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samedi 28 janvier 2012

Les deux mille pas de l'esclavage

Le processus d’accroissement spirituel par extases et oublis post-extatiques est peut-être à l’origine de l’adjuration assez perturbante du sermon sur la montagne, cette sinaïtique néo-testamentaire qui donne une signalétique morale extralégislative aux chrétiens, de ne pas refuser deux mille pas à celui qui nous demande cavalièrement d’en faire mille avec lui. Il y a toujours divers degrés de lecture de ces paroles prononcées sur son promontoire par le christ, devant l’auditoire étonné de Ses premiers aspirants disciples qui venaient l’écouter en curieux. L’injonction de « tendre l’autre joue » peut être lue comme une façon de désarmer son adversaire, et c’est un peu ce qui ressort de la manière dont le christ la met Lui-même en œuvre au moment crucial de sa Passion. Quant à cette injonction des deux mille pas, j’y ai longtemps vu une justification, voire une quasi incitation à l’esclavage. Il y a de ça, dans la mesure où s’ouvrir à dieu en mystique, c’est être l’esclave de ses extases, pour être marqué des révélations qu’on y aura reçues, jusqu’à ne vivre qu’en fonction de ses oublis. Il y a une très grande différence, spirituellement parlant, entre l’omission et l’oubli. L’omission entretient la médiocrité pécheresse qui est l’état coutumier couvant le mal, tandis qu’il y a une Grâce du saint Oubli, selon saint-Jean de la croix. Faire deux mille pas avec celui qui ne nous en demande que mille, c’est prendre en compte qu’à travers l’oubli, on reviendra aux mille pas demandés après avoir fait trois mille pas en fait d’en avoir consenti deux mille : car aux deux mille qu’on aura faits, il faut ajouter les mille pas qui auront résulté de l’oubli, du réveil de l’extase, de sa banalisation dans la vie réelle en vue de l’intégration des découverttes faites en elle, dans l’hors de soi, dans le retour à ses routines, où l’on ne revient pas le même que l’on était parti avec le Maître du Départ, du dépassement et du mystère. Car il y a bel et bien un esclavage dans cette acceptation des deux mille pas. Cet esclavage, on l’aurait qualifié sommairement si on le bornait à être la réponse du disciple à son maître, selon qu’il nous faudrait toujours un maître d’après les enchanteurs ésotériques, lequel « maître arrive » »quand le discipl est prêt ». Le christ nous a pourtant expressément interdit de conférer à quiconque la titulature magistérielle, interdiction que nous enfreignons à plaisir, tant nous aimons donner des titres, mais aussi parce qu’il est vrai que c’est parfois par le truchement d’un maître bien réel que nous nous esclavageons et escrimons, sabre au clair, à faire ces « deux mille pas qui coûtent » plutôt que de rester allongés sur le sable, abandonnés au « far niente » d’un demi sommeil qui ne bâtit rien, pas même une maison quifinira par s’écrouler. Mais, si cet interdit existe, de donner du « maître » à qui n’est qu’un homme et un truchement, c’est que la sujétion n’est pas le but, l’esclavage n’est qu’une étape, le disciple n’est pas un poursuivant, et c’est encore moins un suiveur : le disciple est quelqu’un qui en fait trop pour recevoir en pleine face les marques de l’amour transformant, par lequel il ne sait pas qu’il est marqué, quand il revient à lui. Car lui-même n’est pas plus un but de retour que l’esclavage n’est un danger ni un enjeu. Lui-même n’est aussi qu’une étape, en termes d’auto-suffisance. Le « moi « est fait pour s’oublier, mais il ne peut le faire lui-même. Le « moi » est fait pour s’oublier en vue d’une ouverture au large, d’une disponibilité à l’autre. L’esclavage comme les extases ne sont que les étapes en vue de cet élargissement.

vendredi 27 janvier 2012

Jeanne d'arc et la monarchie française

Mon croissant de lune,

qu'eût-il fallu faire ? tout simplement, après sa fuite et son arestation à varenne, placer le roi en résidence surveillée, éventuellement le séparer de la reine, renvoyer celle-ci en autriche à supposer qu'elle ne détînt pas des secrets d'etat trop compromettants; ou encore : comprendre sa fuite, comprendre que le roi avait été l'otage des constituants, négocier avec lui une constitution à laquelle il aurait pu apporter son accord, le surveiller dans un premier temps pour s'assurer de sa fidélité à celle-ci, puis relâcher la surveillance; par-dessus tout ne pas exiger des prêtres qu'ils prêtassent serment à la constitution civile du clergé, car c'était transformer définitivement l'Eglise de france en eglise gallicane; ne pas transformer ses avoirs en biens nationaux, mais mettre fin au trafic des "bénéfices éclésiastiques".


Je ne tiens pas pour la monarchie constitutionnelle, sur le moment, qu'aurais-je fait ? Je crois que, dans toute la mesure du possible, je serais resté légitimiste, je ne suis ni un conjuré, ni un factieux. J'aurais approuvé l'assemblée constituante, j'aurais essayé d'en être, si j'avais pu, j'aurais essayé de faire entendre raison au roi, mais je n'aurais pas été de ceux qui en eussent appelé au tyrannicide, même si saint-thomas d'aquin l'eût permis au chrétien que je suis, car j'aurais fait la part des choses, entre la crise conjoncturelle des finances publiques, la bonté du roi et la manière dont il était pressé de toutes parts. Je serais resté légitimiste, d'autant que, te replaçant dans le contexte, aucun philosophe, si j'avais été assez éclairé pour en lire, ne m'aurait pu persuader que la monarchie était un mauvais régime, attendu que personne ne le disait, ne le pensait, que Rousseau faisait de la démocratie un régime pour petites cités, que le plus critique envers la personne des rois était peut-être Pascal.

Tu prends Louis XVI comme un gouvernant et la monarchie héréditaire comme une gouvernance, mais tu commets un anachronisme : la royauté était alors consubstantielle au royaume, elle en était la loi fondamentale comme elle avait des lois fondamentales. Le peuple ne trouvait son unité qu'en une société pyramidale, une société hiérarchisée, une société sacrale, d'autant que la pyramide monarchique, avec ses excès dûs à la morgue nobiliaire, reproduisait la "monarchie pyramidale" dans laquelle s'était instituée l'eglise catholique, abri spirituel des croyants non sécularisés de ce temps-là. Te dressé-je un portrait rêvé d'une société qui n'a jamais eu cours ? sans doute, mais il est impossible à un chrétien de ne pas être nostalgique, dans un coin inavoué de son coeur, de la chrétienté, au tréfond d'un inconscient qui n'a pas fait le deuil, tout persuadé qu'il puisse être par ailleurs, a posteriori, rétrospectivement et, pour ainsi dire post-traumatiquement, de l'apolitisme chrétien, qui a transformé son rêve de société harmonieuse et organique en l'organisation d'un monde nouveau, meilleur, juste et plein d'amour, un autre "monde rêvé", un "royaume du christ en ce monde" gagné par la "théologie de la libération", qui est un beau rêve.

Tu veux faire rendre ce qu'ils ont pillé aux gouvernants arabes. Tu pourrais avoir raison si l'on ne savait trop les méfaits auxquels ont donné lieu les excès de toutes les purges épuratrices et les relents de vertu jusqu'au terrorisme de l'intégrité. Tu tiens pour "la justice basique" qui punit en ce monde. La sagesse et la cohésion ne sont pas de ton côté. Ce qui mine l'egypte aujourd'hui, c'est qu'on a fait partir Moubarak, mais l'armée continue de se livrer à ses menées répressives. elle reste en place. Ce qui a empêché la russie de sortir du soviétisme, c'est que la bureaucratie a changé de couleur, mais qu'elle est restée aux commandes. Je me souviens d'une émission ubuesque d'emmanuel Laurentin, dans une ancienne "nouvelle tribune de l'histoire" qui doit avoir dix ans au moins, qui s'insurgeait que l'on se fût livré à une "chasse aux sorcières" dans l'ex-rDA, pour bannir des fonctions de chercheur ou d'enseignant, dans les Universités, ceux qui avaient trempé et cautionné de leur autorité les avanies du régime renversé avec le mur. La dérive poutiniste dont frémit la russie est due à ce qu'on n'ait pas fait des purges. Mais en quoi auraient-elles pu consister pour qu'il n'y ait pas épuration ? simplement, même pas à exiler, éventuellement à surveiller, en tout cas à interdire à tous les "commissaires politiques" ou aparachiks du régime soviétique de prétendre à la moindre fonction élective. M'objecteras-tu qu'alors, on aurait manqué de cadres ? Mais même dans la france d'après la libération, si les intellectuels furent épurés sans clémence et les femmes tondues dans la plus pure goujaterie, beaucoup d'anciens préfets restèrent en place et je ne sache pas que des magistrats furent massivement révoqués. Or tous à l'exception d'un seul avaient prêté serment au maréchal Pétain. La solution est donc de maintenir en place les cadres administratifs, mais de mettre rigoureusement à l'écart, sans les exécuter, en les amnistiant de la peine de mort qu'ils auraient mérité pour avoir trahi et volé leur pays, mais en les faisant déchoir de leurs droits civils, en les rendant inéligibles, en les surveillant au besoin, en les assignant à résidence sans les mettre en prison,tous ceux qui, ayant exercé une responsabilité d'appareil, auraient encore prétendu à exercer un pouvoir politique.


Propos de cours, dis-tu, que tint mon roi, sur le point de mourir ? Nullement, il s'enquit si l'on avait des nouvelles de "M. de la Pérouse", qu'il avait envoyé faire une expédition autour du monde pour compléter les découvertes dans l'océan pacifique et dont l'équipage avait disparu corps et biens. Il s'enquérait donc du sort d'un homme qu'il avait envoyé en mission et, en cas qu'on l'aurait retrouvé, il se réjouissait en mourant que la france pût connaître, grâce aux découvertes, des expansions après sa crise intérieure et d'autres débouchés dans le monde. Ce lieutenant de vaisseau de la marine royale avait été un des héros de la guerre d'indépendance des etats-Unis où il avait combattu contre les Anglais pour l'Union des etats fédérés et l'établissement de leur constitution, à l'instigation du roi Louis XVI, qui était allé prêter main forte aux "treize colonies" qui voulaient s'affranchir de la tutelle britannique, dans la continuité de Jeanne d'arc. Donc, tu vois que mon roi avait comme il faut le souci de ses sujets, de même qu'il est de notoriété public qu'il n'a jamais voulu verser le sang de son peuple et que c'est ce qui l'a toujours retenu de s'opposer plus frontalement à ceux qui le tenaient en otage, pendant qu'il en avait encore les moyens et la puissance.

De quel grief a-t-il chargé le peuple en se déclarant innocent ? Tu n'as manifestement pas lu son testament, qui est la consommation du consentement d'un sacrifice, qui demande à ce que son sang ne retombe pas sur son peuple. Mais comme de l'avoir occis fut un acte de mauvaise gouvernance, la france ne s'est jamais remise du traumatisme révolutionnaire, que tu supposes à l'origine de son influence dans le monde, dans la continuité de Jeanne d'arc. Influence ébréchée, qui faillit mettre le feu à l'europe, sous l'impulsion d'un aventurier de génie, auquel s'opposait depuis leur pays d'émigration des nobles renfrognés, occupés de leurs privilèges beaucoup plus que du salut de la nation, que le roi avait en vue en vivantet en mourant.

Non, la france ne s'en est jamais remise, elle n'a plus jamais trouvé la juste mesure, prends garde qu'il n'arrive la même choseà ta nation, si tu veux te faire le justicier des gouvernants corrompus, sans avoir auparavant défait le lien qui semble, dans la presque totalité des pays musulmans (je mets l'Iran à part) donner à l'armée un rôle démesuré, ne pas la faire suffisamment être l'émanation de la nation, mais contrôler le pouvoir, faire la police et déguiser ses pions en représentants de l'autorité civile. Ne t'en fais pas, je sais faire bonne mesure : je sais que la quasi totalité des premiers ministres israéliens furent d'anciens généraux. Quant à de gaulle, sa carrière militaire se borna essentiellement à être celle d'un général de cabinet.


Où je vois le paradoxe entre le fait de tenir pour Jeanne d'arc et ne pas regretter l'exécution d'un roi faible ? Dans cette simple raison qu'à l'époque de Jeanne d'arc, le patriotisme n'existait pas. Le patriotisme est une clef d'interprétation rétrospective de la dilection qu'on s'est plu à avoir pour Jeanne d'arc après Michelet. Le légitimisme en eût été plus proche, eût été plus conforme au dessein dans lequel jeanne servait un royaume qui était à deux doigts de ne pas être tout à fait le sien, puisqu'elle était née entre ses frontières et celles de la maison de Lorraine.

