Ce soir, j’ai pris la plume pour réagir à l’apologue de Philippe de Villiers (je me rends compte que je m’en fiche et que je ne l’écoute que pour supporter linsomnie). Mais il a dit comme presque toujours une chose intéressante à la fois littérairement et en ce qu’elle marque la différence presque infrangible entre un chrétien de religion et un chrétien de civilisation. Il évoque Chateaubriand se faisant enterrer sur une tombe où l’on ne peut se recueillir qu’en attendant la marée basse, car « Chateaubriand a choisi les tempêtes éternelles » et il est vrai que l’auteur des Mémoires d’outre-tombe est un écrivain qui a fait naufrage, ça me paraît la partie la plus méconnue et la moins cité de ses Mémoires d’outre-tombe dont je n’ai pas réussi à achever la lecture et qui me sont un peu tombés des mains. Chateaubriand a fait naufrage comme saint Paul a fait trois fois naufrage et ce naufrage devient sous ma lecture le message caché du destin de Chateaubriand dont la grandeur ou plutôt la mégalomanie donnait envie de lui ressembler (« je serai Chateaubriand ou rien ») à Victor Hugo, il en résulte la philanthropie tapageuse du « plus grand poète français, hélas ». Mais choisissant les « tempêtes éternelles » plutôt que les tempêtes apaisées, l’opportuniste du grand destin marque aussi la différence infrangible qui sépare le chrétien de religion (ou celui qui essaie d’être chrétien, pour qui le devenir-chrétien est un idéal considérable et une promesse dont il fait grand cas dans sa vie personnelle et dans son ambition de réaliser de belles valeurs)et le chrétien de civilisation comme est Chateaubriand, paradigme d’un conservatisme original avec son adaptation à l’air du temps qui l’a fait nommer à la Chambre des paires par la monarchie de juillet. Le chrétien de religion relit l’Évangile de la tempête apaisée et demande au christ pourquoi Il fait semblant de dormir pendant que nous nous enfonçons,un peu comme les déprotés d’Auschwitz se demandaient ce que faisait Dieu pendant ce temps-là parce que, comme l’écrit Georges Bataille, « il ne faut pas s’endormir pendant ce temps-là" qui est le temps où nous faisons l’Expérience intérieureplus encore que le Christ n’est en agonie jusqu’à la fin du monde selon Pascal pour nous donner une chance de salut. Pour Georges Bataille, « le salut est un faux-fuyant ». Le chrétien de civilisation choisit les tempêtes éternelles parce que c’est plus fun d’être dans la tempête sans jamais connaître de véritable accalmie. Il signe par ce choix que son destin est d’avoir fait naufrage quand le chrétien de religion espère qu’il ne mourra pas dans la déchéance qui attend l’archétype de ce qui le fait tomber et dont il est le nom de la chute, car nous sommes tous des prototypes, des singularités, et des archétypes, des malades comme les autres, dont les effets de la maladie ne se distinguent pas de ce qu’elle fait faire aux autres,e t pourtant nous sommes tous des malades singuliers. Le chrétien de religion cherche la tempête apaisée comme le chrétien de civilisation zemmouriste d’aujourd’hui, par exemple, dit redouter la guerre civile qui est pourtant son horizon fascinatoire.
vendredi 7 novembre 2025
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