Monsieur l'abbé,
J'espère ne pas faire une lecture superficielle de votre
article en interjetant les quatre remarques suivantes:
1. De quelque
côté que l'on regarde, un chemin pénitentiel est toujours proposé pour l'accès
éventuel à l'eucharistie des divorcés remariés. En son temps, vous avez
critiqué sévèrement celui du cal Kasper que vous trouviez minimaliste. Il me
semblait au contraire que la reconnaissance du péché entourant l'échec des
divorcés remariés y était particulièrement mise en relief, avec un chemin de
retour à la communion sacramentelle et avec la communauté de l'Eglise qui
n'était pas sans rappeler le retour public que devaient faire les baptisés
convaincus de péché public avant que n'existe la confession auriculaire. Sans
vous chercher systématiquement querelle, je me demande si vous n'avez pas
critiqué ce chemin pénitentiel par réflexe conditionné contre un prélat à qui
vous reprochiez d'être un grand promoteur de l'oecuménisme. Mais surtout je me
demande si la critique traditionaliste très acerbe contre le cardinal Kasper
n'a pas abouti comme souvent à
l'effet inverse du but recherché, à savoir qu'on fait à
présent une proposition encore plus minimaliste que ce chemin pénitentiel
exigeant un haut degré de repentance. Cela a d'ailleurs commencé, en amont du
synode et pour lui donner le ton de la volonté du pape, par le bradage des
procès en nullité qui se feront plus vite que le prononcé du divorce civil et
avec un certain mépris de la réalité des relations au nom de la maturité requise
pour qu'un amour soit vrai et indissoluble.
2. Il y a un
curieux paradoxe à assister, aussi bien dans le motu proprio de Benoît XVI
visant la libéralisation de la célébration de la messe de Saint-Pie V que dans
cet instrumentum laboris, au retour du
curé dans sa charge apostolique et pastorale au moment même où, au nom de la
collégialité sous le pontificat de françois, dans les faits sous Benoît XVI, le
rôle propre du curé comme "empereur en sa paroisse" s'était vu
confisquer par les évêques et par les conférences épiscopales, évêques qui ont
fait capoter le motu proprio de benoît XVI par une pratique très dirigiste de
l'administration des sacrements dans les diocèses.
3. Au cas où le
second schéma serait retenu par le synode, c'est-à-dire celui qui donnerait le
dernier mot de la discipline du Sacrement eucharistique au curé pour les
divorcés remariés, cela ne ferait qu'entériner en l'officialisant une pratique
que j'ai toujours vue être observée, depuis au moins la fin des années 1970 où
j'ai commencé à m'intéresser au sujet. En pratique, un pénitent divorcé va voir
son curé, et c'est lui qui prend sur lui de lui permettre ou non de communier.
Et la permission lui est généralement accordée par le curé au nom de la
tradition miséricordieuse de l'Eglise.
4. Je voudrais
enfin dire un mot de la Miséricorde elle-même.
Le chrétien ne mesure pas sa grandeur. La Miséricorde ne
consiste en effet pas seulement à ce que Dieu mette loin de lui son péché,
c'est-à-dire loin de sa conscience immédiate pour ne pas asphyxier la
psychologie du pécheur; mais Dieu efface et oublie le péché.
Or au lieu d'entrer dans
le pardon et dans l'oubli de dieu de son péché, le chrétien continue de
le ressasser en regardant en arrière avec une certaine complaisance au mal. Or
il est encouragé dans cette complaisance à ne pas renaître parce que l'Eglise
lui suggère qu'il doit s'assurer lui-même qu'il est en état de Grâce et non de
péché grave ou mortel. Le pécheur pardonné vit dans une tension existentielle
qui efface le pardon de Dieu et qui est d'autant plus déséquilibrée que le
chrétien n'est pas son propre juge. Il faudrait sans doute nuancer ce dernier
propos avec ce qui se passera au Jugement dernier, mais il est globalement
conforme à ce que la Révélation nous enseigne.
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