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lundi 21 décembre 2015

"Je est un autre" ou "la loi du Nom"



 

 

"Dieu dit JE et toutes les personnes sont à son image quand elles disent JE",écrit l'abbé Guillaume de Tanoüarn.

 

J'ai le rare privilège de me souvenir de ma prise de conscience. Un matin, je me suis réveillé, et je me suis demandé, non pas quel était le visage (je ne les voyais pas) de mes parents, mais quelle était leur voix. Je les ai découvertes, il y en a une que j'ai aimée plus que l'autre, n'importe. Un soir, je me suis endormi vagissant dans la conscience simultanée et un matin, je me suis réveillé conscient.

 

Ce qui m'a étonné rétrospectivement est que la première question que je me suis posée était celle de ma filiation. Bien plus tard, je l'ai récusée, puis j'ai essayé d'assumer ce que je pouvais de l'héritage ou de la condition de fils. Mais dans ce premier éveil de ma conscience d'enfant qui jouait dans le couloir, autant il m'était facile d'identifier mes parents quoi que j'en pense, autant je ne parvenais pas à m'identifier à moi-même. Sitôt que j'essayais, tout devenait pesant alors que j'étais chétif et rachitique à faire pitié. Je faisais passivement l'expérience de ce que Rimbaud a formulé activement en disant : "Je est un autre".

 

« La personne est ce qu’il y a de plus parfait dans tout l’Univers » dit saint Thomas." A ce compte, est-ce "je" ou "moi" qui suis une personne ? Quelle perfection y a-t-il en "je" si, ne pouvant m'identifier à moi-même, je ne puis pas répondre de mes actes ? Serais-je coupable et pas responsable ?

 

Certes, si je me réfère à ce que Dieu révèle de Lui-même au buisson ardent, tout ce que j'arrive à fixer de Lui, c'est que son Verbe est "le sujet de toutes les paroles" (Il est donc aussi le sujet de tous mes rapports sur moi et si c'est le cas, ma question est résolue), mais parce que l'être est l'objet du "noli me tangere", Il donne ses prolégomènes à la théologie apophatique. Si donc c'est "je" et non pas "moi" qui suis une personne, je suis trop l'analogue de Dieu en ce que ce que je suis, dans mon cas m'excède, mais excède ce que je peux en dire. Ce que je suis excède ce en quoi je puis répondre de moi. Et autant le fait que je sois l'analogue de Dieu en excédant ce que je peux en dire pourrait donner prise à mon orgueil, à mon prométhéisme, voir à mon prothéisme, autant, au contraire, le fait que je ne peux pas répondre de moi, que je ne suis pas identique à moi-même, que je suis même étranger à moi-même  constitue une humiliation. Plus j'avance et moins je me ressemble.Une distance semble avoir été mise entre moi et moi-même pour que je ne puisse pas me ressembler, m'admirer ou me regarder. Je suis interdit de narcissisme puisque je ne fais pas ce que je veux. Plus je vais, plus mes actes s'éloignent de moi. Je n'ai pas donné, en matière de résultat, ce que je promettais en fait d'espérances. Je ne suis pas devenu ce qui se dégageait de moi, l'addition promet d'être salée. Plus mes actes s'éloignent de moi, plus je m'aperçois que je ne peux plus être sauvé que par un transfert de justification, qui, s'il n'est pas miraculeusement opéré par le Dieudont le Nom est Salut, doit m'entraîner inexorablement et logiquement dans la seconde mort, moi dont la vie est pavée de bonnes intentions, mais dont les œuvres ne correspondent pas.

 

"Je suis un autre", j'ai besoin d'un Sauveur ! Si j'étais moi, je me suffirais. Je ne suis pas fait pour moi, mais pour Lui.

 

LA LOI DU NOM

 

Il y a quelque chose de changé au royaume des hommes depuis qu'Il est venu. Non pas certes visiblement. Visiblement, tout continue de dysfonctionner. Certains adventistes pensent même qu'il y a une loi de l'entropie par laquelle la régression historique ira à l'encontre du progrès technique et que tout ira de mal en pis jusqu'au dernier dévoilement. Ce qui est changé, c'est que l'homme n'est plus sauvé par la loi, il est entraîné dans le NOM du Salut ! Ce qui a changé, c'est que la religion de la loi est devenue la Loi du Nom. "Par quelle autorité fais-tu cela ?" demandent les scribes. "Par l'autorité de Mon Nom : On vous a dit, Moi je vous dis, et Je vous le dis sans abroger un iota de la loi."

