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vendredi 25 novembre 2011

Nos doléances, sous bénéfice d'inventaire

Chers amis,

Tout au long de nos échanges, je me suis efforcé d'inventorié nos popositions et doléances.

C'est cet inventaire que je voudrais vous proposer ici.

Pourquoi me permettre de proposer mon inventaire ?

1. Pour que vous le complétiez;

2. Pour aider le modérateur de cette liste, mais oui, je me pique de cette ambition !

3. Pour l'aider en lui accordant toute ma confiance, mais parce qu'il faut en même temps que nous exercions notre vigilance.

4. Pour dresser une liste sur laquelle j'espère que nous aurons un droit de suite, mais aussi un devoir militant.

Voici donc mon inventaire, à compléter par vous, à moins que vous ne préfériez m'opposer le vôtre :

I Revendications sociétales

Parentalité et déficience visuelle :

- Développer des unités semblables à celle de Madame Edith Thoueille de préférence à des recherches sociologiques, la nomenclature des besoins concrets des parents aveugles étant largement recensée et leur compétence à savoir élever leurs enfants étant depuis longtemps mises à jour ;

- Sensibiliser les services sociaux au fait qu’il est infâmant de menacer a priori de retirer ses enfants à des parents aveugles, dont beaucoup font écho qu'ils ont subi cette menace de la part des services sociaux de la maternité ou de la municipalité où ils habitent;

- réinterroger le "dogme" de l'intégration systématique des jeunes enfants dans le tissu scolaire ordinaire,

-laisser coexister les deux modèles: l'enseignement spécialisé et l'intégration scolaire précoce;


Accompagnement et sensibilisation

- accompagner psychologiquement les personnes devenues aveugles ou qui perdent progressivement la vue, se rapprocher d'elles, via les oftalmologues, pour qu'elles bénéficient des informations nécessaires,

- concevoir une vaste campagne nationale d'information et de sensibilisation sur la nécessité de rééduquer spécifiquement toute personne qui perd la vue,

- devenir les acteurs de la sensibilisation médiatique à la déficience visuelle et nos propres conseils en accessibilité, sans mépriser l'ingénérie de ceux qui se sont spécialisés dans ce domaine,

- devenir plus exigeants quant à la formation de nos auxiliaires de vie, de gériâtrie et de nos accompagnateurs dans le transport des personnes à mobilité réduite en général,


II Intégration sociale

Accessibilité

- savoir prioriser nos demandes en matière d'accessibilité,

- Promouvoir l'adaptation des appareils du commerce à notre usage : télécommandes de téléviseur, poste de radio, Iphones, écrans tactiles, téléphones portables, distributeurs de billets de banque, de tickets de train, de métro, ou de bus, orgues électroniques, pianos numériques, synthétiseurs...

- accessibilité du matériel plus encore que des lieux parce que l'intégration sociale passe par le recours à l'aide humaine,


Intégration sociale

- Créer une antenne des Auxiliaires des aveugles dans chaque ville où c’est possible, ou une structure similaire ; trouver des volontaires pour y participer ;

- Faire des établissements scolaires anciennement dédiés aux déficients visuels des antennes naturelles de leur intégration sociale, en partie pour désengorger les MDPH, en partie aussi pour pérenniser leur présence dans le tissu local comme interface de la déficience visuelle avec les partenaires institutionnels,

- donner un statut particulier aux Centres Régionaux de transcription du braille et créer partout des pôles d'accès aux nouvelles technologies ;

- encourager le maillage national de SAVS et de centres médico-sociaux de suivi des personnes déficientes visuelles ;


Intégration par l'emploi

- Réévaluer la pertinence des dispositifs d'aide au retour à l'emploi, les simplifier et les unifier,

- Augmenter les moyens alloués aux ESAT et les rendre attractifs, même à des aveugles ne souffrant d’aucun « handicap associé », voire à des personnes non handicapées, pour développer un modèle d’intégration alternatif horizontal, du milieu ordinaire vers le milieu spécialisé

- (Proposition faisant débat et suscitant une forte opposition, sans doute à retirer) promouvoir le Couplage ou la compatibilité de l’AAH et du RSA, avec astreinte similaire des déficients visuels à effectuer sept heures de travail d’Intérêt général Hebdomadaire pour leur conférer le statut d’ »actifs visiblement employables », dotés d'un poste de travail un tant soit peu adapté,

- développer le statut du travailleur indépendant auprès de l'AGEFIHP pour qu'elle contribue à cet équipement préalable et personnel, transférable dans le futur emploi,

- veiller à ce que des mesures incitatives soient prises, en vue du retour à l'emploi des déficients visuels ne souffrant pas de pathologies cumulées (dépression, schizophrénie par exemple)et s'étant résignés à ne pas exercer d'activité professionnelle, dans la crainte sans doute abusive de travailler à perte;

- donner un statut rémunérateur à la plupart des activités bénévoles des déficients visuels comme des précaires de façon générale;


III Nos revendications en termes de ressource

Philosophiquement,

- En débat, proposition disputée: revenir sur la notion de « situation de handicap", critère indistinct de la compensation de celui-ci, et substituer à cette notion une distinction entre la déficience objective, dont la compensation doit être personnelle, et le handicap (subjectif), dont la diminution est dévolue à la société et d'ordre social, et entraîne des réponses en termes d'accessibilité.

