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samedi 5 décembre 2015

A quoi donc employer sa vie?



 

La question n'est donc pas de savoir à quoi s'employer d'utile à soi, mais à quoi de digne de soi. Nous ne sommes pas n'importe qui, si nous apparaissons au début de l'ordre de la charité. Comment ne pas s'éparpiller, se gaspiller en s'employant à quelque chose qui n'est pas nous et qui nous sortedu recueillement, de ce recueillement qu'il faut cultiver pour que mûrissent idées et relations humaines ?

 

A quoi donc s'employer ? Se poser la question, c'est se préparer à ne pas y répondre. Philippe de Villiers donne une bonne piste quand, décrivant l'itinéraire de Jimmy Goldsmith, il note que la vie de cet homme a commencé par être un jeu. Et puis le joueur en a fait une cause. Il y a un temps pour s'"amuser" et un autre pour s'"engager", pour "témoigner" jusqu'au martyre.

 

Comment employer sa vie si un ordre serait requis afin que "ce qui monte converge" comme l'écrit Teilhard de Chardin, mais si, malgré cette réquisition d'un ordre, nous tombons dans les choses au milieu des intrigues et dans les disciplines au milieu des tribulations,  comme je suis tombé dans l'orgue, moi et beaucoup de mes confrères illustres ou inconnus, à commencer par Pierre Cochereau ou Olivier Latry. Ils n'imaginaient pas "entrer dans la carrière" en se perchant sur une tribune. Je suis tombé dans l'orgue même si Pascal reber m'assure que le professeur peut débroussailler la forêt vierge.

 

A quoi employer sa vie si l'on convient, non pas qu'on doive être la matière de son livre, mais que notre vie soit la matière d'une œuvre utile aux autres et extérieure à soi ?

 

Nécessairement, l'emploi de notre vie est extérieur à nous-mêmes. La dispersion nous éparpille, mais à tout prendre, elle représente un risque moindre que l'oisiveté. Si l'oisiveté est mère de tous les vices, la dispersion est le premier pas sur le chemin vertueux de l'engagement, à condition de décider ("décider dans le doute et agir dans la foi", comme l'écrit Jean Guitton dans le travail intellectuel) qu'on ne cessera pas de monter pour converger, d'accepter la raideur de la pente du repentir qui monte vers le monde, et ne nous recentre pas par la descente en nous-mêmes, à la manière du recueillement qui ne sait pas à quoi il est destiné. Le recueillement ne nous est pas destiné, il y a un recueillement désordonné.

 

A tout prendre, la dispersion est un risque moindre que le recueillement, qui nous fait rentrer en nous-mêmes en nous laissant l'illusion d'être le lieu de la profondeur. L'oraison est un plus grand risque que la dispersion.

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