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vendredi 20 décembre 2013

Misère de la raison critique

La critique promue au rang des beaux arts, l'art soumis à la raison critique, voilà l'un des vecteurs du nihilisme européen. La critique est devenue prescriptive au lieu d'être normative. En outre, pour que ses normes aient une valeur artistique, ils faudraient qu'elles soient échafaudées par des artistes, qui trempent les mains dans la poésie, le pinceau dans la palette de couleurs et la plume dans l'encrier. Or la raison critique est aux mains d'artistes malaisés. La critique prescriptive? A droite et au cinéma, c'est celle qui, à l'école de Pierre d'andré dont Marie-Noële Tranchant ou Laurent Dandrieu assument l'héritage , qui dissocie dans un film, "valeur artistique" et "valeur morale" ; à gauche et en littérature, c'est celle de maîtres à écrire qui, fascinés d'un côté par Aristote et de l'autre par Mallarmée, sont des théoriciens, non de la mort du signe, bien au contraire, mais de l'insignifiance, car de la dissociation du signe et de la signification, sémiologues amoureux du signe pour lui-même, clapotant au sein d'un langage dont il est le dernier mouvement, le langage n'étant plus le Logos, mais un système, par convention. Ecrivains sans style d'une science de celui-ci, fascinés par les abîmes et la mise en abyme, nos critiques littéraires reportent leur narcissisme de l'œuvre avortée sur la fonction métalinguistique, par laquelle le langage a essentiellement pour fonction de se répondre à lui-même. "De la discussion ne jaillit plus la lumière" puisque la Lumière ne répond plus à l'appel du Verbe. La critique normative? Ce sont des arts filmiques, lentement élaborés, non par le cinéphile, mais par le cinéaste; ou des arts poétiques où le critique n'a droit de cité que s'il entre en aède dans le poème, pour tellement le dire avec d'autres mots, que sa prose n'est pas une exégèse, mais que sa glose est un écho. La vraie raison sociale du critique? C'est d'être un dilettante, un spectateur, un réceptacle, un esthète. Or voilà que cet esthète se donne une raison éthique: il faut filtrer, Il faut discerner les chefs d'oeuvre. Mais non, il ne faut pas, les chefs d'oeuvre s'élèveront tout seuls, portés par le consensus des esthètes, modestes contemplatifs. Il ne faut pas que l'art aille dans le sens de son histoire. Il ne faut surtout pas qu'il croie le connaître avant de l'écrire. L'art est devenu la chose des critiques, qui en viennent à se prendre pour des artistes, et qui confondent la légende d'une œuvre avec la légende des mythes. Les artistes sont des mythographes, les critiques sont des cartographes. Mais ils prennent leurs théories pour le vivant de l'œuvre et leurs échelles pour des "MYTHOLOGIES". Ce faisant, ils ne dégrade pas l'art, ils l'empêchent de sauver le monde, à son niveau.

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