En dialogue avec
l’abbé Guillaume de Tanouarn
Dont le
commentaire du credo sur le mystère pascal commencent ici :
MetaBlog: Est mort (ab2t.blogspot.com)
Puis il faut
remonter d’article en article.
« Bonsoir,
Guillaume,
J'attendais
Pâques (par superstition? Est-ce qu'on n'y croit pas et qu’on ne vit pas Pâques
tous les jours?) pour lire vos derniers articles sur le Credo. Je fais mon
rattrapage et mon écrit de rattrapage sur ce qui m’y interpelle, je les lis en
aède en dialoguant avec eux, en écrivant des contrepoints sur le kérigme.
Mort de Jésus
-Je ne suis pas
d'accord avec le P. Augustin Pique, qui dit que Dieu est impassible, qu’Il n’a
pas besoin des hommes et qu’Il ne peut ni souffrir ni mourir, et qui ne pousse
pas jusqu'à dire que, s'il n'y a pas de (presque) mort de Dieu, la mort de
l'humanité de Dieu est inutile.
-Saint Thomas
d'Aquin dit que, sans le péché originel, Jésus Se serait certainement incarné.
Et il aurait suffi d'un Regard de Dieu pour sauver le genre humain. Alors
pourquoi Jésus meurt-Il?
-Il n'y a pas de
plus grand amour que de donner Sa vie pour ceux qu'on aime." Si, il y en a
un, c'est de donner Sa vie pour ceux que l'on n'aime pas.
-Petit jeu
lacanien: J'ai eu une amoureuse un peu nymphomanequi m’appelait triomphalement
en s’annonçant : "C'est moi." Je n'osais lui dire que tout le
monde peut dire la même chose, car "tout le monde est une drôle de
personne", comme disait Carla Bruni et en cela, nous sommes tous égaux-[ego].
Or une autre chose est drôle: c'est qu'aux premiers livres de sa Trinité, saint
Augustin cherche à établir un signe "égal" entre le Père et le Fils,
bien que le Fils confesse Lui-même : "Le Père est plus grand que
moi." Mais le projet de la Pâque, c'est le "notre Père", non que
la filiation soit une soumission (on n'est pas dans la philosophie du sujet qui
se croit autonome, ce subjectus), mais parce que le Père est infiniment aimable
et, ès qualités, bien qu’inconnaissable, digne de connaissance.
-Sacrifier le
moi, c'est rejeter la conscience de rôle, jeter le personnage pour trouver la
personne, dont on se demande pourquoi le nom vient d'un masque.
-"Le
sacrifice sans amour n'est que diminution des forces vives de la personne. Le
sacrifice sans amour est haïssable", ce qui tendrait à prouver que l'amour
est le contraire de la peur, car on n'aime à rien sacrifier par peur de se
jeter à l'eau, par peur de l'inconnu, par peur d'y perdre des plumes et d'être dépouillé,
quand on aura pratiqué la véritable ascèse. j'ai pratiqué pour ma part une
fausse ascèse: je me suis dépouillé et me suis fait pauvre avec les pauvres pour
oublier que j'étais riche en moi-même.
-Ensevelissement:
chaque fois que je vais jouer un enterrement, j'ai honte de cet article indéfini
et générique, « un », mais je suis fier d'accompagner le dernier acte
de quelqu'un, même s'il n'estplus là physiquement.
-Ensevelir, ai-je
appris lundi dernier, est une des 14 oeuvres de miséricorde et fait partie si
je ne m'abuse des œuvres matérielles.
-Pendant le
Sabbat, les femmes ont préparé des aromates pour qu'il ne soit pas dit de Jésus
comme de Lazare: "Il sent déjà."
-Jésus touche
Marie en l'appelant par son nom et lui interdit de le toucher, de le
"tenir", parce qu'on ne peut pas mettre la main sur l'être, il est
insaisissable. "Ne me touchez pas": ce cri lancé par une patiente de
Freud, décida le maître viennois à la méthode de ne pas voir son analysant.
Freud fut accessible à ce cri parce qu'il détestait la musique...
-Jean qui entre
en second dans le tombeau: ma lecture littérale de Jean, à la différence de la
vôtre dépendante de l'interprétation de Claude Tresmontant selon laquelle le quatrième
évangéliste appartiendrait à une famille sacerdotale et ne serait pas l’un des
deux fils de Zébédé, ces « fils du tonnerre », m'avait fait naïvement
penser que l'apôtre Jean qui se désigne dans son propre Evangile comme "le
disciple que Jésus aimait" pour parler le moins possible de lui-même,
respectait la préséance de Pierre, le premier des apôtres, pour le laisser
entrer en premier dans le tombeau vide. Vous pensez de votre côté que Jean n’accepte d’y
entrer que quand Pierre lui certifie qu’il est vide et qu’il ne se souillera
pas en y entrant.
