<p> Bernard-Henri Lévy : "J'ai passé ma vie à éviter de me confiner" - L'Express (lexpress.fr) <p>
En France, un des sports nationaux est de taper sur BHL pour défouler au passage un antisémitisme qu'on croit de bon aloi parce que BHL, si internationaliste qu'il se présente, est confiné dans sa judaïté, c'est sa limite, son point Godwin. On ne peut pourtant prétendre que c'est un philosophe sans profondeur et sans talent que sous réserve de ne l'avoir pas lu, si peu que ce soit. Je trouve indigne de moi de le condamner parce qu'il est un fils à papa dont les facilités furent... facilitées par la naissance et la fortune d'un ancien marchand d'ébène esclavagiste qui était aussi un ancien des Brigades internationales, mais Jean-Baptiste Doumeng aussi était un communiste milliardaire. <p>
Je ne pardonne pas à BHL d'avoir entraîné mon pays dans une guerre du "dernier recours" en Libye; je n'aime pas sa géopolitique occidentale et simpliste, reconnaissant au monde trois ennemis principaux qui n'auraient pas droit de cité dans leur manière de gouverner différente des peuples différents: la Turquie, l'Iran et la Russie; mon penchant est populiste et le populisme est tout ce qu'il exècre, jusqu'au complotisme, ce "progressisme des imbéciles" qui me chatouille souvent come "lecture systémique du monde" en manque de repères. <p>
Il me déplaît que BHL, partisan du droit d'ingérence comme son homonyme Bernard Kouchner, se pose en Dom Quichotte fortuné ou en flic de l'ordre international et en guerrier mercenaire qui paie de ses écus pour s'assurer qu'il y ait un peu moins de dictature dans le monde. Il me déplut, du temps, je crois, où il s'indignait de la mort de Daniel Pearl, que notre nouveau philosophe fît une tournée américaine triomphale, Josiane Savigneau lui faisant cortège, en prêchant au nom de la France la bonne parole des démocrates américains contre ce stupide George Bush. <p>
Il me déplaît qu'il murmure à l'oreille des puissants, arbitre chaque élection présidentielle et se dise d'une gauche qui ne serait plus qu'"un grand cadavre à la renverse". Il me déplaît qu'il me dénie le droit de voter comme il me plaît, pratique la réduction ad Hitlerum y compris d'Erdogan et m'intime d'avoir à descendre m'enfiévrer contre un antisémitisme dont il ne me saute pas aux yeux qu'il opprime un grand nombre de juifs qui occuperaient une position inférieure en France, malgré les crimes perpétrés contre Mireille Knoll et Lucie Attal alias Sarah Halimy. Il me déplaît qu'il donne des pièces de théâtre jouées par Jacques Weber où je passe pour un con avec ma tendance au souverainisme parce que l'Europe me paraît une belle idée qui ne marche pas, étouffée sous la bureaucratie. <p>
Je dois néanmoins reconnaître qu'il est le dernier défenseur des valeurs dans le goût desquelles j'ai été élevé, valeurs d'une bourgeoisie provinciale mais éclairée, qui n'était pas opportuniste et était plus deux tiers-mondiste qu'un tiers (ou un demi)-mondaine. "Je plains le temps de ma jeunesse" comme le chantait François Villon, où l'on croyait que l'on allait refaire le monde. BHL qui a écrit sur Sartre se contente plus modestement de vouloir le réparer comme Camus. Il se pose en journaliste et agent d'influence dont l'observation va modifier ce qu'il observe. Il se réfère à la guerre juste comme saint Augustin, dont le critère est que l'on provoque un mal inférieur à celui qu'on va éviter. <p>
Il n'a pas eu la lucidité d'un Michel Onfray que je n'ai jamais entendu appeler à ce que l'on pactise avec Daech comme il l'allègue dans son article de "l'Expresse", mais que ne bouleverse pas Dom Quichotte qui serait dans "le déni du réel". Comme moi, Michel Onfray qui écrit mal alors que BHL écrit bien, sentit le danger de la première guerre du golfe. Monsieur Dombasle ne se réveilla qu'à la seconde, plaidant qu'il ne fallait pas la faire, car on n'avait pas épuisé tous les recours. Ne cédant pas aujourd'hui à la Bidenmania, il s'inquiète du retour des talibans déboulonneurs de statues quand les Américains se seront retirés d'Afghanistan. Il ne croit pas qu'il soit trop tard pour présenter le fils du commandant Massoud au jeune Emmanuel Macron. <p>
Il ne déboulonne pas la statue de Napoléon dont la fascination ne fut bonne qu'à Stendhal et fit du Musset des "Confessions d'un enfant du siècle" un anti-héros romantique, blesseur d'amour. BHL préfère Hugo à Napoléon et m'en voudrez-vous si je lui trouve un souffle hugolien dans ces confidences prépromotionnelles d'un énième reportage sur des guerres que BHL se croit à couvert de "couvrir" parce qu'il n'"aime" pas la guerre? <p>
BHL est plus hugolien que gidien. Il ne fait pas de la très bonne littérature avec des bons sentiments. Mais il était du bon côté en Bosnie et il défend le monde d'avant en ne jouant pas les agents confineurs et en rêvant de "la grande vie" et d'"une vie qui soit plus qu'une vie", à la différence de tous nos défenseurs de la vie, qu'ils soient antiviraux ou anti-IVG. De tout cela, je remercie l'auteur blanchi sous le harnois des chemises d'être le dernier garant un peu postiche de mes illusions perdues. <p>
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