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samedi 28 novembre 2015

Les victimes culturelles, non au consumérisme!


En réponse à "Scrutator sapientiae"

Dont le message peut être lu ici

 


 

et qui réagit comme moi à la position du P. Hervé Benoît, immédiatement relevé de ses fonctions par le cardinal Barbarin, qui n'aime pas qu'un de ses prêtres accuse le diable… La tribune peut être lue en cliquant ou en copiant le lien ci-dessous :

 


 

 

Bonsoir, Scrutator,

 

J'écris ces lignes en tremblant, et votre message me donne matière à clarifier ma position.

 

 

Constatons d'abord que le billet du P. Benoît fait parler et suscite un malaise, parce qu'il met sur le même plan les victimes passives de modes culturelles décadenteset des crimes qui les ont occises d'une part, et de l'autre côté les criminels qui ont fomenté et provoqué directement leur mort, et ceux qui les ont abreuvées d'un satanisme auquel elles étaient plus ou moins consciemment consentantes.

 

 

Le malaise que suscite le billet du P. benoît vient donc de ce que, non content de ne pas sacrifier à la rhétorique émotionnelle et compassionnelle sous prétexte que prêtre, il a rendu ses devoirs aux morts en célébrant pour eux des messes, il met sur le même plan les actifs et les passifs. Les actifs, ce sont les terroristes et les satanistes. Les passifs, ce sont (ou ce seraient) les spectateurs, consommateurs des productions des satanistes et victimes des crimes des terroristes.

 

 

Vous avez distingué la culpabilité criminelle et la culpabilité culturelle, qui ne sont pas équivalentes sur une échelle de gravité. Soit. Le langage de la société a quant à lui organisé la déconscientisation des masses en mettant en avant le vocable de "consumérisme". Les consommateurs deviendraient, sous l'effet du consumérisme, des êtres sidérés, inconscients, victimes, non de ce qu'ils ont renoncé à produire, non de ce qu'ils ont renoncé à faire jouer la loi de l'offre et de la demande en commençant par demander, mais de ce qu'ils seraient incapables de sentir et de vouloir.

 

 

Ce consumérisme ne pourrait être autre chose que victimaire, et cela tombe bien, puisque plus personne ne veut être aux prises avec le sentiment de culpabilité, plus personne ne veut faire son examen de conscience. On préfère l'inconscient à l'examen de conscience, celui-là même qui discerne la culpabilité réelle de la culpabilité imaginaire. Le consumérisme est victimaire, et le consommateur est bien content de ne pouvoir être, par position, du côté des bourreaux, comme ce serait le privilège de l'écrivain, a prétendu Gilles deleuze, de "sortir du rang des criminels".

 

 

La victimisation du consommateur au moyen du consumérisme affleure au moment  épistémique où la civilisation n'accepte plus que son corollaire soit la responsabilité.La crise de la responsabilité est devenue sensible dans la crise de la civilisation  à travers le "moment Charlie". Les assassinés de "Charlie" n'étaient certes pas des consommateurs, mais des créatifs et des producteurs. Mais à aucun moment ceux qui les ont pleurés n'auraient pu envisager que, s'ils étaient des martyrs de la liberté d'expression, voire de provocation, c'était qu'ils étaient responsables. Ils étaient martyrs dans la mesure où ils acceptaient d'être responsables. Mais comme ils ne voulaient ni être responsables,  ni être martyrs, on les a fait passer pour des victimes innocentes. On les a intégrés à la folle grille de lecture girardienne où la victime est toujours innocente et où le violent est toujours le salaud intégral, dont la monstruosité vient de ce qu'il reste rivé à sa vengeance et à son désir mimétique. Le terroriste est un monstre, car nous lui refusons le droit de se venger de nous, qui refusons d'être responsables.

 

 

La figure la moins responsable et la plus victimaire est celle du consommateur, présentée comme la double victime de la culpabilité culturelle et de la culpabilité criminelle. Eh bien, si nous en faisions, avec le P. Benoît, non pas une double victime, mais une simple victime! Le consommateur resterait victime de la folie criminelle, mais  il participerait à la culpabilité culturelle en tant qu'il aurait choisi, non pas de mourir, mais de courir le risque de mourir tandis que serait invoqué le nom du diable en sa présence et sous ses applaudissements.  Le consommateur aurait  couru ce risque pour se divertir  au moyen du prestige du sacré.