-Jean "crut
à la vie, lumière éclairant les hommes en venant dans ce monde": j'ai eu
la malchance de ne pas aimer la vie, moi qui aimais vivre, et ce non amour de
la vie me venait de mon père, à qui j'ai demandé de conscience à conscience, un
jour qu'on le croyait à l'article de la mort (et il ne parlait plus) d'où lui
venait ce désamour. (J'avais observé une méthode de kynésiologie non visuelle
apprise de l'ami d'une de mes cousines.) "D'avoir été orphelin de père à
dix ans", me répondit sa conscience. J'ai dit à Dieu: "Si je me suis
monté le bourrichon, si tout cela est du bluff, demain il sera dans le même
état." Le lendemain, il parlait, l’ironie se dessinait sur son visage et
il organisait une réunion où il demanda à chacun ce qu’il pensait de sa mort.
-Je me suis
toujours demandé pourquoi l'anthropologie faisait de la sépulture le commencement
de la civilisation et je préfère répondre avec Jésus: "Laisse les morts
enterrer leurs morts."
-La descente aux
enfers, telle qu'elle est évoquée par le Missel romain, est un des moments les
plus poignants de notre Credo catholique. Elle a lieu en ce jour du grand
silence où jésus prend la main d'Adam et le réveille. Rien à voir avec les
descentes aux enfers d'Homère ou de Virgile qui visitent les lieux, mais ne
mettent pas fin à l'anathème de la mort qui ne peut "rendre grâce à
Dieu", fin de l'anathème dont n'ont que trop profité les romantiques.
-L'histoire du
pauvre Lazare rappelle celle de l'infirme de Béthesda qui trouve le moyen de
venir tous les jours pendant 38 ans sans que personne l'aide à plonger dans la
piscine. Et il en est pour lui reprocher de se victimiser devant Jésus en
réponse à son "Veux-tu guérir?".
-Le cheval pâle
et l'Hadès qui le suit rappelle le cheval noir (ou le mauvais cheval) du Phèdre
de Platon.
-Incroyable que
Pierre sache ce que Jésus a fait aux enfers et le relate dans sa première
épître. En avait-il fait confidence aux apôtres pendant les "blancs"
que laissent les Evangiles sur les rencontres, pourtant si belles et si profondes,
de la Résurrection ? "Par l'Esprit aussi Jésus-Christ alla prêcher
aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été
incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la
bonté de Dieu, pendant que l'on préparait l'arche dans laquelle peu de
personnes, savoir huit en tout, furent sauvés au milieu de l'eau".
Les termes sont précis
: l'oeuvre de Jésus aux enfers consiste à prêcher aux morts qui n'ont pas eu
l'occasion de répondre au Seigneur durant leur vie. C'est une chance ultime qui
leur est laissé de se prononcer pour Jésus devant les hommes pour que Lui se
prononce pour eux devant son Père au plus haut des cieux." Je vous cite
non sans rappeler cette formule que vous répétez depuis longtemps: "En
enfer, il n'y a que des volontaires." Un prêtre de Mulhouse a un discours
très élaboré sur les fins dernières. Il dit trois choses:
1. "Au paradis, vont les bons et les méchants repentants."
2. "Vous serez jugés sur l'amour, sur l'amour que vous avez donné et sur
l'amour que vous avez reçu."
3. "L'éternité, ce n'est pas long, surtout vers la fin, car l'éternité
n'est pas une question de quantité, mais de qualité et de densité. On ne s'ennuiera
jamais pendant l'éternité."
Je lui ai dit un
jour que j'avais déclaré forfait au combat spirituel, il m'a répondu qu'on
n'avait pas le choix. J'entends bien, mais je ne peux pas. Je suis un ennemi
beaucoup trop puissant pour moi-même." Qui refuse ce combat fait ce que
vous appeliez "le choix du non choix" dans "Délivrés" et se
condamne à rester un "homme psychique" ne manifestant pas sa volonté
de puissance, mais ne poussant pas le désir jusqu'à la puissance, disant avec
Thierry Piras que le désir débouche dans l'impuissance.
-Le Signe de
Jonas, le refus de Jonas: et quand les Ninivites se convertirent, Jonas est de
nouveau outré, comme plein d'eau et bon à retourner dans la baleine. Il a fini
par faire ce que Dieu voulait, mais il n'a rien compris.
