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vendredi 3 novembre 2017

Un déboulonnage en règle de Gilles Kepel


Dans un livre publié peu après le 11 septembre 2001, Gilles Kepel pronostiquait « le déclin de l’islamisme ». Henry de Lesquen procède, en décembre de la même année, à un déboulonnage ironique mais régulier, de cet auteur qui faitencore autorité.

 


 

 

Mon commentaire s’inscrit en faux contre l’idée que l’islam ne serait pas soluble dans la République. L’analyse mérite d’être fortement nuancée.

 

« L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu », disait Larochefoucaud. « Faites-vous des amis avec l’argent trompeur », et « soyez rusés comme des serpents et simples comme des colombes », disait le Christ, ce que le pape François, se piquant d’être un peu « fourbe »,appelle la « sainte ruse ». Il y a donc bel et bien une takyiah chrétienne.

 

IL y a aussi une humilité chrétienne, tous les auteurs mystiques enconviennent, qui nous fait concevoir notre « nullité devant Dieu », aspirer à disparaître devant Lui, ce qui ne vaut pas mieux que d’être Ses esclaves, et vouloir imiter « le beau modèle » qu’est pour nous le Fils de l’homme comme pour les musulmans le prophète de l’islam.

 

Certes, la démocratie moderne transfère le droit divin dans la souveraineté de la société, dont le prince est le représentant au lieu d’être celui de Dieu. Tocqueville nous montre les racines de ce mouvement dans le code écrit par le grand Frédéric, l’ami de Voltaire, qui en énonce le principe, mais n’en tire aucune conséquence pourtransférer son pouvoir à ses sujets, qu’il décide unilatéralement de représenter. Or, même si ce n’est pas dans la tradition des Lumières,  il peut aussi bien exister un providentialisme démocratique, qui parie que la décision que prendra le peuple, ou bien sera conforme aux desseins de la Providence, ou bien mesurera le degré d’adhésion du peuple au plan de Dieu. Dans la mesure où l’islam est une « théocratie égalitaire », il peut être un providentialisme démocratiqu. La démocratie est même mieux faite pour l’islam qu’elle ne le fut pour le christianisme, sur lequel se greffa très facilement la hiérarchie féodale. Si le guide n’avait été fou, la djamaria instaurée par  le colonel Kadhafi en Libye aurait été un idéal de démocratie pyramidale adapté aux sociétés arabes, où les décisions devaient s’acheminer du bas vers le haut puis du haut vers le bas. Il y a certes une dimension personnelle plus marquée dans la civilisation occidentale, ce qui l’ouvre à l’individualisme débridé, mais la parole le dispute à la personne, puisque l’Occident n’est pas seulement la civilisation de l’Incarnation, il est aussi celle du Verbe incarné.

 

En revanche, ce qui différencie profondément islam et christianisme, c’est que l’islam est intrinsèquement violent depuis la geste prophétique, tandis que le christianisme apporte allégoriquement le glaive et le feu sur la terre, mais se méfie de quiconque combat par l’épée, et donc est violent par rencontre et non à l’imitation de son prophète.

 

Jules Monnerot aurait été plus avisé de qualifier le terrorisme révolutionnaire d’islam du XVIIIème siècle et, dès lors, compte tenu des circonstances actuelles, la question se serait posée de savoir si l’islam ne sera pas le terrorisme du XXIème siècle, tant le terrorisme est, même si c’est de façon différenciée, intrinsèquement révolutionnaire et intrinsèquement islamique. Seulement, terroriser mondialement le terrorisme, ou déclarer une guerre mondiale terroriste contre la guérilla terroriste, est inadéquat et inepte.

 

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