Le germe de protoconstitution que tu vois dans la triple donation de Jeanne est encore tout à fait extérieur à la représentation qu'elle se faisait du roi comme "lieutenant du roi des cieux". D'ailleurs, celui à qui elle la fit ne s'en montra pas digne et elle ne le maudit pas. Le "gentil dauphin" préféra agnès sorel au souvenir de "la sainte pucelle".

Tu sais bien que le terme de constitution s'oppose à celui d'institution, que cette opposition est particulièrement forte dans le régime monarchique, mais surtout que la manière absolument non dynastique dont tu eusses voulu que Jeanne eût aimé que fût désigné le roi relève de la monarchie élective, dont le modèle est aux antipodes de celui qu'illustra la monarchie française.

Tu en pinces pour "l'incorruptible" que tu veux marier à Jeanne d'arc à titre posthume de postérité historique. C'est ton droit, mais tu ne mesures pas assez combien celle qui entendait des voix était différente de celui qui suivait les siennes, au point d'honorer la "déesse raison" et de confectionner un "Etre suprême" à la mesure de sa "religion civile" aux obligations de laquelle il voulait satisfaire, qui suivait ses voies en essayant d'y porter la plus grande intégrité personnelle et collective, combien cette différence poussée jusqu'à l'antithèse n'aurait jamais pu mettre Maximilien d'accord avec "la pucelle d'Orléans". Même livrée par le roi, Jeanne d'Arc ne maudit jamais le roi, tandis que robespierre ne se contenta pas de couper la tête du seul roi: il fit de la vertu et de la pureté de tels absolus, à l'encontre de toi qui ne donnes à l'homme que d'approcher le merveilleux, que quiconque ne voulait être ni vertueux ni pur étaitindigne de vivre.


Que l'âpreté de ta justice te préserve des méfaits séculaires des épurations. Il n'y a de pureté que celle du coeur et de la conscience devant dieu.

ton torrentiel qui ne sait que trop combien sont mêlés en ce monde l'ivraie politique et le bon grain spirituel, et quelque fois l'ivraie spirituelle et le bon grain politique

Jeanne d'arc et robespierre

Torrentiel,

Sans tenir pour la monarchie constitutionnelle, sans être monarchiste, tu approuves et éprouves, m'écrivais-tu ce 21 janvier, de la nostalgie ou de la compassion pour la décapitation de Louis XVI, dont tu es pour que l'on fasse mémoire.

Bien, mais, qu'eut-il fallu faire du roi et de son engeance? En son temps, le patriotisme était bien né et mature, l'esprit dynastique n'était pas complètement mort, mais perdait de sa pertinence. Ce roi n'était pas un sot, je ne suis pas sûr qu'il ait agi, confiant dans son droit dynastique. S'il a fui sous l'influence de la reine, vers les frontières de l'ennemi, on ne peut pas, en toute rigueur, lui laisser le bénéfice du doute, il savait les conséquences de sa fuite, il savait ou devait savoir, qu'il sustentait l'inimitié contre la France. Que me chantes-tu là, Torrentiel? Que fallait-il faire en toute justice, et tu élèves au rang de martyre, un gouvernant insuffisant! Allez, mettons que ce soit de l'histoire fiction, mais qu'eut-il fallu faire?

Le traumatisme que tu atribues à cette action, je ne le connais pas, n'étant pas autochtone. Tu vois, certaines choses me manqueront toujours, quoi que je fasse. Ce traumatisme, j'en prends acte, mais il y a des arrachements nécessaires, des ruptures bénies. Bonne est la douleur qui libère et fait changer d'état. Il fallait bien, que ces choses fussent. Or, tu ne tiens pas pour la royauté constitutionelle, alors, qu'aurais-tu fait? Je n'ai pas, moi, cette filiation, ce vécu, ça n'est pas mon histoire, je suis ignorant de ces choses. Puis-je me permettre quelques remarques?


Mettons que je prenne Louis XVI, comme un gouvernant et la royauté héréditaire comme une gouvernance. Il est permis de juger un gouvernant failli, et là-dessus, je suis très sévère. Il est permis de juger une gouvernance faillie, rendue impropre aux temps nouveaux.

L'indulgence, ne convient qu'aux délits et crimes ordinaires, de droit commun. Il est permis d'alléger les peines, si on pense ne pas nuire au bien commun. Mais, grand Dieu! Quelles sont les circonstances atténuantes d'un gouvernant? En cette occurrence, ne parles pas d'indulgence ni de pardon, alors que tu sais, qu'il s'agit d'un parti-pris. S'il arrive, comme à présent, concernant certains gouvernants Arabes, qu'ils bénéficient d'immunités qui s'étendent visiblement, jusqu'à une partie des trésors volés, avec la complicité des puissances, ce n'est hélas que concessions et accomodements, rien d'autre. Il est advenu, dans l'histoire de la France, qu'un roi traître subît un châtiment aproprié, parce qu'on avait le moyen de l'apliquer. Trouves-tu rien à redire à ça? Dans la mesure où un bon gouvernant, reçoit de son peuple, des louanges et témoignages d'amour, extrêmement agréables, dont nous n'avons aucune idée, dont n'aproche que le sort heureux de certains artistes, dans cette mesure, il est juste qu'un gouvernement failli ou insuffisant, subisse le blâme public, sans atténuation. Ma haine des mauvais gouvernants, je ne veux pas qu'elle s'atténue, je la nourris volontiers, si graves sont leurs fautes. Je n'admire pas l'émir Abdelkader, coupable d'échec militaire. Je maudis le Khalife El-Moutawakil, dont l'incurie fut telle, qu'on ne s'avisa de l'arrivée des Tartares, que lorsqu'ils se sont trouvés à trois jours de marche de Bagdad! Je crie à la face des gouvernants insuffisants, qui ne sont pas assez dévoués à leurs peuples! Un bon gouvernant abdique devant l'échec. C'est à grand-peine que le peuple d'égypte et toute la Nation, retint notre grand raïs Nasser, après l'échec de 67! Que fût-il advenu, si ton roi, suivant l'Autrichienne, se fut réfugié chez l'ennemi de la France? Où commence le mal d'un gouvernant, la tyrannie? Elle commence exactement à l'instant où il goûte un repos indû, où le sort du peuple ne le tourmente pas assez et ne trouble plus son sommeil. La tyrannie commence lorsque le gouvernant ne soufre pas assez, oui, c'est cela, qu'il ne soufre pas ce qu'il faut, au service des citoyens. Tu trouves tolérable que ton roi soit faible, et que l'Autrichienne l'ait entraîné, et te voilà bientôt versant des larmes sur son sort. Trêve de sentimentalité, Torrentiel! Le sort d'un peuple ne doit pas dépendre de faiblesse ou force d'un roi, ni de ses états d'âmes. Voilà pourquoi, le pouvoir personnel, doit être réduit le plus possible, au profit de mécanismes de prises de décision moins incarnés, d'appareils.

Et puis bon, je vais être plus grave, pour être d'accord ou pas d'accord. Ton roi tint encore des propos de cours, à l'heure suprême, s'est enquis de je ne sais quel marquis ou cardinal. Trait d'esprit et mièvrerie, page qu'il fallait tourner avec violence. Puis, le pire est qu'il s'est prétendu innocent, l'âme tranquille, chargeant son peuple d'accusations. Et ceux qui se croient des bonnes âmes, nous ressacent ce trait, d'une écoeurante ambiguïté. Il eût dû confesser ses tares et faiblesses, se flétrir et s'exécuter lui-même, ton roi! Ne me reproches aucune dureté de coeur, tout au contraire. Transiger c'est être peu sensible au sort commun. Si ces propos font mal à l'âme, je ne veux pas m'en excuser.

Où vois-tu du paradoxe, entre l'amour de la sainte pucelle, et l'exécution d'un roi faible, donc criminel? Au temps de Jeanne, le patriotisme consistait à tenir pour le roi légitime contre l'usurpateur étranger. Est-ce du royalisme? Tu m'as fait part, qu'il lui confia le royaume, puis qu'elle le lui rendit, pourvu qu'il exerce son règne sous la loi du roi des cieux. N'est-ce pas qu'elle entendait que le roi exerce son pouvoir, dans les limites des volontés divines, étant sujet d'un plus grand que lui? N'est-ce pas, en germe, une proto-constitution? Si on admet le principe de constitution, ou de loi supérieure, on arrive nécessairement, à ce que le gouvernant doit être choisi parmi les plus conformes à cette loi supérieure. La notion de constitution ou loi supérieure, est la génèse même, du passage de la royauté à la république. La pucelle fut livrée par le roi, et souffrit sa passion sans ambiguïté ou manque de rigueur. Sa douceur n'est pas suspecte, cette dame est limpide comme la justice.

Pour moi, le second héros de la France, est Robespierre. Une France embourgeoisée, ambiguë, corrompue par suite d'une longue prospérité, couvre de blâme cet homme pur, tout comme elle délaisse la sainte pucelle. Ce gouvernant sut tenir la France, que la faiblesse des traîtres eut livré aux ennemis qui l'eussent démembrée, se partageant ses dépouilles. Par la colère de Dieu, il a forgé dans les épreuves la force de la liberté, il a imposé à l'Europe cohalisée le sentiment d'impuissance face à la France libre et nouvelle. Dieu vient en aide aux agissants.


Rodomont à l'âpre justice.

lundi 23 janvier 2012

Du rapport initial à la vie

Mon croissant de lune,

Je réponds à ton message, qui va au fond des choses et au coeur du problème.

- pour tomber d'accord avec toi sur ce premier point : on est intéressé par
le sort collectif à proportion qu'on a moins souffert dans son individu ;
qu'on a été sensibilisé par une forme de pauvreté qui a su rester digne, à
ce que les autres, à commencer par les siens, connaissent le même bonheur de
l'amour englobant, de l'harmonie native et qui se construit...
harmonieusement . Donc, l'intérêt collectif serait l'expression d'une
moindre souffrance qui rend disponible à celle du corps ethnique ou
social, à la famille religieuse ounationale, avant de s'étendre à toute
l'humanité. Cela posé, tout est une question d'équilibre. On peut souffrir
de l'intérêt collectif jusqu'à être possédé de cette souffrance, tout comme
on peut être empressé de l'amour de son "autre" jusqu'à la passion
démentielle d'aimer son ennemi pour le faire sien ou le détruire. Toute
passion est belle ; mais la démence dont elle s'accompagne est invivable ou,
au moins, empêche de dormir, fait qu'on serait prêt à briser l'harmonie de
son couple, par confusion entre son sort individuel et celui du corps
social. J'ai déjà observé que qui s'éprenait trop du sort collectif au point
d'y lier son "moi" individuel, de l'y lier tout uniment, sans le distinguer
aucunement du sien, celui-là risquait de devenir littéralement fou parce
qu'obsessionnel. Tu souffres journellement de la lésion qui résulte de
l'impossibilité de s'affirmer de ta nation au point qu'elle passe pour
chétive alors qu'elle est pleine de force. Mais il ne faudrait pas que cette
souffrance te ronge au point de te faire des ennemis de ceux qui sont
devenus les tiens, puisque tu as contracté mariage avec eux ; au point de te
faire envisager de quitter ta femme, parce que tu la confonds
fantasmagoriquement avec la france. Je ne suis pas contre le fantasme, mais
contre le fait que celui-ci devienne un "tout à fait". En même temps, chacun
reste peut-être, jusqu'à un certain point, amoureux de son fantasme, même
s'il en distingue l'être aimé même s'il aime aussi l'être bien réel qui est
venu l'incarner, avec lequel il vit et aux intérêts de qui il entre jusqu'à
les prendre pour les siens. L'obsession résultant du transfert de la lésion
du corps collectif en une lésion personnelle fait qu'on se fait beaucoup
d'ennemis, parce que le corps collectif en a beaucoup, voire ne peut presque
s'affirmer comme tel qu'en en ayant. Et avec cela, il faut rechercher
l'harmonie.

Lundi matin, j'ai fait une expérience qui m'a donné une vraie joie, l'une de
ces espèces de joie intérieure assez indéracinable une fois qu'on y a goûté. Une sorte de découverte sur moi-même ou, plus
exactement, la confirmation de quelque chose que je savais, mais que
j'ai mis en mots.

J'ai dû jouer une messe aux petites heures, alors que je
m'étais couché la veille plus qu'engorgé d'alcool, dont j'avais consommé la
journée entière et une partie de la nuit. J'avais dormi suffisamment pour
ne pas être HS et, de toute façon, j'avais un devoir à remplir, on comptait sur moi, donc il n'était pas question que je fasse défection.