-Le Christ ne
nous a donné que le signe de Jonas qui ne rend pas notre conversion évidente,
parce que, qu'un homme soit ressuscité, c’est merveilleux, en quoi ça nous
concerne?
- "[Jésus]
est l'Innocent par excellence. Et puis cette dureté, cet endurcissement dans le
péché, il l'a ressenti à ce moment précis, mais venant des hommes contre sa
personne." Je ne sais pas pourquoi René Girard a considéré comme
indispensable que la victime expiatoire soit innocente. Par vous, j'ai connu,
discuté avec et lu Jean-Marc Rouvière qui avait écrit: "Adam... ou
l'innocence en personne." La nature humaine d'avant le péché était
foncièrement innocente. Les pessimistes comme Luther disent qu'après le péché,
elle est totalement coupable et contaminée. La vérité est sans doute entreLuther
et Rousseau : l'homme d'après le péché n'est plus qu'à moitié bon, mais il
n'est pas non plus tout à fait mauvais. Je me dis souvent que Jésus aurait
voulu qu'un Abraham se porte à son secours: "Seigneur, et si tu te
contentais d'un regard pour nous sauver !" Au lieu de cela, il a été
laissé seul avec sa conscience: "Père, si ce calice peut s'éloigner de Moi,
et cependant non pas ma volonté, mais la tienne."
-La mort est un
enfantement: "Nous sommes baptisés dans sa mort et dans sa résurrection
dit saint Paul aux Romains (6). Pas forcément comme des intégristes, mais en
tout cas comme des pécheurs. Nous connaîtrons la mort, nous resterons trois
jours et trois nuits dans le ventre du monstre marin, nous vivrons dans cette
sorte d'utérus spirituel, dans une ultime expérience du mal (la mort) qui nous
donnera un goût éperdu pour la vie. Nous supporterons notre finitude et nos
péchés, pour mieux recevoir l'éternité : pas comme un dû, comme un don."
-Entendu hier à
la messe dit par un prêtre âgé qui a le génie de la simplicité: ressusciter,
re-susciter, et j'ajoute re-stimuler, re-mobiliser, ré-excité, au sens
intérieur du dynamisme de l'excitation à vivre ou de l’élan vital.
-Job "n'est
pas loin de penser que Dieu le hait", et il est le premier des héros
bibliques à qui sa femme a proposé l'euthanasie: "Maudis Dieu et
meurs", à quoi il a répondu: "Je sais que mon Rédempteur est
vivant."
-Jésus, le
racheteur, qui pratique pour nous la loi du Lévira. Je suis sûr qu'il a racheté
l’âme de Baudelaire, qui l'avait vendu au diable un soir au jeu, raconte-t-il
de manière rien moins qu'anodine et plus que symbolique dans un de ses célèbres
petits poèmes en prose.
""Quels
que soient les événements dieu aura le dernier mot." (le Père Dhormes dans
son "commentaire monumental" du livre de Job. Le dernier mot est la
rémission des péchés, ce qui rend intrinsèque à l'Eglise "la culture de l'abus",
mais toute vie est abusive et ratée et l'Agneau de Dieu enlève le péché du
monde, pas seulement les petits péchés un à un: la nouvelle traduction
liturgique de l'Agnus Dei en Français me donne de l'urticaire même si
elle est fidèle au pluriel latin « pecata ». Il y a une opposition
entre Jésus et le Péché et Jésus n'est pas un ramasse-poussière armé d'une
balayette, c'est un aspirateur qui aspire nos âmes en même temps que le péché.
-Job avait
pressenti une dimension salvifique en Dieu, qui se trouve être sa deuxième
personne. Mais il pressent aussi le Paraclet, l'Esprit défenseur et
consolateur: ""Ce témoin doit descendre du Ciel sur la terre"
commente le Père Dhorme au vu de cet autre texte : "Le témoin de mon
innocence est dans le ciel et celui qui connaît le fond de mon coeur réside en
ces lieux sublimes"."
"La Création
n'est pas finie" et "le mal vient de cet inachèvement."
-Le racheteur est
"au-dessus de la poussière", il ne la mord pas. Notre destinée est
"au-dessus de la poussière, super pulverem, note encore Cajetan."
-Saint Paul a
compris le mystère cosmique du Christ et il a également compris le mystère
temporel de la condition humaine, qui "se connaît comme l'énigme dans le
miroir" et qui, quand elle aura passé la mort, connaîtra comme elle est
connue. Ma mère a réalisé des oeuvres d'art avec des bris de miroir, des
oeuvres de cette ligne brisée qu’est la vie.
