la mort est le prix pour qu’un autre règne. ©️ Nataneli
"La vraie question n’est pas de juger l’acte,
Mais de comprendre notre place dans ce pacte."
Ce dystique dément d'une heureuse manière l'idée selon laquelle nous pouvons être jugés sur nos actes puisque "nos actes nous suivent." Nos actes ne nous suivent que dans la mesure où nous n'avons pas analysé "notre place dans ce pacte". Si nous l'avons analysée, nos actes ne nous suivent pas, ils nous correspondent.
Mais encore?
Dieu serait amour, nous dit l'Église que je sers en organiste liturgique passionnné. Une des objections qui me viennent le plus souvent et qui fait de moi un chrétien feuerbachien ("ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, mais l'homme qui a créé Dieu à partir de tout ce qui lui manquait". Variante: si cela manquait à l'homme, c'est que Dieu l'avait mis en lui), est la suivante: comment Dieu pourrait-il à la fois créé par amour et vouloir juger à la fin ce qu'il a créé? Ou: comment Dieu pourrait-il avoir créé par amour et avoir créé la chaîne alimentaire? Teilhard de Chardin répond en partie à la question: Dieu alaissé à la nature la même liberté qu'il a laissée à l'homme. Donc la nature a créé ses lois, dites lois de la vie ou lois ontologiques que Dieu respecte, par respect de cette liberté, ce même Dieu qui quand Il sauve, affranchit de la loi.

"Le loup est venu avant la brebis", sans doute. Mais Dieu en Jésus cherche la brebis perdue. J'ai lu ce matin dans le "Porche de la deuxième vertu" de Péguy que je me suis décidé à lire grâce à un concert donné dans l'église qui est juste en face de chez moi: "Ainsi la brebis tient chaud à son propre pasteur." La brebis perdue s'est perdue parce qu'elle avait perdu l'espérance, mais comme elle est partie, "elle a fait naître la crainte et ainsi a fait jaillir l'espérance." La brebis perdue avait désespéré, mais avait fait naître l'espérance "au coeur de Dieu même" puisqu'"au coeur de Jésus". "Par cette brebis égarée, Jésus a connu la crainte dans l'amour. Jésus comme un homme a connu l'inquiétude humaine. Ainsi n'est pas la volonté devotre Père qui est aux cieux qu'un seul de ses petits périsse". Grâce à la brebis perdue et à "l'inquiétude mortelle" qu'il a conçue à son sujet, "le Sauveur lui-même est sauvé."

Et enfin, sans commune mesure avec votre poème, mais en contrepoint, ceci:

LE BRIN D'herbe


Ce petit brin d'herbe que je n'ai pas vu
S'est dissimulé dans mon souvenir
Et m'a demandé s'il avait vécu,
ô petit brin d'herbe que j'ai fait mourir !

Mon bondissement écrasant et sûr
A piétiné sec tout ton avenir.
Je compatis à ton égratignure,
Mais tu es brindille et moi, grand visyr :

Ce brandon qui est ta progéniture,
Je dois le fouler sans plus de plaisir,
En homme de bien qui met ses chaussures
Pour domestiquer l'arbustier délire,

Délire de choix qui veut se choisir
Une condition à la démesure...
Mais le ventre las du premier soupire
Accrocha le brin à la chaîne obscure,

Cette chaîne-là qui à nous fait dire
Au petit brin d'herbe : "tout n'est pas perdu,
Je t'ai piétiné, c'était pour t'offrir
De vivre abrité dans mon coeur si nu..."

Le petit brin d'herbe esquisse un sourire
Et, ironisant, me dit : "Le crois-tu,
Que plus que moi tu sois fils d'un désir,
Que tu sois sauvé si je suis perdu ?

Pour te racheter tu voudrais bâtir
A mon effigie un buste-statue :
En mémoire un brin que j'ai fait souffrir,
Que j'ai piétiné, que je n'ai pas vu,

Et je devrais là, dans ton coeur très pur,
Trouver asile à mes déconvenues,,
Dans ton palpitant qui ferait sa sciure
En déforestant les rameaux menus."

Ma vocation s'ombre de blessure :
Je ne l'ai pas vu et je crois saisir
Que je n'ai pas fait, moi, la forfaiture
D'être fatal à ce brin de désir...

Moi que l'on convainc de péché, bien sûr,
Je ne pouvais choir avant d'être aimé
Et je ne peux ramasser les pelures
Du premier "amen" qu'on a refusé.

