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jeudi 23 février 2023

Raffarin est à l'Ouest et la planète n'est pas un objet politique

https://www.lepoint.fr/politique/jean-pierre-raffarin-j-appelle-le-president-a-un-choc-reformateur-18-02-2023-2509078_20.php?M_BT=3284321751778#xtor=EPR-6-[Newsletter-LePoint-Politique]-20230223-[Article_5]


"Hegel a dit « L'oiseau de Minerve s'envole au crépuscule ». La sagesse a peu de temps avant la nuit."


Jean-Pierre Raffarin n'est pas méchant. Il n'est pas bête. Sa vision de la République ressemble à celle de Jean-Paul Delevoye quand il en était le médiateur, avant qu'il soit nommé commissaire du gouvernement pour proposer la retraite à points, une réforme plus intelligente et plus ambitieuse que celle actuellement débattue, qui met moins le pays sur la brèche que celle portée par Jean-Paul Delevoye et Édouard Philippe ne l'ont mis dans la rue. 


Jean-Pierre Raffarin a rallié Emmanuel Macron tel un vieux sage au train de sénateur et dont la vision n'imprime pas, mais il donne le la de la tiédeur de la réflexion des élites sursitaires (et non pas sur Cythère, nos élites ne sont pas vénusiennes).  Il n'est pas de ceux dont on peut dire que chaque fois que leur doigt montre la lune, on doit, non pas regarder le doigt avec les "imbéciles", mais regarder de l'autre côté du doigt pour voir où est la lune. Il n'est pas non plus de ceux qui iraient nous la décrocher? CAR IL  n'a pas de goût, c'est un fan de Johnny, d'Edgard Morin et de Greta Thunberg. Sa boussole n'indique pas systématiquement le Sud, il est de ceux qu'on écoute, non de ceux qui s'agitent. Raffarin est un vrai centriste, non pas un intrigant à la Bayrou. C'est un vrai centriste qui a raté la décentralisation qu'il a faite à demie, car un centriste pratique toujours la politique de l'"à moitié", qui est préférable à celle du "en même temps".  


Sa parole est mesurée, avec des raffarinades, qui donnent du "sel" à son enfilage de perles, du "sel", mot cher à Emmanuel Macron dont c'est le seul souvenir de son baptême.  Raffarin n'aboie pas comme Mélenchon, et s'il négocie un "éternel retour" comme Sarkozy, c'est en mode mineur comme Jean Castex. Et en ayant été "tellement jupééo-compatible" comme il l'assurait en 2002 pour se concilier Jacques Chirac bien qu'il trouvât la fonction de premier ministre celle d'un pompier dans "l'enfer de Matignon", qu'il soutientaujourd'hui Édouard Philippe, ex-lieutenant d'Alain Juppé.


Jean-Pierre Raffarin est un centriste, il n'a jamais été un maoïste comme Alain Finkielkraut, mais la scission d'avec le monde occidental de la Chine, premier dépaysement amoureux de ce jeune giscardien pragmatique comme un directeur commercial de chez Jacques Vabre, lui fait beaucoup de peine. Pour un peu ça le rendrait anti-américain même s'il s'exprime avec prudence: "Joe Biden a eu l'intuition excellente de créer un front des démocraties. Mais [...] il a fait de ce premier rendez-vous un rassemblement antichinois. . 


Raffarin ose rêver à mi-voix d'une Europe non otanienne: "Quand les peuples européens ont peur de la guerre, ils se tournent vers les États-Unis, ce qui renvoie à plus tard le programme de défense et de souveraineté européenne mais aussi son indépendance politique", que cet Européen de toujours n'a pas contribué à construire, car il n'a pas eu la seule bonne intuition qu'ait eue Macron au plan européen, qui ne fut pas son discours plein de foucades de la Sorbonne, lequel n'est pas un morceau d'anthologie pour tous ceux qui savent lire, mais faillit être de proposer que l'on construise l'Europe de la défense indépendamment des divergences de la politique étrangère et de sécurité commune, ce qui nous aurait permis de moins dépendre de l'Otan naguère "en état de mort cérébrale" et nous aurait fait voir venir en cas de tension internationale imprévue comme la guerre en Ukraine ou les tensions sino-américaines, qui demeurent moins fortes que le retour de la guerre froide avec son goût de réchauffé.


