J'ai
aimé ma méthode de lecture, parce qu'elle procédait par induction, allant de
l'exemple littéraire à son explication philosophique. Au cas où ma mollesse de caractère et mon manque de persévérance
ne me feraient pas pousser jusqu'à son terme mon entreprise de démoralisation
(ou de déconstruction de la morale), je tiens à dire que deux choses m'attirent
dans l'essai de Nietzsche, dont j'ai entendu l'exégèse avant de l'avoir jamais
lu, par M. Wotling à la Sorbonne, qui nous a bien expliqué l'argument de ce
livre et traitait Deleuze d'imbécile. Nietzche croyait en la généalogie, et que
le retour à l'origine n'était pas un mythe, contrairement à Michel Foucault qui
contestait "l'éternel retour… à et de l'origine". Nietzsche parlait
de généalogie là où Foucault se contente de parler
d'"archéologie" : archéologie épistémologique, des savoirs, de
la grammaire et de son ontologie implicite (tout nom contient en substance le
verbe "être", explique-t-il dans les
mots et les choses à propos de la
grammaire de Port-Royal), des concepts, ou de ce que nous croyons
être nos constituants naturels comme la morale. Nietzsche culturalise aussi la
morale, mais en en cherchant la généalogie, pas l'archéologie. Pour la
culturaliser, il prend au sérieux
Saint-Paul qui aurait inventé le christianisme. Je ne sais pas s'il dénonce en
lui ce paradoxe que Saint-Paul était un immoraliste, qui ne croyait en la force
de la loi que de manière négative : "Tout est permis, mais tout ne
convient pas", donc il est interdit d'interdire, et nul n'est juste à
moins que Jésus le Rédempteur ne le justifie.
Comme
Saint-Paul, je suis un amoraliste. Mais j'espère ne pas être immoral.
J'ai
aimé sans le lire que Nietzsche dénonce
"la morale des prêtres" qui aurait pris le pas sur "la
morale des soldats", et dont la voix sonne faux, car ils ont des voix
de faussets. Rimbaud a parlé des "ventres de curés" qui n'ont rien à
envier au "ventre de bourgeois" d'Escartefigue, didascali de Pagnol
au début de marius à propos de ce
personnage. Les curés ont aussi presque tous des voix de ténors, et
il arrive que l'hypocrisie se soit tellement amalgamée à leur voix qu'elle est
entrée jusque dans son grain. Il y a des curés aux voix hypocrites, et je ne
connais pas d'autre corporation dont l'hypocrisie aille ainsi jusqu'à affecter
la couleur de la voix, que celle des professeurs d'Université. Je n'ai pas dit
que tous les curés ou tous les professeurs d'Université étaient des
hypocrites, mais je soutiens que ce sont les deux seules corporations que
je connaisse, où l'hypocrisie peut affecter jusqu'au grain de la voix. Savoir
s'il y a des voix hypocrites de naissance. Je serais assez enclin à le croire,
mais comment l'homme serait-il aimable et récupérable s'il est fourvoyé jusque dans sa poitrine à travers sa voix,
qui est l'écho ferme, solide et thoracique de son cœur comme les yeux sont des
fenêtres de l'âme ?
Je n'ai lu de mes trois livres immoraux que
leroman de Gide, mais il m'a déplu.
Ce
qui rétrospectivement m'étonne le plus, c'est que l'immoraliste était un des livres que Mme schreiber,
notre professeur de philosophie, nous recommandait entre autres comme entrée en
matière à la classe de philo.
Pour
le comprendre, il faut comprendre en quoi Gide est immoral (beaucoup plus qu'amoral) : il applique la
méthode de Ménalque, le maître en dépravation de mœurs ou le maître de
perversion du narrateur Michel, ou la méthode de son ami Oscar Wilde qu'on
trouve derrière Ménalque et qu'on rencontre dans si le grain ne meurt - ce que Gide a aimé citer de
paroles bibliques… -. Wilde a maltraité sa femme en le regrettant et en
écrivant dans The Ballad of Reading Gaol
qu'"on tue toujours ce que l'on aime". Ainsi Michel
précipite-t-il l'agonie de Marceline qu'il aime pour qu'elle ne gêne plus son
amour des enfants et son passage à la pédérastie en terre arabe. La pédérastie
est tellement profonde chez Gide que les Mauriac craignaient pour leurs enfants
quand il venait les voir et s'étonnaient qu'il se soit bien tenu et ait ait
toujours si convenable. Mais Gide ne s'attaquait pas aux fils de bourgeois.