 

 

Je compatis de tout coeur au statu de victime de la culpabilité criminelle de ces citoyens de mon pays que j'aimerais voir encore à nos côtés, et qui avaient plus d'intérêt que moi à continuer de voir la lumière du jour, j'écris cela sans pathos ni humour noir. Mais je ne compatis pas du tout à la part d'activité criminelle que les victimes culturelles, ou que les idiots utiles du satanisme ordinaire avaient en leur qualité (ou leur défaut) de consommateurs débilités par le consumérisme.

 

 

Et je regrette enfin, sur un plan plus métapolitique et moins grave, que le consumérisme aboutisse à ce que le pouvoir s'exerce sur ce qu'Emmanuel Todd appellerait des zombies. Je le déplore, car il n'est pas dans la nature du pouvoir de ne pas rencontrer de résistance. Or le consumérisme fait précisément croire aux consommateurs, ses victimes, qu'ils résistent. Leur seule force de résistance dans cette épreuve et leur seul patriotisme est de défendre la "franch way of life" et de rétorquer, comme George Bush en son temps, que le mode de vie français, "festif, ouvert et cosmopolite", n'est pas négociable. Leur seul patriotisme possible est la boboïtude où le drapeau devient "tendance". Cette incapacité à résister est d'autant plus anachronique et terrifiante que François Hollande, dont on a compris depuis longtemps qu'il est une graine de George Bush, en profite pour faire la simili-politique du Front national à l'intérieur, et pour semer la terreur à l'international en impliquant notre pays dans nombre de guerres où il n'a que faire. Nos concitoyens consommateurs sans couleur avalent cette ultime couleuvre et prennent pour argent comptant cette politique odieuse.

samedi 21 novembre 2015

La France en guerre?


Vivons-nous une preuve de la loi de l'entropie historique, ou une grande régression historique, aux antipodes de l'hégélianisme triomphant méconnaissant le tragique de l'histoire, à travers les événements traumatiques que la France traverse depuis le 13 novembre ?

 

S'il faut les commenter, ils ne me semblent être que la réplique trop prévisible de la logique d'ingérance dans laquelle l'Occident s'est enfoncé depuis la première guerre du golfe. C'est une chose que je puis me targuer d'avoir prévue, même si je me garderai bien d'avoir ici le prophétisme triomphaliste.Et je ne m'en garderai pas pour faire étalage de bons sentiments. Au contraire, j'ai mauvais esprit et quand j'assistais, à Lisieux, à l'effondrement des tours jumelles, je me suis dit que c'était bien fait pour les Américains, qui étaient châtiés de s'être crus invincibles et d'avoir bâti le Temple du capital qui tombait maintenant comme babel, tout en servant de prétexte à leur future guerre contre Babylone. De même, quand est arrivé Charlie, je ne me suis pas réjoui de la mort des dessinateurs, mais je me suis dit que, si on prétendait à la civilisation comme on nous en rebattait déjà les oreilles, le revers de la civilisation était la responsabilité, et il fallait donc que les dessinateurs, châtouillant des gens qui avaient la kalash facile, assument d'être, le cas échéant, des martyrs du droit au blasphème. Mais devant ces derniers attentats, je ne suis, comme tout mon peuple, que tristesse. Je le suis comme Fatima, qui m'a dit, elle, la femme voilée, que ces terroristes étaient le cancer de l'islam et son cancer personnel.

 

Or on ne soigne pas le mal en redoublant le mal. Personne ne s'est ému que l'adversaire de Marine le Pen dans le Nord pas de Calais, Xavier Bertrand, ait pu parler d'exterminer l'ange exterminateur (au cours de l'interview qu'il a accordée hier matin à Jean-Pierre Elkabbach… Dès le lendemain de ces attentats, tous les politiques invités par Laurent Ruquier à l'exception du front national qui n'avait pas voix au chapitre se sont empressés de dire que nous étions en guerre. Il n'en fallait pas plus pour que Hollande enfourche le cheval de bush en faisant de "la France est en guerre" l'incipit de son discours au congrès de prétendant à la dictature, qui voulait réformer la constitution pour cela, Hollande a trouvé ce dérivatif.

