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lundi 23 juin 2025

La fin de la diplomatie

Justice au Singulier: Il faut sauver les diplomates !


Patrick Emin, dans un précédent commentaire, met le doigt sur le fait qu'il existe comme un supra-nationalisme israélien. Israël pratique un nationalisme toléré par la communauté internationale et viole impunément la souveraineté de ses voisins non seulement sans être sanctionné, mais la première puissance mondiale, dirigée par un impulsif qui souffre d'une "faille narcissique", lui emboîte le pas comme dernièrement en Iran, où l'opportuniste Donald Trump profite des réussites militaires israéliennes pour s'approprier ses victoires contre le nucléaire iranien. 

"Emmanuel Macron a échangé dimanche avec le président iranien Masoud Pezeshkian et l’a appelé «à l’exercice de la plus grande retenue» pour «permettre un retour à la voie diplomatique», écrit Paul Sugy dans "le Figaro" de ce jour.

Imagine-ton ce qu'il en serait si l'on remplaçait le nom du président iranien par celui de  Wolodymyr Zelensky? Pourquoi les mêmes qui ont reproché à juste titre à Vladimir Poutine d'avoir agressé l'Ukraine pour préserver son aire de civilisation et sous des prétextes sécuritaires en partie légitimes, n'assimilent-ils jamais Netanyahou à Poutine? Pour l'heure et jusqu'à plus ample informé,l'expansionnisme poutinien se limite aux républiques de l'ex-URSS, quand Le théâtre des opérations militaires israéliennes déstabilise toute la grande région sur les fronts palestinien, libanais, syrien et maintenant iranien, sans certitude d'être exhaustif.

Si on remonte la mémoire longue de la séquence Trump-Macron-Iran, on trouvera que d'abord, un accord a été âprement négocié par des adversaires de l'Iran aussi peu suspects de collusion avec le régime des Molah que Laurent Fabius, le célèbre auteur de la phrase: "Bachar ne mérite pas d'être sur terre" (il doit être content, les djihadistes ont renversé le président syrien, ça plaît aussi beaucoup à Israël, d'autant que le nouveau président djihadiste de Syrie ne condamne pas l'attaque d'Israël contre l'Iran, ancien allié de son prédécesseur Bachar qui ne "mérite pas d'être sur terre"). 

Trump dénonce  l'accord sur le nucléaire iranien comme étant trop favorable à l'Iran. Macron ne veut pas être en reste et abonde dans le sens de Trump pour dire que l'accord n'est pas assez répressif et sanctionnaire. 

Puis Trump réélu change de pied et veut à nouveau négocier avec l'Iran. Netanyahou lui "tord le bras" en attaquant l'Iran. Trump ne veut pas être en reste et bombarde les sites nucléaires iraniens. Et Macron le parachutiste joue les gentils désescaladeurs.


Mais le présent billet portait sur la diplomatie et nous parle de deux mondes: d'un côté "le caractère tranquille d'une Europe qui n'est pas impulsive", étrangère  aux "accès et [aux coups de boutoir de grandes puissances et de leurs responsables se vantant d'être libérés des règles communes." (PB) Et de l'autre le "monde actuel" dont la guerre est devenue le nouveau paradigme -ou est à nouveau  devenue le paradigme- par un "retour du refoulé" ou "du même" qui stupéfie ma génération, qui croyait fermement qu'elle ne connaîtrait "plus jamais la guerre", comme le demandait Paul VI dans son discours à l'ONU.

La guerre est devenue le nouveau paradigme du monde actuel parce que e monde est dirigé par des fous. La formule est lapidaire, mais il était autrefois dirigé par des membres du "cercle de la raison". Ce qu'il en reste a perdu la raison, à commencer par le président français, bien moins impulsif que Trump et qui sait dérouler une vision du monde, mais en change comme de chemise, enfin il les amidonne à mesure. 

La diplomatie est morte avec les bonnes manières et il n'est pas anodin qu'Emmanuel Macron ait détruit le corps diplomatique. Autrefois c'était à quel chef d'Etat serait le plus raisonnable. Aujourd'hui, c'est à qui tirera le mieux la manche de son hôte, l'époussettera, lui enlèvera des pellicules, dans une bande de copains (la bande de copains a remplacé le "cercle de la raison") qui se chamaillent et s'insultent en se tutoyant dans un jeu de connivence qui n'a rien à faire ici. 

