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vendredi 29 avril 2022

Contrepoints kérigmatiques

En dialogue avec l’abbé Guillaume de Tanouarn

Dont le commentaire du credo sur le mystère pascal commencent ici :

 

MetaBlog: Est mort (ab2t.blogspot.com)

 

Puis il faut remonter d’article en article.

« Bonsoir, Guillaume,

 

J'attendais Pâques (par superstition? Est-ce qu'on n'y croit pas et qu’on ne vit pas Pâques tous les jours?) pour lire vos derniers articles sur le Credo. Je fais mon rattrapage et mon écrit de rattrapage sur ce qui m’y interpelle, je les lis en aède en dialoguant avec eux, en écrivant des contrepoints sur le kérigme.

 

 

Mort de Jésus

 

-Je ne suis pas d'accord avec le P. Augustin Pique, qui dit que Dieu est impassible, qu’Il n’a pas besoin des hommes et qu’Il ne peut ni souffrir ni mourir, et qui ne pousse pas jusqu'à dire que, s'il n'y a pas de (presque) mort de Dieu, la mort de l'humanité de Dieu est inutile.

 

-Saint Thomas d'Aquin dit que, sans le péché originel, Jésus Se serait certainement incarné. Et il aurait suffi d'un Regard de Dieu pour sauver le genre humain. Alors pourquoi Jésus meurt-Il?

 

-Il n'y a pas de plus grand amour que de donner Sa vie pour ceux qu'on aime." Si, il y en a un, c'est de donner Sa vie pour ceux que l'on n'aime pas.

 

-Petit jeu lacanien: J'ai eu une amoureuse un peu nymphomanequi m’appelait triomphalement en s’annonçant : "C'est moi." Je n'osais lui dire que tout le monde peut dire la même chose, car "tout le monde est une drôle de personne", comme disait Carla Bruni et en cela, nous sommes tous égaux-[ego]. Or une autre chose est drôle: c'est qu'aux premiers livres de sa Trinité, saint Augustin cherche à établir un signe "égal" entre le Père et le Fils, bien que le Fils confesse Lui-même : "Le Père est plus grand que moi." Mais le projet de la Pâque, c'est le "notre Père", non que la filiation soit une soumission (on n'est pas dans la philosophie du sujet qui se croit autonome, ce subjectus), mais parce que le Père est infiniment aimable et, ès qualités, bien qu’inconnaissable, digne de connaissance.

 

-Sacrifier le moi, c'est rejeter la conscience de rôle, jeter le personnage pour trouver la personne, dont on se demande pourquoi le nom vient d'un masque.

 

-"Le sacrifice sans amour n'est que diminution des forces vives de la personne. Le sacrifice sans amour est haïssable", ce qui tendrait à prouver que l'amour est le contraire de la peur, car on n'aime à rien sacrifier par peur de se jeter à l'eau, par peur de l'inconnu, par peur d'y perdre des plumes et d'être dépouillé, quand on aura pratiqué la véritable ascèse. j'ai pratiqué pour ma part une fausse ascèse: je me suis dépouillé et me suis fait pauvre avec les pauvres pour oublier que j'étais riche en moi-même.

 

-Ensevelissement: chaque fois que je vais jouer un enterrement, j'ai honte de cet article indéfini et générique, « un », mais je suis fier d'accompagner le dernier acte de quelqu'un, même s'il n'estplus là physiquement.

 

-Ensevelir, ai-je appris lundi dernier, est une des 14 oeuvres de miséricorde et fait partie si je ne m'abuse des œuvres matérielles.

 

-Pendant le Sabbat, les femmes ont préparé des aromates pour qu'il ne soit pas dit de Jésus comme de Lazare: "Il sent déjà."

 

-Jésus touche Marie en l'appelant par son nom et lui interdit de le toucher, de le "tenir", parce qu'on ne peut pas mettre la main sur l'être, il est insaisissable. "Ne me touchez pas": ce cri lancé par une patiente de Freud, décida le maître viennois à la méthode de ne pas voir son analysant. Freud fut accessible à ce cri parce qu'il détestait la musique...

