Mon analyse à chaud de la première interview d’Emmanuel Macron
à la presse européenne dont « le Figaro » que l’on peut lire
ici :
http://premium.lefigaro.fr/international/2017/06/21/01003-20170621ARTFIG00333-emmanuel-macron-l-europe-n-est-pas-un-supermarche.php
«[« Les démocraties
occidentales] se sont
construites au XVIIIe siècle sur un équilibre inédit entre la défense des
libertés individuelles, la démocratie politique et la mise en place des
économies de marché. » Cela fait deux éléments de progrès individuel
contre un seul élément d’intérêt général.
« Un cycle vertueux a permis aux libertés
individuelles d'être reconnues, au progrès social de se développer et aux
classes moyennes d'avoir une perspective de progrès. » Le progrès social devrait-il
s’arrêter aux classes moyennes ?
« Le doute ne s’est pas
installé » depuis « la fin des trente glorieuses » : le
modèle social des pays occidentaux a continué de progresser après le premier
choc pétrolier, les années 70 et, en France, les « années Giscard »,
ont été des années fastes ; le doute s’est installé depuis le début des
années 80, c’est-à-dire, en Fance, les années Mitterrand, qui ont correspondu à
la première résurgence de la gauche molletiste, reagano-castriste (Mitterrand
était castriste par sa femme et reaganien par lui-même comme Marguerite Duras….),
et précurseur de la gauche néoconservatrice.
« Les démocraties
illibérales » forment un néologisme qu’il fallaitinventer.
« Des Etats-Unis d’Amérique qui
se retirent en partie du monde » font peur au vieux monde, qui se demande qui
pour le gendarmer.
L’instabilité du monde proviendrait à la fois « des inégalités profondes
engendrées par l'ordre mondial », « du terrorisme islamiste » et
de la météo, « le déséquilibre du climat » : il ne fait pas
toujours beau… « Car tout est lié », ajoute Macron. On ne peut pas
vouloir lutter efficacement contre le terrorisme et ne pas s'engager pour le
climat. »
»
Or le terrorisme islamiste ne
prospère-t-il pas sur le terrain des « inégalités générées par l’ordre
mondial » ? Et la politique peut-elle faire la pluie et le beau temps
comme en celui de la royauté primitive ?
« Le leadership français » ne consistera pas, si son
évidence culturelle s’impose à nouveau, à défendre la grandeur de la France, ce
serait « [bomber] le torse », la présidence macronienne n’est pas
gaulienne ; il consistera à défendre les valeurs de l’Europe ou le bien
commun mondial tel que perçu par le « vieux monde » déserté par les
États-Unis.
Le « leadership français » est donc un
néoconservatisme désaméricanisé, car « Les États-Unis d'Amérique aiment
autant que nous la liberté. Mais ils n'ont pas notre goût pour la justice. »
Les Etats-Unis désobamisés laisseraient le champ libre à un Macron,
porte-parole européen du vieux monde, et qui n’aurait pas les « frayeurs de
gazelle » d’un Hollande abandonné par Obama, si la France devait « frapper
seule » une Sirie qui aurait franchi ses « lignes rouge », un
peu comme Trump fait des frappes à un coup.
Sans assumer le mot, Macron se
pose en néo-conservateur des Lumières, qui regrette la « forme de néoconservatisme
importée en France depuis dix ans », admet que la démocratie ne s’exporte
pas à la serpe, hérite volontiers de l’abstention chiraco-villepiniste de la France
dans la seconde guerre d’Irak, renie la guerre de Libye, mais ne se prononce
pas sur la première guerre du golfe, péché originel de ce qui est devenu le
gouvernement mondial de l’antiterrorisme auquel Macron ne veut pas renoncer :
« Le président réaffirme que la lutte contre le terrorisme islamiste est
sa priorité absolue «, commente « le Figaro ». « Ce sont eux nos
ennemis» complète le Président.
« Les réformes fondamentales
qui sont indispensables pourla France » le sont selon une analyse
financière partagée par la Commission européenne. Le nivellement de la zone
euro par la déréglementation et la précarisation n’a rien d’écrit dans les
étoiles. Normalement, la stabilité devrait être la règle et la mobilité ou la
flexibilité l’exception. Macron est convaincu du contraire et incarne cette
conviction jusqu’à l’extrême au service d’une ambition individuelle purement
économique : que les « jeunes » rêvent d’être « milliardaires » !