De moi qu'aujourd'hui, la mystique pure
Semble avoir cessé de vouloir gracier,
Qu'un grain de faiblesse abatte le mur
Et me refonde en sol de grand'pitié.

 

jeudi 3 avril 2025

Incontournable Marine Le Pen?

Justice au Singulier: La magistrature indépendante ou responsable ?


Dans son billet, Philippe Bilger est partisan de substituer la notion d    e responsabilité de la justice à celle d'indépendance. De la justice qui doit juger en responsabilité et non des magistrats qui ne doivent pas être nommément responsables de leur jugement contrairement à ce que disait Nicolas Sarkozy en parlant de ces "petits pois" qui lui cherchaient des poux.

Une telle responsabilité de la justice  est difficile à circonscrire. Il faudrait rendre un jugement "en responsabilité politique". Cela renvoie au premier avis du Conseil constitutionnel signé par Richard Ferrand, expliquant en substance qu'on doit proportionner les peines d'inéligibilité à la notoriété de ceux à l'encontre desquels elles s'exercent.

Mais alors il y aurait une inégalité devant la justice qui du reste existe déjà, car la proportionnalité des peines selon la nature du délit devrait être subordonnée à la proportionnalité des peines en fonction de la notoriété du prévenu. "Selon que vous serez col blanc ou misérable" et à partir du moment où vous n'aurez pas commis d'infraction économique ou politique majeure, "les jugements de cour" feront attention à ne pas vous éliminer, attendu que, quand vous êtes un anonyme, vous en prenez déjà pour votre matricule puisque vous n'êtes personne.

Responsabilité judiciaire au regard des conséquences politique estimées des jugements rendus ? Mais pourquoi pas responsabilité des politiques à l'égard des chefs d'inculpation qui pourraient obliger ces juges à rendre ces jugements ouvertement politiques ? On dit que l'objectivité n'existe pas en journalisme. L'impartialité n'existe pas non plus dans le monde judiciaire. Il faudrait assumer cela et évaluer un indice de partialité tel que la conviction préalable pèse son poids dans l'intime conviction.

"Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ?", plastronnait François Fillon quand après avoir essayé de savonner la planche à Nicolas Sarkozy auprès de Jean-Pierre Jouyet, il imaginait que son calendrier judiciaire allait se précipiter pour rendre impossible la candidature de son ancien mentor à la primaire de l'élection présidentielle de la droite et du centre.

Marine Le Pen n'avait pas non plus de mots assez durs pour aggraver à vie une peine d'inéligibilité d'un candidat soupçonné de corruption. Mais le problème devient plus concret aussitôt qu'il la touche de près et il se pose de fait en termes aggravés : "Dans quelle mesure quelqu'un qui détourne des fonds publics peut-il être un prétendant légitime à présider son pays ?".


Je fais partie des deux tiers de Français que ne choque pas cette condamnation.

Le RN a tellement détesté "le système" qu'il a estimé que l'argent qui en provenait n'avait pas d'odeur et il s'est servi dans la chambre froide européenne. On fait des gorges chaudes contre le "système Le Pen" au Parlement européen qui aurait détourné 4 millions d'euros, on dit que l'affaire pour laquelle le MoDem a interjeté appel est beaucoup moins grave, car elle a duré moins longtemps. Mais je crois me souvenir que les détournements de fonds publics imputés au MoDem portaient sur 7 millions d'euros. D'où une certaine complaisance de François Bayrou pour défendre Marine Le Pen.

Dont tout se passe comme si elle était la seule condamnée dans son parti à des peines d'inéligibilité ou de prison ferme ou avec sursis. Tous ses cadres sont vent debout pour ne la défendre qu'elle et elle seule, elle qui serait "l'espérance des Français" privée de concourir pour obtenir leurs suffrages et dont la condamnation à ses yeux inique, devrait éclipser toutes les avanies subies au quotidien par les citoyens lambda dont elle se pose comme la défenderesse, dévorée presque sacerdotalement par leurs malheurs. Mais qu'une peine soit prononcée à son encontre et voici que l'intérêt personnel de l'héritière qui croyait pouvoir n'en faire qu'à sa tête prévaut sur l'intérêt général ou même sur l'intérêt particulier des Français les plus pauvres et les plus persécutés !