 

-Jean qui entre en second dans le tombeau: ma lecture littérale de Jean, à la différence de la vôtre dépendante de l'interprétation de Claude Tresmontant selon laquelle le quatrième évangéliste appartiendrait à une famille sacerdotale et ne serait pas l’un des deux fils de Zébédé, ces « fils du tonnerre », m'avait fait naïvement penser que l'apôtre Jean qui se désigne dans son propre Evangile comme "le disciple que Jésus aimait" pour parler le moins possible de lui-même, respectait la préséance de Pierre, le premier des apôtres, pour le laisser entrer en premier dans le tombeau vide.  Vous pensez de votre côté que Jean n’accepte d’y entrer que quand Pierre lui certifie qu’il est vide et qu’il ne se souillera pas en y entrant.

 

-Jean "crut à la vie, lumière éclairant les hommes en venant dans ce monde": j'ai eu la malchance de ne pas aimer la vie, moi qui aimais vivre, et ce non amour de la vie me venait de mon père, à qui j'ai demandé de conscience à conscience, un jour qu'on le croyait à l'article de la mort (et il ne parlait plus) d'où lui venait ce désamour. (J'avais observé une méthode de kynésiologie non visuelle apprise de l'ami d'une de mes cousines.) "D'avoir été orphelin de père à dix ans", me répondit sa conscience. J'ai dit à Dieu: "Si je me suis monté le bourrichon, si tout cela est du bluff, demain il sera dans le même état." Le lendemain, il parlait, l’ironie se dessinait sur son visage et il organisait une réunion où il demanda à chacun ce qu’il pensait de sa mort.

 

-Je me suis toujours demandé pourquoi l'anthropologie faisait de la sépulture le commencement de la civilisation et je préfère répondre avec Jésus: "Laisse les morts enterrer leurs morts."

 

-La descente aux enfers, telle qu'elle est évoquée par le Missel romain, est un des moments les plus poignants de notre Credo catholique. Elle a lieu en ce jour du grand silence où jésus prend la main d'Adam et le réveille. Rien à voir avec les descentes aux enfers d'Homère ou de Virgile qui visitent les lieux, mais ne mettent pas fin à l'anathème de la mort qui ne peut "rendre grâce à Dieu", fin de l'anathème dont n'ont que trop profité les romantiques.

 

-L'histoire du pauvre Lazare rappelle celle de l'infirme de Béthesda qui trouve le moyen de venir tous les jours pendant 38 ans sans que personne l'aide à plonger dans la piscine. Et il en est pour lui reprocher de se victimiser devant Jésus en réponse à son "Veux-tu guérir?".

 

-Le cheval pâle et l'Hadès qui le suit rappelle le cheval noir (ou le mauvais cheval) du Phèdre de Platon.

 

-Incroyable que Pierre sache ce que Jésus a fait aux enfers et le relate dans sa première épître. En avait-il fait confidence aux apôtres pendant les "blancs" que laissent les Evangiles sur les rencontres, pourtant si belles et si profondes, de la Résurrection ? "Par l'Esprit aussi Jésus-Christ alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la bonté de Dieu, pendant que l'on préparait l'arche dans laquelle peu de personnes, savoir huit en tout, furent sauvés au milieu de l'eau".

Les termes sont précis : l'oeuvre de Jésus aux enfers consiste à prêcher aux morts qui n'ont pas eu l'occasion de répondre au Seigneur durant leur vie. C'est une chance ultime qui leur est laissé de se prononcer pour Jésus devant les hommes pour que Lui se prononce pour eux devant son Père au plus haut des cieux." Je vous cite non sans rappeler cette formule que vous répétez depuis longtemps: "En enfer, il n'y a que des volontaires." Un prêtre de Mulhouse a un discours très élaboré sur les fins dernières. Il dit trois choses:

 

    1. "Au paradis, vont les bons et les méchants repentants."