Le Président veut pousser l’union
du « couple franco-allemand » jusqu’à ne jamais se rendre à un « conseil
européen » sans avoir négocié « une position commune » avec son
vis-à-vis d’outre-Rhin. Or l’union carolingienne est contraire au désaccord
millénaire entre la romanité ou la latinité et la germanité qui aspire de tout
temps à la remplacer. La France et l’Angleterre sont des frères ennemis qui ont
pu se faire une guerre de cent ans pour une querelle de légitimité sur un même
royaume, dont le général de Gaulle et Jean Monnet ont bien failli accepter qu’il
soit réuni en 1940 sous une même
couronne, ce qui serait arrivé si Paul Reynaud n’avait brisé là. Le saint
Empire romain-germanique a effacé l’Empire romain. L’Allemagne est aussi féodale
et régionale que la France est stato-nationale. « L'Allemagne va dépenser plus que la France en
matière de défense dans les années à venir. Qui l'eût cru? », s’étonne
Macron. La nouvelle Allemagne de Weimar
humiliée jusque dans sa réunification ne se redresse plus par la remilitarisation
de la Rhénanie, mais elle entend jouer un rôle actif dans le régentement du
monde, sous couvert d’une Europe plus centrale que littorale. Or Macron accepte
de déplacer son centre de gravité des évasions maritimes vers l’Est de l’Europe.
« La clé pour repartir est »
certes « une Europe qui protège », mais plus dans le sens du
protectionnisme européen que de la protection des frontières, surtout si l’on
ne touche pas à Schengen et qu’on limite le contrôle aux frontières à celles
qui sont extérieures à l’Union européenne. Or Emmanuel Macron inverse l’ordre
des priorités. Certes, le partiel abandon de l’OTAN par les États-Unis tel qu’il
est à prévoir offre une fenêtre d’opportunité pour une Europe de la défense et
de la sécurité commune, qui aurait dû précéder le marché commun. Mais ce n’est
qu’une fenêtre d’opportunité. Sans la préférence communautaire, cette
protection extérieure est presque vaine, et le combat imprécis contre le
travail détaché n’empêchera pas les délocalisations. La construction et l’attachement
à l’Europe ne sont pas que l’affaire des classes moyennes, ils lancent une
sourde demande de proximité que n’entendent pas ceux qui ne jurent que par le
numérique et par la transformation des techniciens et vendeurs en conseillers
de clientèle.
2 % du budget consacré à la
défense à horizon 2025 contre combien aujourd’hui aux États-Unis ?
Si « l’[accélération] des délais d’instruction
des demandes d’asile » en France était la solution miracle au problème des
migrants ou à celui des réfugiés, la promesse faite par Jacques Chirac en 1995 de
les réduire à trois mois aurait été tenue. Or pendant les » deux ans »
que prend en moyenne l’instruction de ces demande avec ses recours, on ne « tisse »
pas seulement « des liens familiaux », on est placé dans l’économie
informelle par l’interdiction qui est faite par la France aux demandeurs d’asile
de travailler, interdiction qui est à l’origine de l’attraction des migrants pour
le Royaume uni, où ils ne sont pas obligés de vivre dans la clandestinité.
Reconduira-t-on dans leurs pays les déboutés du droit d’asile, et comment, sans
toucher à Schengen, «[ remédiera-t-on]
à la situation ubuesque que l'on observe avec les «dublinés», ces personnes qui
passent d'un pays à l'autre en espérant enfin obtenir l'asile » ?
Pourquoi enfin l’Europe
a-t-elle l’air de considérer comme naturel que l’exode de ceux qui fuient la
guerre se fasse si loin de tout espoir de revenir à la maison ? N’est-elle
pas suspecte d’entretenir les trafics humains qui amplifient les phénomènes
migratoires en ne punissant jamais les passeurs ? En quoi d’autre consiste
la lutte « contre les dérives mafieuses » ?
Macron est le premier dirigeant
français à ne pas rougir d’être qualifié de « populiste » s’il n’est
pas démagogique et ne prend pas ses concitoyens pour des gens sans
intelligence, mais aussi à condition de ne pas parler au peuple français, mais
au « peuple européen « , ce qui serait le « combat de
civilisation » selon lui. Or a-t-on jamais vu de « peuple européen » ailleurs
que dans « l’imaginaire », dont Macron dénonce la crise, des
néo-païens qui barbarisent l’Europe en la germanisant ou e la gothisant, c’est-à-dire
en convertissant son nihilisme en un « Goth binn ich » ? Car on
peut parier que Macron ne veut résorber la crise de l’imaginaire européen que
comme il croit que Vladimir Poutine veut « restaurer l’imaginaire russe ».
La « politique civilisationnelle » n’est à bâtir qu’à seul fin de
lutter contre le terrorisme.
C’est un peu faible.
Triste anniversaire. Il y a tout juste un an Metablog, qui avait contracté une sale maladie, tomba dans le coma. Il est aujourd’hui cliniquement mort.
RépondreSupprimerSon souvenir restera vivace dans nos cœurs.
Nous prions pour lui.
Eh oui! Métablog n'a survécu que par le commat à la mort que nous lui prédisions lorsque son auteur principal est devenu rédacteur en chef d'un journal moins nourrissant que ses propres méditations. Qui trop embrasse mal étreint. Un journal est plus lucratif qu'un blog, même si la presse n'est pas un médium d'avenir. Je sais beaucoup de lecteurs commentateurs à qui Métablog manque beaucoup.
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