Ce message faisait suite à la réponse qu'a apportée vincent Michel, Président de la fédération des aveugles de france, à diverses critiques qui lui furent adressées au sujet du caractère agressif et misérabiliste des appels au don qu'il diffusait pour que son associations soit alimentée en fonds privés et puise fonctionner. La substance du message de vincent Michel consistait à dire qu'il regrettait ces procédés, mais qu'il ne voyait pas comment faire autrement. Dans l'article, ci-dessus, l'intégralité de son message.
Le message de vincent Michel dévoile la schizophrénie du système, schizophrénie que je n'aurai de cesse de dénoncer, dans son ampleur.
D'un premier point de vue, on doit, à sa gauche, du côté de l'individu handicapé, gommer les déficiences, faire comme si elles n'existaient pas, comme si toutes étaient susceptibles d'être "autonomisées" par des "stratégies de compensation adéquates. Et, à sa droite, on doit faire appel au don, faire pitié. Par chance, les donateurs n'ont pas assez d'esprit de suite pour se dire immédiatement :
"Mais comment se fait-il que je doive aider ces associations d'aveugles si les aveugles sont à ce point opérationnels qu'ils n'ont presque plus besoin d'associations!"
Mais il y a une autre schizophrénie dont la dénonciation va valoir suggestion de ma part auprès de Vincent Michel : c'est celle qui consiste à faire financer la recherche contre les maladies cécitantes par ceux-là mêmes qui sont censés avoir vaincu la cécité et ne plus voir dans les maladies qui rendent aveugles leurs plus cruelles ennemies puisqu'ils s'acceptent en tant qu'aveugles. Or je ne connais pas d'association un peu importante, qui n'investisse des fonds dans cette recherche, pourquoi ? Que les parents d'enfants aveugles prennent le relais, si les chercheurs en sont réduits à tendre la sébille ! Ou bien que les laboratoires pharmaceutiques soient fermement incités par l'Etat à prendreleurs responsabilités et à investir dans la recherche les juteux bénéfices qu'ils font sur des médicaments qui peuvent avoir des effets nocifs ou être remplacés sans dommage par des médicaments génériques.
Le troisième fait que je voudrais dénoncer relève moins de la schizophrénie que de la déperdition d'énergie. Pourquoi les associations refusent-elles absolument de mutualiser leurs efforts ? Il m'est arrivé, pas plus tard qu'hier, une expérience assez symptomatique. Depuis deux ans que j'habite à mulhouse, je n'avais jamais pensé à m'inscrire à la bibliothèque municipale. J'y vais hier et, comme cette bibliothèque municipale a un coin réservé à la bibliothèque sonore, j'en profite pour faire d'une pierre, deux coups. Là, je tombe sur une vieille dame charmante qui m'explique le fonctionnement de la bibliothèque sonore et stupeur ! Ce ne sont presque jamais les "audiolecteurs" qui présentent à enregistrer des livres qui les intéressent. Non, ce sont les bénévoles qui, dans la majorité des cas, enregistrent les livres qu'ils ont aimé, ou bien ce sont les responsables de la bibliothèque sonore qui traquent l'actualité littéraire pour enregistrer les livres dont on parle ! Les bibliothèques sonores commencent à faire un maillage national de leurs enregistrements. Mais elles n'en sont pas à se prévenir quand une bibliothèque, dans une ville de province, est déjà en train d'enregistrer un livre qu'elle pourra passer aux autres. En toute perte de temps, deux bibliothèques de province, susceptibles de partager le même livre, l'enregistrent deux fois et quelquefois cinq ou six fois à travers la france, quand d'autres livres à lire restent en soufrrance. Mais le meilleur ou le pire de cette anecdote est pour la fin. Voici que les bibliothèques sonores sont toutes fières d'annoncer à leurs audiolecteurs qu'elles vont se mettre à enregistrer "le point", "historia", "le monde des religions". Mais le GIAA le fait déjà.
"Le GIAA, c'est quoi donc ?"
En essayant d'observer la même politesse que la gentillesse avec laquelle j'étais reçu, j'ai indiqué à cette dame, qui ne le savait pas, les coordonnées que j'avais en mémoire des associations qui faisaient de l'enregistrement à la demande. Je lui ai aussi conseillé d'essayer de ne pas faire de doublons. Elle a eu l'air ébranlée, mais pas autrement convaincue.