Les lendemains de cuite, quand
tu arrives à passer le cap où tu ne demandes qu'à rester dans ta planque, la
marée post-alcoolique se transforme en une lutte pour rester dans la
vie en société, avec de brusques menaces de retrait du monde et de retour en son
monde. Si l'on parvient à vaincre ces menaces, on est dans la société
jusqu'à son coeur profond, on est dans ce qui est en train de se faire avec
une lucidité et une réactivité sans pareille, on est dans son mouvement
même. J'ai joué ma messe avec cet automatisme, cette concentration et cette
pénétration. N. en était fort émue. Quand nous sommes rentrés, nous
avons pris un café ensemble et je lui ai dit :
"C'est fou, je remarque quand même que j'ai l'harmonie dans la peau."
Je parlais bien sûr de l'harmonie au sens musical. Je l'ai toujours su, mais
là, je l'éprouvais et j'en étais physiquement heureux. Je pouvais dire que
je l'avais dans la peau parce qu'elle était là, jusqu'à l'inconscience. J'ai
un ami, franck, qui me dit souvent que la consolation de sa vie, comme ce
qui aurait pu la faire émerger, c'est qu'il a la mélodie dans la peau. La
mélodie, c'est la confiance d'un destin qui marche à l'aventure.
L'harmonie, c'est le besoin de résoudre à tout prix jusqu'à vouloir donner
une conclusion à sa vie, si par hasard on se sentait avoir trouvé un instant
de solution. Avoir l'harmonie dans la peau, c'est avoir besoin de fixer une
solution. Or, moi qui ai l'harmonie dans la peau, j'ai un grand désordre
dans mes affaires, si ce n'est dans ma vie, pas du tout dans ma tête. Mais ce chaos apparent pour les
autres n'est, comme me le disait quelqu'un qui travaillait pour et chez moi,
qu'un "ordre inaperçu". Il avait éprouvé maintes fois combien j'étais
méticuleux malgré mon apparent désordre.

Avoir l'harmonie dans la peau, c'était inscrit dans mon rapport initial à la
vie. Depuis quelques jours, je suis particulièrement travaillé par cette question, à
cause de mon frère qui, justement, est passionné de psychanalyse et me remet en question, qui voudrait bien me redresser en ne voyant pas qu'il est plus profondément déprimé et traumatisé que moi.

J'écoute ses interprétations qui reviennent à accuser nos parents. Je lui ai répondu récemment que là n'était pas
la question, ni la dignité d'un homme, mais qu'il s'agissait d'interroger le
rapport initial qu'il avait à la vie et comment il s'était fait que
celui-ci s'était trouvé mystérieusement correspondre au choix métaphysique
qu'avait fait, de l'aimer ou non, mais cela va plus loin, celui des
ascendants que dieu nous avait donné auquel on s'était le plus identifié, et
comment cela entrait en outre en rapport avec l'autre de nos ascendants.
J'ajoutai que l'enjeu d'une vie n'était pas d'accuser ou de corriger ses
parents, mais de rectifier sonc choix, son rapport initial à la vie, si par
hasard on n'avait pas fait le bon.

Comment t'expliquer cette affaire ? La théologie s'est par exemple demandée
comment dieu avait pu choisir de faire exister adam tout en le laissant
libre si, dans Son Omniscience et Sa presscience, Il savait qu'il allait
faire le mauvais choix, qui serait celui de Lui désobéir. Et elle a répondu
à peu près comme ceci: que la désobéissance était la pente où inclinait
adam; que sa chute était sans doute un fait connu par la presscience de
dieu, mais que la liberté d'Adam pouvait toujours faire changer ce fait et
qu'adam n'étant pas fait pour faire ce mauvais choix, Dieu voulait tout de
même laisser vivre adam, pour lui donner une chance d'aller vers ce pour
quoi il était fait. Le livre du deutéronome a cette parole qui paraît une tautologie:

"J'ai placé devant toi la vie et la mort. Choisis la vie pour que tu vives
!"
Or cette tautologie est porteuse d'une vérité profonde. Il faut faire le
pari de la vie, s'engager dans le processus vital pour vivre, à la dignité
de ce verbe.

Mon père n'est devenu tétraplégique qu'à la fin de sa vie, à la suite d'une
erreur médicale, mais au terme d'une destinée où cette erreur médicale
venait couronner d'une lésion corporelle le choix métaphysique de ne pas
aimer la vie qu'il fit sans doute avant même de devenir orphelin de père, car il m'a dit que ce dont il souffrait le plus en l'ayant perdu, c'était de n'avoir pu se fâcher avec lui. Ce choix métaphysique était doublé chez lui du choix moral d'être en extrême empathie avec ceux qui souffraient,
au point de vouloir donner un rein à l'un de ses apprentis. L'émouvaient particulièrement ceux qui avaient ce qu'en alsacien, on appelle le Heimwee (le mal de sa maison) ou encore ceux qui avaient subi un traumatisme, du nombre desquels j'étais à l'origine, quand je n'étais à ses yeux que ma cécité. Il était aussi très important pour lui de s'être demandé vers l'âge de huit ans s'il était vraiment l'enfant de ses parents et n'avait pas été adopté, il revenait souvent au fait qu'il s'était posé cette question, enfant.

N. m'a dit ce matin qu'il lui arrivait de se demander si elle n'était
pas un monstre, pour qu'il lui soit arrivé que toute sa famille l'ait
rejetée, jusqu'à son enfant, dans la famille qu'elle commença par essayer de refonder, avec une personne impossible pour elle, mais en sortant de chez sa
mère où elle venait de vivre quatre ans de séquestration et après avoir fait
un stage de rééducation à Marly-le-roy. Elle fut jusqu'à s'entendre accusée
par sa mère d'être responsable de l'assassinat de son père, que sa mère
elle-même avait orchestré, commandité, sinon fortement suggéré à celui qui
l'avait prémédité. Or N. a toujours été la gentillesse même. Je lui ai
répondu qu'il était évident qu'elle n'était pas un monstre, puisqu'elle ne
faisait et n'avait toujours fait que répandre de l'amour autour d'elle ; qu'à moi, par exemple, elle n'avait jamais fait de mal, et que rares étaient les personnes dont on pouvait dire pareille chose après quinze années de vie commune;
mais que, si elle se posait des questions aussi douloureuses, pour autant qu'elle
jugeât qu'il lui était utile de se les poser , ou pour autant qu'elle pût s'en empêcher, ce qui était plus intéressant était qu'elle s'interroge sur son rapport initial à la vie, question où elle trouverait à répondre qu'elle avait toujours aimé
profondément la vie, ce qui était sa force et son instinct de vie, mais
qu'elle avait accepté d'être victime, ce qui était sa faiblesse et sa pulsion de mort, faiblesse et pulsion qu'elle devait combattre, à présent qu'elle avait décidé d'aller de l'avant, à présent qu'elle touchait au bonheur.

Elle m'a répondu comme une partie de ton message l'a fait que c'était
d'avoir souffert qui l'avait rendu gentille et sensible à l'extrême à ce qui
pouvait arriver aux autres et à ce qu'elle ne fût pas malade. Je lui ai
répondu que certainement, mais qu'il était palpable qu'elle était aussi
gentille de nature. Elle m'a également dit qu'elle ne parvenait plus
aujourd'hui à supporter son handicap alors que, quand elle avait perdu la
vue, elle s'était contentée de verser une larme et puis avait consolé ses
parents et surtout sa mère. Je lui ai dit qu'il n'y avait rien d'étonnant,
étant donné qu'elle vivait dans un système fondé sur la performance et la
vitesse, où ses parents, qui aimaient la vie, associaient cet amour à la
force, ce qui ne lui laissait pas le temps de s'appesantir sur ce qui était
en train de lui ariver ; que ce n'était que maintenant qu'elle avait le
temps d'y penser et de s'apercevoir qu'elle avait subi un traumatisme.

"Mais si j'ai accepté d'être une victime, qu'en est-il de toi, alors ?"
m'a-t-elle demandé.
J'ai réfléchi un moment et lui ai répondu :
"Moi, j'ai justement refusé d'être une victime, mais je n'ai pas aimé la
vie, . Nous étions donc faits pour nous rencontrer puisque nous étions, face
à la vie, dans une relation inverse. Nous étions faits pour nous rencontrer,
moi pour t'apprendre à ne plus accepter d'être une victime et toi pour
m'apprendre à aimer la vie."

Je crois que chacun, à titre individuel et collectif, devrait se poser cette
question :
"quel est mon rapport initial à la vie", écho du :
"adam, où es-tu ?" que Dieu pose au premier homme après qu'ayant péché, il a
eu honte et s'est caché de Lui, alors qu'il n'aurait pas dû.

Si je m'interroge par exemple pourquoi je n'ai pas aimé la vie, c'est sans
doute parce qu'ayant par ailleurs l'harmonie dans la peau, je me suis rendu
compte que c'était un problème sans solution que la vie ! Et si je t'interroge, toi,
assoiffé, épris de justice, sur ce qui conditionne ton rapport initial à la
vie, que me répondras-tu ? Me diras-tu que tu étais fait pour te couler dans
une relation vivante à ce qui est vivant ? Car aussi, qu'est-ce que la vie ?
J'aurais tendance à dire que la vie, c'est à la fois une force et un donné auquel consentir sans en interroger les lois. Aimer la vie, c'est aimé être soumis à cette force ou aimer
recevoir ce donné. Etre dans la vie, c'est entrer dans cette force ou dans
cette réceptivité contemplative. Vivre la vie en force, c'est accomplir son
principe mâle ; vivre la vie en réceptivité, cueillir les fruits et les
fleurs de la vie, c'est accomplir son principe femelle. Aimer recevoir la
vie, ce peut être aimer en recevoir la force et ne pas se bercer de
l'illusion que nous sommes à nous-mêmes l'origine de notre propre force.

Recevant ta vie de ta nation, te moulant dans ce courant collectif qui fait
de toi quelqu'un de quelque part, tu avalises le fait de ne pas
t'appartenir, ce qui manque à l'individu occidental contemporain, celui qui
t'écrit compris. Ta nation, d'autre part, se réjouissant d'accomplir la loi
de Dieu, ce que d'aucuns comme Annick de souzenelle appellent la loi
ontologique sans songer à la remettre en cause, est dans la force de la loi
et dans la réceptivité à cette force. Mais ta nation aime aussi la vie, elle
aime la chanter, elle aime la cueillir, elle aime l'exprimer en contes et
poésie. Est-elle en quête d'harmonie ? Je dirais qu'elle est plutôt en quête
de justice. La justice, c'est l'harmonie vivante, l'harmonie qui sait qu'il
n'y a de solution qu'en marchant. L'harmonie, c'est la justice résorbée,
mais cette justice est morte.

Quel est le rapport initial de ta nation à la vie ? Un besoin de rendre la
justice, de réparer un tort, de soustraire Ismael à la non reconnaissance
dont il avait été entouré avant que ta nation ne naisse pour faire rentrer
Ismael dans ce qui aurait dû être les prérogatives légitimes de son droit
d'aînesse. Peut-être, à travers Ismael, ta nation a-t-elle voulu venger les
torts de l'homme arabe et rendre au bédouin le primat du nomadisme, dont les
Hébreux n'étaient qu'un sous-groupe, alors qu'il n'est que trop clair, en
revanche, que l'arabe dans lequel a été écrit le coran, est une certaine
vocalisation de l'Hébreu. Or, pour faire retrouver à Ismael ses prérogatives
de premier-né d'Abraham, le coran est obligé d'abolir le droit d'aînesse ;
et, parce qu'il respecte éminemment le père de tous les croyants, de ne pas
reconnaître le crime du parricide. Sais-tu que, par une autre voie, celle
des Lumières, la France, elle aussi, a aboli le droit d'aînesse, pour le
plus grand malheur des dynasties, voire des familles, et j'ai appris tout
récemment que le nouveau code pénal adopté en 1984 à l'instigation de Robert Badinter ne reconnaissait plus la qualification du crime de parricide. Ou
coment la charia peut arriver en france par les Lumières, mais ceci n'est
qu'un de ces inaperçus de l'histoire que j'aime bien mettre en lumière et
parallèle et qui, au passage, te conforte dans ton rêve que la France et
l'arabité épousent leurs causes, via la passion de l'égalité.

Je vais examiner la chose un peu plus loin. Mais, pour l'heure, j'ai à dire
quelque chose sur le paradoxe dont est faite toute mise en oeuvre humaine,
qui n'arrive à se réaliser qu'à ce prix, tout ainsi que l'harmonie
a des retards ou des avances, que la poésie a des enjambements ou des
rejets, qui prouvent que tout épanouissement musical se fait dans une
certaine discontinuité, qui recherche toujours, néanmoins, le retour à ses
fondamentaux. Ce qu'on appelle cadence parfaite en harmonie, c'est
l'enchaînement de trois accords pour terminer une pièce : un accord de
sous-dominante, puis un accord de dominante (dans lequel vient souvent se
glisser la note dite sensible) et enfin l'accord de tonique, qui est très
loin d'entraîner après elle la moindre tonicité, mais qui est ainsi appelée
parce que la tonique, premier degré de la gamme, est la note qui en donne le
ton. La tonique n'indique donc pas la tonicité, mais la tonalité.

