J’ai écouté hier soir ce qui pourrait me
servir d’introduction à la découverte d’Houria Bouteldja que Bernard Antony a
tellement décriée qu’elle a fini par m’intéresser. J’ai entendu pour la
première fois le son de sa voix. Elle est née la même année que moi. J’ai
ensuite essayé d’écouter sur Youtube ce que je trouvais sur elle. Je suis tombé
sur une analyse de son livre les Blancs, les Juifs et nous par Michel
Drac, un drôle de bonhomme qui semble s’écouter enregistrer des critiques littéraires
au milieu de son jardin venteux d’une campagne du Sud de la France où des « bestioles »
venaientchercher à le piquer. Bel effort de cet homme qui se définit comme « quelqu’un
qui essaie de comprendre ». (La dernière fois que j’ai entendu quelqu’un
se définir « comme quelqu’un qui », c’étaitmon médecin généraliste et
autant je ne lui ferais pas de confidences sur mon intimité, autant j’ai trouvé
que cet effort était touchant.)
Houria Bouteldja a « un style un peu
bordélique », dit Michel Drac et ça paraît exact. Mais ça s’explique :
elle s’inspire de Jean Genet, non pas pour déverser son fiel, mais pour offrir son
alternative au nationalisme étatique des Blancs. Ce qu’elle écrit (à quoi je n’ai
pas encore accédé) me paraît devoir être lu comme la parole ou les cris d’un
poète indigné.
La prémice qui me touche chez elle (et ce
pour quoi j’aimerais la lire) est qu’elle dit « avoir perdu son intégrité
à jamais », une première fois en 1492 et une seconde fois en 1830.
Trois entailles dans sa jambe faites avec
la bénédiction (symbolique) de sa grand-mère la rattachent au patriarcat et à l’Algérie
dont se sont exilés ses parents en subissant l’humiliation que « les Arabes,
lui disait son père, sont la dernière race avant les cafards. »
Elle ne veut pas embrasser l’universalisme
du féminisme occidental parce que les hommes qui perpétuent le patriarcat
auquel elle est reliée sont dans une strate intermédiaire entre la « femme
indigène » et « la femme blanche ».
Étant prise dans un conflit de loyauté et
devant s’occuper de trouver du travail (pourquoi serait-ce à elle de toute assumer ?)
et de ses petits frères en prison (pourquoi y sont-ils ?) ou des violences
policières dont ceux-ci sont les victimes (pourquoi considère-t-on dans les
milieux de l’immigration qu’il y a un rapport de forces nécessaire et
systémique entre les jeunes et la police ? Rapport de forces dont est rempli
le déjà vieux film la Haine de Mathieu Kassovitz (1995)), elle estime qu’il
faut substituer au féminisme occidental le « négo-féminisme »
théorisé par certaines femmes africaines, un féminisme intra-communautaire où
les luttes se négocient une fois que la communauté est émancipée. Car il y a une
hiérarchie victimaire dans le rapport de dominants à dominés installé par
Bourdieu comme stade d’analyse ultime d’une sociologie victimaire.
Houria Bouteldja est « dégoûtée »
par les Français et jure (mais elle parle alors au masculin) que si c’était à refaire,
jamais elle ne reprendrait le chemin de l’exil. (Des femmes maliennes de
Montreuil ont fait la même confidence à une écrivain public qui recueillait leur
parole, mais lui ont répondu qu’elles ne pouvaient pas prendre le chemin du
retour au Mali, car elles avaient des enfants en France, dont la vie était ici
et dont elles ne voulaient pas se séparer.)
Elle invite les Blancs à la rejoindre dans son
combat par « amour révolutionnaire » qui ne soit pas « amour de cœur ».
Elle ne considère pas qu’elle a le postérieur entre deux chaises même si elle
est attachée à son Algérie natale par le lien ancestral évoqué plus haut. Elle
estime que le nationalisme est quelque chose qui doit être dépassé, mais elle
ne révoque pas son algérianité au nom de la blessure indélébile que lui ont
infligé « la blanchité » et « le système politique blanc ».
Michel Drac en conclut qu’ »elle ne
sait pas très bien où elle va ». C’est vrai, mais ça passe parce qu’Houria
Bouteldja est une femme et qu’elle prend la parole au nom des « femmes
indigènes », même si, après s’être livrée à une première provocation en
parlant des « souchiens », elle détourne en sa faveur le terme d’ »indigène »,
comme si le colonialisme ne devait jamais être pardonné alors que le nationalisme
installé par l’Occident comme plus grand commun dénominateur des luttes doit
être dépassé. En effet, les « indigènes » de la République »
sont les autochtones ou les « souchiens » en rigueur de termes.
Houria Bouteldja, elle, est une allogène.
Elle n’en veut pas aux « racistes de
PMU » qu’elle invite à la rejoindre dans une alliance « des beaufs et
des barbares ».(Henri Hude appelait en 2013 à une hybridation d’alliance
entre les électeurs de Mélenchon et les partisans de « la Manif pour tous ».
Moi qui aime les parias, j’ai été sensible à cet appel.)
Elle appelle enfin les juifs à faire cause
commune avec elle, estimant qu’ils sont un élément dominé en France, même si la
mémoire de la Shoah, qui exonère les bourgeois des autres crimes qu’ils ont
commis, leur permet d’instruire le
procès de la « blanchité ». Ils doivent dépasser le sionisme, choisir
l’Orient plutôt que l’Occident, les Sépharades plutôt que les Ashkénases et les
Falachas de préférence à tous les autres.
Houria Bouteldja écrit-elle une bouillie
féminine un peu foutraque et dangereuse ? Je crois que cette zemmourienne à
l’envers est une éveilleuse, pourvu qu’on ne tombe pas entièrement sous sa
séduction.
(1)
Les Blancs, les Juifs et
nous (Houria Bouteldja) - YouTube
Livre/
Houria Bouteldja : "Les Blancs, les juifs et nous" - Financial Afrik
Houria
Bouteldja est-elle une héritière de Charles Maurras? Par Alexandre de Galzain -
Tribune Juive
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