Donald Trump a donné le "la", signal ou le baiser de la mort de la diplomatie en faisant de Twitter au cours de son premier mandat le canal où elle se jouait et en y postant l'équivalent de "câbles" qui seraient restés secrets dans un temps plus ancien et plus civilisé. Bref, Donald Trump a suspendu la diplomatie à un réseau réactionnel où on s'insulte, se menace, se trolle, comme si c'était sans conséquence. 

samedi 21 juin 2025

Ce cardinal HOllerich que je ne connaissais pas

Cardinal Hollerich : un homme clé dans la stratégie du pape François | René Poujol


Il pourrait sembler que je partage à contre-temps cet ancien billet de René Poujol à propos du cal Holleriche que je connais peu et mal alors que j'avais rencontré mgr Hypolite Simon, l’un de ses prédécesseurs à la tête de la COMECE (conférence épiscopale des évêques européens), homme contrasté et complexe, aux obsèques de notre ami commun M. Paul Petit, ancien bibliothécaire du séminaire st-Sulpice où mgr Simon avait fait ses études et où je fus hébergé pendant neuf mois après que ce séminaire se fut transformé en foyer d'étudiants qui recevait en outre prêtres et évêques du monde entier. Hypolite Simon aété entre temps lui aussi et prématurément rappelé à Dieu.

Ce partage à contre-temps du billet de René Poujol est dû au fait que je suis engagé dans la lecture de son  livre le Synode, c'est maintenant qui vient de paraître aux éditions Salvator. Je formaliserai mieux ce que j'en ai pensé dans des billets ultérieurs et quand j'en aurai achevé l'étude autant qu'il est en mon pouvoir d'achever quelque chose, étant poursuivi par le démon de l'inachèvement.

Mais je voudrais partager ici les quelques réflexions qui me sont venues sur la personne et l'intention du calHollerich telles qu'elles me sont données à appréhender par ce portrait de l'homme et cette recension de son livre d'entretiens sur ce billet de blog déjà ancien de René Poujol à côté duquel j’étais passé en son temps et dont il recopie l’introduction en annexe de son ouvrage.

Le cardinal Holleriche vient de plusieurs traditions à la fois. Missionnaire, il s'est inculturé à la tradition shintoîste et ultrasécularisée du Japon. Comme président de la COMECE issu d'un pays riche parfois accusé d'être un paradis fiscal, il était prédisposé à user de la novlangue plus souvent qu'à son tour. Mais il parle cette novlangue avec des fulgurances comme ce qu'il dit sur les Égyptiens qui mettaient le passé devant eux et l'avenir derrière eux, car on voit le passé que l'on connaît, mais on ne voit pas l'avenir que l'on ne connaît pas et l’Église ne doit pas être l’Égypte ni faire comme les Égyptiens.

Dans son livre "Trouver Dieu en toute chose", le cal HOllerich envisage un "synode sur l'Europe". Les deux continents de chrétienté active, observée, donc mise malgré tout sur le boisseau, à ne pas avoir fait l’objet (ni s’être fait les objets) d’un synode sont l’Europe et l’Afrique, celle-ci parce qu’elle ne voit pas la nécessité de discuter de ce qui doit avant tout se transmettre sacramentellement, animiquement ou shamaniquement si ce terme est applicable à l’ancestralité du "continent" comme s'appelle l'Afrique, consciente qu'elle contient tout ou partie de l'avenir du monde comme elle serait le berceau de l’humanité, celle-là (le vieux continent ou la vieille Europe) parce que, confortée par le centralisme romain, elle s’est prise pour l’objectivité même, pour l’aboutissement de la civilisation concentrant en elle-même tous les universaux, pour le centre du monde et le parangon de la chrétienté, dont cette région occidentale s'est arrogée le monopole normatif de cet orientalisme qu’est l’Évangile à l’origine, et qui a « des origine » à l’Est d’Éden.

René Poujol nous dit que le cal HOlleriche fait preuve dans son livre d'une "audace tempérée". « Audace lorsqu’il invite à « intégrer une nouvelle façon de penser la foi au sein de la réalité vécue des hommes d’aujourd’hui » ; audace lorsqu’il nous appelle à accompagner les hommes et les femmes, nos contemporains, dans le quotidien de leur vie, sans les juger, plutôt que de s’user à vouloir infléchir les lois de la cité ;.
"Enfin!",voudrais-je m’exclamer dans un « ouf ! «  de soulagement. Inflexion exempte de volonté d'infléchir tenant notamment à ce changement de perspective par lequel l'Église a longtemps considéré le monde comme une "structure de péché »,jusqu'à ce que la crise des abus sexuels la mette devant l'évidence qu'elle était elle-même une structure de péché.

