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mercredi 18 janvier 2023

Écrivain, un métier de parole

Parler est utile, écrire va vers sa transcendance qui découvre ce qu'on ignorait qu'on voulait dire, l'écriture va vers la littérature et la littérature est vitale.


"Le métier de l'écrivain a changé", l'écrivain "se livre à un exercice de parole", il se confie au "dictaphone"... (Vamonos, comentateur)


"Le dictaphone" ne rend plus nécessaire à l'écrivain public de saisir méticuleusement tout ce que son "biographé" a dit. Dragone est passé par là. Il agit pour rendre inutile la retranscription par un J.S. Bach des partitions de ses prédécesseurs, grâce à quoi il est devenu le musicien de référence de la musique occidentale. 


Le chirurgien se saisit de son dictaphone et dicte à sa secrétaire une lettre pleine d'aménité destinée à un de ses confrères à propos d'un patient dont il fera le diagnostic complet de tout ce qu'il sait de ses symptômes. Quiconque a entendu un chirurgien dicter tout d'un coup une telle lettre à une secrétaire absente en parlant comme un livre  à son dictaphone en garde une impression inoubliable.


L'écrivain écrit, et puis il donne des entretiens. Je ne parle pas des entretiens promotionnels qui font la retape d'un livre et en donne le synopsis, mais d'entretiens au long cours tels qu'on en donne sur "France culture". Souvent, en les écoutant, je me dis qu'il y a des études universitaires à faire sur le statut de cette parole. Résume-t-elle le livre? Le contient-elle? Le condense-t-elle? Qu'en retranche-t-elle, mais surtout,  qu'y ajoute-t-elle? Je ne sais pas si les entretiens de Paul Léautaud avec Robert Mallet ajoutent quelque chose à son "Journal littéraire", mais je suis persuadé que les entretiens de Jean Amrouch avec André Gide ou Jean Giono font partie de l'oeuvre de ses deux écrivains.


Notre société régresse-t-elle vraiment vers une tradition orale? S'orientalise-t-elle? S'africanise-t-elle comme sa musique au rythme répétitif, lancinant  et pauvre? 


Un jour, m'en allant enregistrer un CD-maquette dans une association d'artistes aveugles, je devisais avec l'un des salariés et comparais notre situation avec celle d'illustres prédécesseurs (Jean Langlais, Gaston Litaize ou Louis Vierne pour viser haut), qui écrivaient eux-mêmes de la musique en Braille entièrement mentalisée, quand nous, avec tout le matériel dont nous disposons... "Écrivons de la musique de m...", m'interrompit mon camarade. Ben oui, malheureusement.


Notre société ne s'oralise pas tellement que ne se déploie une articulation différente entre l'oral et l'écrit. Ce n'est pas parce qu'on apprendra à un enfant à écrire directement sur son ordinateur que sa pensée va devenir squelettique. Du moins je veux le croire, contre tous les désillusionnistes qui assurent que la tenue d'un stylo est nécessaire à la pensée. Dans la frange de population à laquelle j'appartiens, les élèves lisent et écrivent de moins en moins en Braille. Ils me paraissent pourtant mieux connectés à leur époque qui a moins d'orthographe, mais l'orthographe n'est pas une invention si ancienne. L'intelligence des "enfants indigos" d'aujourd'hui est moins analytique, mais elle va droit au but. Ce n'est pas parce qu'on a fait ses humanités qu'on a plus d'humanité. 

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