La tonalité de la relation initiale à la vie de ta nation est la justice, sa
dominante est sa passion de la faire advenir. Dans cette passion, il y a une
force ; mais pour soutenir cette passion, comme dans l'accord de dominante,
il y a la note sensible, il y a la sensibilité. Il entre de la sensibilité
dans la passion de rendre justice et de faire rendre gorge à l'ordre
injuste, et c'est même de la sensibilité que naît la passion de rendre
justice.

Ta nation est donc née, habitée de la passion de l'égalité. Tu crois pouvoir
faire rentrer la france en connivence avec elle, parce qu'elle serait
vectrice de la même passion de l'égalité, qu'elle a voulu faire circuler comme un
universel dans le monde. Examinons s'il en est bien ainsi. Je ne prétends
pas me prévaloir d'une grande cuulture historique, mais ceux qui dissertent
de la généalogie de la France lui donnent deux origines : le baptême de
Clovis et la révolution française. Dans le premier cas, la france serait la
"fille aînée de l'Eglise". Or c'est un titre usurpé, parce
qu'elle a été précédée au moins par les coptes d'Egypte et par les
arméniens. Mais il est exact que la france va être la première nation qui
va avoir conscience d'être chrétienne et que c'est cette conscience qui va
lui donner l'envie d'être vectrice de valeurs, propagatrice d'une foi.

Cet héritage missionnaire et propagateur va rester présent à la révolution française. Mais l'unification de la france par
le baptême de Clovis va essentiellement permettre d'unir les tribus franques
autour d'un chef incontesté, auquel référer toutes les féodalités. Puis, la
Révolution française va prétendre exporter le modèle égalitariste de la
france dans le monde. Elle le fera au prix d'une barbarie moderne, de même
que les Francs étaient des barbares à l'antique. Il en résultera ce qu'on
appelle un régime de terreur à l'intérieur et les guerres napoléoniennes en
europe et au-delà, jusqu'en egypte avant que Napoléon ne devienne premier
consul. Les révolutionnaires égyptiens viennent d'ailleurs de détruire le
principal vestige de l'invasion napoléonienne. Or cette terreur et cette
propagation du modèle égalitaire par la guerre sont subséquentes à la
passion de l'égalité. Non, l'arabe n'est pas génétiquement guerrier comme le
communisme serait "intrinsèquement pervers". Il n'est guerrier que dans la
mesure où il n'y a pas de Justice qui n'aime à se rendre par défection
volontaire des oppresseurs. Le pouvoir ne se donne pas, il se prend, comme
le bonheur cesse peut-être après qu'on l'a conquis, et la vie après qu'on
l'a résolue, et la justice après qu'on l'a rendue ? Mais qu'advient-il
ensuite ? Savoir ainsi si cette passion exclusive pour la Justice en vaut la
peine. Ou que devient la vie après la vie, en quelque sorte ? Le salut, dit
le christianisme, j'y reviendrai. L'une des expressions du salut est
contenue dans cette béatitude où il est dit :

"Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés".

Mais le combat pour la justice vaut-il d'être livré en ce monde ?
Intuitivement, l'arabe et le français croient que c'est indiscutable. La
passion pour l'égalité est encore caressée en ce que ces Francs qui se sont
unis sous la bannière d'un seul chef lors du baptême de clovis étaient des
féodaux libres les uns par rapport aux autres. Ils ont vaincu le tribalisme
par la féodalité, la féodalité n'étant qu'une forme supérieure de
tribalisme, composant un ensemble mieux fait pour prendre de l'ampleur.
Mais on peut dire inversement que revenant à leurs racines franques par la
passion de l'égalité caressée par le rêve révolutionnaire, les Français,
s'ils ont gardé du fait que leur nation soit appelée "la fille aînée de
l'Eglise et la mère des arts, des armes et des lois", la passion d'exporter
les lois par les armes, cette passion missionnaire qu'on retrouvera jusque
dans les racines du colonialisme, ils ont rompu avec l'autre aspect de la
bannière éclésiale, qui consistait en la bonne administration souhaitée d'un
royaume dont le principe et la souveraineté s'exprimaient dans un prince.
C'est dans le lignage administratif de l'héritage de la "fille aînée de
l'Eglise" que la France pourra servir de prétexte indirect à la naissance de
l'Etat d'Israël à qui l'affaire dreyfus donnera quittus, à la suite d'un
problème administratif, de l'analyse graphologique d'un bordereau trouvé
dans une poubelle par une femme de ménage. Est-ce que les promesses
territoriales accordées par Dieu au peuple juif devaient se retrouver
politiquement dans une poubelle et se justifier d'un bordereau aux
informations insignifiantes et qui avaient valu l'accusation d'espionnage à
un juif alsacien, donc frontalier, qu'on soupçonnait, sans doute à tort, de
travailler pour l'allemagne ?
Du caractère germinatif administratif de l'administration étatique de
l'entité politique que l'on nomme Israël, germination qui a pu faire
estimer aux juifs religieux du temps de la création de cette entité
politique qu'elle n'était pas digne des promesses divines, vient aujourd'hui
le doute sur la légitimité de cette entité politique, qui n'a dû son
existence qu'à une décision administrative de l'Organisation des Nations
Unies, qui n'a pas appliqué pour en décider le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. En cela, l'Organisation des Nations Unies aura sans doute
manqué à "la justice basique" ; et pourtant, elle aura voulu satisfaire à
une requête légitime. elle aura prétendu justifier administrativement des
promesses divines dont, bien que la laïcité se veuille sortie de la
théocratie, elle se sera sentie comptable, historiquement, au nom de tous
les peuples monothéistes qui sont sortis du rameau de la religion
abrahamique, historiquement encore, pour combler un passif antisémite
chrétien, mais pas seulement chrétien. Car vous autres, musulmans, avez beau dire que vous êtes
immunisés contre tout antijudaïsme, vous ne parvenez pas même à reconnaître
que le Coran ne serait pas s'il ne descendait du livre des Juifs, Abraham
n'étant pas la propriété de la bible, dites-vous, mais son existence n'ayant
été transmise par écrit que par ce document sacré, dont le Coran dépend
encore lorsqu'il réinvestit la figure de Moïse et y puise une partie de sa compréhension de celle de Jésus, autre personnages bibliques, dont le
traitement qu'il en fera viendra d'écrits apocriphes pourne pas avoir part
au "scandale" qu'aura été son crucifiement et qui pourra faire dire à une
mystique comme sainte-thérèse d'avila qu'à voir comment dieu traite ses
amis, mieux vaut, humainement, être de ses ennemis."

La France est scripturaire, tu dis vrai, mais elle est scripturaire à la
fois administrative et judiciaire. Examinons un peu quelles passions
initiales portent le peuple juif dans sa relation à la vie. Ce n'est pas la
justice: c'est de répandre un modèle théophanique à l'échelle humaine, et de
se croire élu pour cela. Elu, donc supérieur, puisque "mis à part". C'est de
se croire comptable d'exporter un messianisme humain égalitariste ; mais,
dans la mesure où on l'exporte, c'est de se croire messie soi-même. La
passion originaire qui relie le judaïsme à la vie n'est pas premièrement la
justice, mais une telle conscience d'incarner la Justice et toutes les
passions positives de l'humanité, dans la mesure où elles nous ont été
révélées théophaniquement par un Dieu qui ne saurait Se tromper ni nous
tromper, que l'on devient responsable de l'aventure de son prochain
(définition du judaïsme par le professeur armand abécassis) et que ce poids
de l'incarnation ou de l'élection communique à ceux qui le ressentent un complexe inné de supériorité. La question est de savoir ce qui va dominer,
des valeurs à véhiculer, de la responsabilité qu'on se sent envers celui à
qui on les véhicule, ou du complexe de
supériorité qu'on ressent à être l'élu, supériorité qui peut faire oublier tout le
reste, et les valeurs à véhiculer, et la responsabilité vis-à-vis du
prochain. De la certitude d'être élu sans conteste, peut naître l'oubli, si
ce n'est le mépris, qu'on a de se faire élire, d'où le fait qu'Israël,
sourcilleux devant la nécessité de l'élection, jusqu'à la promotion de la
démocratie dans le reste du monde, s'est cru pouvoir affranchir du droit des
autochtones à disposer de leur souveraineté pour disposer de leurs terres,
moyennant une élection internationale, avalisant de manière facultative,
mais donnant un gage de légitimité humaine, les Promesses dont était
assorties l'élection divine, qui n'était accordée que sous réserve que le
peuple véhicule bien les valeurs qui lui valaient cette élection et fassent
bon usage de la terre.

A ce stade, peut se poser une question : la notion de Justice peut-elle coexister avec celle de supériorité ? ce qui pose une question plus cruciale
: peut-on réputer juste un ordre mondial où le sang des uns ne vaut pas le
sang des autres ? Car la justice s'exprime, croit-on, dans l'identité de
valeur accordée à la vie de chacun. Et l'on sait par ailleurs que
l'élection, qui a tendance à faire oublier tout le reste au peuple juif,
n'est que trop enclin à lui faire confondre son destin avec celui de
l'humanité, de sorte qu'un crime commis contre le peuple juif devient
l'origine juridique du crime contre l'humanité, et c'est en vain qu'on
invoque l'adage :
"Qui tue un homme tue l'humanité",
si ce n'est qu'à reculons que le peuple juif cessera de résister pour
donner une extension à cette qualification, de même que c'est à reculons
qu'il acceptera de partager avec les arméniens, avec les rwandais, voire
avec les vendéens, la notion difficile à cerner de "génocide".

En droit, bien sûr, le sang des uns ne saurait pas ne pas valoir le sang des
autres, mais en fait ? Est-ce que le sang du chef n'a pas toujours valu
davantage que le sang du membre de son peuple ? Par une dérive médiatique
qui ne date pas des médias, est-ce que le sang de l'otage ne vaut pas
davantage que le sang de l'accidenté de la route ou de celui qui meurt de
misère ou de faim ? On a même voulu donner à ce fait une apparence de droit,
et on l'a appelé "la naissance", depuis les Grecs. On a fait de "la
naissance" une des variables de l'aristocratie. Est-ce que, si le sang d'un
juif ou d'un chrétien vaut plus que le sang d'un arabe, la
pseudo-démocratie mondiale n'est pas en train d'avaliser une espèce de
suprématisme subliminal, au terme duquel il serait convenu que, puisqu'ils
ont la supériorité des armes et, pour l'heure encore, celle de la puissance,
le juif et le chrétien seraient l'aristocratie mondiale, au grand dam de
l'arabo-musulman qui continue de porter dans ses gènes la non reconnaissance
d'Ismael et n'a ses pieds que pour trépigner, en se livrant par impuissance
à des guerres intestines, plutôt que de s'unir pour, par passion de
l'égalité, renverser cette aristocratie qui ne tire ses titres que du fait
accompli ? Car la justice est le droit, elle ne saurait être le fait. Mais
le fait a pour lui d'être réel, le droit a contre lui d'être irréalisable.
Faut-il courir après le droit ?

La méfiance du christianisme paulinien envers la loi vient de ce fait que le
droit peut tellement peu être réalisé qu'énoncer la loi pousse à la
transgresser et que les résultats se retournent la plupart du temps contre
leurs intentions (voir Saint-Paul se plaignant de son écharde dans la chair
qui le pousse à commettre bien souvent le mal qu'il ne veut pas en étant
incapable du bien qu'il s'était proposé). De là, la remise en filigranne par
le christianisme de la Justice aux calendes éternelles, parce qu'elle est
une soif impossible à étancher en ce monde, d'où la vanité d'établir un
Royaume en ce monde, Dieu Seul, qui est l'absolu, pouvant étancher la soif
de l'homme dès ici-bas ("et qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif"),
ce qui ne dispense pourtant pas l'homme de courir après la justice, car
seuls sont promis au bonheur ceux qui auront été tourmentés de cette soif et
auront essayé de faire la vérité, pour discerner ce qui est juste. Mais la
passion originaire du rapport à la vie qui inspirera le christianisme sera
celle de l'harmonie. Le dis-je parce que je l'ai dans la peau ? Je crois, en
effet, être chrétien dans la peau. Mais, au-delà de moi, la passion de
l'harmonie se lit à travers ce besoin que manifeste le christianisme de
rétablir l'harmonie entre l'homme et Dieu, que n'ont pas réussi à obtenir
tous les sacrifices antérieurs. La logique sacrificielle est-elle juste ? Le
christianisme s'abstient de poser cette question, l'islam aussi,
d'ailleurs, qui se contente d'observer tout comme le christianisme, non
seulement des rites sacrificiels, mais que le sacrifice est la logique
religieuse naturelle, sans que l'on puisse nécessairement remonter à savoir pourquoi.
Aussi, pour obtenir l'harmonie une fois pour toutes, Jésus consent-Il à se
sacrifier au sacrifice, non pas à dieu, j'ose croire, Qui, dans le
Sacrifice de son fils, a peut-être essayé de faire sortir la religion de la
logique sacrificielle, mais ceci est une lecture religieuse. Jésus, prétend
le christianisme, paie un prix unique, et si son sacrifice est renouvelé à
travers la célébration de chaque messe, ce n'est que le même sacrifice qui
est indéfiniment renouvelé, de manière non sanglante.