J'aurais tendance à souhaiter qu'on s'abstienne aussi de la correction fraternelle par laquelle on s'autorise à vouloir changer et convertirles autres. On ne doit pas leur faire la violence de vouloir les convertir en réveillant l'amour avant qu'il ne le veuille, pour reprendre l'expression qui m'est si chère de sainte Thérèse d'Avila. On ne doit pas pour autant cesser de les appeler à la conversion ni de les assurer que la conversion qui transforme la conversion de désir en conversion d'état et d'action et de mode de vie est la plus belle aventure qu'il soit donné à un être humain de vivre. Mais cela, on le prêche par l'exemple, quand on cesse de se vautrer dans l'incohérence du "faites ce que je dis, pas ce que je fais."
"audace, poursuit René dans sa recension, lorsqu’il [le cal Hollerich] conseille, concernant la foi, de « réfléchir avec les jeunes et chercher avec eux des réponses, plutôt que de leur rappeler sans cesse celles que donne le catéchisme classique. »
Cela, j’ai compris que l’Église l’avait compris sans le dire ou en le disant, le jour où le très conservateur cal Vingt-trois avait organisé la première réunion des amoureux pour la saint-Valentin en y conviant tout le monde et indistinctement les fiancés et les concubins, ceux-là mêmes que les familles bien-pensantes n’invitaient pas à leur table ou à qui elles ne permettaient pas de dormir ensemble de crainte qu’ils ne couchent ensemble, attitude condescendante, discriminatoire et de rejet qui ne serait plus possible à notre époque, impossibilité dont même le clergé conservateur, sans saveur, sans couleur et sans odeur de l'archidiocèse de Paris a pris acte, ce qui en soi est plus qu’une révolution de palais, mais constitue une vraie révolution pastorale qui n’a pas dit son nom, bien loin des polémiques qui s’élèvent indéfiniment à propos de la communion à donner ou non aux divorcés remariés ou de l’intégration des homosexuels dans la communion ecclésiale.
"
Les réformes structurelles ne doivent pas être les seules au centre des discussions", mais "nous avons une théologie que plus personne ne comprendra dans vingt ou trente ans. Cette civilisation aura passé. C’est pourquoi il nous faut un nouveau langage qui doit être fondé sur l’Évangile. Or, toute l’Église doit participer à la mise au point de ce nouveau langage : c’est le sens du synode. »
Autant le synode est légitime s’il s’emploie à inventer un nouveau langage qui revient à penser la foi à frais nouveaux, urgence pour une Église qui ne veut pas mourir et se laisser ensevelir sous les drapeaux et les fanions de son folklore multiséculaire, autant le synode se plante s’il se conçoit comme une réforme structurelle se perdant dans l’apocalypse structurelle qui pond des normes plutôt que des rêves ou des utopies. Le communisme et bientôt non seulement l'utopie européenne autrefois tournée vers "la paix perpétuelle" et désormais à nouveau vers la guerre mondiale, mais aussi l’Eglise qui n’a codifié sa législation dans un droit canon aux allures de code pénal que depuis 1917, ai-je appris dans le livre de René, s’effondreront soue le poids de leur bureaucratie, autant l’urgence est à inventer un langage nouveau sans rapiécer nos vieux vêtements ni gâter le vin nouveau de l’Evangile dans les vieilles outres du folklore ecclésiastique. Il ne faut pas être formaliste, mais puisque « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface », la forme a son importance.

