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lundi 20 juin 2016

Michel wieviorka, la violence et le langage

J'écoute toujours Michel Wieviorka avec une certaine perplexité. J'ai systématiquement l'impression qu'il n'a rien à dire, et je suis toujours étonné quand il finit par dire quelque chose. Aujourd'hui n'a pas fait exception. Il était invité sur "France culture" à parler de la violence en compagnie d'Hélène Loeillet. Quand il prétendit tenir un "raisonnement compliqué", il se contenta de dire que la répression de la violence ne suffit pas à lutter contre la violence. Il faut lutter contre elle en ne se contentant pas de dénoncer la violence des autres, mais en travaillant sur la violence latente en soi-même. En somme, rien que de très banal, surtout que Michel wieviorka ajoutait qu'il ne s'agissait pas de s'autoflageller, mais qu'il fallait comprendre un phénomène comme le terrorisme en relation avec l'histoire au long cours du conflit entre islam et Occident. Non, M. Wievorka ! Avant tout, il faut avoir le courage de dire que, bien que concernant plus d'un milliard d'hommes et que de ce fait, l'islam soit une religion respectable (et en tout cas tous les musulmans le sont), il est structurellement terroriste et ceci depuis la révélation mahométane, au travers des razzias et du renversement des pouvoirs médinois et meckois. Jusque là donc, Michel wievorka n'avait rien dit. Mais de remarque en remarque dans ce qui pouvait passer pour un enfilage de perles radiophoniques, il a fini par rappeler et révéler quelques (petites) choses. Combien au total ?Quatre ou cinq. Je Je diraistrois. La première a été rappelée par sa partenaire d'antenne Hélène Leillet. "La violence est un phénomène humain". Cela semble une banalité, mais on a tendance à l'oublier. La violence n'est pas inhumaine. Elle traverse chacun de nous. Il faudrait s'interroger sur la raison pour laquelle nous réputons "humain" ce qui se rapporte à la bonté, comme si l'homme était naturellement bon. Jésus répond à Jean-Jacques et le christ à Rousseau : "Dieu seul est bon". "Qui veut faire l'ange fait la bête". Il faut terrasser la bête en la débusquant dans la seule personne sur qui l'on ait, pas tout à fait les pleins pouvoirs, mais au moins un pouvoir relatif, c'est-à-dire soi-même. Ce matin, j'ai fait à Dieu cette prière que je partage : "Seigneur, que plus jamais, je ne parle mal à ni d'un être humain ! Que plus jamais je ne le diminue en lui parlant ou en parlant de Lui !" Dieu peit-t-il m'entendre ? Humainement, c'est impossible, mais je veux y croire. Redonnons la parole à Michel Wievorka pour la deuxième chose qui a été dite par son truchement ! Je le cite presque textuellement : "Si la montée de l'extrême droite est un échec, la violence nous guette." Vous avez bien lu et si vous êtes saisis comme moi, vous n'êtes pas loin de réagir comme caroline brouet, la puissance invitante du sociologue et de la philosophe qui lui a dit : "C'est dangereux, ce que vous dites." Que disait-il ? Il ne souhaitait pas l'accès au pouvoir de l'extrême droite, mais il redoutait le moment où elle cesserait de monter. Il redoutait qu'elle atteigne son étiage ou son plafond de verre. L'extrême droite canalise la violence de ses solutions oratoires par le langage. Mais elle diffuse un discours violent. En écoutant Michel wievorka, les complotistes n'avaient plus qu'à donner libre cours à leur scénario paranoïaque. Il ne fallait pas que la montée de l'extrême droite soit un échec. Il ne fallait pas qu'elle cesse. Il fallait l'entretenir. "Le système" a son épouvantail et il faut qu'il le garde. D'un point de vue girardien, cet épouvantail est paroxistique. C'est un bouc émissaire choisi parce que sa raison d'être est de désigner des boucs émissaires. "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté", et faisons