A la poursuite de la passion de l'harmonie, le christianisme, se plaçant
dans la tradition des antiques épopées, dont les héros connaissaient la fin
heureuse tout en courant leurs aventures, se met dans la situation de
considérer que la pièce est écrite, que la messe est dite, qu'il y a une
"happy end", que la solution est toute trouvée dans l'au-delà, qu'il ne faut
donc pas, à l'excès, chercher des solutions humaines, car cette lutte est
sanguinaire et sans merci, et "mieux vaut compter sur Dieu que de compter
sur les hommes, mieux vaut s'appuyer sur Dieu que de compter sur les
puissants", dit le psalmiste. Non, il ne faut pas à l'excès chercher des
solutions humaines, car tout ce qui est humain est dépassé. Est dépassé, à
peine a-t-on trouvé la solution ! Il faut préférer la vie surnaturelle à la
vie naturelle, est-ce une question de survie ? La passion pour l'harmonie,
dont l'objet est la résolution, est-elle morbide, comparée au combat pour
la justice et l'harmonie ? Morbide, peut-être, mais moins mortelle. Aussi, quel parti
prendre ? Le combat spirituel dispense-t-il du combat pour la dignité
humaine ? Il semble que le christianisme laisse cette question indécise,
ouverte et disputée.

Du moins est-ce l'avis d'un de ces fils de france dont le pays est en cet
état parce qu'il ne parie pas assez sur la vie, et qui a conscience d'être,
en outre, l'un des derniers des moïcans à s'intéresser au sort de son pays. Que
Jeanne d'arc, à ta prière, lui donne ce sursaut de force qui le rappelle à
lui-même en même temps qu'il doit garder à l'esprit que tu n'obtempéreras à
te convertir, à l'appel de la sainte, que si "la nation des chrétiens
devient totalement juste". Quant à toi, continue d'"(accuser) pour rendre la
guerre impossible, en déconstruisant en profondeur,
> les ressorts de la guerre injuste." Continue de dialectiser d'une façon
> qui a jusqu'ici manqué à ta nation. Mais prends garde de ne pas
> "criminaliser ton vis-à-vis". Au cas où ce serait "un eenemi qui se
> transforme", il n'a, pour l'heure, plus les moyens de te rendre les coups
> ; et si tu le criminalises, il n'aura d'instinct de survie que pour se
> braquer contre toi.

Ton torrentiel passionné pour l'harmonie et qui essaie de mettre cette
passion en adéquation avec la reconquête de l'amour de la vie

Lésion ou traumatisme

> Mon Torrentiel.


> Non, ton invitation n'est pas offensante, elle était présente dès le début
> de nos échanges, c'est très naturel. En toute rigueur, le Musulman doit
> admettre, du Chrétien, qu'il l'invite à communier ensemble. Il doit admettre
> ce droit, qui est réciproque, s'il résulte de la foi et de l'engagement.
> Tenir contre cela, n'est pas canonique, puisqu'il est naturel que le
> Chrétien invite tout autre, à rentrer dans sa communauté. C'est un droit
> religieux, s'y opposer, revient à nier la liberté d'exercice religieux, ce
> qui est anti-canonique. Rien de surprenant. Sans cela, il faudrait ne pas
> fréquenter les Chrétiens et se lier d'amitié avec eux, il faut être
> conséquent. Je ne tiens que contre les agissements réels de certains
> missionnaires, et tolèrerait leur mission pourvu qu'elle reste dans les
> limites de la loi. Lorsque certains tiennent contre le prosélytisme Chrétien
> dans nos pays, c'est un point de vue politique, qui n'a rien de fondamental.
> Ils tiennent contre des agissements connus, et ils craignent, d'une crainte
> fondée et prouvée, que des forces étrangères, n'interagissent avec tels ou
> tels factieux. Si ces éléments cessaient
> d'exister, autrement dit, si la Nation acquérait un jour, la force
> nécessaire et suffisante, pour imposer le respect de son être et de ses
> droits, alors, cette histoire de prosélytisme Chrétien, perdrait presque
> toute son importance, serait perçue comme un fait naturel, voire
> respectable. Mais on n'en est pas là! La Nation reste chétive et sans cesse
> bafouée. Les tyrans eux-mêmes, pour perdurer, vantent et vendent aux
> puissances
> agissantes dans notre région, prétendent-ils, la sécurité du Chrétien, et
> pis encore, la
> sécurité de l'Ennemi! Cela semble fonctionner, hélas. N'eût été ce contexte,
> cet état lamentable d'abaissement et de défaite, qu'aurions-nous à craindre
> d'aucun prosélytisme? On peut même aller plus loin, et entrevoir, qu'au-delà
> des objections religieuses, tant que la Nation souffre, Rodomont ne peut
> distinguer entre ses objections fondamentales, et celles qui tiennent au
> sort présent de la Nation. C'est que Rodomont ne sait pas vraiment, à quel
> point il est religieux : il doit l'être un peu, sans doute, moins que toi,
> certainement. Au fond, si je n'étais pas citoyen de la Nation, que
> serais-je? Si la Nation se mettait d'aventure à ne plus tant soufrir,
> comment serais-je? Rodomont ne sait pas où il en est, le citoyen de la
> Nation l'emporte sur toute autre dimension, semble-t-il.


> Tu fais exister la notion de traumatisme, et dans ce sens, tu représente le
> vécu de ton père, qui croyait s'expliquer certains mécanismes de sa vie. Le
> traumatisme serait donc, le vécu après coup, d'une lésion subie un jour, qui
> laisse diverses séquelles, notamment la reproduction de certains shémas,
> voire leur contre-pied. En même temps, ton père n'était-il pas handicapé
> physique grave, sauf erreur? Je crois me souvenir, qu'il fut tétraplégique,
> ce qui est une lésion permanente de tous les jours, et non seulement un
> traumatisme vécu et revécu. Sauf erreur, il conjuguait des traumatismes
> anciens et
> une lésion permanente, qui fait le mal quotidien de la vie, et constitue un
> traumatisme par elle-même.


> Je me perds en paroles. Me concernant, il doit y avoir quelque-chose,
> évidemment, qui explique tant de projection, hors de mon quotidien et de mon
> individualité. Certainement, il y a quelque-chose. Je ne suis pas sûr du
> tout, qu'il s'agisse d'un traumatisme, ou d'un malheur quelconque. Mon
> intuition me suggère, peut-être à tort, que ceux qui ont pareille
> sensibilité aux sorts communs, ne sont pas de ceux qui soufrent ou ont le
> plus souffert, mais plutôt le contraire. Il faut avoir vécu des états
> d'équilibre, ou mieux, d'harmonie, pour ne pas supporter la dissonnance et
> l'injustice! Vois donc l'exemple de Jeanne d'Arc : c'était probablement, une
> fille heureuse, dans son enfance, aimée des siens, aimant les siens et les
> bêtes qu'elle gardait. Fut-elle pauvre? La plupart des biographies tendent
> vers une enfance certes modeste, mais digne. C'est précisément dans cette
> pauvreté digne qu'on trouvera le plus d'harmonie, d'amour des autres,
> d'amour du monde et de compassion aux malheurs du temps. Cette harmonie,
> cette bénédiction, porte aux sentiments généreux, voire aux sentiments de
> responsabilité. L'héroïsme, ou le rêve d'héroïsme, plonge là ses racines.
> La partie la plus généreuse et noble des peuples, c'est celle qui connaît
> quelque chose du malheur, et qui en même temps connaît l'harmonie, qui est
> au fond le meilleur de toute vie, le bonheur presqu'absolu. Celui qui est
> pauvre, mais encore assez riche, pour secourir plus pauvre que lui, qui peut
> recevoir un hôte sous son toit, celui-là, nourrit de bons enfants qui
> veulent le bien et haïssent le mal. Il ne faut pas chercher ni plus haut ni
> plus bas. Foin de cette légende ignoble, selon laquelle, l'Islamisme
> politique serait fils de la misère, ou encore certains ont dit, de la
> bourgeoisie. Ni l'un ni l'autre ne sont vrais. Il faut avoir vécu du bien et
> du mal, mais plus de bien, tout de même, il faut croire à la victoire du
> bien, l'avoir vu parfois triompher, ou en avoir rêvé. Il faut croire un peu,
> aux récits épiques, aux légendes et fables de bon aloi, donc ne pas être
> trop mortifié et résigné. Il faut avoir goûté aux joies de la vie, et en
> avoir beaucoup rêvé, avoir conscience que le mal des autres, nous fait
> soufrir, vouloir le bonheur public. Cela peut passer pour des sornettes, des
> fadaises, ainsi vivent pourtant les peuples, il faut qu'il s'y trouve,
> parmi eux, comme un levin, ceux qui veulent faire triompher le bien sur le
> mal.


> Enfait, je me propose, sans certitude, qu'au lieu d'un traumatisme initial
> et fondateur, il se peut qu'on ait vécu, un état d'harmonie primaire, puis
> des lésions au cours du temps. Ce shéma du traumatisme primaire, que
> certains situeraient en deçà de la naissance, voire dans les générations ou
> vies antérieures, est-ce une vérité scientifique, après tout? Pourquoi
> faut-il ainsi, sitôt qu'un homme souffre, tenter d'entrevoir un traumatisme
> lointain, géniteur de son mal présent ? Pas question de nier le rôle toxiques
> de tels traumatismes, facteurs de lésions profondes, plus ou moins
> subconscientes, mais pourquoi serait-il interdit de soufrir au présent, sans
> lésion primaire? Et pourquoi soufrir uniquement, dans son être individuel ou
> son entourage proche? Simone Weille que tu cites, mais encore Freud,
> lui-même, ont souffert du mal de leur nation. Cela existe, par la colère de
> Dieu. Il est étrange que des psychologues apportent sans cesse le déni à
> semblable affirmation. Soufrir du mal de sa nation, jusqu'à en pleurer,
> jusqu'à n'en plus pleurer, jusqu'à en perdre le sommeil, et plus encore, ça
> existe réellement! Qu'on prenne si on veut, la nation, comme un entourage
> éloigné, peu importe, dèl lors qu'on admet qu'une personne peut soufrir du
> mal des siens, il n'y a qu'un pas à faire, pour admettre qu'il puisse
> soufrir du mal de sa nation. C'est là qu'on voit, que le patriotisme ou ce
> qu'on nomme ainsi, est moins abstrait qu'on croit, qu'il a bien
> quelque-chose de charnel. Je réussis une fois, à faire admettre la réalité
> de ce mal, à un psychanalyste. J'y parvins, parce que c'est moi qui le
> soignais, le tenait sous mes mains. Il en convint, et admit aussi, hélas,
> qu'il n'y avait à cela aucun remède, tant que dure la source réelle du mal,
> à savoir, les faits qui se produisent. Je fus ainsi délivré, de la croyance
> selon laquelle, il me fallait chercher autre chose. Au lieu de me décevoir,
> cette vérité m'a libéré.


