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vendredi 6 janvier 2023

Le lion de Juda

Je vais porter un témoignage. A l'été 1988, mon ami Franck et moi sommes allés faire un voyage à Assise et à Rome avec la communauté des Béatitudes qui s'appelait encore à cette époque, je crois, "le lion de Juda et de l'Agneau immolé", tout un programme. Mon père me donnait une éducation libérale et du moment que Franck faisait le voyage, que la soeur qui s'occupait de lui l'avait inscrit là, il n'en demandait pas davantage. Il m'accompagna à Nîmes après no vacances passées non loin de là, dans notre petite maison de Saint-Quentin la poterie. Nous arrivâmes au point de rendez-vous. Il avait une amie et tous les deux étaient en short. On les regarda de haut en bas en se disant: "Quelle indécence." Je ne me souviens plus comment j'étais habillé. 


S'ensuivirent des vêpres magnifiques, avec une belle polyphonie et des glossolalies que Franck et moi nous trouvions ridicules. Nous allions être, surtout Franck, des trublions pendant tout le voyage. Franck était plus mal en point et plus traumatisé que moi, mais il était lumineux et il était génial quand je n'étais que surprenant.


Lors de l'énoncé des consignes qui nous furent données, on dit à tous ces ados que nous étions: "On ne flirte pas. On ne se prend pas la main." Je trouvais ça surréaliste. Amputer un ado de la plus belle part d'amour et d'affectivité qui peut s'offrir à lui au moment où c'est le plus beau et où il faut apprendre à le découvrir, c'est manquer volontairement une éducation. 


Durant le voyage, un frère profondément bon, mais aussi immature, dit à Franck: "Un jour, j'ai tiré un passage dans la Bible et j'ai reçu cette parole: "Ceux qui rêvent sont des fous." Franck et moi ne faisions que rêver, rien d'autre ne nous intéressait.


Je ne savais pas où je tombais, je n'avais rien demandé, Franck n'en savait pas plus long que moi, mon père ne s'en souciait pas  et la soeur qui élevait Franck ne nous avait rien dit. Je fus étonné de me trouver là, car je connaissais la communauté. Je le reçus comme une grâce et c'en fut tout de même une. J'avais écouté auparavant deux cassettes du frère Ephraim sur l'oraison où il avait cité cette parole de sainte Thérèse d'Avila: "Ne réveillez pas l'amour avant qu'il le veuille." Plus tard, j'écoutai une cassette du beau-frère Philippe Madre, le psychiatre, sur"la purification passive des sens." On voit ce qu'il en est résulté.


On n'aurait découvert toutes ces dérives que récemment. Ce n'est pas vrai. Je me souviens d'un documentaire au début des années 80 qui filmait la communauté du "lion de Juda". Les parents et les enfants étaient séparés. Le documentariste pointait une dérive sectaire et ceux qui ne voulaient pas le voir répondaient: "Il ne peut pas y avoir de secte dans l'Eglise catholique.". Une de mes amies qui m'avait offert les cassettes réellement nourrissantes des deux fondateurs de la communauté (celle du frère Ephraïm étaient de loin les plus habitées, Philippe Madre était assez poseur), regrettait que les évêques surveillent cet élan tellement plein d'Esprit Saint qu'était le renouveau charismatique, et elle me décrivait ainsi l'Eglise: "Il y a les charismatiques et les classiques. Moi, je suis plutôt charismatique." Pourtant elle composait de la musique classique.


Durant ce voyage, j'eus la grâce de prier dans la grotte d'Assise avec le P. Jacques Philippe, dont j'ai appris récemment qu'il avait écrit des livres qui étaient des succès internationaux, dont un sur "la liberté intérieure". Il en faisait preuve. C'était un homme magnifique qui vit ce qu'il écrit.


Parce que le diable porte pierres. Une racine pourrave peut faire éclore un homme comme Jacques Philippe. Le péché originel est rédimable. L'homme est bon et il est méchant. L'homme n'est pas manichéen. Il trace des chemins de lumière d'un coeur enténébré. Il faut que ses ténèbres arrivent à la lumière. aujourd'hui, on dit que si un homme a fauté, tout son héritage est discrédité. J'ai la faiblesse de penser que non, parce que je veux continuer avec la vie qui continue de couler en moi, moi qui n'ai pas fait le bien que je voulais, moi qui ai fait le mal, moi qui ai déraillé, moi qui n'aime pas regarder la trace que je laisse et moi qui suis malade et ne veux pas me soigner, et dis qu'on ne peut pas, qu'on ne sait pas soigner ma maladie et qu'on est incurable. Je crois que la résilience est le chemin et la guérison le but. On ne meurt pas guéri, car guérir, c'est ressusciter. Mais on va vers la guérison et la foi, c'est ce qui nous fait aller, agir et traverser l'épreuve. Jésus n'aurait aucune raison de nous sauver si nous n'étions pas perdus. 

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