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mercredi 2 octobre 2019

Ce gouvernement et le Tchernobil rouennais

"La société instaure comme une règle la présomption de défiance à l'égard de l'Etat, l'obligation de méfiance à l'égard du président comme du gouvernement." (Philippe Bilger)

https://www.philippebilger.com/blog/2019/10/lubrizol-on-nous-cache-tout-on-nous-dit-rien-.html

Plus précisément à l'égard de ce président, de cet État et de ce gouvernement, dont je ne sais plus quel éditorialiste disait à raison qu'à propos de ce "Tchernobil rouennais", il pratiquait une "communication d'un autre âge".

Comment ne pas être méfiant à l'encontre d'une Agnès Buzyn qui, dès qu'elle est entrée en responsabilité, a commencé par nier les symptômes décrits par les malades de la thiroïde depuis la nouvelle formule du Levothyrox, puis a nié le malaise des urgences, et, quand elle fut dépéchée à Rouen, a expliqué que les hydrocarbures n'étaient pas toxiques à condition de se laver les mains. C'était une manière de dire: "Le Tchernobil rouennais, je m'en lave les mains, vous n'avez qu'à en faire autant avec une solution hydro-alcoolique produite par je ne sais quelle autre usine Seveso de mes amis acctionnaires de Big pharma, et vous ne viendrez plus me casser les pieds avec le nuage rouennais, vos petites mauvaises odeurs, vos dépôts de phénol et votre eau noire."

C'est vrai, quoi! Arrêtez d'emmerder la ministre de la santé! On n'est plus sous Pompidou qui tempêtait: "Arrêtez d'emmerder les Français!" On n'est plus dans la France de De Gaulle qui suppliait les Rosbifs de ne pas entrer dans l'Europe, on est dans la France du Brexit qui les supplie de ne pas en sortir!

Ce gouvernement d'amateuristes pratique une "communication d'un autre âge"façon: "Le nuage de Tchernobil s'est arrêté à la frontière allemande" ou "notre maison brûle et nous regardons ailleurs", communication dont le premier mot est la négation a priori de ce que ressentent les gens. "En France,il n'y a pas d'insécurité, il existe un sentiment d'insécurité." Négation a priori du sentiment général, puis dénonciation du complotisme. On joue sur le fait que le sentiment d'un complot contre soi est une composante majeure du délire paranoïaque pour assimiler toute demande d'enquête à du "complotisme", néologisme forgé pour les besoins de la contre-propagande, en éliminant la frontière entre la nécessité ponctuelle d'une enquête pour interpréter un événement et le sentiment permanent du complot. Le complotisme pathologique est pourtant facile à déceler. Ce n'est pas l'enquête systématique faite par un esprit en éveil qui pense que l'enquête en démocratie (et non pas "L'enquête sur la monarchie!") fait partie de l'information. Le complotisme pathologique est l'affirmation a priori que tout est complot et la préférence systématique pour le complot comme conclusion espérée de l'enquête.

Le complotisme une fois diagnostiqué chez qui réclame une enquête comme nécessaire à l'information en démocratie, régime qui ne subsiste qu'en lien avec la vérité, les gouvernements "libéraux", dont il est intolérable qu'ils puissent "tolérer un tel scandale" que "c'était un soir, messieurs, mesdames, Où la télé était en panne" (Pierre Perret), nous servent une propagande qui présume une version systématiquement optimiste de l'événement court termiste ("tout va bien, on s'occupe de tout", à quoi s'oppose le "on nous cache tout, on nou dit rien" populaire), et une version systématiquement catastrophiste à long terme: "Nous vous promettons une apocalypse écologique et réchauffiste, mais pas pour tout de suite, pour demain, pour les générations futures. Le malheur, c'est toujours pour demain. Ça ira moins bien demain, mais ne dites surtout pas que c'était mieux avant." La contre-propagande, optimiste sur le temps court et médiatique, et pessimiste sur le temps long, cette éternité sans délices où il n'y aura plus de planète à sauver, avance à coups de "faits" et de sentiments "alternatifs". Si vous osez nier ces faits, ces sentiments alternatives et ces conclusions optimistes a priori, vous n'êtes pas dans l'enquête, vous êtes révisionniste, négationniste, complotiste. Vous n'êtes pas dans le doute carthésien, vous émettez un "fake", vous colportez des rumeurs non vérifiées, des ragots diffamatoires, des "fake news". Et comptez bien que si vous révoquez quelque chose en doute, on ne vous passera plus au détecteur de mensonge, on ne vous injectera plus du sérum de vérité, mais on vous soumettra au fake checking.

Au fait, que devient la question interdite sur une catastrophe toute récente, l'incendie de Notre-Dame? Accident ou attentat? On l'a recouverte d'une chape de plomb qui fait que nous l'avons collectivement oubliée, et chacun sait que "les Français ont la mémoire courte". Le complotiste, niant systématiquement la version officielle, voudrait que l'incendie de Notre-Dame résulte d'un attentat. Pas moi. Mais je veux, sans qu'on me traite de tou, qu'on me laisse me poser la question et qu'on ne la ferme aux êtres modérément soupçonneux, bénéficiant d'une solide information générale, que le jour où toutes les preuves seront apportées des raisons de cet incendie. Est-ce le cas aujourd'hui? Non. Donc "au fait!" devrait être la devise de l'information comme "au voleur!" est la devise de l'avarice.

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