> Ma passion du métissage, pourquoi aurait-elle quelque-chose de patologique?
> Mon Dieu, c'est trop beau, trop merveilleux, pour que ça vienne d'un mal
> premier. Que je sois amoureux de mon double ou mon contraire, n'est-ce pas
> juste un peu plus intensément, ce que tout le monde fait? On aime une
> personne pour deux raisons conjuguées en proportion différente selon sa
> propre complexion. Il faut que l'être aimé nous soit un peu semblable et
> reconnaissable, et en même temps différent. Aimer l'identique est
> probablement difficile, hormis le cas particulier des jumeaux. Aimer le
> dissemblable en toute chose, est probablement impossible, puisque nous
> n'aurions pas en nous, si peu que ce soit, quelque-chose qui vibre avec lui.
> Le contraire de nous, ne doit pas être confondu avec le dissemblable. Le
> contraire, s'il est contraire, c'est qu'il a quelque-chose de nous-mêmes. Il
> y a là toute une gamme, entre ceux qui préfèrent des êtres plus ou moins
> semblables ou plus ou moins contraires. Aimer l'ennemi, si tel était
> vraiment mon cas, ce serait mazochiste, en effet. Je n'aime pas la France
> parce qu'elle est ennemie, elle ne l'est pas essentiellement, par vocation.
> Je crois plutôt qu'elle a une vocation toute contraire, non accomplie, mais
> en perspective et sur la voie de se réaliser. Voici une preuve que je
> n'aime pas l'ennemi. En 2003, j'avais prévenu ma femme, qu'au cas où la
> France participerait à certains crimes, je ne pourrais plus continuer la vie
> commune. Elle l'avait bien compris, c'était un constat sérieux, je ne
> pouvais pas faire autrement. En ce cas, et bien qu'ell n'y fût pour rien,
> j'eusse perdu le désir de la rendre heureuse et d'être heureux par elle. Ma
> vie en France eût été trop mauvaise, le tissu social se fût déchiré avec
> douleur. Cette perspective a du peser, dans les choix et décisions. Donc, je
> n'aime pas un ennemi qui est en train de me porter tort. J'aime un être qui
> m'aime et ne veut pas que je soufre. Mettons que ce soit un chemin, une
> dynamique, mettons que ce soit un ancien ennemi, qui se transforme. Il reste
> des imperfections, toute la profondeur des ambiguïtés, des arrières-pensées.
> En effet, il y a un travail salvateur, de chasse et d'éviction de ces
> imperfections, surtout dans un couple. L'invitation Chrétienne à aimer les
> ennemis, doit se comprendre, me semble-t-il, comme un chemin, quand l'ancien
> ennemi se transforme. Autrement, c'est chose impensable, tu n'aimeras pas
> celui qui veut te faire soufrir, au moment où il te porte tort, à toi-même
> ou à tes proches et ta nation. Récompenses plutôt, celui qui cesse de te
> haïr, et portes-le à t'aimer davantage. Donc, je ne suis pas amoureux d'un
> ennemi, mais d'un ami non déclaré, ou grand maximum, un ancien ennemi qui se
> corrige et se transforme. Effectivement, s'il en était autrement, on serait
> fondé à imaginer un traumatisme quelconque. Puis, l'intensité que je mets
> dans l'expression littérale de l'amour et encore de l'éhérautisme,
> relèverait plutôt de ma complexion, sans rien de traumatique. Au contraire,
> ça tend à manifester que je peux aimer, et que j'aime l'amour. L'intensité
> n'est pas vécue tous les jours, c'est impossible, personne ne peut. Sur ces
> choses, nous sommes divers et variés. Certains sont plus heureux, avec moins
> d'intensité apparente, une tendresse plus sereine, Dieu nous a fait
> différents, comme il lui a plu.


> Donc, j'ai tendance à croire, sauf erreur, que je ne porte pas en moi, un
> traumatisme particulièrement conséquent, pour autant que je puisse dire,
> mais qui sait, en ces choses. Observes autour de toi : ceux qui te semblent
> nourrir le plus d'engagements, sont-ils tant que ça malheureux, plus
> malheureux que ceux, qui semblent ne tenir que pour leur quotidien, voire
> leur individu? Tu conviendras que non, parce qu'au moins, ils ont la force
> de rêver, et leur rêve leur fait du bien. Revois donc, cette image des gens
> de ma Tunisie Verte, qui chargent les boeufs de tracer des sillons droits,
> et l'enfant des lignes droites sur son cahier, ces gens ne sont-ils pas dans
> l'harmonie? Harmonie progressiste, qui plus est. Le bonheur est à conquérir,
> ils sont heureux mais doivent gagner du bonheur, et que l'avenir soit sans
> cesse meilleur que le passé. Le bonheur, c'est la conquête du bonheur,
> possible qu'il cesse lorsque cette quête devient moins nécessaire, lorsqu'on
> est, nanti. Cet enfant, qui trace des lignes droites, entre des parents qui
> l'aiment, des frères, des soeurs, un père qui écoute ses récitations, une
> mère tendre mais ferme, qui exige sa propreté, qui recout ses vêtements pour
> leur éviter la honte à tous deux, l'enfant qui s'élève dans cette maisonnée
> qui lutte pour la dignité, la maintient rigoureusement, c'est celui-là, qui
> en grandissant et en voyant le mal, est travaillé de compassion et
> d'indignation, en voyant que la misère et l'humiliation atteignent à des gens
> comme les siens. Il prend conscience du malheur de la Nation, soufre-douleur
> du monde, il serre les poings et ne veut plus se contenter d'un bonheur
> quotidien, quand celui-ci se propose à lui. Non, c'est pas la petite maison
> dans la prairie, c'est plus que ça. Les enfants de cette maison, celle de la
> prairie du Far West, n'avaient
> qu'à se dresser contre la pauvreté et l'injustice de leur entourage, mais
> cet homme grandissant, se dresse contre le sort que le monde fait à la
> Nation. Il connaît le peu de prix du sang Arabe, le haut prix de certains
> autres sangs, il ne peut pas vivre avec ça, et le mal serait de vivre sans
> égard à ces choses. Son traumatisme, non, c'est plutôt sa lésion, c'est
> l'état général d'indignité de la Nation. Est-ce que je me trompe, est-ce que
> je trompe quelqu'un en faisant ce conte?


> Ai-je des traumatismes? Je croirai que non, mais comment savoir. Des heurts,
> des chocs, oui, sûrement. Mais la lésion dont je parle, ne dépend pas que de
> ma perception, de mon vécu. Alors, comment faire? Ne mets pas, mon amour
> passionné de ce qui est Français, et toutes ces choses, sur le compte d'une
> quelconque séquelle. C'est trop beau, pour résulter d'un mal! Il y a que ma
> sensibilité est grande, au point que je trouve plus de merveilleux, que
> d'autres, dans la vie. Mon sentiment à cet égard, est assez commun et
> répandu, pas toujours conscient, et ne s'exprime pas toujours de la sorte,
> avec pareille intensité. Mais il existe. Ce n'est pas non plus mon ennemi
> que j'aime, puisque je crois, que la France n'est pas ennemie et malfaisante
> par nature. Je crois entrevoir, de par mon intuition, qu'il y a beaucoup de
> sens dans le phénomène de migration et de métissage. Mieux, je crois même,
> que l'avenir de la Nation et de la France, tient beaucoup au phénomène des
> migrants. C'est une prémonition que rien ne semble démontrer, il ne faut pas
> d'emblée la rejeter comme vaine. Je suis presque sûr, que de grandes choses
> doivent se produire en France, grande nation qui n'a pas du tout fini sa
> carrière. Plus exactement, de grandes choses devraient se produire, entre la
> France et la Nation, dans lesquelles, le migrant ne sera pas pour rien.
> Allez, si je n'abuses pas trop de mon intuition, je dis ceci, que la France
> ne pourra pas indéfiniment ignorer ma demande, parce qu'il n'est pas dans sa
> nature de ne pas percevoir une demande, fût-elle silencieuse. Oui, le seul
> fait d'articuler ses demandes, ses invitations, c'est contribuer à rendre
> plus probable leur réalisation concrète. Ce que je demande, je crois, que
> c'est ce que veut la France, à un certain niveau de conscience.


> Alors, une fois cela posé, qu'il y ait hélas, des lésions bien réelles et
> présentes, comment faire, à moins de les occulter, comment faire pour que le
> Français n'en soufre pas? Voilà apparemment, une situation impossible. Je
> crois que toi et moi nous sommes écharpé assez violemment, lorsqu'il s'est produit ces ingérances Françaises, dans la
> campagne Tunisienne, puis encore après!

(NDLR : en fait d'écharpage, il s'agit plutôt d'une prise à témoin qui a semblé injuste à l'auteur de ce blog, d'autant qu'il n'a jamais approuvé ces ingérances).

Mettons qu'il s'agisse de la France
> officielle, l'offense était évidente. Qu'eût-il fallu dire? Je crois, malgré
> tout, qu'il faut dire la vérité. Après tout, les vérités douloureuses
> changent ceux qui les entendent, bien qu'ils s'en défient de prime abord. Il
> se peut, que la France m'ait beaucoup transformé, moi et les miens, très
> certainement et dans de grandes proportions. Si les faits sont douloureux, à
> chaque fois qu'on les énonce, on abolit davantage l'inimitié, on la réduit,
> on l'anéantit, puisque le mal fait une fois, est difficilement
> reproductible, quand on en a subi le reproche, quoi qu'on en ait. Que cela
> procède ainsi, y compris au moyen de reproches échangés, il est prévisible
> que bientôt, l'Arabe et l'autochtone de France, penseront à l'unisson, ou au
> moins dans l'harmonie. N'oublies pas non plus, les éloges que je peux faire
> de la France, si inspirés, si vrais! C'est du lyrisme, certes, mais
> précisément il sonne juste. Les meilleurs compliments, ceux qui réjouissent
> le plus, c'est lorsqu'on souligne le bien d'un être, qui le pressentait
> lui-même, et qui s'y trouve conforté. Hélas, pareillement, les reproches les
> plus douloureux, sont ceux qui tombent juste. Que tu n'entendes ces choses
> que de moi, ne prouve pas qu'elles me soient propres, elles sont plus
> générales et réciproques, opèrent dans les deux sens. Ma Tunisie Verte est
> une fille ou une élève de la France, elle en a reçu les compliments et les
> blâmes, puis elle a grandi. De la France, sa préceptrice, elle connaît le
> bien et le mal. Vois comme elle rédige sa constitution, vois comme elle
> s'est si vite approchée, sans le vouloir, de la parité en politique. Reste à
> trouver le moyen d'adresser les reproches justes, sans criminaliser son
> vis-à-vis, sans prononcer son indignité ou condamnation définitive. Ainsi
> font, hélas, les faussaires de France, qui diabolisent, couvrent de boue et
> d'ordure, beaucoup plus que je ne saurais le faire, avec des résultats
> sanglants, au bout des mots. Que je sois malhabile, probable. Mon but à moi,
> n'est pas la condamnation permanente, ou l'apologie d'une guerre. Ce que je
> veux, c'est que le souci de la justice soit majeur et permanent, puisque
> l'injustice commence sitôt qu'on relâche le soin rigoureux de la justice.
> J'accuse pour rendre la guerre impossible, en déconstruisant en profondeur,
> les ressorts de la guerre injuste. En effet, il me plaît de croire, que la
> Nation a beaucoup manqué, en ne dialectisant pas de la sorte. Apparemment,
> c'était dans ses cordes, elle ne l'a pas fait. Je forme le voeu, qu'à
> l'avenir, la parole étant plus libre désormais, le champ de la bataille du
> verbe ne verra pas les mêmes triomphateurs.


> Que demanderais-je à Jeanne d'Arc, si elle revenait me visiter et m'invitait à
> communier? Rodomont n'opposerait pas le même refus, mais une objection. Il
> demanderait un miracle, que la nation des Chrétiens, devienne totalement
> juste. Ce que faisant, l'humanité entière serait gagnée par la justice, et
> par conséquent, les convertions seraient de peu d'importance. Voilà ce que
> Rodomont ne sut pas répondre à la Sainte. Que le grand pays Chrétien de
> France, soit, sur l'inspiration de Jeanne, l'artisan de la justice.


> Croissant de lune.

Y a-t-il un traumatisme arabe?

>> Mon croissant de lune,

>> je ne sais pas si tes accusations sont ou non excessives. Tout dépend sans
>> doute du point de vue d'où l'on regarde. Mais ce que je pense, c'est que
>> tu fais mal à qui tu aimes, à moi aussi, bien souvent. Il faut même un
>> certain masochisme pour consentir à tes mises en demeure. Je te le dis
>> sans ambages et avec la franchise d'un ami. etant souffrant pour ainsi
>> dire de naissance, j'accepte de me faire mal avec ton mal, bien
>> que je l'accepte de plus en plus difficilement. Mais tout le monde ne peut
>> pas en faire autant, ne serait-ce que pour se préserver soi-même. Mes
>> propos sont durs, sans doute, mais je les dois à ton désir de vérité.

Tu as besoin de faire mal à qui tu aimes. Mon père aussi se savait comme ça
>> et, la seule fois qu'il en parla, il déclara que c'était par besoin de se
>> faire du mal à lui-même, parce qu'il avait perdu son père trop jeune et était
>> devenu un homme trop tôt. Est-ce que, toi aussi, d'être loin de tes
>> racines que tu chéris depuis ton exil te donne l'impression d'avoir perdu
>> ta patrie et d'être de ce fait un orphelin de patrie, plus qu'un déraciné ? Peut-être est-ce un début d'explication.

MaintenantIl y a aussi un traumatisme arabe. Regarde X. Sans pouvoir l'accepter,
>> il est dans le même état que toi. sa forme de violence est seulement
>> différente, plus physique, moins rentrée, alors que l'on peut dire qu'il
>> s'est volontairement et à peu près laissé assimiler par la france. Je suis
>> contre le modèle assimilateur.