-La Création me
semble moins "en attente" du "dépassement" de "l'à
quoi bon" que de la réalisation de l'amour pour lequel l’homme a été
périmétré pour s'inscrire dans la circonférence de Dieu.
- "Jésus
est ressuscité une fois pour toutes", mais l'homme ressuscite au jour le
jour. Un cantique, "Dans la puissance de l'Esprit", énonce cette
autre réalité magnifique: "Il est ressuscité pour toi."
"Jésus a
mangé en union avec ses apôtres": Il leur a préparé un feu. La plus belle
chose qu'un homme m'ait dite après que je lui eus demandé "Coment ça
va?" "Pas bien, Julien, je vieillis, mais j'ai toujours le même feu
en moi." La métaphore du festin définit le Royaume de Dieu. "Que
signifie manger en union avec ses apôtres?" Peut-être que Michèle Reboul
est moins naïve qu'il y paraît quand elle imagine que Jésus a appris à ses apôtres
à dire la messe entre la Résurrection et l'Assention.
- Jésus a
préparé un feu à Ses apôtres dans lequel Il a fait brûler des poissons que
personne n'avait jamais pris et que peut-être Il a créés pour l'occasion: la
Création s'achève dans la Rédemption et la Rédemption se parfait dans la
Création continuée (et non pas achevée).
-"Ecclesiade
Eucharistia" m'a appris que les espèces du pain et du vin disparaissent
complètement sous l'effet de la transsubstantiation dans la présence-absence de
Dieu à jamais avec nous, si loin qu'on peut en douter et si proche qu'on peut le
toucher.
-Le Christ est
absent et il est abstème: il ne boira "plus du fruit de la vigne" par
lequel Son Sang se transforme, jusqu'au jour où Il en boira à nouveau dans Son
Royaume avec Ses disciples, Royaume où le bon larron fut le premier entrant.
-Que Jésus se
soit fait homme à l'exception du péché serait un oxymore si Jésus n'avait pas
devancé volontairement cette conséquence du péché qu'est la mort sans que
"l'envie du malin" puisse faire entrer la mort dans le don de sa vie
comme elle l'avait fait dans le monde, nous dit le Siracide.
Jésus monté au
ciel :-"Je crois bien que j'ai trouvé mon ciel sur la terre, car le
ciel c'est Dieu et Dieu est dans mon âme." (sainte Elisabeth de la
Trinité)
-Le ciel est un
lieu dans la lumière, donc c'est un non-lieu au sens topologique et
topographique.
-Le Christ exerce
le pouvoir "assis à la droite du Père", et c'est lui qui donne
aux brebis qui comme lui ont fait le bien d'etre du même côté du Père, à sa
droite.
-L'abbé Guy Pagès
m'a dit un jour, comme je me complaignais que j'avais très mal mené ma barque:
"Mais ça n'a aucune importance, ça. Dieu ne regarde pas au résultat, Il
regarde au désir." Et j'ai osé lui répondre du tac au tac: "Je crois
que je suis assez inattaquable sur le plan du désir." Précédemment dans la
même conversation, il répondait à ma question: "Comment justifier
l'existence de l'enfer?" "Si Dieu le supporte, supportez-le. Ne
faites pas comme les modernes, partez du principe, chaque fois que vous vous
posez une question, que vous devez innocenter Dieu et ne pas Le soupçonner a
priori."
- "Croire
dans" ou "croître vers" et non « croire au Saint Esprit ».
L'autre erreur concernant le Saint Esprit, je la trouve dans le symbole de
Nicée-Constantinople qui en parle au passé, si l'on est optimiste parce que
l'Esprit est la mémoire de Dieu qui nous Le rappelle, si l'on est pessimiste
dans le but de L'éteindre, comme toutes les religions ont fermé la lumière de
la prophétie.
-"Je crois
dans l'Esprit Saint, d'où découlent (ou qui se développe en toutes ces choses
éminemment présente que sont) la sainte Eglise catholique, la communion des
saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair » et « la
vie éternelle."
-L'Esprit Saint,
c'est ce que reçoit l'orphelin de Dieu après l'Assention de Jésus et qui le
console.
-"l'Esprit
Saint est l'âme de l'Eglise" : toutes les appositions qui suivent sont les
oeuvres de miséricorde de l'Esprit.
- "notre
Dieu est unique parce qu'il est infini. Mais il n'est pas seul parce qu'il est
amour."
Amitié,
Julien »