"Il n'est pas responsable, incantent les politiques, que des juges prétendent neutraliser une personnalité" de l'envergure électorale désormais reconnue à Marine Le Pen. Mais il est responsable que ces mêmes politiques jouent avec la variable d'ajustement du RN tout au long d'un mandat présidentiel ou d'une législature et déclarent cette candidature tacitement illégitime entre les deux tours d'une de ces deux élections ? Les juges n'auraient pas le droit de la déclarer inéligible et seuls les politiques auraient le droit de "débrancher" ce qui reste malgré tout à leurs yeux l'adversaire et "le diable de la République", la justice devrait s'arrêter au seuil de cette "débranchitude" et ne pas magouiller comme les politiques aux dernières élections législatives pour que Jordan Bardella n’ait pas la majorité absolue (qui l’a cru ?) et ne puisse pas accéder aux marches de l'hôtel Matignon.

Pourtant il faudrait savoir, on a voulu l'indépendance de la justice et on l'a ! L'autorité judiciaire pénalise la classe politique et ridiculise les pouvoirs exécutifs qui ont été ou ne sont plus dans la course, comme elle met des bâtons dans les roues de ceux qui piaffent à l'idée d'être en lice. C'est la réponse de la bergère aux balances au berger ambitieux.

Meme si la justice ne l'entend pas de cette oreille, les politiques veulent avoir le monopole de l'exclusion du Rassemblement national et Marine Le Pen veut avoir le monopole de la représentation présidentielle de sa mouvance politico-boutiquière. "Jordan Bardella est un atout" tellement "formidable" qu'elle entend bien l'user par des campagnes présidentielles dont elle serait la candidate naturelle du simple fait qu'elle porte après l'avoir repris le nom de son père et où elle sera toujours vaincue, tant est grande sa médiocrité débattrice et sa méconnaissance des dossiers qu'il est de notoriété publique qu'elle ne travaille pas.

Arnaud Montebourg disait que le Parti socialiste était l'otage d'un problème de couple, ce qui fut avéré par la mise au premier plan de Ségolène Royal et de François Hollande, tous deux ineptes et inaptes à gouverner, comme on l'a vu. La contestation nationaliste est l'otage d'une querelle de dynastie qui n'a jamais été adoubée pour devenir une nouvelle souche capétienne ou bonapartiste : la dynastie des Le Pen. Tant pis pour la France dont l'histoire saura en discréditer ces Atrides autoproclamées qui lui ont fait perdre beaucoup de temps avec leur volonté purement tribunicienne de ne voir que le négatif d'un pays que cette famille disait aimer et qu’elle a au moins autant dézingué que tous ceux qui le détruisaient ! 

mercredi 2 avril 2025

Dernières nouvelles du Brexit

Naguère, celui qui prenait chaque matin le pouls de l'actualité sans pouvoir la commenter sur ce forum que sont les réseaux dits sociaux qui n’existaient pas, pouvait se dire que globalement, ce qui relevait de la politique était plutôt rationnel, même si on le bombardait de petites phrases ou de faits divers pour éprouver son équilibre mental et le faire chanceler sur ses ergots. Mais la politique ou la vie sociale étaient le dernier refuge de la rationalité. Aujourd’hui, le monde ressemble à nos vies personnelles aux prises avec l’instabilité de ses reconfigurations dans une société éclaté et est un cahos de faits divers politiques qui voudraient bien s’inscrire dans la grande histoire de la diplomatie.

 Aujourd’hui, bien malin qui pourrait donner son avis sur la cohérence du monde et se pourlécher notamment de ce que telle chose, il l’avait bien prévue, bien prédite, il en avait bien prévenu et il es fier de pouvoir donner ce coup de chapeau à sa vanité proverbiale.

 

Donc malgré tout, devant tout ce qu’on  nous avait dit du Brexit et du désastre que ç’allait être, je ne résiste pas à relever que ce matin (mais on ne sait pas si ça continuera demain), le Royaume-Uni est celui qui tire le mieux son épingle du jeu de la conjoncture actuelle, s’il n’est pas celui qui tire les ficelles de cet imbroglio…

 

Ce matin, « Courrier international » peut écrire que le Royaume-Uni est le seul rescapé du « jour de la libération » instauré par Trump avec ses droits de douane annoncés hier comme « sur un plateau de Jeopardy » !  : « « Le Royaume-Uni, qui négocie un traité commercial bilatéral avec les États-Unis, “échappe” lui “au pire”, avec un taux plancher de 10 %, remarque The Times. » ÀWashington, on assiste à une « improbable romance entre Trump et Starmer » qui est également réintégré à l’Europe  politique puisqu’il est le co-organisateur de toutes les réunions de concertation sur la guerre en Ukraine et le réarmement européen, dont j’ignore qui en aurait rêvé il y a vingt ans.