Maintenant, que tu aimes la france, c'est sans contredit. Mais tu l'aimes comme tu aimes ton ennemie. En toi, la
>> puissance du paradoxe est très grande, et c'est peut-être pourquoi,
>> paradoxalement, tu recherches la simplicité, l'évidence islamique, pour
>> tourner à ton avantage le titre d'un livre de l'abbé de tanoüarn que je
>> viens d'achever, "l'évidence chrétienne". Peut-être ce que je vais te dire
>> abuse-t-il de ta confidence à propos de Jeanne d'arc te proposant de
>> guérir de ton mal dont tu souffres encore, mais tu devais t'y attendre, et
>> je devais t'en faire la proposition quelque jour. Peut-être te manque-t-il de
>> te faire chrétien, non pas pour renier ton arabité, mais pour la
>> transposer, de la manière inverse dont Michel aflag, le fondateur du parti
>> baas, a fini par se faire musulman.

>> ton torrentiel qui espère que tu ne prendras pas ce qu'il vient de
>> t'écrire en mauvaise part

mercredi 11 janvier 2012

Jeanne d'Arc par un fils de l'islam

Mon Cher Torrentiel.

Certes, Jehanne entendait les voix. Tel doit l'admettre le croyant, l'homme pieux, et celui qui, comme moi, est inondé d'amour pour elle. Si j'en crois mon coeur, Jeanne d'Arc est vraiment une sainte, un être merveilleux. Non pas absolue, Dieu seul est absolu, mais un être merveilleux, parce qu'il ressemble à l'absolu, se rapproche de l'absolu, au point que son existence ne semble pas relever de l'ordre des choses. On dit qu'elle est surnaturelle, à juste titre, puisqu'elle ne semble pas obéir aux lois et contraintes de la nature, souvent la dépasse. Mettons que c'est un être improbable, presqu'irréel. Merveilleuse plutôt qu'absolue : Jeanne n'entendait pas les voix en permanence à toute heure du jour et de la nuit. L'être divin, est seul absolu en permanence, et sa parole jamais faillible. Donc, Jeanne n'est que par instants, inspirée. Toutefois, elle devait être le récipient le mieux choisi, pour ce dépôt. Ce qui revient à dire, qu'en dehors des voix, la vie de Jeanne, bien qu'être faillible, reste une vie merveilleuse, de loin meilleure et supérieure envers nos vies ordinaires. L'inspiration, du reste, même très discontinue, embellit la vie du réceptacle, le force à cheminer vers la perfection. Donc, cela aussi, doit être pris en compte par le croyant : la vie de Jeanne, conserve, quoi qu'on fasse, un reflet de l'inspiration. Nous devons prendre en compte le peu que nous croyons savoir des voix et ce qu'elles ont transmis, et en même temps la vie et les paroles de Jeanne. Cet être inspiré ne l'est pas constamment, et il sait faire la différence entre ce qui vient de lui-même et ce qui lui est inspiré.


Certains se plaisent parfois à comparer Jeanne d'Arc au prophète Mohamed, en vertu du fait qu'il fut comme elle chef de guerre et a, comme elle, livré bataille. Si le prophète fut inspiré, il ne le fut pas sans cesse, et savait lui-même faire la part des choses. Voici une anecdote illustrative.


Il advint que les Mékois se résolurent à mettre une fin définitive, à l'expérience Médinoise, en livrant une bataille finale. Il était pour eux question d'anéantir la communauté des Croyants, ce qui faisait fi des lois de la guerre Arabique du temps, plutôt économes en fait de sang versé. Dans ce but, ils cohalisèrent des alliés, parvinrent à grouper une armée de 30000 hommes, chiffre énorme en ces temps. Quand la nouvelle de leur aproche fut connue, sur l'ordre du prophète, on creusa un grand fossé autour de la petite ville. Les Mékois étant très supérieurement montés en chevaux, en dépit de la supériorité qualitative des gens de Médine, il fallait faire ce fossé, pour couper l'élan des cavaliers, puisqu'il n'y avait pas de remparts. Ce fut un siège qu'on a nommé "la bataille du fossé". Cela fonctionnait au début, il s'agissait d'empêcher les assiégeants de franchir l'obstacle, de débarrasser et creuser à mesure que ceux-ci comblaient le fossé. Or, ils étaient plus nombreux, et vraissemblablement, ils eussent réussi à passer l'obstacle si chétif. Le siège durait depuis quinze jours, les gens de Médine s'épuisaient des travaux et alertes. Mohamed imagina de dissocier la cohalition, en négociant avec l'une des tribus assiégeantes, un accord particulier. Il voulut offrir le tiers des récoltes de dattes, en échange de son départ, ce qui, pensait-il, entraînerait une dynamique de défections, et des mésententes parmi les cohalisés. Quand il proposa son plan, les Médinois s'en émurent. Ils lui dirent :

"Envoyé de Dieu, cela vient-il de toi, ou t'est-il inspiré?" Il répondit en substance que cela venait de lui, et non pas, d'une inspiration. Alors ils lui firent la réflexion suivante :

"Envoyé de Dieu, quand nous étions ignorants, hormis l'hospitalité, on ne prenait nos dattes qu'en les payant! A présent que nous sommes devenus croyants, faut-il que nous cédions gratuitement, une part de nos récoltes?" On s'avisa de n'en rien faire, et ce fut bien. Dieu porta aux Croyants des secours inattendus, par des moyens imprévus.


Ceci montre que le prophète n'était pas inspiré et infaillible à tout instant. Pourtant, s'il a bénéficié de l'inspiration, c'est bien parce qu'en même temps, il fut un homme exemplaire en bien des choses! Voilà pourquoi, en plus du Coran, qui contient la parole inspirée, nous disposons des actes et paroles du prophète, que nous a conservé la tradition. Nous savons que ces paroles ne sont pas inspirées. Tout de même, elles n'auraient pu émaner que d'un homme qui, par ailleurs, se trouve être par moments, inspiré. Si on fait le parallèle avec Jeanne d'Arc, est-il concevable de ne s'en tenir qu'à ce que nous croyons savoir de ses voix? Ce qu'elle fit, les récits de sa vie, ce qu'elle dit sans être inspirée, compte aussi, bien qu'en second plan, on en convient. Cette fille a séduit tant de gens, parce qu'elle entendit des voix, mais aussi par elle-même, comment elle vécut, la générosité de son être. Qu'elle ait reçu la grâce et l'inspiration divine, est-ce une faveur faite à n'importe qui? Non, bien sûr, il faut un récipient digne du contenu, ou mieux, qui participe lui-même du contenu. Donc, peux-tu me reprendre ainsi, et objecter, qu'à part les voix, tout le reste n'est qu'interprétation? Bien entendu, c'est ainsi, interprétation ou réception, mais ça n'est pas moins légitime que l'écoute des voix elles-mêmes, desquelles non plus, nous ne pouvons pas davantage nous assurer.


Or, le fantôme que je me fais de Jeanne d'Arc a bien des chances de ressembler beaucoup au personnage. Je maintiens qu'elle a tenu pour le droit contre le tort, elle tint pour la Justice, donc, en effet, pour le roi légitime. Un homme juste et loyal de ce temps ne pouvait faire autrement. En vain, on évoquerait que le roi d'Angleterre était roi de France par testament. Le vol est évident. On abusa du roi fou, on lui extorqua un acte qu'il n'avait pas pouvoir de dresser, on s'assura de la connivence de la dénaturée Isabeau de Bavière, qui prétendit que le Dauphin Charles VII, n'était pas du roi. Quand bien même il en serait ainsi, quand bien même Charles VI étant fou, était également incapable de procréer, malgré tout, un fils illégitime, reste plus légitime comme roi, qu'un roi étranger! Quoi qu'on fasse, Jeanne tenait pour le droit et la Justice. Et elle tint pour l'indépendance du royaume, comme un précurseur des luttes anti-coloniales. Il faut aller même plus loin, la France était en si grande pitié, tant de ravages se commettaient, en plus des pestes et catastrophes, qu'on craignait le dépeuplement et l'exhode de ce qui restait d'hommes dans le royaume! N'eût été Jeanne d'Arc, ta France eût-elle survécu aux épreuves? Je retiens que tu supporte si mal le jugement du passé colonial Français, que tu en arriverais à ne pas mesurer la vraie profondeur et gravité de l'occupation armée étrangère. Elle est, obligatoirement, sans contredit possible, immensément destructrice! Il faut te convaincre de cette vérité et l'imprimer dans ton coeur. Tu ne veux pas qu'on ressace les plaintes envers la France, soit. Mais gardes-toi d'oublier que rien de pire n'arrive à un peuple, que l'invasion armée. Qui dit autre chose en aura menti. Pourquoi est-ce forcément ainsi? Très simple et basique. Le vainqueur n'a pas d'égards aux intérêts et à la vie, de ce qu'il regarde comme vaincu. Tout ce qui, à l'ordinaire, l'empêche de commettre trop de mal, l'ensemble des codes éthyco-juridiques, se trouvent abolis par l'étrangeté. Et le vaincu, qui se voit comme tel, est nécessairement méfiant, guette tout signe de faiblesse pour porter tort à l'envahisseur. Il est donc fatal, sans contredit et sans perte de temps ni débat, que l'invasion armée est le mal le plus grave qui peut atteindre un peuple. Et cela est tellement basique, qu'il en fut ainsi de tout temps. L'invasion consommée et victorieuse, en effet, c'est à terme, la mort. La mort physique en très grande quantité, il faut pas rire avec tes chiffres dérisoires sur l'Algérie, que tu prends, on ne sait où, mais encore la mort en tant qu'identité, inévitablement. Sinon, cites un exemple contraire.


Donc, la France pouvait disparaître, le plus simplement du monde, si Jeanne ne se fût levée. Elle vint de par Dieu, à cause de la grande pitié qui estoit au royaume de France, notes bien. Elle n'est pas venue, seulement, pour rétablir le roi en tant que roi! Le sacre du roi légitime n'était qu'un moyen de rétablir la paix et la justice, pour sauver non pas le roi, mais le royaume, ou bien le peuple du royaume. Sinon, comment entendre ce, "la grande pitié qui estoit au royaume de france"? C'était le malheur public, le malheur du peuple!


Je te soupçonnes, Torrentiel, de ne pas vouloir prendre Jeanne pour la sainte des oprimés, parce que tu te refuses obstinément, à criminaliser comme il convient d'un homme libre, ce qu'on nomme colonialisme, ce qu'on nomme occupation armée, etc. Et cela parce qu'en effet, tu soufres mal les accusations et jugements qui s'en suivent. La France, en tant que puissance, est coupable, et les effets et séquelles de ses guerres injustes, sont très loin d'être guéris. Pour t'en convaincre, écoutes nos psychologues sur l'amitié, et mesures jusqu'où ça peut aller! La France est coupable, mais Jeanne d'Arc rachète le mal de la France. Rien que pour ça, la France ne devrait pas subir tant d'accusations ressacées. Le mal de la France est racheté par Jeanne, pourvu que la France retrouve la fidélité de l'esprit de la sainte. La France fut sauvée par une femme, elle a les clefs qui lui permettraient à son tour, de sauver le monde.


Le Front récupère la sainte, en se fondant sur quoi? Tout juste parce qu'elle a chassé des envahisseurs. Quand elle enjoignait aux Anglois, de s'en retourner en dedans de leur royaume, elle s'adressait à des gens de guerre, non pas à des migrants! Ce que faisant, Jeanne te confirme cette vérité basique et profonde, que l'homme armé, en terre étrangère, qui n'obéit pas à l'autochtone, mais à sa nation à lui, ne peut être que malfaisant. Quoi qu'il fasse, par la colère de Dieu, il vole l'air qu'il respire et sa vie est trop longue! Quand bien même il voudrait se convaincre d'être le plus doux et généreux qui soit, il ajoute l'hypocrisie au crime. Tant vaut mieux subir et soufrir du blâme juste qui atteint l'homme, qui porte les armes ainsi, il persiste vil et malfaisant sur les terres d'autrui! S'il ne s'en retourne pas en son pays, il est sain et pur, qu'il ressente partout les épines et le mépris, et il sait pourquoi.


