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vendredi 29 avril 2022

Contrepoints kérigmatiques

En dialogue avec l’abbé Guillaume de Tanouarn

Dont le commentaire du credo sur le mystère pascal commencent ici :

 

MetaBlog: Est mort (ab2t.blogspot.com)

 

Puis il faut remonter d’article en article.

« Bonsoir, Guillaume,

 

J'attendais Pâques (par superstition? Est-ce qu'on n'y croit pas et qu’on ne vit pas Pâques tous les jours?) pour lire vos derniers articles sur le Credo. Je fais mon rattrapage et mon écrit de rattrapage sur ce qui m’y interpelle, je les lis en aède en dialoguant avec eux, en écrivant des contrepoints sur le kérigme.

 

 

Mort de Jésus

 

-Je ne suis pas d'accord avec le P. Augustin Pique, qui dit que Dieu est impassible, qu’Il n’a pas besoin des hommes et qu’Il ne peut ni souffrir ni mourir, et qui ne pousse pas jusqu'à dire que, s'il n'y a pas de (presque) mort de Dieu, la mort de l'humanité de Dieu est inutile.

 

-Saint Thomas d'Aquin dit que, sans le péché originel, Jésus Se serait certainement incarné. Et il aurait suffi d'un Regard de Dieu pour sauver le genre humain. Alors pourquoi Jésus meurt-Il?

 

-Il n'y a pas de plus grand amour que de donner Sa vie pour ceux qu'on aime." Si, il y en a un, c'est de donner Sa vie pour ceux que l'on n'aime pas.

 

-Petit jeu lacanien: J'ai eu une amoureuse un peu nymphomanequi m’appelait triomphalement en s’annonçant : "C'est moi." Je n'osais lui dire que tout le monde peut dire la même chose, car "tout le monde est une drôle de personne", comme disait Carla Bruni et en cela, nous sommes tous égaux-[ego]. Or une autre chose est drôle: c'est qu'aux premiers livres de sa Trinité, saint Augustin cherche à établir un signe "égal" entre le Père et le Fils, bien que le Fils confesse Lui-même : "Le Père est plus grand que moi." Mais le projet de la Pâque, c'est le "notre Père", non que la filiation soit une soumission (on n'est pas dans la philosophie du sujet qui se croit autonome, ce subjectus), mais parce que le Père est infiniment aimable et, ès qualités, bien qu’inconnaissable, digne de connaissance.

 

-Sacrifier le moi, c'est rejeter la conscience de rôle, jeter le personnage pour trouver la personne, dont on se demande pourquoi le nom vient d'un masque.

 

-"Le sacrifice sans amour n'est que diminution des forces vives de la personne. Le sacrifice sans amour est haïssable", ce qui tendrait à prouver que l'amour est le contraire de la peur, car on n'aime à rien sacrifier par peur de se jeter à l'eau, par peur de l'inconnu, par peur d'y perdre des plumes et d'être dépouillé, quand on aura pratiqué la véritable ascèse. j'ai pratiqué pour ma part une fausse ascèse: je me suis dépouillé et me suis fait pauvre avec les pauvres pour oublier que j'étais riche en moi-même.

 

-Ensevelissement: chaque fois que je vais jouer un enterrement, j'ai honte de cet article indéfini et générique, « un », mais je suis fier d'accompagner le dernier acte de quelqu'un, même s'il n'estplus là physiquement.

 

-Ensevelir, ai-je appris lundi dernier, est une des 14 oeuvres de miséricorde et fait partie si je ne m'abuse des œuvres matérielles.

 

-Pendant le Sabbat, les femmes ont préparé des aromates pour qu'il ne soit pas dit de Jésus comme de Lazare: "Il sent déjà."

 

-Jésus touche Marie en l'appelant par son nom et lui interdit de le toucher, de le "tenir", parce qu'on ne peut pas mettre la main sur l'être, il est insaisissable. "Ne me touchez pas": ce cri lancé par une patiente de Freud, décida le maître viennois à la méthode de ne pas voir son analysant. Freud fut accessible à ce cri parce qu'il détestait la musique...

 

-Jean qui entre en second dans le tombeau: ma lecture littérale de Jean, à la différence de la vôtre dépendante de l'interprétation de Claude Tresmontant selon laquelle le quatrième évangéliste appartiendrait à une famille sacerdotale et ne serait pas l’un des deux fils de Zébédé, ces « fils du tonnerre », m'avait fait naïvement penser que l'apôtre Jean qui se désigne dans son propre Evangile comme "le disciple que Jésus aimait" pour parler le moins possible de lui-même, respectait la préséance de Pierre, le premier des apôtres, pour le laisser entrer en premier dans le tombeau vide.  Vous pensez de votre côté que Jean n’accepte d’y entrer que quand Pierre lui certifie qu’il est vide et qu’il ne se souillera pas en y entrant.

