En lisant la fiche Wikipédia du dictionnaire des idées reçues, j’apprends que l’auteur
« utilise souvent al’infinitif à valeur d’impératif impersonnel. » Et
cela me fait ressouvenir de mon adolescence où je me méfiais de la grammaire
qu’on m’enseignait, et où je confondais la littérature avec la dualité des
synonymes, entre lesquels je jugeais qu’il ne pouvait y en avoir qu’un de bon,
l’autre étant forcément mauvais. En guise de choix du mot juste, l’exclusivité
(entre autres) accordée à « manière » contre « façon », fit
écrire à Nathalie G. sur le Versabraille, dans un chapitre qu’elle me consacra sous
le titre « Weinspomme » : » De toute façon, le mot façon
est une façon de dire manière ». Mon choix de « manière » contre
façon prouvait que j’étais déjà contre la contrefaçon des génériques. À cette
époque, je refusais de croire la grammaire, du moment qu’elle avalisait le
style télégraphique et les phrases sans verbe, le recours au mot
« ça », aux tirets et à l’infinitif détourné de sa fonction complétive
ou de sujet d’une proposition qui portait son nom. En lisant cet après-midi que
l’infinitif remplissait un vide de l’impératif, celui de l’impersonnel, outre
le défaut de la première personne du singulier et des troisièmes personnes du
singulier et du pluriel (car l’infinitif est un mode défectif), je mesurai le
temps perdu.
Ne croyant pas à la grammaire en haine de l’amputation du verbe conjugué, garant
d’une structure de phrase où il serait actif à la place du sujet, j’ai, durant
toutes mes études de lettres et encore aujourd’hui, nourri une grande suspicion
contre la théorie littéraire, dont l’importance qu’elle a prise dans les études
de lettres comme réflexion masturbatoire prenant la littérature pour objet
transitionnel de sa propre recherche, au lieu de fouiller la mémoire ou
l’esprit, s’introspectant de Gérard Genette à Maurice Blanchot, ne s’explique
pas plus à l’Université qu’il n’est légitime, au lycée, qu’on dégoûte des élèves de lire, en les
obligeant à écrire des essais littéraires, et donc à faire de la critique
littéraire avant d’avoir rien lu, par pur bachotage.
Quelle ne fut pas ma surprise, reprenant mes études à Lille
et m’étant promis d’avoir moins d’œillères, de découvrir que les
structuralistes étaient aristotéliciens avant que d’être marxistes. Ils
inscrivaient le temps dans l‘espace du langage, c’était leur manière de le
matérialiser et de le couper de l’éternité pour le perdre de mots.
Drôle d’érotique que celle des lettres, qui reculent les
limites de la pudeur jusqu’à l’exhibition sans attentat, tout en rendant sa
critique métaipsiste, abstraite et onaniste au moment même où s’effectue cet
effeuillage et ce passage du stade anal au stade génital le plus cru, sur une
ligne qui va de Pantagruel à
histoire d’O, en pleine libération
sexuelle.
Mais pour moi qui ne
voulais pas croire à la théorie pour faire des phrases simples ou complexes,
mais jamais elliptiques, que de temps perdu ! De même que je ne
m’inscrivais pas dans l‘histoire, car je refusais cette dimension
cathoo-laïcisée de la culture, qui avait transformé le culte des saints en
dialogue avec les grands morts. Si on faisait s’effondrer les phrases, je ne voulais plus rien savoir, et la
littérature ne devait pas me raconter d’histoires.
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