 

Dès lors, la question de savoir qui, de "je" ou de "moi", est une personne, voir si le fait pour moi de devenir personne suppose l'abdication de ma personnalité, la question se transforme. A la Ressemblance de Dieu, "je" deviens identique au message que porte mon Nom. Je ne deviens pas mon mental, mais un peu ma musique intérieure. Je ne deviens pas la différence de ce que j'ai consommé et de ce que j'ai assimilé, ou la somme de ce que j'ai produit en espérant que j'aie produit au-dessus de mes moyens, je ne deviens pas ce que je pense de moi ou la réputation qui me précède, je deviens ce que je suis sous le regard de Dieu et dans l'oreille de ceux qui entendent ma musique. Malraux l'a dit, moi, je m'entends dans ma poitrine, les autres m'entendent de leurs oreilles.

 

A  la différence de Dieu Qui est mieux cru de moi qu'Il n'est compris, fût-ce de Lui-même, j'En suis mieux compris que je ne suis crédible à mes propres yeux.

 

J'En suis compris, donc pardonné si je l'accepte, et si j'accepte que ce n'est pas à moi de m'accepter, mais à Lui de me pardonner.

 

De même que ce n'est pas à moi de me réaliser, c'est à Lui de me justifier.

 

dimanche 13 décembre 2015

Comment les socialistes réussissent à pervertir jusqu'à la proportionnelle



 

Les socialistes, qui mènent en permanence une politique à contresens, ont dénaturé la proportionnelle qu'ils avaient instituée pour les élections législatives de 1986 et qui ne subsiste que pour les élections régionales.  Ils l'ont dénaturée en se retirant des régions où le front nationalrisquait de présider la région. Or c'était commettre une quadruple erreur :

 

-         D'abord, c'était se dédire : Jean-Christophe Cambadélis avait dit qu'il ne voulait plus redonner dans le piège Front républicain, et il l'a poussé plus loin que jamais;



-  ensuite, c'était s'interdire de siéger dans une assemblée dont le mode d'élection permet à toutes les sensibilités républicaines de le faire, dans le respect le plus abouti du pluralisme ;

 

- il n'était pas difficile au parti socialiste de fusionner ses listes avec les autres forces de gauche. La chose était faisable dans le Nord, elle aurait également été possible dans le grand Est ou en PACA.

-          

-         - - - enfin, c'était agir inutilement, car à supposer qu'on  ait voulu éviter que le front
national ne préside une région, il suffisait de faire comme on avait fait aux régionales de 1998 et de reporter au sein du parlement régional le vote pour le parti le mieux placé pour présider la région en dehors du front national. C'est d'ailleurs sans doute ce qui va se passer dans les régions où le Front national, quoique placé en tête du premier tour,fera moins de 40 %.

 

En ACAL où je n'ai pas voté pour le parti socialiste, je sais gré à Jean-Pierre Masseret de ne pas s'être retiré. Malheureusement, il risque de ne pas être payé de retour en voix pour son courage politique.

 

Dans le Nord-pas de Calais-Picardie, Pierre de Saintignon a cédé aux instances de son parti et c'est la région qui va le payer, car l'ADN du Nord, c'est d'être de gauche ; si Marine le Pen gagne dans cette région, la tension risque de monter. Garder une représentativité régionale de la gauche dans l'hémicycle aurait garanti une certaine stabilité dans cette région qui n'avaitpas besoin d'être divisée, car la misère industrielle en fait une poudrière, et la gauche de terra nova a renoncé à y représenter le prolétariat. L'appareil solférinien ne l'a pas permis et à la base, on n'a pas fini de s'en mordre les doigts.

mercredi 9 décembre 2015

L'islam et la République


(En réponse au billet de Rudy consultable sous ce lien) :

 

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Cher Rudy,

 