 

-Jean "crut à la vie, lumière éclairant les hommes en venant dans ce monde": j'ai eu la malchance de ne pas aimer la vie, moi qui aimais vivre, et ce non amour de la vie me venait de mon père, à qui j'ai demandé de conscience à conscience, un jour qu'on le croyait à l'article de la mort (et il ne parlait plus) d'où lui venait ce désamour. (J'avais observé une méthode de kynésiologie non visuelle apprise de l'ami d'une de mes cousines.) "D'avoir été orphelin de père à dix ans", me répondit sa conscience. J'ai dit à Dieu: "Si je me suis monté le bourrichon, si tout cela est du bluff, demain il sera dans le même état." Le lendemain, il parlait, l’ironie se dessinait sur son visage et il organisait une réunion où il demanda à chacun ce qu’il pensait de sa mort.

 

-Je me suis toujours demandé pourquoi l'anthropologie faisait de la sépulture le commencement de la civilisation et je préfère répondre avec Jésus: "Laisse les morts enterrer leurs morts."

 

-La descente aux enfers, telle qu'elle est évoquée par le Missel romain, est un des moments les plus poignants de notre Credo catholique. Elle a lieu en ce jour du grand silence où jésus prend la main d'Adam et le réveille. Rien à voir avec les descentes aux enfers d'Homère ou de Virgile qui visitent les lieux, mais ne mettent pas fin à l'anathème de la mort qui ne peut "rendre grâce à Dieu", fin de l'anathème dont n'ont que trop profité les romantiques.

 

-L'histoire du pauvre Lazare rappelle celle de l'infirme de Béthesda qui trouve le moyen de venir tous les jours pendant 38 ans sans que personne l'aide à plonger dans la piscine. Et il en est pour lui reprocher de se victimiser devant Jésus en réponse à son "Veux-tu guérir?".

 

-Le cheval pâle et l'Hadès qui le suit rappelle le cheval noir (ou le mauvais cheval) du Phèdre de Platon.

 

-Incroyable que Pierre sache ce que Jésus a fait aux enfers et le relate dans sa première épître. En avait-il fait confidence aux apôtres pendant les "blancs" que laissent les Evangiles sur les rencontres, pourtant si belles et si profondes, de la Résurrection ? "Par l'Esprit aussi Jésus-Christ alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la bonté de Dieu, pendant que l'on préparait l'arche dans laquelle peu de personnes, savoir huit en tout, furent sauvés au milieu de l'eau".

Les termes sont précis : l'oeuvre de Jésus aux enfers consiste à prêcher aux morts qui n'ont pas eu l'occasion de répondre au Seigneur durant leur vie. C'est une chance ultime qui leur est laissé de se prononcer pour Jésus devant les hommes pour que Lui se prononce pour eux devant son Père au plus haut des cieux." Je vous cite non sans rappeler cette formule que vous répétez depuis longtemps: "En enfer, il n'y a que des volontaires." Un prêtre de Mulhouse a un discours très élaboré sur les fins dernières. Il dit trois choses:

 

    1. "Au paradis, vont les bons et les méchants repentants."

 

    2. "Vous serez jugés sur l'amour, sur l'amour que vous avez donné et sur l'amour que vous avez reçu."

 

    3. "L'éternité, ce n'est pas long, surtout vers la fin, car l'éternité n'est pas une question de quantité, mais de qualité et de densité. On ne s'ennuiera jamais pendant l'éternité."

 

Je lui ai dit un jour que j'avais déclaré forfait au combat spirituel, il m'a répondu qu'on n'avait pas le choix. J'entends bien, mais je ne peux pas. Je suis un ennemi beaucoup trop puissant pour moi-même." Qui refuse ce combat fait ce que vous appeliez "le choix du non choix" dans "Délivrés" et se condamne à rester un "homme psychique" ne manifestant pas sa volonté de puissance, mais ne poussant pas le désir jusqu'à la puissance, disant avec Thierry Piras que le désir débouche dans l'impuissance.

 

-Le Signe de Jonas, le refus de Jonas: et quand les Ninivites se convertirent, Jonas est de nouveau outré, comme plein d'eau et bon à retourner dans la baleine. Il a fini par faire ce que Dieu voulait, mais il n'a rien compris.