un bouc émissaire de celui qui désigne des boucs émissaires . L'extrême droite désigne des boucs émissaires et porte des solutions politiques violentes, mais elle est dans le langage. La violence s'exprime quand le langage échoue. L'idée n'est pas nouvelle. Mais Michel Wieviorka va la préciser. Cet ancien marxiste léniniste resté de gauche et n'aimant pas les gauchistes (pourquoi les intellectuels qui ont de l'audience sont-ils tous des extrémistes repentis ?) avait étudié les terroristes italiens. Plus il perpétraient d'attentats, plus ils parlaient, mais c'était une logorhée, qui perdait même quelqu'un qui connaissait bien la dialectique marxiste. "Ils parlaient, conclut le sociologue, mais ils ne communiquaient pas." Communiquer, c'est faire écho. C'est mettre en œuvre les fonctions du langage, grâce auxquelles on trouve un interlocuteur. L'hermétisme n'est valable qu'en poésie, il n'est pas fait pour la politique. Pour faire société, il faut se comprendre. Michel Wievorka voulait réfléchir au terrorisme en le rattachant aux relations tumultueuses entre islam et Occident. Il en évoqua pourtant une figure bien française en s'inquiétant du regain d'intérêt pour Robespierre, dont certains se proposent d'attribuer un nom de rue, et qui est une figure tutélaire d'un homme comme Jean-Luc Mléanchon. Évoquer notre violence n'est pas établir des relations oiseuses amenant à conclure que l'islam est le vivier du terrorisme contemporain parce que nous fûmes d'affreux colonisateurs qui n'ont pas bien décolonisé. Après "les indépendances", les pays qui les ont obtenues sont seuls responsables de ne pas les avoir construites. Nous ne sommes pas coupables des coups que nous recevons. Robespierre est au terrorisme français ce que le prophète Mohamed, encore une fois malheureusement, est au terrorisme islamique. C'est une figure légendaire. Je ne connais pas assez l'histoire de la révolution pour savoir pourquoi Robespierre a cristallisé la Terreur. Michel Wieviorka s'est trompé en croyant qu'on le surnommait "l'irréductible". Le vrai qualificatif dont on l'affublait était "l'incorruptible". Robespierre devint terroriste parce qu'il ne supportait pas la corruption. Il crut pouvoir améliorer l'homme en faisant l'ange. Il crut l'établir dans le domaine divin en le sortant de la corruption. L'homme peut s'améliorer, mais il ne peut faire que l'usure ou l'érosion n'existent pas. L'évolutionnisme est une hypothèse dangereuse parce que c'est une histoire de l'amélioration de l'espèce qui fait fi de l'érosion, de la corruption, de l'usure et de la mort. La mort est le grand impensé de l'évolutionnisme. L'homme se suicide en voulant devenir immortel. C'est pourquoi le transhumanisme est une véritable impasse, contrairement au clonage qui l'a préfiguré et contre lequel on a trop alerté, alors qu'eût-il été scientifiquement réalisable, il n'aurait jamais atteint son but, qui était de répliquer un homme. Un homme n'est pas réplicable parce qu'aurait-il les mêmes gènes qu'un autre, il n'aurait pas la même histoire. Robespierre est au terrorisme français ce que Mohamed est au terrorisme islamique. Ils en sont les racines. Je reviendrai sur cette notion de racines. Le point commun de ces "cœurs purs" et prophètes politiques est d'être trop vertueux pour souffrir la médiocrité. Mais des sociétés d'où l'on chasse la médiocrité sont sans dérivatif. Ce qui fragilise les sociétés musulmanes, c'est précisément d'être trop harmonieuses, vertueuses et bien réglées. Que survienne la moindre entorse à l'harmonie et c'est la guerre ! La guerre est un dérivatif. Robespierre a eu une belle postérité intellectuelle. Sartre ne prônait-il pas l'hyperviolence ? Jean Sévilla a eu raison de dénoncer cette dérive de sa pensée dans LE TERRORISME INTELLECTUEL. Sartre se percevait lui-même comme un "intellectuel petit