Le synode court le risque d’être une inflation langagière masturbatoire s’il fait comme la littérature qui, à force de s’étudier elle-même en faisant de la critique littéraire un genre littéraire où l’art littéraire est bien plus malaisé, s’est gonflée en nous gonflant au risque de crever de sa mise en abyme palempséstique hypertextuelle. Le synode est menacé par cette autoréférentialité onaniste au moment même où il demande à l’Église de cesser d’être autoréférentielle. Mais il peut aussi se saisir du langage pour inventer un langage nouveau qui ne soit pas de la novlangue. Et en tant que »conversation dans l’Esprit », c’est-à-dire en tant que parole partagée qui s’empare du langage comme d’une base de travail, le synode est une bonne méthode pour inventer un langage nouveau.
Je me suis longtemps méfié de ce mot de « conversation » qui ne me paraissait pas à la hauteur du dialogue philosophique ou talmudique dont provient notre civilisation judéo-chrétienne et helléno-chrétienne, quand »l’esprit de la conversation » a trop fait le bonheur et le lustre des salons à la française, comme l’a illustré La Rochefoucauld en sublimant cet "esprit de la conversation". J’ai révisé ma position en me rappelant que le dialogue philosophique, bien qu’il s’oppose théoriquement à la rhétorique comme art de persuasion, s’est souvent assigné pour mission de convaincre, si on observe la pratique de Socrate. La conversation a peut-être fait les beaux jours de l’esprit salonard, mais le contrepoint de la musique baroque est une conversation de la même époque classique du Grand siècle français entre des voix qui se confondent ou se superposent de façon plus subtile que la mélodie accompagnée, or le synode voudrait trouver un consensus entre des voix (et des voies) multiples. Là où le synode peut réussir dans l’invention d’un langage nouveau, il risque d’échouer, aussi bien s’il vise une révolution structurelle que s’il borne sa réflexion à s’interroger sur les voies délibératives comme notre « Grand débat » national qui a noyé la crise des Gilets jaunes ou, plus loin de nous, comme le référendum sur le référendum, par lequel le Florentin Mitterrand a mis fin à la guerre scolaire en faisant diversion par cette proposition improbable et qui n'a jamais vu le jour.
Le synode échouera s’il ne fait que réfléchir aux méthodes de la décision dans l’Eglise. Peut-être dis-je cela parce que je ne sais pas décider et que la décision reste mon point faible. Mais nous ne passons pas notre vie à prendre des décisions et la décision est nécessairement tendue entre le discernement de saint Ignaceet l'"aussitot"de l’Évangile. Fondé dans le langage pour trouver un langage nouveau, le synode doit ne s’assigner rien de moins que de rendre le peuple de Dieu responsable du « développement interne » de la doctrine qui ne doit plus être énoncée au terme de négociations machiavéliques entre le pape et l’empereur comme s’est formé le credo au concile de Nicée que nous fêtons en cette année jubilaire après le premier concile césaro-papiste de l’ère chrétienne. À rien de moins qu’à la formulation de la doctrine dans un savant mélange d’intuitions et de révélation doit aboutir le transfert de l’infaillibilité pontificale à l’infaillibilité supposée in tempore du peuple de Dieu annoncée par le pape François comme l’ambition de son pontificat dans son premier entretien à la Civilita catholica. La doctrine est ce discernement dans l’Esprit, bien plus que les décisions à prendre. Elle est le terme et la fin du langage qui n’est une structure qu’à cette fin. Le langage a faim de la doctrine beaucoup plus que l’ »inconscient [n’]est structuré comme un langage ».  Le langage est « une structure en équilibre » précaire qu’en vue de trouver cette colonne vertébrale que forme une doctrine qui doit être sans cesse consolidée et mise à jour comme elle doit être remise au goût du jour dans les mots du moment.

 

mercredi 18 juin 2025

Le coup de pied au fond de la piscine

https://www.philippebilger.com/blog/2025/06/on-nest-pas-encore-assez-bas.html#comments