 

Manuel Valls ne tient que par la désignation d'un ennemi de la République en danger, ennemi qui est, tantôt le Front national, tantôt les terroristes islamistes. Ce llicencié en histoire, qui a fait toute sa carrière dans la communication et l'intrigue politique et qui est l'impuissance incarnée au pouvoir, aurait été renversé depuis longtemps s'il n'avait su (pour combien de temps encore ?) liguer tous ses adversaires contre les ennemis qu'il leurprésentait comme un os à ronger. Or ces adversaires chienchiens étaient aussi bien les frondeurs de sa majorité que les cathos de "la manif pour tous" ou que les jeunes de la mouvance dieudonno-soralienne. Je lui donais six mois, Charlie a été son sursit.

 

Quant à Hollande, le petit garçon qui bafouille en annonnant les discours qu'on a peut-être écrits pour lui et qu'on sent régulièrement assailli de douleurs arthriques à moins qu'il ait mal aux reins, il ne pouvait exister que comme dérisoire chef de guerre s'écriant que l'accueil qu'il avait reçu au Mali était "le plus beau jour de sa vie politique". Il présente à la tête de l'Etat un curieux composé de Guy MOllet et de George bush junior. Il nous refait le coup de "la pacification" de "la barbarie" par les "races supérieures" civilisatrices. Ce n'est pas pour rien que sa visite au Panthéon a été l'inauguration d'une statue de Jules Ferry.

 

Mais rien de ce qu'il dit n'a un caractère opératoire. Par exemple (et c'est plutôt rassurant), ce n'est pas parce qu'il dit que "la France est en guerre" qu'elle l'est en effet. Lors de la guerre d'Algérie, les gouvernants ne se sont pas précipités pour parler de guerre. On ne parlait que d'"événements" alors qu'on faisait face à une guerre réelle. Aujourd'hui, on parle de guerre parce qu'on n'a affaire qu'à des événements.On sait depuis 2001 que "la guerre contre le terrorisme" est un monstre conceptuel, puisqu'on ne peut pas faire la guerre à un ennemi par nature indéterminé, donc indéfini et donc infini. C'est une guerre ingagnable, imperdable aussi en un sens, mais plus ingagnable qu'imperdable, surtout quand on sait d'où on vient, nous qui avons le culte de la résistance, alors que les résistants étaient désignés comme des terroristes par les nazis.

 

Ces crimes en série d'une ampleur exceptionnelle devraient être traités de manière événementielle parce  que ce sont des événements. Ce sont des faits divers à grande échelle, et une recrudescence de la criminalité à effet mondial desquels on prend prétexte pour feindre d'ordonner une mobilisation générale pour garantir  l'immobilité des peuples exaspérés. Les sociétés dirigées par une administration en roue libre et par une finance qui en exige l'austérité pourraient se rebiffer. On les berce d'une bonne guerre qu'ils n'auront pas à faire pour que les populations non enrôlées se tiennent tranquilles.

 

La preuve que rien de ce que dit Hollande n'a un caractère opératoire peut être tirée de l'analyse de la première décision qu'il a annoncée, le soir même de ces attentats. "sur ma décision, tenait-il à préciser, les frontières seront fermées." Le Président prenant la douane de court, celle-ci fit observer que ce n'était pas possible sans un peu de préparation. Un quart d'heure plus tard, l'Elysée corrigeait Hollande : les frontières n'étaient pas fermées, mais on rétablissait le contrôle aux frontières. Encore un quart d'heure plus tard, on se souvenait que ce contrôle aux frontières était déjà rétabli depuis le jour même en vue de la conférence où les chefs d'Etat se réuniraient à Paris en croyant, tels des rois primitifs et préhistoriques, avoir prise sur la météo. Donc Hollande n'avait pris aucune décision et eût-il décidé de fermer les frontières, c'était en notoire incohérence avec la manière dont il les avait ouvertes toutes grandes pour accueillir "les migrants", volant comme des oiseaux perdus depuis la sirie en feu. Hollande a depuis tenu, dans son discours au congrès, à ce que le contrôle aux frontières ne contrarie pas le mouvement des réfugiés. Or tout indique qu'il faut faire une pause migratoire si l'on veut retricoter le lien social et si l'on veut que tous ceux qui sont là, nationaux ou étrangers, soient encore intégrés dans la société qui se défait à vue d'œil sous l'effet d'un paupérisme organisé ou endémique. Qui aurait osé murmurer contre l'afflux récent des migrants ou supposer que des islamistes pouvaient se mêler à ces migrants, aurait été accuser d'inhumanité ou d'obscurantisme xénophobe. A présent, nous savons que deux réfugiés siriens, y compris deux djihadistes partis et revenus de Sirie malgré un mandat d'arrêt international, étaient mêlés aux terroristes.

