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mercredi 22 mai 2024

La Nouvelle-Calédonie n'est pas l'Algérie

Pour comprendre ce qui se passe actuellement en Nouvelle-Calédonie, il faut s'être rendu au moins une fois sur le Caillou, ce qui n'est pas mon cas, non sans que l'envie me manque de visiter ce joyau de la France come je voudrais depuis si longtemps visiter l'Algérie, à la fois par goût pour la civilisation maghrébine et une envie à la Marius de m'embarquer dard dard après avoir vu, sur le marché aux puces de Marseille des bouchers qui faisaient l'aller-retour une fois par semaine de l'Algérie dans la cité phocéenne, munis de leur nombreuse cargaison carnée sur des cargos-villes qui affadissent l'exotisme du voyage.
La Nouvelle-Calédonie n'est pas l'Algérie. Par principe, par préjugé et apriori, je suis hostile à toute forme de colonisation. J'ai été conforté dans cette idée lors du voyage en Guadeloupe que j'ai fait avec ma mère en 1990, l'année de mon bac.Oui, mais la Réunion, la Polynésie française, Mayotte et la Mélanésie-Calédonie, qui paraissent si fragiles sans la France?
Je me souviens que mon père, qui avait gardé un désagréable souvenir des Pieds-noirs et au contraire un souvenir ébloui du beau pays qu'était l'Algérie où il n'avait pas aimé être envoyé faire la guerre et se félicitait d'en être revenu en n'ayant tué personne, avait été retourné dans son a priori pro-kanak par une explication de Charles Pasqua dont la faconde à la Fernandel et l'air roué ne donnaient pas beaucoup de crédit à sa parole. Mais il expliquait que tout peuples premiers qu'ils fussent, les Kanaks ou Mélanésiens avaient été supplantés numériquement (on ne disait pas encore que c'était beaucoup la faute de Pierre Messmer qui voulait rendre irréversible cette suprématie démographique) par une émigration organisée de caldoches qui s'ajoutaient aux vagues précédentes de prisonniers ou d'aventuriers qui cherchaient, sinon fortune, du moins agrément et une vie meilleure dans ce coin de paradis géographique où l'humanité était encore hospitalière.
La France métropolitaine n'a guère été brutale avec la Calédonie. Edgard Pisani, puis Michel Rocard, Lionel Jospin et Édouard Philippe, ont négocié autant qu'ils ont pu. Ils ont ouvert les référendums d'autodétermination qu'ils ont proposés à un préjugé favorable aux indépendantistes qui n'a jamais cessé, au point que c'était à se demander si Emmanuel Macron ne voulait pas se débarasser de la Nouvelle-Calédonie, de son nickel et de ses problèmes de cohabitation.
Quand un pianiste donne un concert, quand un tennisman joue un match, quand un écrivain travaille sur un livre ou quand un observateur enquête, il se donne un point de mire. En 1985, celui de mon père était Charles Pasqua. En 2024, le mien est Nicolas Metzdorf. Je ne le connaissais pas du tout. Je l'ai entendu par hasard sur "Sud radio", puis j'ai suivi surYoutube la discussion générale de la loi portant élargissement du corps électoral de Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales, où près de 23 % des résidents de l'île, bien que de nationalité française, sont empêchés de voter et de participer ainsi aux décisions qui les concernent.
La Nouvelle-Calédonie qui a dit trois fois "oui" à la France, est divisée pour les Mélanésiens entre indépendantistes et loyalistes. Nicolas Metzdorf comme l'ancienne secrétaire d'État Sonia Backès sont de ceux-là. Aujourd'hui présidente de la province Sud, son "énergie convaincante" ("l'Opinion") lui a fait garder l'oreille d'Emmanuel Macron.
Nicolas Metzdorf dit n'avoir jamais eu vocation à devenir député. Il a pourtant choisi d'être un député apparenté à Renaissance. Son loyalisme lui a valu des menaces de mort y compris sur ses proches et pour lui-même, en équivalent d'une fatwa, l'interdiction de revenir sur son île. Il venait de recevoir ses menaces le jour de la discussion générale de la loi qui ne réglait rien, bien qu'elle ait beaucoup cédé aux indépendantistes, repoussant le temps de présence de citoyens français sur l'île de trois ans que demandaient les loyalistes à dix ans que réclamaient les indépendantistes à qui le gouvernement l'accordait, avant de pouvoir se prononcer sur les décisions qui les concernaient.
Nicolas Metzdorf soutenait la loi défendue par le ministre de l'Intérieur bien qu'en n'accédant jamais au principe d'égalité qu'il réclamait, il l'ait trouvé "de plus en plus méchant." L'universalisme républicain et le centralisme jacobin souffrent partout exception malgré leur inflexibilité de façade sur l'indivisibilité républicaine, qui est concordataire en Alsace-Lorraine ou co-gestionnaire avec les tribunaux coutumiers islamistes à Mayotte. En Nouvelle-Calédonie, c'est le droit de vote qui est à géométrie variable. Pourtant, Gérald Darmanin répondait à Jérôme Guedg (que j'estime), qui disait qu'on ne pouvait revenir de Nouvelle-Calédonie que délesté de ses certitudes et avec beaucoup d'humilité quant aux spécificités du Caillou tout en se présentant comme un universaliste républicain, qu'on ne pouvait pas être universaliste, mais.

Maintenant Emmanuel Macron veut passer pour le Zorro de la crise calédonienne en rendant là-bas d'une visite éclair entre deux voyages de 28 ou de 29 heures d'avion (on a beau être président, les distances ne se réduisent pas pour nous). Il vatâcher d'implanter son Edgard Pisani façon Macron. Mais cette visite surprise ne dit rien qui vaille à un Nicolas Metzdorf échaudé par celui au parti duquel il avait pourtant cru bon de se vouloirapparenter: « Le congrès de Versailles ne doit être ni suspendu ni annulé, ceux qui le demandent donnent raison aux casseurs, aux pilleurs, aux émeutiers », écrit-il dans un gazouillis.

Donner raison aux émeutiers, c'est monnaie courante dans la politique de la ville en métropole. La Nouvelle-Calédonie n'est pas l'Algérie, mais la France est peu reconnaissante envers ses loyalistes et ses sharkis. Pierre Messmer n'a jamais vraiment exprimé de regret de les avoirlivrés aux mains de ses bourreaux sur l'ordre du général De Gaulle qui demandait de ne pas favoriser leur exode vers la France qu'ils avaient servie. 

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