 

    2. "Vous serez jugés sur l'amour, sur l'amour que vous avez donné et sur l'amour que vous avez reçu."

 

    3. "L'éternité, ce n'est pas long, surtout vers la fin, car l'éternité n'est pas une question de quantité, mais de qualité et de densité. On ne s'ennuiera jamais pendant l'éternité."

 

Je lui ai dit un jour que j'avais déclaré forfait au combat spirituel, il m'a répondu qu'on n'avait pas le choix. J'entends bien, mais je ne peux pas. Je suis un ennemi beaucoup trop puissant pour moi-même." Qui refuse ce combat fait ce que vous appeliez "le choix du non choix" dans "Délivrés" et se condamne à rester un "homme psychique" ne manifestant pas sa volonté de puissance, mais ne poussant pas le désir jusqu'à la puissance, disant avec Thierry Piras que le désir débouche dans l'impuissance.

 

-Le Signe de Jonas, le refus de Jonas: et quand les Ninivites se convertirent, Jonas est de nouveau outré, comme plein d'eau et bon à retourner dans la baleine. Il a fini par faire ce que Dieu voulait, mais il n'a rien compris.

 

 

 

-Le Christ ne nous a donné que le signe de Jonas qui ne rend pas notre conversion évidente, parce que, qu'un homme soit ressuscité, c’est merveilleux, en quoi ça nous concerne?

 

- "[Jésus] est l'Innocent par excellence. Et puis cette dureté, cet endurcissement dans le péché, il l'a ressenti à ce moment précis, mais venant des hommes contre sa personne." Je ne sais pas pourquoi René Girard a considéré comme indispensable que la victime expiatoire soit innocente. Par vous, j'ai connu, discuté avec et lu Jean-Marc Rouvière qui avait écrit: "Adam... ou l'innocence en personne." La nature humaine d'avant le péché était foncièrement innocente. Les pessimistes comme Luther disent qu'après le péché, elle est totalement coupable et contaminée. La vérité est sans doute entreLuther et Rousseau : l'homme d'après le péché n'est plus qu'à moitié bon, mais il n'est pas non plus tout à fait mauvais. Je me dis souvent que Jésus aurait voulu qu'un Abraham se porte à son secours: "Seigneur, et si tu te contentais d'un regard pour nous sauver !" Au lieu de cela, il a été laissé seul avec sa conscience: "Père, si ce calice peut s'éloigner de Moi, et cependant non pas ma volonté, mais la tienne."

 

-La mort est un enfantement: "Nous sommes baptisés dans sa mort et dans sa résurrection dit saint Paul aux Romains (6). Pas forcément comme des intégristes, mais en tout cas comme des pécheurs. Nous connaîtrons la mort, nous resterons trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre marin, nous vivrons dans cette sorte d'utérus spirituel, dans une ultime expérience du mal (la mort) qui nous donnera un goût éperdu pour la vie. Nous supporterons notre finitude et nos péchés, pour mieux recevoir l'éternité : pas comme un dû, comme un don."

 

-Entendu hier à la messe dit par un prêtre âgé qui a le génie de la simplicité: ressusciter, re-susciter, et j'ajoute re-stimuler, re-mobiliser, ré-excité, au sens intérieur du dynamisme de l'excitation à vivre ou de l’élan vital.

 

-Job "n'est pas loin de penser que Dieu le hait", et il est le premier des héros bibliques à qui sa femme a proposé l'euthanasie: "Maudis Dieu et meurs", à quoi il a répondu: "Je sais que mon Rédempteur est vivant."

 

-Jésus, le racheteur, qui pratique pour nous la loi du Lévira. Je suis sûr qu'il a racheté l’âme de Baudelaire, qui l'avait vendu au diable un soir au jeu, raconte-t-il de manière rien moins qu'anodine et plus que symbolique dans un de ses célèbres petits poèmes en prose.