Raffarin n'aurait pourtant  pas eu besoin de l'éloignement de son rêve  de rapprochement sino-européen pour se recentrer sur l'Europe dont il se serait bien vu présider la commission après avoir été le premier ministre le plus consensuel et le plus réparateur de Chirac l'immobile.  Raffarin était un Européen à la manière de Robert Schumann et de tous les démocrates chrétiens qui ont cru que l'on pouvait construire en dehors des peuples cette utopie évangélique et technocratique. L'Europe se donnait pour mission d'« Équilibrer le monde et incarner la paix  », qui aurait pu s'y opposer? Mais cette utopie a vécu: l'Europe qui s'est construite sur le compromis et la compromission prétend aujourd'hui se refonder contre l'ours russe qu'elle envisageait un temps d'intégrer et pour être le bras civil de l'Otan à l'occasion de la guerre en Ukraine.


La boussole de Jean-Pierre Raffarin n'indique pas systématiquement le Sud, mais voici par où il a retenu mon attention en proférant une énormité qui prouve qu'il a toujours été un peu à l'Ouest: "L'Europe doit choisir un axe stratégique qui lui confère un leadership spécifique pour lequel elle sera respectée dans le monde. Pour moi, ce choix stratégique devrait être le consensus des sociétés civiles autour de « la planétisation », de la planète comme objet politique." 


La planète comme objet politique: Raffarin a trop lu les penseurs de la French theory. Il veut que l'Europe de l'humaniste apporte son concours à "la mort de l'homme" pour l'émergence de la terre comme objet politique décentré et neutre au nom du mondialisme. Il veut changer le monde pour les beaux yeux de Greta qui va se frotter les mains parce que sans lui décrocher la lune, Raffarin lui aura rendu la terre. Greta va retrouver la "positive attitude" de Lorie qui avait tant émoustillé Raffarin sur le plateau de Michel Drucker. Greta, ce symbole de la génération confinée qui ne rêve plus de changer le monde, il ne faudrait pas abuser, mais bien plutôt de "s'empêcher", va retrouver le sourire. 


"La planète" est le formidable alibi de "la mort de l'homme" après que l'homme eut été celui de "la mort de Dieu". Avec elle, nos démocraties vont  retrouver les illusions de la "royauté primitive" qui croyait faire la pluie et le beau temps tout en se niant comme démocraties à travers le choix d'un objet décentré de soi (la démocratie est un régime narcissique), de soi par qui la charité bien ordonné arrive de soi au "soi". Je commence à comprendre pourquoi l'Eglise catholique a si longtemps parlé de "salut individuel". La condition en était le salut des âmes. Aujourd'hui "il faut sauver la planète" et non nos âmes, jusqu'où ne sommes-nous pas descendus! Raffarin est l'astronef qui m'aura fait comprendre que la question de Soral avait un sens "La planète comme objet politique", on croirait lire du Hervé Rissen dans le texte, mais du Hervé Rissen ancienne manière.


Il faut être écervelé comme Jean-Pierre Raffarin ou comme "les jeunes du monde entier" pour "descendre dans la rue" (ce que font aussi les syndiqués et les militants de la France insoumise) en croyant qu'on "[défend] l'humanité" en "[défendant] la planète" sur laquelle on n'a aucune prise. Le planétisme n'est pas un humanisme, c'est le contraire. Jean-Pierre Raffarin est à l'Ouest et "la planète" est la négation de l'objet politique et de l'objet démocratique. 

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