 

Jamais je ne dirai comme Aymeric Chauprade qu'il faut liquider les djihadistes qui sont partis en sirie. Jamais non plus il ne me viendrait comme à Valls l'idée d'empêcher quelqu'un qui a une cause à défendre d'aller la défendre. Il était contraire à toutes les libertés de criminaliser le départ des djihadistes, mais on pouvait criminaliser leur retour. Non seulement on ne l'a pas fait, et les djihadistes sur le retour sont passés dans les trous de la passoire au lieu de passer à travers les mailles du filet des services de renseignement pris à contre-pied ; mais encore, les "musulmans du quotidien" se demandent avec anxiété s'ils ne vont pas être pris dans  l'amalgame. On peut les rassurer en disant qu'on n'amalgame aux terroristes que les jeunes à la casquette à l'envers, que les jeunes de cité, que les jeunes de la petite délinquance avec ce vivier de la grande délinquance et de la grande criminalité dans lequel puise Daesh.Mais surtout on peut se demander pourquoi le gouvernement a l'air de n'interdire à cette petite délinquance que de devenir djihadiste. Tant qu'elle trafique dans l'économie informelle, on lui promet l'impunité. Mais qu'elle devienne djihadiste, on l'exclut de l'humanité. La dernière trouvaille est qu'il ne saurait y avoir de guerre de civilisations puisque nous serions les seuls civilisés et qu'en face de nous, il n'y aurait que des barbares. On a oublié que, selon Claude Lévi-Strauss, le barbare est celui qui croit en la barbarie. Nous, on "kife la life" quand les autres ne seraient que dans la pulsion de mort. La psychanalyse nous avait appris "l'ambivalence des sentiments" et des pulsions, nous voilà univoquément dans le bien face à "l'axe du mal".

 

"tous les malheureux ne sont pas méchants, mais tous les méchants ont été malheureux". Ceux qui détruisent ont commencé par souffrir avant de vouloir détruire. Il reste que détruire paraît la seul raison d'être de l'islamisme violent. Le problème de l'islam est qu'il conçoit des sociétés harmonieuses solubles dans la loi et que cela est incompatible avec la condition humaine, qui est radicalement sans solution.

 

Qu'est-ce enfin que daesh ? dans un livre tout à fait "grand public" paru il y a une dizaine d'années, Antoine sfeir, le neveu franc-maçon de l'ancien patriarche maronite,  expliquait que les Américains comptaient organiser "un grand Moyen-Orient" au moyen d'Etats confessionnellement homogènes, construits sur la ruine d'Etats come le Liban et la Sirie, subjugués par des organisations paramilitaires financées par la CIA. Comme le Hamas a été originairement une création d'Israël, comme benladen fut une créature des Américains, Daesh et son kalif seraient des pions qui, soit auraient dépassé les souhaits de leur donneur d'ordre, soit se comporteraient en agents d'un désordre mondial, qui garantit l'hégémonie des puissants du jour par une forme inédite de guerre mondiale. La guerre contre daesh n'aurait donc pas pour but de détruire l'enclave, mais de s'assurer qu'elle ne gagnera de terrain que dans la mesure fixée, tout en garantissant à l'intérieur des puissance belligérentes, la stabilité des sociétés en crise.