 

 

""Quels que soient les événements dieu aura le dernier mot." (le Père Dhormes dans son "commentaire monumental" du livre de Job. Le dernier mot est la rémission des péchés, ce qui rend intrinsèque à l'Eglise "la culture de l'abus", mais toute vie est abusive et ratée et l'Agneau de Dieu enlève le péché du monde, pas seulement les petits péchés un à un: la  nouvelle traduction liturgique de l'Agnus Dei  en Français me donne de l'urticaire même si elle est fidèle au pluriel latin « pecata ». Il y a une opposition entre Jésus et le Péché et Jésus n'est pas un ramasse-poussière armé d'une balayette, c'est un aspirateur qui aspire nos âmes en même temps que le péché.

 

 

-Job avait pressenti une dimension salvifique en Dieu, qui se trouve être sa deuxième personne. Mais il pressent aussi le Paraclet, l'Esprit défenseur et consolateur: ""Ce témoin doit descendre du Ciel sur la terre" commente le Père Dhorme au vu de cet autre texte : "Le témoin de mon innocence est dans le ciel et celui qui connaît le fond de mon coeur réside en ces lieux sublimes"."

 

"La Création n'est pas finie" et "le mal vient de cet inachèvement."

 

-Le racheteur est "au-dessus de la poussière", il ne la mord pas. Notre destinée est "au-dessus de la poussière, super pulverem, note encore Cajetan."

 

 

-Saint Paul a compris le mystère cosmique du Christ et il a également compris le mystère temporel de la condition humaine, qui "se connaît comme l'énigme dans le miroir" et qui, quand elle aura passé la mort, connaîtra comme elle est connue. Ma mère a réalisé des oeuvres d'art avec des bris de miroir, des oeuvres de cette ligne brisée qu’est la vie.

 

-La Création me semble moins "en attente" du "dépassement" de "l'à quoi bon" que de la réalisation de l'amour pour lequel l’homme a été périmétré pour s'inscrire dans la circonférence de Dieu.

 

- "Jésus est ressuscité une fois pour toutes", mais l'homme ressuscite au jour le jour. Un cantique, "Dans la puissance de l'Esprit", énonce cette autre réalité magnifique: "Il est ressuscité pour toi."

 

"Jésus a mangé en union avec ses apôtres": Il leur a préparé un feu. La plus belle chose qu'un homme m'ait dite après que je lui eus demandé "Coment ça va?" "Pas bien, Julien, je vieillis, mais j'ai toujours le même feu en moi." La métaphore du festin définit le Royaume de Dieu. "Que signifie manger en union avec ses apôtres?" Peut-être que Michèle Reboul est moins naïve qu'il y paraît quand elle imagine que Jésus a appris à ses apôtres à dire la messe entre la Résurrection et l'Assention.

 

- Jésus a préparé un feu à Ses apôtres dans lequel Il a fait brûler des poissons que personne n'avait jamais pris et que peut-être Il a créés pour l'occasion: la Création s'achève dans la Rédemption et la Rédemption se parfait dans la Création continuée (et non pas achevée).

 

-"Ecclesiade Eucharistia" m'a appris que les espèces du pain et du vin disparaissent complètement sous l'effet de la transsubstantiation dans la présence-absence de Dieu à jamais avec nous, si loin qu'on peut en douter et si proche qu'on peut le toucher.

 

-Le Christ est absent et il est abstème: il ne boira "plus du fruit de la vigne" par lequel Son Sang se transforme, jusqu'au jour où Il en boira à nouveau dans Son Royaume avec Ses disciples, Royaume où le bon larron fut le premier entrant.

 

-Que Jésus se soit fait homme à l'exception du péché serait un oxymore si Jésus n'avait pas devancé volontairement cette conséquence du péché qu'est la mort sans que "l'envie du malin" puisse faire entrer la mort dans le don de sa vie comme elle l'avait fait dans le monde, nous dit le Siracide.

