Pages

mercredi 15 mars 2023

La démocratie doit-elle être vigilante?

    La dernière émission "Réplique" voit se confronter Edwy Plenel et Alain Finkielkraut qui se connaissent bien.


La démocratie doit-elle être vigilante? Elle doit veiller sur les autres et sur elle-même, elle doit veiller sur la vie de chacun, le plus faible doit être pour elle un "scrupule", mais où doit s'arrêter le curseur liberticide?


Selon Edwy Plenel, l'extrême droite ferait "l'apologie de l'inégalité naturelle". La nature n'est pas égalitaire, la civilisation doit corriger l'inégalité naturelle, mais pas au point d'introduire un standard humain hypothétique ou de courir après un horizon d'égalité inatteignable. "Egalité" que de crimes on commet en ton nom"! J'ai récemment intégré une commission qui veille sur le droit des personnes handicapées. Que de maltraitances on commet au nom de légalité devant la loi!


L'"islamophobie" est admissible comme peur de l'islam ou désamour de cette religion. La dérive intervient quand cette contestation d'une religion se mue en "haine des musulmans". Le phénomène est plutôt rare.


Edwy Plenel développe une espèce de mélenchonisme de bon aloi qui ne pousse jamais jusqu'à la russophilie ou à l'anti-macronisme. Alain Finkielkraut fait croire qu'on peut se placer dans la double défense de l'autochtonie française et de ce qu'il n'est pas excessif d'appeler le sionisme: le conservatisme français comme protection de l'identité juive,  quand elle marque son allégeance inconditionnelle à Israël. Jean Daniel et Elisabeth Badinter pourraient bien être séparatistes.


L'extrême droite n'est évidemment pas aux portes du pouvoir à moins qu'Emanuel Macron ne continue à se moquer de la société française. Mais tous les corps intermédiaires et constitués sont contre l'extrême droite et en démocratie représentative, on ne peut pas gouverner contre les corps intermédiaires ou contre les corps constitués. L'extrême droite est un épouvantail qui favorise l'immobilisme de la démocratie.


Le "grand remplacement" n'est pas une idéologie, mais une constatation démographique. Il ne devient criminogène que s'il s'accompagne d'une volonté de déportation ou de remigration sans accord préalable et avéré des deux parties. Mais énoncer le grand remplacement sans l'accompagner d'une telle volonté est constatif. On peut lui doner le synonyme positif de "créolisation". Et le parallèle  que fait Edwy Plenel entre "la France juive" d'Edouard drumont ou sa revue la "Libre parole" et les idéologies totalitaires qui ont suivi trente ans après reste un sujet d'alerte.


J'aime l'adage d'Edwy Plenel: "l'origine ne protège de rien, seul le présent fait preuve."


La Déclaration universelle des droits de l'homme a une qualité: elle énonce qu'il y a un genre humain, mais elle a deux défauts: elle est déclarative et elle est un catalogue des droits de l'homme qui fait abstraction de ses devoirs.


Edwy Plenel dit que le point commun entre toutes les extrêmes droites (russes, iraniennes, sahoudiennes, israéliennes) est la haine anti-LGBT. C'est certes un point commun (et il ne s'agit pas de nier l'homophobie), mais l'ériger en point commun majeur est un peu ridicule.


Edwy Plenel a raison de demander à Alain Finkielkraut devant son appel au fait divers qui succède à sa mise en exergue de l'islamophobie: "Est-ce que la francophobie ou la blancophobie est le plus grand danger couru en France?" C'en est un, mais ce n'est pas le plus grand, et la mise en oeuvre de solidarités entre ceux qui vivent ensemble sur unterritoire donné est une alternative aux guerres civiles.


Même si le rappel de la condition juive passée, présente et à venir est obsessionnel chez Alain Finkielkraut comme le complexe de persécution est consubstantiel à l'être-chrétien du fait de la béatitude des persécutés, le fait que les juifs doivent quitter la Seine-Saint-Denis ou des écoles des quartiers populaires n'est pas plus anecdotique que le fait qu'il ne reste quasiment plus de chrétiens en Irak ou en syrie. Un exode massif ne saurait être banalisé comme un fait divers.


"Les opinions justes doivent-elles prendre le pouvoir sur les opinions injustes" au risque d'écarter du débat ceux qui ne les professent pas car "on ne discute pas recettes de cuisine avec des anthropophages"? (Jean-Pierre Vernan) "Un débat démocratique, ajoute Edwy Plenel, ce n'est pas mon nopinion contre la vôtre, mon préjugé contre le vôtre, mon identité contre la vôtre." Affirmer cela, c'est nier le rôle de la conviction en démocratie. "Cnews" n'est pas "Radio mille collines", mais son obsession propagandiste xénophobe n'est pas plus saine que la xénophobie autochtophobe des "racisés". On ne doit pas plus blasphémer sur le prophète des musulmans ni souffrir le droit au blasphème qui est un sacrilège aux croyances d'autrui que souffrir le prosélytisme islamiste. On doit manifester une tolérance au prosélytisme salafiste, mais la frontière est parfois difficile à trouver. J'en parle parce que je suis victime de l'un et de l'autre.


Répliques par Alain Finkielkraut sur France Culture (radiofrance.fr) 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire