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mardi 25 octobre 2022

Champs Élysées

En écho au billet de Philippe Bilger:

Justice au Singulier: Confessions intimes, pour quoi faire ? (philippebilger.com)


Les confessions intimes se développent avec le narcissisme de plus en plus assumé de "la société des individus" réduits à eux-mêmes, mais  ce n'est pas  un phénomène récent. Je me souviens de mes samedis soir sans fièvre où, aux côtés des miens et parce que ma marâtre aimait lire "Paris match", nous regardions "Champs élysées". La marque de fabrique de Michel Drucker, qui présentait ce rendez-vous du samedi soir,  était d'interroger les stars sur des films que le commun des téléspectateurs ne verrait jamais, à plus forte raison quand il s'agissait de pièces de théâtre qui se jouaient à Paris. ET à propos de ces prestations d'acteurs, on demandait aux stars en leur passant de la pommade d'étaler comme de la crème leur état d'âme du moment en trouvant toujours parfait le tournage du film pour la promotion duquel ils faisaient le service après-vente. Que le tournage ait été parfait et le réalisateur solaire, je n'y croyais plus et n'en avais cure. Je me demandais fort inélégamment à propos de la bobologie physique et mentale des stars qui n'avaient, soit jamais, soit trop le moral: "Qu'en avons-nous à faire?" Et de m'étonner à chaque fois que les stars soient égoïstes! 


Il s'agissait  d'enraciner l'impression qu'on était en famille. Cela m'a été confirmé par un épisode qui se racontait dans la sphère de déficients visuels un peu artistes où j'évoluais. L'un de nous, Michel Bertrand qui n'est aujourd'hui plus de ce monde, avait écrit des chansons formidablement orchestrées et voulait les défendre sur scène. Quelqu'un qui le connaissait alla pour lui voir Michel Drucker qui lui répondit: "Ah, c'est un aveugle ? Mais nous avons déjà Gilbert Montagné." Comme une politique des quotas qui n'aurait pas dit son nom. Et comme un jeu des sept familles où si vous aviez demandé: "dans la famille des stars, je demande l'aveugle", on vous aurait décoché Gilbert Montagné, par lequel la plupart d'entre nous ne se sentaient pas bien représentés.


Le choc du 21 avril 2002par lequel la société française avoua son profond malaise eut pour conséquence immédiate que "toutes les autorités civiles et religieuses" se sentirent obligées de mettre en garde les Français contre un vote désastreux. Toutes sortirent du bois. La "famille des stars" ne fut pas en reste. Elle semonça le peuple français qui avait "pété à table" (dixit Élisabeth Lévy avec son élégance habituelle dans son célèbre (sic) éditorial d'entre-deux tours: "L'antifascisme ne passera pas. (Depuis, le cryptofascisme est passé par elle et l'éditorialiste es passée de "Marianne" à "Causeur" et du chevènementisme au marinisme.) "Ce n'était pas bien, ce qu'avaient fait les Français, il ne fallait pas les y reprendre", dit maman. Les petits frères et les petites soeurs furent également commanditées pour donner leur avis stupéfait et on les fit sortir du loft, même Sandra qu'on appelait "super tebé" sur "Fun radio". La famille des stars nous redonnait bonne conscience, car Josiane Balasco était notre conscience. Notre conscience, c'était leur égoÏsme. 


Il était urgent de réélire les présidentiables issus de "l'arc républicain" ou du "cercle de la démocratie", disait François Hollande, ceux qui nous avaient compris en mode "je vous ai compris". À cause de "l'inégalité intellectuelle" de nos hommes (sic et "Faute!", cria le juge de ligne) politique? (Bruit de buzer, car j'ai dit "homme" en embrassant les femmes, or le neutre n'existe plus.)


Peut-on parler comme vous le faites d'"inégalité intellectuellede notre personnel politique quand on ne saurait avancer qu'il y ait "inégalité des races", (l'inégalité des races est un terrain miné), même en étant simplement différencialiste? En 1995, j'avais un lecteur et un ami, riche possédant de la grande bourgeoisie qui n'avait pas perdu ses valeurs, propriétaire de la moitié d'un immeuble du VIème arrondissement, qui était un grand supporter d'Édouard Balladur et aimait  me communiquer son enthousiasme (qui m'était naturel à moi aussi) pour ce parleur modéré d'entre "la poire" (c'était son côté Louis-Philippe) et le fromage. Monsieur Lorin aimait à me répéter que Balladur était "une belle mécanique intellectuelle" qu'il opposait à Alain Juppé: "Il pige, mais il ne comprend pas", d'où selon lui les grèves de 1995. 


En 2017, Emmanuel Macron remplaçait Alain Juppé, c'est-à-dire que leurs espoirs étant douchés, les partisans d'Alain Juppé se reportèrent sur Emmanuel Macron qui nomma Édouard Philippe à Matignon, lequel était moins mordant, moins cassant que son "chef". Édouard Philippe fut nommé comme un premier ministre de la proximité par un président de l'éloignement qui revendiquait une parole à la rareté jupitérienne pour corriger son défaut de disertion légendaire qui se montrerait plus tard dans les prestations présidentielles  de sept heures (top chrono, qui dit mieux?) au cours du Grand monologue par lequel le président entendait exorciser les Gilets jaunes. Or voici que malgré un premier ministre proche et dont la proximité corrigeait le défaut de son mentor en politique, cet Alain Juppé qui ne savait pas "fendre l'armure", les Gilets jaunes furent le pendant des grèves de 1995 et cette jacquerie des classes moyennes inférieures infériorisées aurait pu donner une révolution si elle ne s'était pas lassée un mois trop tôt et si le Covid n'avait achevé de la renvoyer à la niche. Quant à Emmanuel Macron, on le comparait à Giscard et à Rocard, mais l'intérêt en moins pour ses concitoyens (Emmanuel Macron n'"aime" pas "les gens" comme son prédécesseur, l'adversaire de "la finance"). Macron, c'est Giscard et Rocard avec en plus le blingbling bêtement émerveillé d'être là, au milieu de vieux happy few qui font cortège à Brizitte. 

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