 

Jésus monté au ciel :-"Je crois bien que j'ai trouvé mon ciel sur la terre, car le ciel c'est Dieu et Dieu est dans mon âme." (sainte  Elisabeth de la Trinité)

 

-Le ciel est un lieu dans la lumière, donc c'est un non-lieu au sens topologique et topographique.

 

-Le Christ exerce le pouvoir  "assis à la droite du Père", et c'est lui qui donne aux brebis qui comme lui ont fait le bien d'etre du même côté du Père, à sa droite.

 

-L'abbé Guy Pagès m'a dit un jour, comme je me complaignais que j'avais très mal mené ma barque: "Mais ça n'a aucune importance, ça. Dieu ne regarde pas au résultat, Il regarde au désir." Et j'ai osé lui répondre du tac au tac: "Je crois que je suis assez inattaquable sur le plan du désir." Précédemment dans la même conversation, il répondait à ma question: "Comment justifier l'existence de l'enfer?" "Si Dieu le supporte, supportez-le. Ne faites pas comme les modernes, partez du principe, chaque fois que vous vous posez une question, que vous devez innocenter Dieu et ne pas Le soupçonner a priori."

 

 

- "Croire dans" ou "croître vers" et non « croire au Saint Esprit ». L'autre erreur concernant le Saint Esprit, je la trouve dans le symbole de Nicée-Constantinople qui en parle au passé, si l'on est optimiste parce que l'Esprit est la mémoire de Dieu qui nous Le rappelle, si l'on est pessimiste dans le but de L'éteindre, comme toutes les religions ont fermé la lumière de la prophétie.

 

-"Je crois dans l'Esprit Saint, d'où découlent (ou qui se développe en toutes ces choses éminemment présente que sont) la sainte Eglise catholique, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair » et « la vie éternelle."

 

-L'Esprit Saint, c'est ce que reçoit l'orphelin de Dieu après l'Assention de Jésus et qui le console.

 

 

-"l'Esprit Saint est l'âme de l'Eglise" : toutes les appositions qui suivent sont les oeuvres de miséricorde de l'Esprit.

 

 

- "notre Dieu est unique parce qu'il est infini. Mais il n'est pas seul parce qu'il est amour."

 

 

Amitié,

 

 

Julien » 

mardi 26 avril 2022

Macron ou le désordre du monde

    Macron est le garant d'un ordre du monde en désordre, d'un monde en déconstruction, où il n'y a plus ni hommes ni femmes, où les esclaves sont libres par procuration d'émancipation utopique, optative ou espérée, où les écoliers sont conduits par un algorithme au choix de leur orientation professionnelle (cf. Parcoursup), où les valeurs humaines sont portées par un homme-machine, le président, qui n'est pas dénué de compétence dans son domaine de gouvernance surveillée (et là je ne parle pas de la surveillance qu'il exerce sur ses concitoyens, mais de celle qu'exerce sur lui ce que sous Trump on appelait l'Etat profond.


En République où s'exerce une démocratie au scrutin majoritaire à deux tours sans que le nombre en soit impair ou premier, il n'y a pas de place pour trois,  seulement pour deux. Tant que la politique était saine et marchait sur ses deux jambes, il y avait une droite et une gauche. Mais depuis quarante ans, la dynastie Le Pen s'est octroyée une rente politique en s'arrogeant un monopole sur le nationalisme qu'elle présente sous des traits fâcheux qui l'ont fait entrer dans une impasse. Voyant que l'aile centriste ne pouvait se débarrasser de ce tiers excluant qui devenait le pôle négatif du duopole, le centre s'est réuni contre ce pôle négatif et puisque ce parti familial ne veut pas mourir, on déplore la mort des partis traditionnels qui nous servaient de jambe droite et de jambe gauche.