Vous avez d'abord le mérite de la fidélité à vous-même, ce n'est pas si courant.Dans un billet datant de quelques années, vous vous en preniez à la manière dont François Fillon définissait de l'extérieur l'orthodoxie musulmane. On ne peut pas dire que ça se soit beaucoup amélioré depuis. Les politiciens ont gardé ce réflexe, ils ont même été récemment rejoints par le pape qui, s'autorisant sans doute de l'esprit d'Assise et de se rendre de temps à autre à la mosquée pour embrasser le Coran, exige des musulmans qu'ils se démarquent des terroristes ou de Daech. Les musulmans n'apprécient pas que des "mécréants" ou des non musulmans leur dictent la conduite à tenir en matière de religion. Cette infantilisation sous promesse de "pas d'amalgame" et dictée par le sentiment de supériorité des pédagogues autoproclamés des "Lumières" intellectuelles des "races supérieures" au "devoir [civilisateur]" (visez Léon Blum), nourrit légitimement le sentiment d'islamophobie de nos élites et des autorités politiques et médiatiques  éprouvé par nos concitoyens musulmans.

 

Au lieu de dire ce qu'elle tolère de l'islam au nom de l'ordre public, la République se demande si l'islam est soluble dans la République. Voulant ramener l'islam aux "valeurs" et aux "vertus républicaines", elle se permet d'expulser de France des imans dont le tort serait de ne pas prêcher en français ou de tenir des propos qui iraient contre l'orthodoxie républicaine. Elle pourrait s'opposer à ce que des imans soit mandatés par des puissances étrangères pour avoir pinion sur rue dans des mosquées de France. Mais comme elle est à vendre à la découpe aux monarchies du golfe, elle ne  veut pas leur interdire d'ouvrir des mosquées et  préfère exiger que les prédications soient prononcées en français pour ne pas se donner la peine d'envoyer des agents de renseignement arabophones, à supposer qu'il soit licite que des agents de renseignement  aillent surveiller des lieux de culte.

 

Elle organise l'islam en cooptant pour partie les membres du cfcm et en accréditant parmi les membres élus de cette institution crée sur (et à sa) mesure ceux dont le discours édulcoré lui semble compatible avec elle-même. Elle ne croit pas assez en la maturité des musulmans de France pour leur proposer  de former un concistoire.

 

La République est très chatouilleuse sur la laïcité.  Jamais elle ne demande pourquoi l'islamo-marxiste  du premier FLN n'a pu être tellement marxiste qu'il ait dû s'inféoder à  l'islam qui, s'il n'impose pas la charia dans toutes les sociétés dont il est la religion dominante, contrairement au fantasme occcidental,  interdit du moins à tout membre d'une société musulmane de se dire athée. La République  négocie des traités d'amitié avec l'Algérie et préfère vendre des armes à l'Arabie sahoudite plutôt qu'à la Russie,  elle soutient l'Allemagne dans sa volonté de renouer les négociations pour que la Turquie intègre l'Union Européenne, mais jamais elle ne demande à ces trois pays, l'Algérie, l'Arabie sahoudite et la turquie, sinon l'égalité et la sécurité confessionnelle pour les non musulmans, du moins la tolérance pour les chrétiens et leur culte.

 

La République ne se  souvient pas non plus comment, ancienne puissance coloniale, elle a intégré l'islam dans des pays où elle ne pouvait pas en faire abstraction. Elle ne rappelle pas que des partisans de l'Algérie française comme Jean-Marie le Pen militaient pour une intégration à part égale, avec liberté migratoire et confessionnelle dans les deux sens, des Français musulmans et des Français d'origine européenne.

 

La République enfin, qui ne se définit pas comme un régime politique, mais en désignant son ennemi, ne survit que de s'en être trouvé deux: l'islam radical et le Front national. Ces deux ennemis sont pourtant en guerre l'un contre l'autre, et la République ne prétend négocier un compromis avec aucun d'entre eux. C'est un peu comme en Sirie, où elle exclut que l'ordre soit rétabli et prétend combattre simultanément Bachar el-assad et Daech en prenant fait et cause pour une opposition modérée dont  la partie la plus visible serait une branche d'al-Qaïda qui serait devenue fréquentable comme le Hamas en Palestine. On pourrait croire que  cette inimitié républicaine contre ces deux pôles de radicalité islamiste et nationaliste date des attentats spectaculaires du 13 novembre qui n'ont pas fait plus de morts que ceux de Madrid et n'ont eu pour effet que de changer la majorité politique espagnole, ou  DE la percée  récente et prévisible du front national aux élections régionales,  qui n'a pas fait plus de voix, bien que ce ne soit pas vrai proportionnellement  au pourcentage des abstentionnistes et donc AU NOMBRE des votants. L'agitation comme "variable[s] d'ajustement du discours politique" de ces deux épouvantails que sont le Front national et l'islamisme, voire l'islam, n'a pas  changé de nature, elle n'a fait que s'intensifier parce que la crise de la république est telle  que son gouvernement ne tient plus qu'à ce fil, d'exciter verbalement les citoyens contre ces deux ennemis plus forts qu'elle.