 

 

 

-Le Christ ne nous a donné que le signe de Jonas qui ne rend pas notre conversion évidente, parce que, qu'un homme soit ressuscité, c’est merveilleux, en quoi ça nous concerne?

 

- "[Jésus] est l'Innocent par excellence. Et puis cette dureté, cet endurcissement dans le péché, il l'a ressenti à ce moment précis, mais venant des hommes contre sa personne." Je ne sais pas pourquoi René Girard a considéré comme indispensable que la victime expiatoire soit innocente. Par vous, j'ai connu, discuté avec et lu Jean-Marc Rouvière qui avait écrit: "Adam... ou l'innocence en personne." La nature humaine d'avant le péché était foncièrement innocente. Les pessimistes comme Luther disent qu'après le péché, elle est totalement coupable et contaminée. La vérité est sans doute entreLuther et Rousseau : l'homme d'après le péché n'est plus qu'à moitié bon, mais il n'est pas non plus tout à fait mauvais. Je me dis souvent que Jésus aurait voulu qu'un Abraham se porte à son secours: "Seigneur, et si tu te contentais d'un regard pour nous sauver !" Au lieu de cela, il a été laissé seul avec sa conscience: "Père, si ce calice peut s'éloigner de Moi, et cependant non pas ma volonté, mais la tienne."

 

-La mort est un enfantement: "Nous sommes baptisés dans sa mort et dans sa résurrection dit saint Paul aux Romains (6). Pas forcément comme des intégristes, mais en tout cas comme des pécheurs. Nous connaîtrons la mort, nous resterons trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre marin, nous vivrons dans cette sorte d'utérus spirituel, dans une ultime expérience du mal (la mort) qui nous donnera un goût éperdu pour la vie. Nous supporterons notre finitude et nos péchés, pour mieux recevoir l'éternité : pas comme un dû, comme un don."

 

-Entendu hier à la messe dit par un prêtre âgé qui a le génie de la simplicité: ressusciter, re-susciter, et j'ajoute re-stimuler, re-mobiliser, ré-excité, au sens intérieur du dynamisme de l'excitation à vivre ou de l’élan vital.

 

-Job "n'est pas loin de penser que Dieu le hait", et il est le premier des héros bibliques à qui sa femme a proposé l'euthanasie: "Maudis Dieu et meurs", à quoi il a répondu: "Je sais que mon Rédempteur est vivant."

 

-Jésus, le racheteur, qui pratique pour nous la loi du Lévira. Je suis sûr qu'il a racheté l’âme de Baudelaire, qui l'avait vendu au diable un soir au jeu, raconte-t-il de manière rien moins qu'anodine et plus que symbolique dans un de ses célèbres petits poèmes en prose.

 

 

""Quels que soient les événements dieu aura le dernier mot." (le Père Dhormes dans son "commentaire monumental" du livre de Job. Le dernier mot est la rémission des péchés, ce qui rend intrinsèque à l'Eglise "la culture de l'abus", mais toute vie est abusive et ratée et l'Agneau de Dieu enlève le péché du monde, pas seulement les petits péchés un à un: la  nouvelle traduction liturgique de l'Agnus Dei  en Français me donne de l'urticaire même si elle est fidèle au pluriel latin « pecata ». Il y a une opposition entre Jésus et le Péché et Jésus n'est pas un ramasse-poussière armé d'une balayette, c'est un aspirateur qui aspire nos âmes en même temps que le péché.

 

 

-Job avait pressenti une dimension salvifique en Dieu, qui se trouve être sa deuxième personne. Mais il pressent aussi le Paraclet, l'Esprit défenseur et consolateur: ""Ce témoin doit descendre du Ciel sur la terre" commente le Père Dhorme au vu de cet autre texte : "Le témoin de mon innocence est dans le ciel et celui qui connaît le fond de mon coeur réside en ces lieux sublimes"."

 

"La Création n'est pas finie" et "le mal vient de cet inachèvement."

 

-Le racheteur est "au-dessus de la poussière", il ne la mord pas. Notre destinée est "au-dessus de la poussière, super pulverem, note encore Cajetan."

 

 

-Saint Paul a compris le mystère cosmique du Christ et il a également compris le mystère temporel de la condition humaine, qui "se connaît comme l'énigme dans le miroir" et qui, quand elle aura passé la mort, connaîtra comme elle est connue. Ma mère a réalisé des oeuvres d'art avec des bris de miroir, des oeuvres de cette ligne brisée qu’est la vie.