Mélenchon voudrait bien ranimer la flamme de la gauche, mais il y a un pragmatisme de l'état de grâce et malgré ses coups de menton, cet éternel candidat à la Vième République n'a pas installé assez tôt ce rêve  d'une République parlementaire et d'un gouvernement qui en serait issu pour l'installer et le faire lever. Il a préféré l'excitation de la présidentielle à enraciner un projet de cohabitation pouvant ressusciter la gauche plurielle à laquelle seul Lionel Jospin reste fidèle: ce n'est pas François Hollande qui aurait donné acte au leader de la France insoumise d'être le chef naturel de la gauche en décomposition et en mal de coalition.


tout à son triomphe modeste (il ne nous en avait pas donné l'habitude), le président ripoliné nous dit que cette élection l'"oblige". Chirac nous racontait la même baliverne en 2002, il prétendait même nommer un "gouvernement de mission", et Jean-Pierre Raffarin sortit de son chapeau, qui prépara l'acte II de la décentralisation de la France, laquelle acheva de faire de la province un désert médical et culturel aux routes cabossées et aux promesses jamais tenues de dotation territoriales à la hauteur des nouvelles compétences des soi-disants"territoires, terme bien féodal, que Macron appauvrit encore en les privant de taxe d'habitation sans jamais parler de renoncer pour sa part à la TVA ou de remplir le panier de la ménagère de produits de première nécessité car Macron est chiche et nous en sommes pois chiches.


Macron fait-il le poids en politique internationale? A la veille du second tour, "le Monde" jouait sur les peurs et son directeur nous serinait que le pays était en danger de clanisme et de ne pouvoir relever les défis climatique ou géopolitique. Le défi climatique? Mon climato-scepticisme naturel demande à le voir. Mais Macron est-il à la hauteur du défi géopolitique ? Favorise-t-il la désescalade pour qu'on n'arrive pas à une troisième guerre mondiale d'autant plus intraitable qu'elle ne résistera pas au feu nucléaire et qu'on n'est plus en mesure de traîner notre  complexe munichois face à une puissance nucléaire. Pourquoi Macron déplace-t-il des réfugiés ukrainiens dans des pays d'Europe aussi éloignés que le nôtre ou des pays latins comme l'Espagne ou l'Italie) où ces Russes ou ces Slaves mal occidentalisés  n'ont aucun avenir et où l'on sent qu'ils sont là pour rester? J'en parle à mon aise: mon immeuble, vide pendant cinq ans, vient d'être peuplé de réfugiés ukrainiens et on menace de me déloger pour le rénover une fois que les Ukrainiens seront partis, me dit-on. Les Ukrainiens ne partiront pas, mais moi, je devrais partir en n'ayant aucun impayé de loyer. Comment doit-on vivre ce grand déménagement du monde ou ce grand remplacement quand on est aux premières loges? Macron lest le garant d'un ordre du monde en désordre. 

mardi 12 avril 2022

La France à la peine


L'élection présidentielle me laisse une impression de tristesse. Certains estiment que, si Marine Le Pen passait, ça provoquerait une guerre civile en France. Je ne sais pas, mais c'est probable. Au-delà, la question est de savoir si la xénophobie est une variable d'ajustement. L'histoire a longtemps été xénophobe et a consisté en une lutte des nations contre les étrangers. Et puis la Seconde guerre mondiale est passée par là et a essayé de construire des coalitions de nations qui ont fonctionné tant qu'il y avait deux blocs, mais qui ne fonctionnent plus: l'Union européenne étouffe sous sa bureaucratie et pourrait en mourir comme le communisme. François Asselineau avait été visionnaire en proposant la francophonie comme une alternative pour la France, mais il est inaudible ou il est en avance sur son temps. La xénophobie n'est plus de mise puisque beaucoup d'immigrés vivent avec nous et ont intégré nos nations. Pourtant  certains immigrés voudraient voter pour Le Pen, mais au moment de faire le pas décisif, ils ne se sentent pas prêts et on les comprend, ils auraient l'impression de voter contre eux-mêmes. Peut-on décemment les traiter en ennemis en votant contre eux? Cela m'a toujours mis mal à l'aise. Je ne pensais pas m'abstenir, aujourd'hui je ne sais plus, mais je necrois pas et je ne voterai pas Macron. 


