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dimanche 5 avril 2020

De Philippe Séguin à Jean-Pierre Chevènement, le défaitisme souverainiste

Après la pièce de J.P. Delpont sur Clemenceau et Taleyran discutant entre grands morts de l’histoire de France, le second reprochant au premier d’avoir fait « ce qu’il fallait entre novembre 17 et novembre 18, puis d’avoir fait ce qu’il ne fallait pas pendant les douze mois suivants au congrès de Versailles en perdant la paix après avoir gagné laguerre », visionné sur la même chaîne parlementaire un documentaire sur Philippe Séguin.

Franck m’avait dit de lui, quand nous écoutions ensemble le débat qui l’opposait à Mitterrand au moment de Maastricht : « Tu ne crois pas qu’il pourrait faire un bon président de la République ? ». Je ne lui supposais pas une telle envergure, mais Quand j’ai vu la nullité de Juppé sous Chirac, premier ministre cassant qui mettait tout le monde dans la rue, et l’appel du peuple au président immobile pour qu’il remplace Juppé par Séguin, j’ai compris que Franck avait raison. Séguin aurait pu faire gagner à chirac son pari fou de la dissolution.

En 1992, Franck était contre Maastricht. En 2005, c’est moi qui étais partisan du « non » au traité constitutionnel écrit sous la direction de Giscard, même si j’hésitais à cause de l’article 60 (devenu l’article 50 du traité de Lisbonne, base juridique du Brexit), disposition qui permettait à un pays de sortir de l’Union européenne dont je n’aimais pas qu’on nous la vendît comme un processus irréversible. Il n’y a d’irréversibles que les forteresses qui s’effondrent.

Je voulais même faire le voyage de Paris à Mulhouse pour aller voter non. Franck et mon frère Gilles m’en ont dissuadé. Ils me représentaient que c’était ridicule de faire 500 km pour émettre un vote négatif. C’étaitaller bien vite en besogne.

Franck était contre Mastricht en 1992 et pour un oui indifférent en 2005, moi c’était le contraire : j’étais maastrichien en 92 et pour un non sous réserve en 2005, où le vent de l’histoire avait tourné.

Jean de Boishue, ancien collaborateur de Philippe Séguin et de François Fillon, a ditdu premier : « Il appartenait à la catégorie d’hommes politiques dont la marque est très forte, mais qui est très difficile à cerner. Séguin, ce sera pour très longtemps un symbole de la politique telle qu’elle aurait dû être. S’il avait exercé le pouvoir, on aurait su ce que c’était. Il aimait le pouvoir, mais comme il ne l’a pas exercé au sens fort du terme, nousen sommes orphelins. Philippe Séguin, c’était l’idée, le verbe et la dignité. C’était la belle politique à la française, nous ne saurons jamais ce que c’est. » »

Séguin était une sorte de Chevènement qui préférait être résigné par aplomb gaulliste que de livrer une bataille gagnante par amour des batailles perdues. « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule », se rendit célèbre Chevènement par cet adagedéserteur. On lui sut gré d’une posture qui le mena du refus de la première guerre du golfe aux honneurs de l’observatoire de l’islam donnés par Macron en récompense à ce barbon du socialisme, sous la bannière duquel il avait commencé sa carrière militante avant de se muer en européiste anachronique et caricatural. Séguin a dit après Maastricht : « Puisque je n’ai pas su convaincre de l’Europe que je voulais, autant m’accommoder de celle qu’ont votée les Français, même si c’était de justesse ». Il préféra diriger de manière avortée la campagne des européennes du RPR dont il était président plutôt que de rejoindre celle de Pasqua et de Villiers dont il était plus proche par les idées. Puis il démissionna de l’UMP devenu selon lui un parti de droite et pantoufla à la Cour des comptes, quitte à mourir d’une crise cardiaque qui dut lui survenir car il n’était pas à l’aise dans son placard et dans ses charentaises.

Fillon était séguiniste par son côté ténébreux. Il n'a été que résiduellement souverainiste, mais il avait un côté suicidaire. Il aimait l’avarice et l’idée de faillite. Son défaitisme le fit acquiescer au ratage séguiniste et c’es ce qui l’a perdu. Séguin devait avoir le ratage comme horizon mental, de même que Jospin devait se préserver par orgueuil en nourrissant l’idée d’un retrait toujours possible, analysait lucidement Claude askolovitch avant que « Lionel » ne se retirât dela vie politique, vexé que cinq ans d'honnêteté au pouvoir pût déboucher sur un séisme lepéniste faible sur l’échelle de richter, mais assurant la réélection de Chirac l'opportuniste et surnommé Supermenteur. Il ne fait décidément pas bon être honnête en politique.

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