 

-La Création me semble moins "en attente" du "dépassement" de "l'à quoi bon" que de la réalisation de l'amour pour lequel l’homme a été périmétré pour s'inscrire dans la circonférence de Dieu.

 

- "Jésus est ressuscité une fois pour toutes", mais l'homme ressuscite au jour le jour. Un cantique, "Dans la puissance de l'Esprit", énonce cette autre réalité magnifique: "Il est ressuscité pour toi."

 

"Jésus a mangé en union avec ses apôtres": Il leur a préparé un feu. La plus belle chose qu'un homme m'ait dite après que je lui eus demandé "Coment ça va?" "Pas bien, Julien, je vieillis, mais j'ai toujours le même feu en moi." La métaphore du festin définit le Royaume de Dieu. "Que signifie manger en union avec ses apôtres?" Peut-être que Michèle Reboul est moins naïve qu'il y paraît quand elle imagine que Jésus a appris à ses apôtres à dire la messe entre la Résurrection et l'Assention.

 

- Jésus a préparé un feu à Ses apôtres dans lequel Il a fait brûler des poissons que personne n'avait jamais pris et que peut-être Il a créés pour l'occasion: la Création s'achève dans la Rédemption et la Rédemption se parfait dans la Création continuée (et non pas achevée).

 

-"Ecclesiade Eucharistia" m'a appris que les espèces du pain et du vin disparaissent complètement sous l'effet de la transsubstantiation dans la présence-absence de Dieu à jamais avec nous, si loin qu'on peut en douter et si proche qu'on peut le toucher.

 

-Le Christ est absent et il est abstème: il ne boira "plus du fruit de la vigne" par lequel Son Sang se transforme, jusqu'au jour où Il en boira à nouveau dans Son Royaume avec Ses disciples, Royaume où le bon larron fut le premier entrant.

 

-Que Jésus se soit fait homme à l'exception du péché serait un oxymore si Jésus n'avait pas devancé volontairement cette conséquence du péché qu'est la mort sans que "l'envie du malin" puisse faire entrer la mort dans le don de sa vie comme elle l'avait fait dans le monde, nous dit le Siracide.

 

Jésus monté au ciel :-"Je crois bien que j'ai trouvé mon ciel sur la terre, car le ciel c'est Dieu et Dieu est dans mon âme." (sainte  Elisabeth de la Trinité)

 

-Le ciel est un lieu dans la lumière, donc c'est un non-lieu au sens topologique et topographique.

 

-Le Christ exerce le pouvoir  "assis à la droite du Père", et c'est lui qui donne aux brebis qui comme lui ont fait le bien d'etre du même côté du Père, à sa droite.

 

-L'abbé Guy Pagès m'a dit un jour, comme je me complaignais que j'avais très mal mené ma barque: "Mais ça n'a aucune importance, ça. Dieu ne regarde pas au résultat, Il regarde au désir." Et j'ai osé lui répondre du tac au tac: "Je crois que je suis assez inattaquable sur le plan du désir." Précédemment dans la même conversation, il répondait à ma question: "Comment justifier l'existence de l'enfer?" "Si Dieu le supporte, supportez-le. Ne faites pas comme les modernes, partez du principe, chaque fois que vous vous posez une question, que vous devez innocenter Dieu et ne pas Le soupçonner a priori."

 

 

- "Croire dans" ou "croître vers" et non « croire au Saint Esprit ». L'autre erreur concernant le Saint Esprit, je la trouve dans le symbole de Nicée-Constantinople qui en parle au passé, si l'on est optimiste parce que l'Esprit est la mémoire de Dieu qui nous Le rappelle, si l'on est pessimiste dans le but de L'éteindre, comme toutes les religions ont fermé la lumière de la prophétie.

 

-"Je crois dans l'Esprit Saint, d'où découlent (ou qui se développe en toutes ces choses éminemment présente que sont) la sainte Eglise catholique, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair » et « la vie éternelle."

 

-L'Esprit Saint, c'est ce que reçoit l'orphelin de Dieu après l'Assention de Jésus et qui le console.

 

 

-"l'Esprit Saint est l'âme de l'Eglise" : toutes les appositions qui suivent sont les oeuvres de miséricorde de l'Esprit.

 

 

- "notre Dieu est unique parce qu'il est infini. Mais il n'est pas seul parce qu'il est amour."

 

 

Amitié,

 

 

Julien » 

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