Marine Le Pen a fait une campagne particulièrement nulle, d'une nullité qui confinait quasiment à celle de son débat avec Macron. La question de ceux avec qui Le Pen fille ou Le Pen père gouverneraient se posait depuis 2002. A supposer qu'elle gagne la présidentielle, elle peut d'autant moins gagner les législatives que tous ses cadres l'ont abandonnée pour redonner dans une scission villiéro-mégrettisteavec un candidat mieux cortiqué que Bruno Mégret et moins caricaturalement aristo décadent que Philippe de Villiers, car Zemmour a beau cliver, il est mondain et était introduit dans tous les milieux, dans toute la classe politique avant d'extrémiser son discours pour correspondre à ce que pense la bourgeoisie xénophobe. Marine Le Pen est seule, est plus seule que jamais. Depuis qu'elle dit avoir du coeur, elle est un peu seulette. 


La vie familiale de Zemour, de Villiers, des Le Pen n'est pas exemplaire, accusent ceux qui voudraient u ne conformité des actes et des paroles chez ces défenseurs de la famille. Elle est marquée du sceau de l'incohérence, mais peut-on faire un procès en incohérence? Tout être vit d'incohérences majeures. Un ami prêtre me disait ce matin que si nous n'étions pas un chaos, il n'y aurait pas besoin du Christ, d'un Sauveur, ou nous pourrions avoir un Sauveur beaucoup plus simple, nous qui sommes complexes. 


Le Pen père a-t-il torturé comme on l'en acuse? Il le nie, j'ai envie de le croire. La famille Le Pen, ce sont les atrides. Elle détient une rente politique qui bloque le pays. Le père était flamboyant, odieux et visionnaire, sa fille est fragile et insuffisante, la nièce est raide, suffisante et surcotée. La droite répubicaine est en miettes. Que Valérie Pécresse se soit endettée personnellement peine pour elle, mais elle n'avait pas l'étoffe pour être présidente. Tout sonnait faux. Moi qui suis d'un antimacronisme primaire, je prévoyais qu'elle pourrait être pire que Macron. 


Cinq ans supplémentaires de macronisme, combien de Gilets jaunes, combien de casse sociale? Je crois qu'il vaut mieux éviter cela que de  s'interdire de voter Le Pen, mais si mon vote Mélenchon du premier tour est un vote de coeur, je ne sais pas si le vote que j'envisage pourle second tour  est un vote de raison. Le Pen propose une politique qui ressemble beaucoup à celle de Mélenchon, mais avec des éléments d'inhumanité dès qu'il s'agit des étrangers. Peut-on être tendre avec les siens et dur avec les autres? 


Je pense même que Zemmour et Mélenchon faisaient presque la même analyse du monde, mais Mélenchon appelait "grand déménagement du monde" ou "créolisation" ce que Zemmour appelait "grand remplacement". Nommer autrement le même phénomène, c'était une manière de contourner par l'humanité une difficulté politique, une difficulté de "vivre ensemble" que je n'ai pas souvent ressentie, mais je ne suis pas exempt de racisme, j'ai eu trois épisodes racistes dans ma vie, dont je ne suis pas plus fier que du mal que j'ai pu faire, quel qu'il ait été. 