 

"La République", c'est "SOS racisme". Or le coup de génie d'"SOS racisme" comme l'a FAIT REMARQUER Philippe de Villiers est d'avoir dit dans un lapsus révélateur dans l'intitulé même de son association qu'il fallait Sauver le racisme. "Sauver le racisme et le Front national pour que nous puissions nous agiter contre ces deux ennemis à la fois, tout en pouvant si l'étranger devient tropincontrôlable nous élever contre l'islam en nous parant de toutes les vertus républicaines DE l'amour de l'étranger, notre inassimilable semblable. Sauvez le racisme, le Front national et l'islamisme ou l'islam, à bas le fanatisme et vive nous, qui en sommes les régulateurs et, pour prix de cette régulation de salut public, devons, ce n'est que justice, terroriser médiatiquement, judiciairement et financièrement nos ennemis!"

samedi 5 décembre 2015

A quoi donc employer sa vie?



 

La question n'est donc pas de savoir à quoi s'employer d'utile à soi, mais à quoi de digne de soi. Nous ne sommes pas n'importe qui, si nous apparaissons au début de l'ordre de la charité. Comment ne pas s'éparpiller, se gaspiller en s'employant à quelque chose qui n'est pas nous et qui nous sortedu recueillement, de ce recueillement qu'il faut cultiver pour que mûrissent idées et relations humaines ?

 

A quoi donc s'employer ? Se poser la question, c'est se préparer à ne pas y répondre. Philippe de Villiers donne une bonne piste quand, décrivant l'itinéraire de Jimmy Goldsmith, il note que la vie de cet homme a commencé par être un jeu. Et puis le joueur en a fait une cause. Il y a un temps pour s'"amuser" et un autre pour s'"engager", pour "témoigner" jusqu'au martyre.

 

Comment employer sa vie si un ordre serait requis afin que "ce qui monte converge" comme l'écrit Teilhard de Chardin, mais si, malgré cette réquisition d'un ordre, nous tombons dans les choses au milieu des intrigues et dans les disciplines au milieu des tribulations,  comme je suis tombé dans l'orgue, moi et beaucoup de mes confrères illustres ou inconnus, à commencer par Pierre Cochereau ou Olivier Latry. Ils n'imaginaient pas "entrer dans la carrière" en se perchant sur une tribune. Je suis tombé dans l'orgue même si Pascal reber m'assure que le professeur peut débroussailler la forêt vierge.

 

A quoi employer sa vie si l'on convient, non pas qu'on doive être la matière de son livre, mais que notre vie soit la matière d'une œuvre utile aux autres et extérieure à soi ?

 

Nécessairement, l'emploi de notre vie est extérieur à nous-mêmes. La dispersion nous éparpille, mais à tout prendre, elle représente un risque moindre que l'oisiveté. Si l'oisiveté est mère de tous les vices, la dispersion est le premier pas sur le chemin vertueux de l'engagement, à condition de décider ("décider dans le doute et agir dans la foi", comme l'écrit Jean Guitton dans le travail intellectuel) qu'on ne cessera pas de monter pour converger, d'accepter la raideur de la pente du repentir qui monte vers le monde, et ne nous recentre pas par la descente en nous-mêmes, à la manière du recueillement qui ne sait pas à quoi il est destiné. Le recueillement ne nous est pas destiné, il y a un recueillement désordonné.

 

A tout prendre, la dispersion est un risque moindre que le recueillement, qui nous fait rentrer en nous-mêmes en nous laissant l'illusion d'être le lieu de la profondeur. L'oraison est un plus grand risque que la dispersion.