Notre professeur de philosophie Mme
schreiber nous encourageait peut-être à lire l'immoraliste pour nous faire entendre la
pédérastie de Platon. Je ne crois pas qu'elle ait cherché si loin. Toute époque
a ses tabous. La nôtre a celui de la pédophilie comme l'a très bien montré
Jean-Claude Guillebaud dans la tyrannie
du plaisir. A notre époque, socrate serait
encore condamné pour "corruption de la jeunesse", même s'il ne le
serait plus pour son impiété polythéiste qui lui a fait inventer le dieu des
philosophes aux détriment des dieux des poètes. Mais la pédérastie de Gide et
de Michel dans l'immoraliste n'est
nullement profitable aux enfants. Le professeur devenu pédéraste après avoir
renoncer à toute étude n'apprend rien aux enfants auprès de qui il vient
prendre du bon temps, ce pourquoi Michel s'est débarrassé de Marceline. Il
n'est pas pédéraste à la manière des philosophes antiques, il est purement
pédophile à notre aulne, c'est même un touriste sexuel que Houellebecq aurait
pu brocarder dans un plateforme des années
folles.
Gide est pédophile. Je le dis avec
d'autant plus de dégoût qu'un des trois abuseurs sexuels dont je fus victime à
quinze ans, ayant perdu ma minorité sexuelle, donc étant trop vieux pour me
plaindre, m'avait fait voir la
symphonie pastorale, le film que Jean Delannoy a tiré du
roman de Gide et dans lequel Michèle Morgan jouait le rôle d'une aveugle, un
peu enfant sauvage. L'auteur de la
symphonie pastorale et de l'immoraliste n'est
rousseauiste qu'autant qu'il est impuissant, comme Jean-Jacques qui, malgré ses
cinq enfants, ne s'en cachait guère. Il n'est contre les
"antiphysiques" à la manière du baron d'une vie de Maupassant que pour le devenir. Il
n'est doctrinairement fort au point de "supprimer les faibles", comme
le dit Marceline au narrateur qui lui répond que c'est nécessaire,. qu'en étant
lui-même un faux fort qui ne fait que se payer de force. Il est fort comme un
esclave de ses sensations, dont Charles, le fils aîné studieux de Bocage,
l'intendant des fermes de l'immoraliste,
"sait" d'abord "l'amuser" avant qu'il ne change d'avis et
que son goût des mauvais garçons ne le fasse préférer son frère le braconnier,
qui lui fait perdre des bêtes et du bien, mais avec qui il aime tendre
"des collets", quitte à ce que le père du chenapan, son honnête
intendant, doive pourchasser son fils en ne comprenant pas que son maître
"se moque de lui", comme le lui reproche Charles, le fils élevé dans
"une ferme modèle".
L'immoraliste
racontte comment un mari impuissant découvre son homosexualité et sacrifie une
femme qu'il aime à cette inclination, selon le conseil de Ménalque-Oscar Wilde
de tuer ce qu'on aime, pratiqué à petits feux par Gide avec Madeleine et
théorisé dans la porte étroite entre
le narrateur et Anissa. Mais dans quelle mesure l'impuissant ou
l'homosexuel conjugal aiment-t-ils ? Il y a des gens que l'on aime parce
que "le bonheur" qu'ils nous procurent ou qu'ils disent trouver avec
nous dans un abandon total de tout leur être à qui nous sommes nous est
"un repos",. or ce repos est incompatible avec le bonheur de
l'impuissant. C'est ce que pense Ménalque, qui prétend avoir cela de commun
avec le Christ qu'il ne met pas la charrue avant les bœufs, déteste le souvenir,
lui préfère la nouveauté de chaque instant et de l'avenir, mais surtou n'a pas
une pierre où reposer sa tête et, du moment qu'il a choisi laperversité, s'y
livre sobrement et sans s'autoriser le dérivatif d'un repos qui va sacrifier
quelqu'un.