bourgeois" et crut assurer son succès en prônant la violence quand il ne fut plus en mesure de la commettre. La Résistance de Sartre a beaucoup fait jaser ! Le génie du couple n'était pas celui que l'on croit. Simone de beauvoir est un bien plus grand écrivain, outre une femme physiquement plus résistante que son homme et moralement beaucoup plus effacée (un comble pour une féministe !), mais aussi empathique et courageuse. Elle n'est pas estimée à sa valeur, parce qu'elle "faisait trop confiance au langage" et écrivit des mémoires scintillants d'objectivité, dès qu'elle eut quitté le monde de l'enfance et sa vie de "jeune fille rangée". On lui reproche de ne pas avoir tout dit, mais tout ce qu'elle a dit était frappé d'un grand effort de vérité et faisait le tour de la question. Il y a une tradition de terrorisme intellectuel français qui va de Robespierre à sartre. Tel est l'état de notre propre violence. "Heureux, les artisans de paix !" Y a-t-il un lien entre intelligence et radicalité ? Hélène Loeillet n'en doute pas. "Etre radical, c'est aller à la racine". Elle reproche aux radicaux socialistes de l'être si peu. C'est encore plus vrai des radicaux valoisiens. Comment se fait-il que les partis de la racine sont ceux-là mêmes dont barrès aurait pu dire qu'ils travaillent au déracinement ? Hélène Loeillet et Michel Wieviorka sont en phase pour n'aimer, ni le concept de déradicalisation qui serait anglo-saxon, ni que l'on dise de certains qu'ils se radicalisent. Que diraient-ils à des gens comme moi, qui pensent et prétendent même documenter que le monde est non seulement en phase de radicalisation, mais de régression historique. Mon frère d'armes adversaire et interlocuteur islamiste, le Croissant de lune, redoute depuis longtemps des "menées éradicatrices" en France. Aucune ère de civilisation n'a le monopole du génocide. Daech revendique l'éradication des insoumis à son etat. La déradicalisation serait-elle la première marche d'une éradication ? Cela paraît fou, mais je ne crois jamais que les mots s'attirent ou se ressemblent par hasard. C'est, au choix, ma façon de me payer de mots ou de croire au verbe et aux champs magnétiques sémantiques. "Etre radical, c'est aller à la racine". Radical vient du latin radix qui signifie racine. Michel Wievorka et Hélène Loeillet faisaient l'éloge de cet effort. Je suis heureux de ce "retour de l'origine" qui n'est plus dénoncé comme un mythe comme il l'était par Michel foucault. Mais être radical, c'est ne pas transiger. C'est ne pas faire d'archéologie, mais être bien dans son archaïque. Reste-t-il un langage quand on refuse de transiger ? Comment concilier radicalisme et non violence ? Comment expliquer pour finir que les seuls porteurs de projets politiques alternatifs en France, Marine le Pen et Jean-Luc Mélanchon, au-delà de la séduction qu'on ressent à lire certaines de leurs analyses, surtout celles du blogueurqui argumente comme aucun homme politique avant lui, leurs personnes dégagent tant de haine ? Je me souviens de l'impression que j'ai éprouvée en les entendant tous les deux, au lendemain de l'élection présidentielle de 2002 Je n'avais jamais entendu la voix de Marine le Pen, je connaissais celle de Mélanchon. Il commença par exprimer son dégoût de ce qui venait de se passer avec une intolérance qui paraissait bien peu démocratique. Sa répondante surgit, avec une voix qui me glaça et que je trouvais littéralement horrible, pour lui demander comment on pouvait faire preuve de tant de haine. Jamais, je n'aurais pu imaginer me sentir proche de ces haineux au point de les appeler à la convergence pour une France plus juste dans un monde moins déséquilibré. Serais-je devenu haineux ? Me serais-je radicalisé ? "Heureux, les artisans de paix !" Que Dieu terrasse ma violence !

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