Cher Philippe,
Désolé d'être certain de vous décevoir par ma philippique, mais Jacques Rigot comme le livre "Feu follet" qui sont une apologie de l'énergie du désespoir que ma Providence invisible a attirée vers moi à deux jours de me faire désintoxiquer de l'un de mes démons les plus récurrents, mérite mieux que cette apologie de "la France des honnêtes gens" plaidée par Bruno Retailleau qui "consulte Nicolas Sarkozy" pour parler comme lui le langage de la rupture et ne rompre avec rien, et à tout prendre, je préfère le "Jusqu'où va-t-on descendre?" d'Alain Soral que le "on n'est pas encore assez bas" de Jacques Rigot, non pas pour l'antisémitisme de Soral qui pourrait certes faire des gorges chaudes avec ce qu'Israël fait en Iran, mais va tomber de son haut dans son soutien à Donald Trump qui peut jouer un rôle moteur dans cette escalade ou dans cette chute destructrice ou finale, en mettant les choses au pire.
Je préfère "jusqu'où va-t-on descendre?" parce qu'il contient cette vérité que, tant qu'on n'a pas touché le fond, on ne peut pas retrouver en soi l'énergie, non pas de remonter la pente, expression illusoire dont on ne sait jamais si, savonneuse comme elle est, elle ne nous fera pas glisser de plus belle (je me suis juré de ne plus employer cette expression depuis que j'ai vu mon père à l'agonie se bercer de cette illusion), mais de redonner un coup de pied au fond de la piscine pour se retrouver la tête hors de l'eau, coup de pied qui indigne le désespéré quand on lui dit qu'il doit le donner: je me souviens d'un ami, victime d'un sinistre incendiaire où il avait tout perdu, qui ne supportait pas de s'entendre proférer ce conseil par un juriste, Hervé Bercier à qui je rends honneur en le citant, membre de la Conférence de Saint-Vincent de Paul de saint-Nicolas du Chardonnet au vestiaire de laquelle ce clochard céleste allait se procurer de très beaux vêtements qu'il mettait un point d'honneur à passer quand il passait nous voir.
Et pourtant le désespéré le donne malgré lui, ce coup de pied, comme en-dessous des impératifs moraux qu'on entend lui enfoncer dans le crâne, et ce coup de pied qu'il donne ne revient pas à un redressement de la société, à une "moralisation de la vie politique" à la Bayrou ou à un projet à la Édouard Philippe qui déçoit, moins par sa volatilité panicarde au cours de la crise covidique que parce qu'il est demeuré in pettol'ami de Dimitri Metvedev, ainsi qu'il en est ressorti de l'entretien long format que lui a consacré Darius Rochebin sur "LCI", mais cette parenthèse politique est presque inopportune.
Car ce coup de pied au fond de la piscine donne lieu à une véritable conversion qui, si l'on transpose comme vous le faites ce bas où l'on ne serait pas assez tombé, selon Jacques Rigot convoqué pour le dire, non pas à nos personnes qui sont le levier par lequel il faut commencer ce seul effort qui vaille et qu'est la conversion, mais à la société comme vous le faites, ne peut plus amener à considérer que tout le mal nous vient de la justice trop laxiste, de l'école qui n'est pas encore assez mal apprise ou pas assez mal apprenante, ou des services publics qui, cahin-caha, continuent, bien qu'en novlangue, de fonctionner grâce au dévouement jamais en reste et jamais salué à droite de fonctionnaires qui tiennent une barque bureaucratique près d'être submergée (et cette submersion n'est pas essentiellement migratoire): "le monde" n'a jamais tenu qu'"au fil des filles gentilles" comme l'a chanté Laurent Voulzy.
Les Gilets jaunes étaient en-dessous de la réalité quand cette révolte des classes moyennes inférieures ne voyait pas qu'au bout de la tiers-mondisation où nos élites ne nous ont jamais vu descendre sur la corde raide de la mondialisation prétendument heureuse, qu'au bout de la bidonvillisation ou de la fadelaïsation de la société, la fracture sociale sépare désormais (car on est descendu d'un cran depuis cette dernière grande crise sociale) ceux qui ont reçu une éducation suffisante pour être dotés d'un minimum de sens moral et ceux chez qui ce sens moral n'a pas pu s'atrophier ni se dissiper puisqu'il ne s'est pas développé, enfants en épidémie de trouble d'hyperactivité, de syndromes du spectre autistique, de violence gratuite y compris chez les tout jeunes "dys" ou "en situation de handicap" qu'on veut inclure de force dans une banalité qui ne sera jamais la leur, enfants dont le couteau qui darde de centaine de coups leur petite copine ou leur surveillante elle-même en pleine reconversion professionnelle permanente (Amélie G), qui passant à l'acte par écoanxiété, qui par fascination du meurtr bien qu'ambassadeur de sa classe contre le harcèlement, dont le couteau n'est que le prolongement criminel abmominable de ce mal-être générationnel, favorisé par un monde tellement déboussolé et tellement revenu du progressisme à ses archaïsmes les plus sinistrement cycliques, qu'il est dans la main de personnages aussi ambigus qu'Emmanuel Macron, aussi invertébrés sur le plan religieux que Benjamin Netanyahouou qui se prend pour un nouveau Josué, ou aussi dangereusement imprévisibles que Donald Trump, à qui s'opposent ceux qui ont un minimum de sens de l'ordre géopolitique au nombre desquels il faut bien reconnaître que s'inscrit Vladimir Poutine, car il agit, guidé par des principes patriotiques que l'Occident dans sa déchéance n'est plus capable de comprendre, car son sens moral vise à faire de l'exception la règle, de l'inversion l'endroit, des déviances antiphysiques sans être contre nature les lois de la nature, et surtout de la marge la norme. Il y a une banalité de la marge dont l'honneur est de ne pas vouloir être normalisée.

Voilà la première conscience que donne au perverti le coup de pied dans la piscine, dont le "jusqu'où va-t-on descendre?" donne une idée beaucoup plus juste que celle qui inspira à Jacques Rigot de se suicider ou à Alain, le héros énergique et nihiliste de "Feu follet", de s'atomiser dans la drogue avec "esprit de l'escalier" (l'expression est merveilleusement analysée dans cet ouvrage), la drogue qui n'avait même pas chez lui la fonction d'une alternative spirituelle en mesure de lui permettre de prier mieux ou de prier autrement, car hors de"prier sans cesse", on ne saurait jamais s'en sortir.