Déperdition d'énergie=gaspillage de temps et d'argent et limitation de l'offre culturelle, au grand dam de ceux qui en sont réduits, dans le cas présent du livre, à lire par hasard ce que contiennent les rayons des bibliothèques sonores, qui sont enragées à détruire leurs stocks de cassettes pour les remplacer par du format daisy, mais pas à mutualiser les efforts associatifs à travers la france. Où l'on retombe dans la schizophrénie ou au moins dans une espèce de schizophrénie ! Mais ce n'est pas fini. Vincent Michel partage avec nous le souci que les pouvoirs publics prennent en charge l'aspect financier et humain de la compensation du handicap. C'est très bien et très novateur de la part d'un Président d'association, qui est forcément un peu schizophrène lorsqu'il défend une telle position puisque, si l'Etat cesse de se défausser sur les associations, celles-ci peuvent craindre qu'à terme, leur existence soit menacée. Soit menacée, ou bien réduite à leur expression minimale qui est aussi leur objet véritable : être des lieux familiaux ou corporatifs d'activité, d'échanges et de partages d'expériences, voire des lieux où émerge une revendication sociale et collective. De son côté, l'etat se garde bien de ne plus se défausser sur les associations dont il fait des partenaires privilégiés de la compensation du handicap, et à qui il en confie, en réalité, une part importante de la gestion.
Pourquoi l'Etat fait-il ainsi ? je file ma métaphore : pour entretenir la schizophrénie, selon l'adage qu'il faut "diviser pour régner", diviser les causes en une multitudes de relais défensifs qui ont d'autant moins de poids qu'ils sont de petite taille. Il n'y a pas que dans notre milieu que ça sepasse ainsi : c'est le principe de la "république associative", de la démocratie participative préférée à la démocratie directe et qui est certes déjà mieux que pas de démocratie du tout, de la "démocratie participative" ou de ce que J.P. raffarin appelait "la république de proximité" qui, à force de décentralisation et de "principe de subsidiarité", subsidiarise tellement que l'énergie et l'argent sont gaspillés au profit de questions subsidiaires, quand les questions principales restent inabordées.
L'Etat a garde de cesser de se défausser sur les associations dans la gestion de la compensation du handicap, sauf sur un point : quand il s'agit d'argent. Il arrive en effet que, tout à coup et sans aucune raison, notre Etat impécunieux et endetté se montre très généreux. C'est ce qui est arrivé par exemple dans le cas emblématique et déjà évoqué par moi de l'affectation de postes budgétaires, dans le cadre de la loi de 2005, au financement des "aides animalières" pour lesquelles, Vincent Michel le montre avec insistance dans son message, le mécénat des donateurs était tout à fait prêt à continuer de le suppléer, car la relation entre l'animal et la personne handicapée était sensible aux donateurs. Pourquoi, dans ces conditions, nos associations ne se sont-elles pas battues pour que les aides animalières ne fassent pas partie des manque à gagner financés par la PCH et que l'affectation de ces ressources disponibles, soit contribue à augmenter le forfait de base cécité, soit, plus directement dans les objets de la PCH, serve à financer davantage d'aide humaine ou de déplacement des personnes à autonomie ou à mobilité réduite que nous sommes ? Cette question reste un mystère pour moi, sauf à l'aborder sous l'angle de la schizophrénie, qui sert de fil conducteur à ce message.
Vincent Michel nous propose d'adhérer à la Fédération des aveugles de france, qui a un fonctionnement démocratique. Pourquoi pas ? Mais avant d'adhérer, j'aimerais savoir exactement de quoi précisément s'occupe cette association, quels sont ses objets, quel pourrait y être le poids de notre parole et de notre militantisme. Je voudrais m'assurer que le poids démocratique soit bien ce qu'il en dit. Je répète que j'ai trouvé assez grossière la manière dont il s'est contenté de démentir sans argumenter l'opinion exprimée par le Président de l'association des aveugles d'alsace Lorraine, la fédération dont je dépends, que des personnes qualifiées pourraient diversifier l'activité des ESAT. Vincent Michel affirme enfin que la FAF n'a pas de "trésor caché". Pour être tout à fait honnête, il faudrait préciser l'allusion ("n'a pas comme qui ?"), et plutôt dire "n'a plus" que "n'a pas". Toujours pour rester dans mon Alsace natale que j'ai réintégrée, je me souviens que feu Marcel Herbe a, il y a vingt-cinq ou trente ans (c'est loin, c'est vrai), défrayé la chronique dans des affaires assez troubles où la presse locale parlait de détournement de fonds, ce qui ne l'a pas empêché, de mémoire de devenir par la suite Président de la FAF. Alors ! que ces pratiques aient cessé, je m'en réjouis et, si j'offense à tort la mémoire de Marcel Herbe, j'en demande pardon à ses ayant-droit. Mais encore une fois, adhérer à quel titre, pour s'occuper de quoi et dans quel espoir d'être entendu à quel sujet?
Malgré mon déconstructionnisme accoutumé, je souhaite à tous et à chacun une bonne année 2012. tiens, par exemple, une année de "printemps français" qui n'ait rien de xénophobe !
Julien weinzaepflen
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