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dimanche 3 février 2019

Enthoven versus Étienne Chouard, la déception et la bonne surprise

Enthoven m’a déçu et tienne Chouard me surprend favorablement. La déception que me cause Enthoven ne date pas d'hier, et le fait qu'il m'ait bloqué sur Twitter n'en est pas la raison. J'avais d'abord été subjugué par ce jeune homme à la voix de gorge timbrée à la façon d'un dandy, à l'élocution facile, capable,la première fois que je l'ai entendu, d'exprimer le meilleur de Marx, une pépinière de citations, m'initiant à Cioran dans une émission mémorable, interviewant des professeurs qui avaient été les miens comme Nicolas Grimaldi, qui chez lui se livrait, plein d'âge et de raison, mais avec un peu plus de mélancolie que ce jubilatoire goûteur de Proust, de Descartes et des sentiers de l'imaginaire ne le laissait entrevoir dans ses cours. Le fils de Jean-Paul Enthoven animait sur "France culture" "Le rendez-vous des politiques" en y laissant parler ses invités. Il était socialiste, mais respectait les adversaires de cette pensée tranquillement dominante, faisant étalage d'un snobisme de bon aloi chez lui, couroné par une vraie connaissance de la philosophie, si ce « people » ne menait pas une vie philosophique, sur laquelle Justine Lévy et Carla Bruni avaient levé le voile, mais qui ne me regardait pas, et dont je ne crois pas qu'elles l'aient fait devenir le philosophe du spectacle dans la peau duquel il pontifie désormais comme un coq ayant quitté "France culture" et l'émission philosophique qu'il y dirigeait pour passer d’abord à "Europe 1", où il livrait "la morale de l'actu", comme si ce présent sélectionné qu’est l’information soumise au commérage de l’opinion était une fable. Dans la rencontre organisée par « Sud radio » entre Étienne chouard et lui, Enthoven profite de l'ascendant qu'il a sur le professeur d'économie qui lui a d'emblée signifié leplaisir qu'il avait de s'entretenir avec lui, et de la maîtrise des médias que n'a pas ou n'a plus l'ancienne icône du net embourbée dans les eaux soraliennes et qui se râcle la gorge, pour l'humilier en restant parfaitement courtois sur la forme pour ne le mépriser que plus insolemment. J'ai beaucoup reproché à Étienne Chouard d'avoir commis ma chère démocratie directe aux hasards du tirage au sort. Or j'apprends récemment que tel était la méfiance envers la représentation au Vème siècle hellénistique que le tirage au sort était l'essence de la démocratie athénienne. Quand elle s’applique à nous donner des représentants pour exécuter les décisions du peuple, la règle du tirage au sort me paraît aussi inconséquente que de livrer un royaume héréditairement dévolu à une dynastie à la défaillance ou à la folie éventuelle du prince légitime. J’observe non sans surprise, là encore, la fibre démocratique de certains de mes amis royalistes, dont je lis sous la plume de l'un d'entre eux qu'il votera le jour où il y aura un référendum, c'est-à-dire le jour où il sera question d'idées et non plus de personnes, sans que les médias puissent nous abuser en faisant confondre aux enfants démocratiques que nous sommes (un enfant est celui qui n’a pas l’usage de la parole) la politique avec des intrigues d'appareil destinées à obtenir le pouvoir personnel. Mais Étienne Chouard est pour le RIC, ça me va mieux. Entendons-nous: je suis défavorable au RIC abrogatif tout comme au RIC révocatoire, car je ne cautionne pas l'instabilité politique que cela engendrerait, mais je suis favorable au RIC constituant et au RIC législatif. Étienne Chouard dépersonnalise la démocratie jusqu'au tirage au sort et au référendum d'initiative populaire ou civique, deux adjectifs que je préfère àl'adjectivation du substantif "citoyen". En quoi il connaît mieux la nature de la démocratie athénienne que moi, j'en prends acte d'autant plus volontiers que je croyais le contraire. Je me découvre moins référendaire que lui, car aux réserves déjà exprimées, je dois ajouter que si, dans ma modeste histoire politique qui n'intéresse personne, j'avais voté Le Pen en 2002 parce qu'il portait la promesse d'une "République référendaire", il m'a toujours semblé (j'en reviens aujourd’hui par esprit grégaire devant l'audace des gilets jaunes) que le pouvoir exécutif devait conserver le monopole de la question référendaire, pour que la politique du pays conserve une direction. Je note ce dernier trait qu'Étienne Chouard est un curieux rousseauiste. Il s'est déclaré tel sur le plateau de "TVLibertés". Or il me semble que Rousseau ne demande pas que l'on signe le contrat social et préfère l'assentiment unanimiste de la cité à la loi comme expression de la volonté générale à soumettre celle-ci au vote qui pourrait faire sortir la cité des gongs de sa religion civile et de ce que Jean-Jacques n'appelait pas encore le "pacte républicain". Or Étienne Chouard souffre comme je le souhaite que la démocratie directe puisse poser toutes les questions, y compris celle de la peine de mort ou de l'avortement, ce qui va à l'encontre de l'idée que se font les progressistes du sens de l'histoire, idée qui continue d'être celle de la France insoumise qui, pour se prémunir de ces questions réactionnaires, que l'on inscrive ces acquis sociétaux dans le socle constituant. Les gens trop brillants nous déçoivent souvent et il faut quelquefois se fier à ceux qui se râclent la gorge.

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