Que je voudrais te voir confirmer mon mariage avec Jeanne ? Oh, c'est que mon amour de la France et de Jeanne est si authentique, que j'aime à l'entendre confirmé par un autre, autochtone. Oui, un jour, j'ai cédé à l'insistance d'amis, et on m'a conduit chez un magnétiseur, pour soigner un mal persistant, qui me reste. On m'y mena, cela resta sans effets. Je ne sais pourquoi, mais la nuit suivante, me trouvant couché, dans un état qui n'était pas vraiment du sommeil, Jeanne d'Arc vint s'asseoir à mon chevet. Fantôme, probablement. Savoix était douce, caressante et sonore, comme j'aime dans les voix de vos femmes, de celles qui sont adonnées à chanter aux églises et à y faire des lectures, des voix qui portent. Sa voix était sonore et douce, sa main était douce quand elle prit la mienne. Je me trouvais dans un état intermédiaire, rares et merveilleux. Elle me parlait, mais ce n'était pas toujours des paroles claires et intelligibles. Ce qu'elle disait ou ce que j'en percevais, ou crut percevoir, c'est qu'elle me voulait le baptême. Je me refusais silencieusement, je n'acquiesçais pas. Je me refusais seulement par le silence, parce qu'il est indécent de contrarier une sainte. Est-ce puéril? Savoir. J'eus l'impression, que, moyennant que j'acquiesce, mon mal persistant serait guéri et non pas, au cas contraire. L'invitation était si belle et douce, mais Rodomont ne peut pas. Comment nommer cela? J'eus l'impression que ce n'était pas un pur et simple songe ou affabulation. Il se peut, tout de même, que cette espèce de marchandage soit de ma perception et faiblesse. Il y eut peut-être en cela de l'affabulation. Plus en profondeur, l'invitation au baptême était pour moi, en elle-même tentante. Oui, tu ne peux plus en douter, Rodomont est si terriblement ému par la France et l'église, qu'il ressent la puissante tentation d'en être. Qui peut comprendre ça? En effet, je ne sais pas du tout, quoi que je fasses, comment m'expliquer ce trouble si intense.


A-t-on le droit de parler ainsi, en présence d'une sainte qui se veut chaste? Je jure que c'est la vérité, la présence de l'identité ou de l'être Chrétien, je ne sais comment dire, provoques en moi, des émotions sans limites. Il n'est que jusqu'aux voix sonores des femmes qui animent vos églises, en chants et lectures, qui ne soient pour moi, un élément de séduction. Rien à faire! Je devais depuis toujours me marier à une femme catholique, c'était dans l'ordre des choses, et je me décidais : parce qu'elle était catho, mon adhésion fut emportée.


Non, ça suffit pas de dire ça, je vais aller plus loin, être plus grave. Quand je rencontrai ma femme pour la première fois, le fait de savoir qu'elle était catho et s'occupait de l'église, m'a tout simplement rempli d'émotion, et a suscité ou augmenté mon désir. Tout simplement, si j'avais le choix entre deux femmes, c'est la Chrétienne que je choisis, inmanquablement. Et la Française aussi. Qu'il soit clairement entendu, que l'émotion dont je parle, est fortement charnelle, je dirais au premier plan! Oui, je suis charnellement séduit, il faut l'entendre ainsi, par ce qui est Chrétien et Français! J'aime la France au sens propre et commun du mot!


Une chose que je n'ai jamais comprise, c'est pourquoi on prétend que le Christianisme réprime tant la chair et fait promotion de chasteté. Il le fait, c'est ainsi, c'est allé très loin. Mais ce que je perçois, peut-être à tort, du message Chrétien actuel, sonnerait presque, comme une invitation à la chair, puisqu'elle va de pair avec la promotion de l'amour. Parce qu'enfin, que signifie l'amour qui ne serait pas charnel du tout?


Donc, au fond, Jeanne d'Arc vint à mon chevet, m'inviter à prendre part, en tant que partie, moi-même, à une communauté, que j'aime véritablement, mais je n'acquiesçai pas à cette généreuse invitation. Vois à quel point, je suis le migrant absolu, qui ne veut pas être tout-à-fait des vôtres, mais qui vous aime et veut être aimé de vous. Affaire folle !


Pourquoi j'aime autant Jeanne d'Arc, parce qu'elle est vraie, saine et pure, qu'elle tient pour le droit. Elle est comme le résumé du génie de la France, nation de l'égalité. Car au fond, la France dépouillée de toute ambiguïté, la France par elle-même tient pour l'égalité. Pourquoi la France m'a-t-elle tant aimé? Dans l'amour de la France, j'en suis persuadé, il y a une part de réparation. C'est parce que l'injustice est contraire au génie Français, la France aime les fils de ceux qu'elle dominait et qu'elle domine encore, hélas ! Il n'y a pas que le gouvernement qui répare, si même il le fait. Celui qui répare vraiment, c'est le corps social par lui-même. Il fait souvent bénéficier le migrant, d'un suplément d'amour correcteur. Voilà pourquoi, nul ne peut haïr totalement la France, sauf les injustes. Si on suit cette dynamique profonde, la vocation et la fonction de la France, est bien de réparer le monde, d'établir un monde juste. Je crois qu'elle le peut, et ainsi, elle se sauverait elle-même. Quand la France aime Rodomont, il arrive parfois à se sentir bien compris, exactement. La vraie France, soufre en même temps que lui, rase les murs avec lui, tremble pour lui. Oui, quand Rodomont souffre, il veut au moins qu'on soufre un peu avec lui. Jeanne d'Arc, c'est la France vraie, dépouillée de toute ambiguïté, la France pure. Celle-là, reconnaît comme véritables tes lésions, les partage avec toi. Cette France-là, n'est pas croisériste ou suprématiste, elle n'a rien de tel, c'est la nation de l'égalité, la plus belle des nations.


Croissant de lune.

Retour sur golgotha picnic

A consulter sur le blog de mon frère:
http://toog.blogspot.com/2011/12/en-tant-quartiste-en-tant-que-chretien.html

Et si le christianisme avait engendré le talmud et non l'inverse...

Ou pour un dialogue non assymétrique entre juifs et chrétiens dans le cadre des Amitiés Judéo-chrétiennes.

Réponse à Jérôme batoula à son invitation au séminaire de dan Jaffé des amitiés Judéo-chrétiennes de Mulhouse

Cher Jérôme,

(...) Je crois que, cette année, je participerai au séminaire de dan Jaffé. Mais n'es pas sans savoir, je suppose, que j'éprouve un certain malaise vis-à-vis de ce conférencier, et ceci pour les raisons que je vais t'exposer.

Pour le peu que je l'ai écouté - est-ce le feu de sa parole qui m'a donné cette impression -, je ressens en ce chercheur, non pas à proprement parler une partialité, mais une jubilation à ne présenter qu'une face de la médaille : les chrétiens n'auraient rien inventé, tout était déjà contenu dans le talmud, ils étaient de simples héritiers qui ne voulaient pas assumer leur héritage.

Ceci est certainement incontestable dans les siècles suivants ; mais pour ce qui est des rapports entre juifs et chrétiens à l'époque où fut rédigé le talmud, ceux-ci étaient beaucoup plus intriqués qu'on ne le dit, ce qui est une part de la démonstration de dan Jaffé, d'abord parce que les dates de rédaction du talmud et de l'evangile sont probablement concommitantes, donc les uns ont nécessairement influencé les autres et travaillé en réaction les uns contre les autres. Ensuite,

le talmud insulte les judéo-chrétiens comme des idolâtres et des "fils de Pantera", le soldat romain, c'est-à-dire qu'il les traite, ni plus, ni moins, de "fils de p..." donc la violence a été des deux côtés, dans ces premiers temps du christianisme. Or je ne vois pas qu'il y ait trace d'insultes contre les Juifs dans le nouveau ou le second Testament, sauf peut-être dans l'evangile de saint-Jean qui parle indifféremment des "juifs" pour désigner ceux qui se confrontaient au christ, mais on ne sent pas qu'il parle dans un contexte extrajudaïsant, on sent au contraire qu'il se souvient d'avoir été juif et que cette confrontation a peut-être représenté un traumatisme pour sa propre personne, certes moins cuisant que ce qu'il fut pour saint-Paul, qui aurait préféré donner sa vie pour que les Juifs accèdent à la révélation dont lui-même avait été comblé, plutôt qu'ils se perdent à son avis en ne reconnaissant pas en Jésus le Messie qui leur avait été promis, nous-mêmes ne devant pas transiger à Le reconnaître et à le faire savoir de notre temps, même si nous devons respecter ceux qui ne le reconnaissent pas .

A cette période de composition du Nouveau testament, il n'y a pas haine contre les juifs, il y a simplement dissociation. La haine talmudique a l'air beaucoup plus enracinée, ce que d'ailleurs on peut comprendre, car les juifs restés fidèles à la synagogue pouvaient à bon droit se demander :

"Qu'est-ce que cette excroissance de notre Foi qui est en train de s'envoler et de trouver un débouché politique inattendu, inférieur à ce qu'offrira au genre humain la venue du Messie telle que nous la concevons et l'espérons ? qu'est-ce que cette aventure juive qui est en train de réussir alors qu'elle a toutes les apparences de l'idolâtrie ?"

Ne peut-on pas dire, de surcroît, que c'est à l'époque où furent composés les evangiles que les Juifs eurent l'idée de se donner une liturgie ?

Il y a donc, au minimum, influence réciproque, et il ne saurait y avoir tort univoque dès l'origine. Le tort s'est sans doute cristallisé par la non reconnaissance originaire des deux communautés l'une de l'autre, l'"aventure juive qui était en train de réussir" se séparant du "destin du peuple juif" du côté des judéo-chrétiens, et les Juifs synagogaux ne supportant pas ce destin qu'ils sentaient, après leur premier exil physique à babylone, leur échapper en se transformant en exil politique, pour ne pas dire se vulgariser auprès des nations d'une manière qu'ils ne jugeaient pas conforme à ce qu'ils comprenaient du Plan de Dieu.

Tandis que les chrétiens se mettaient à la rédaction des evangiles, les juifs préservèrent ce nouvel exil en pérennisant une liturgie. D'une certaine façon, la liturgie synagogale, qui a consacré la victoire des pharisiens sur les saducéens et sur les hérodiens, n'est-elle pas le contre-feu allumé par l'instinct de conservation contre les imprécations lancées par Jésus sur la manière d'opérer des sages du talmud ? Inversement, La liturgie chrétienne ne correspond-elle pas à l'importation de cet effort talmudique pour organiser des habitudes de prier en formes fixes, en partie contraires, au moins superficiellement, à l'esprit du christianisme, ou cette organisation a-t-elle été contemporaine de l'établissement de la liturgie synagogale par les sages du talmud ?

Loin de moi de nier que les chrétiens aient accompli un fratricide ou un paricide, par la suite, en ne considérant les juifs que comme les gardiens de leur bibliothèque sacrée, et à les estimer tout juste bons, quand leur sort ne confirmait pas les prophéties où ils voyaient consécration de leur triomphe annoncé, à leur apporter des explications complémentaires sur la manière d'interpréter correctement "la sainte bibliothèque hébraïque", en archivistes sous-payés, condamnés aux infamies de l'usure quiétaient contraires à leur loi, et à quantité d'autres mesures vexatoires. Mais, si disproportionnées qu'aient été ces mesures, elles ont pu être une réaction de colère contre des sages du talmud qui les avaient couvert de tomberaux d'insultes et de haine. Le recul n'était pas assez grand pour qu'un dialogue pût être entamé en ce temps-là. L'histoire a fait l'oeuvre de la décantation du facteur Temps pour rendre ce dialogue possible aujourd'hui, nous avons un arriéré à payer, mais nous n'avons pas qu'un arriéré, et il ne faudrait pas que nous ne fassions que nous excuser (les torts sont toujours réciproques même s'ils ne sont jamais proportionnels), ni que nous acceptions d'être traînés dans la boue sous un prétexte scientifique et par un professeur qui manie avec verve la rhétorique universitaire, bien qu'apparemment, il n'enseigne plus à Marseille : j'aimerais savoir si c'est pour des raisons d'agenda ou si sa manière d'enseigner a pu aussi heurter les autorités de l'université de Marseille.

Je reconnais à ma réaction et à mon malaise un caractère relativement épidermique qui pourrait me pousser à être injustement soupçonneux envers Dan Jaffé. Mais en génééral, je ne manque pas d'un certain flair !

Je te livre ces réflexions dans un esprit de franchise, tout prêt à les amender si je m'aperçois que je me suis trompé. Tu peux les communiquer à Dan Jaffé si tu le juges nécessaire.

Cordialement,

Julien


Présentation de dan Jaffé:

Né en 1970, Docteur ès Lettres en histoire des religions (spécialisation Antiquité classique), Dan Jaffé est Maître de conférence à l'Université Bar-Ilan (Israël) et a été chargé de cours à l'institut des sciences et théologie des religions de Marseille.
Il est également chercheur associé au centre Paul-Albert Février, CNRS, de l'Université de Provence.
Dan Jaffé est l'auteur de : - " Le Judaïsme et l'avènement du christianisme " 2005
- " Le Talmud et les origines juives du christianisme " 2007
- " Jésus sous la plume des historiens juifs du XXe siècle " 2009