Si une chose avait dû tout de même me
séduire dans l'immoraliste, c'est
que le narrateur feint d'avoir une propension pour les Goths, dont il prise la
sauvagerie dans un cours qu'il professe au Collège de France. Gide aurait pu
s'en faire ouvrir les portes, je n'ai pas ses entrées. Mais je me suis aperçu
un jour que les Goth, tout barbares qu'ils étaient, avait donné le nom de Dieu
à la langue des envahisseurs germains des romains qui, dans leur dérive
racialiste et narcissique de supériorité, se sont éifiés eux-mêmes en ne trouvant pas cette formule :
"Ich binn Goth", c'est pourquoi, "deutsche Folk", je me
sens supérieur au monde entier que j'emmerde.
"Ich binn Goth", finalement
c'est la morale de l'immoraliste et la morale de celui qui n'a pas de morale.
Il s'impose donc certainement que je revienne sur mon amoralisme.
Salut mon Torrentiel, savoir si je comprends, donc ce n'est pas une entreprise de démoralisation de ta propre personne mais une déconstruction de la morale générale?
RépondreSupprimerJ'ai lu l'immoraliste d'André Gide, je n'ai pas aimé non plus, ou je n'ai pas compris. Je ne sais pas, ce Ménalques, donc les deux bourgeois qui s'entretenaient dans le luxe immoral contre la morale, rien que d'ordinaire, l'immoralité est la tentation ordinaire de ceux qui ont beaucoup et peuvent se livrer à des expériences qu'ils espèrent plus troublantes que les satisfactions déjà reçues de la vie. Comme pareillement, la misère ne dispose pas à la vertu, "Sachez qu'en grande pauvreté ne gît pas grande loyauté,
Nécessité fait gens méprendre et faim saillir le loup du bois"... de François Villon qui en répond, donc la morale est affaire de gens ni trop pourvus ni trop dépourvus, ou mieux encore, elle vit en pratique, la morale et la vertu est pratiquée concrètement par ceux qui sont en ascension, passant d'une pauvreté" digne vers une aisance gagnée autrement qu'en lotterie. Et c'est juste dans ce passage et au moment de ce passage que se trouve le plus de vertu concrétisée, et l'amour du monde.
Je n'aimais pas Ménalques ni Gide les deux rassemblés dans leur cynisme assumé, et ce garçon de ferme quand il convainct le maître largement preneur de retirer le métayage à des paysans sans que ça lui rapporte absolument rien, mais il méfait par plaisir, il y a entre le maître et le garçon perfide une complicité proche de l'amour, il aime ce salop de garçon de ferme, justement à cause de sa perfidie, un de ceux qu'on nomme en langue populaire, un fauchton ou fils de pute. En revanche, je suis réservé sur l'immoralité totale d'André Gide dans son hommo-sexualité Arabophyle. Il sert aux jeunes Arabes l'admiration, il valide leur virilisme, contrairement à un compagnon Anglais qui est fouttu de faire vivre à des Arabes une situation physique inattendue. Enfin, juste un bémol, certes ce Gide est licencieux, pervers, mais curieusement, il m'a semblé qu'ils prenait soin des Arabes, les gars trouvaient en lui leur compte.
Maintenant, jusqu'à quel point l'a-moralisme de Paul de Tarse sustenterait paradoxalement ou non, l'immoralisme tout court? La dissociation entre la foi et les oeuvres, les Musulmans résolvent la conjugaison des deux termes de la façon suivante, "La foi croît ou diminue selon les bonnes ou les mauvaises oeuvres, étant dans le coeur, elle se manifeste par la parole et l'action des membres." Le coeur, donc la pensée, puis la parole, puis l'action des membres, mais seul l'état d'empêchement le plus complet réduit la foi à ne vivre que dans la pensée. Quant à l'élection divine, que serait-elle si elle n'était que caprice hasardeux? La sollution se trouverait dans le fait que nos bonnes oeuvres sont oeuvres de Dieu, puisque tout procède de Dieu, par conséquent, nos bonnes oeuvres sont en soi un signe d'élection, même s'ils dépendent de notre libre volonté.
Que le Torrentiel étudies, mais qu'il ne se démoralise pas.