 Mélenchon déteste plus le fascisme de Le Pen que le libéralisme inhumain de  Macron, c'est un humaniste caractériel. Je n'ai jamais compris pourquoi ce choix s'imposait à lui sans discussion et il n'a jamais varié, n'en déplaise aux chroniqueurs menteurs ou superficiels. Il a dit il y a cinq la même chose que ce qu'il a répété quatre fois dimanche soir. L'insoumis croit-il qu'il va se faire obéir? Tout cela raconte un triste climat social au début de ce qui est pour les chrétiens la semaine sainte, celle du grand Mystère, la même qui a vu il y a deux ans, le lundi saint, l'effondrement de Notre-Dame, dont on ne saura jamais s'il résultait d'un incendie criminel ou involontaire. Faudra-t-il boire notre calice jusqu'à la lie? On n'a pas le choix de ne pas porter sa croix, sauf celui de mourir pour refuser de renoncer à soi-même. Je le dis, moi qui cours ce risque tous les jours, après avoir fait de mauvais choix à l'adolescence et j'ai peur d'en changer, car on sait ce qu'on perd, on n'est jamais sûr de gagner.

vendredi 1 avril 2022

Mes nouvelles aventures, les Ukrainiens et moi

Mes nouvelles aventures, les Ukrainiens et moi


Mail reçu de mon bailleur, Adoma, bailleur social, ce matin à 11h06 après qu’il a rempli mon immeuble, laissé vide pendant cinq ans, de réfugiés ukrainiens : 


« Bonjour, M. INZAEPFLEN,

Suite à mon appel téléphonique et au message laissé sur votre répondeur, nous aimerions vous rencontrer aux terrasses 

des maréchaux, dans la salle de réunion afin d’échanger avec vous sur les modalités 

de relogement possibles et la régularisation du chauffage de l’année 2021. 

Je vous propose :

Le jeudi 7 avril, après-midi.

Ou Le vendredi 8 avril, le matin.

Dans l’attente de vous lire.

Bien cordialement. » 

S’ils l’envisagent, c’est que ce mastodonte de l’hébergement d’urgence appartenant à la Caisse des dépôts a dû trouver un biscuit juridiquepour me mettre dehors (je n’ai pas d’impayé de loyer et n’ai reçu aucun rappel de chauffage) et pour me proposer, j’imagine, de prendre mes quartiers dans l’ancien foyer Sonacotra qu’ils gèrent à Mulhouse (la Résidence du soleil), en laissant leurs appartements de luxe (dans quel but ?) à ces gens qui ne sont pas là depuis dix jours et qui n’ont pas d’avenir en France. Donc ma réponse n’a pas tardé :


« Bonjour, M. K,


"Modalités de relogement", en quel honneur?


Pour ce qui est de fixer un rendez-vous, le 7 avril après-midi me conviendrait mieux, mais plutôt vers 16h, j'ai des obligations auparavant. Il y aura en effet matière à discussion. (…)


Je trouve très cavalier de parler de "relogement" dans un message téléphonique ou dans un mail sans m'avoir avisé de quoi que ce soit au préalable. Je trouverais cela amusant si ce n'était pas révoltant, surtout après le repeuplement sans crier gare de l'immeuble que j'ai occupé seul pendant cinq ans par des réfugiés ukrainiens qui ne font que monter et descendre en claquant les portes toute la sainte journée et qui ne me font nullement l'effet,ni par leurs vêtements (qu'on m'a décrits) ni par leur manière d'aller et venir, de gens traumatisés. Je suppose qu'ils n'ont ni loyer à payer, ni arriéré de chauffage, ni rien du tout, qu'ils ne devront pas attendre deux fois trois mois pour que soit réparé l'ascenseur quand il sera bloqué et qu'ils n'auront qu'à claquer des doigts pour qu'on leur envoie un chauffagiste alors que j'ai passé tout l'hiver avec deux radiateurs qui ne fonctionnaient pas, malgré au moins deux relances que je vous ai adressées. J'ai déjà constaté qu'on a depuis leur arrivé rouvert les toilettes des parties communes dont vous-même m'aviez refusé l’accès lorsque les miennes étaient bouchées. Tout ceci est à l'avenant de la gestion de cet immeuble depuis qu'Adoma en a pris les rennes après la session de Pacagest. 


Donc je confirme qu'il y aura matière à discussion et que je ne suis pas décidé à me laisser faire sans réagir. 


Cordialement,


 

JW