- Proposer cette nouvelle distinction, y compris pour l'établissement du budget de la branche de la sécurité sociale allouée pour partie aux personnes handicapées,

- suggérer des mesures de redéploiement du budget alloué au handicap, moins vers les structures et davantage vers les personnes,

- réfléchir à la situation des personnes souffrant de handicaps cumulés (ALD par exemple),

Plus concrètement

- aller vers des formulaires, lors du renouvellement de nos droits auprès de la MDPH, qui rappellent clairement le droit à la non rétroactivité de l’ACTP ,

- mais aussi militer pour qu'on sorte de l'absurdité du renouvellement systématique des preuves à apporter tous les dix ans de sa cécité, ce qui serait générateur d'économies pour la CPAM, dans les cas où celle-ci est irréversible,

-s'interroger sur les critères d'évaluation de la cécité et de la surdité, avant ou après appareillage prothétique ou/et orthétique;

- faire bénéficier les travailleurs reconnus handicapés commerçants, artisans et libéraux, de la diminution à trente ans de la durée de cotisation donnant droit à la retraite, acquise pour les autres travailleurs handicapés par la loi de 2005;

- Ne pas arrêter le versement des rémunérations pour les étudiants masseurs- kinésithérapeutes aveugles et malvoyants en reconversion professionnelle,

- en débat: ne pas définir le statut financier de l'étudiant aveugle en fonction de son âge, mais lui ouvrir le droit à une bourse d'étudiant, et récompenser son effort d'intégration en le mettant à l'abri du besoin de compléter ses ressources par des "petits boulots" ; le traiter financièrement avec une considération analogue à celle que constitue le tutorat pour son intégration universitaire, avancée récente et fort magnanime;

-ne pas priver de leurs droits à rémunération de formation des personnes ayant perdu la vue et s'engageant dans une reconversion professionnelle.


A présent que voici achevé cet inventaire, qu'il vous appartient de compléter, laissez-moi vous dire qu'il me semble que le handicap offre à la société une chance de se montrer magnanime et humaniste, ces deux adjectifs étant assez synonymes et le second pouvant paraître passé de mode à l'heure où la crise économique a l'air de passer au tamis l'humanisme comme l'ambition pour un pays d'être social.

Or, au-delà des redéploiements qui sont, ici comme ailleurs, considérables, si l'on veut bien se donner la peine d'évaluer les bonnes pratiques et de dévaluer les usines à gaz, qui se sont discréditées et disqualifiées, le handicap, par le simple fait qu'il ne rappportera jamais autant qu'il coûte, si ce n'est que l'enrichissement qu'il peut procurer peut faire fluctuer positivement la qualité des relations humaines, le handicap peut donner une chance à la société de renouer avec le sens de la gratuité.

C'est là au fond son privilège le plus insigne et le plus extravagant : rappeler à la société que l'utilitarisme n'est pas tout, qu'il y a une valeur intrinsèque à la vie humaine, dont gratuit faisant une irruption fatale dans une mécanique fonctionnelle.

Le handicap, qui est dysfonctionnel, est aussi un non sens économique. Il a pour fonction de rappeler à la société qu'elle n'est humaine que si elle est ordonnée au plus faible.

Mais il faut que noblesse oblige ! Il faut que le handicapé soit le premier, non pas à croire qu'il est corvéable à merci à l'enfer de la preuve et du dépassement de soi, non pas qu'il doit être jugé premièrement sur sa réussite, mais sur sa capacité à reconnaître qu'il a besoin des autres et à regarder comme à se rendre accessible à plus malheureux que lui.

Il ne faut pas que son "autonomisme" devienne un "tout-le-mondisme". Il faut qu'il essaie de ne pas céder à prendre son cas pour une généralité, mais qu'il apprivoise au contraire sa singularité ontologique. Il ne faut pas qu'il passe toute sa vie à essayer de rattraper ceux qui courent plus vite que lui. Il faut enfin et surtout qu'il ne renvoie pas à la société par un autonomisme exacerbé le reflet de son propre individualisme social.

Puisqu'il a intégré, pour le meilleur et pour le pire, qu'il a un devoir d'exemplarité, que celle-ci se déploie dans une humanité qui n'ait rien à prouver, mais beaucoup à donner et qui sache écouter beaucoup plus que se montrer.

"Le bonheur est une idée neuve en Europe", disait saint-Just au temps de la révolution. Que la conscience d'être un miroir de la gratuité tendu à la société soit une idée neuve dans le monde du handicap ! Que cette conscience passe dans les psychologies jusqu'à la réhabilitation de la pitié, de cette "pitié naturelle", qui est le premier sentiment de l'homminisation d'après rousseau, non seulement pitié que les autres peuvent avoir de nous, mais que nous aussi pouvons avoir des autres ! Que nous nous rappelions que le contraire d'une société pitoyable, c'est une société impitoyable ! Que nous sachions ne pas nous mmontrer impitoyables, et ces etats généraux n'auront pas manqué leur but : ils nous auront fait avancer, et la société avec nous.

Cordialement, dans une projection vers demain, ses luttes pour nos droits et l'accomplissement de nos devoirs,

Julien weinzaepflen,

Le refus immotivé de faire acception de ressources coûte cher au modèle social français

Le refus de l'acception de ressources est un point de notre droit qui m'a toujours choqué et qui, s'il disparaissait, libérerait beaucoup de ressources pour notre "modèle social" qu'on dit grevé de sa générosité.

pourquoi ne pas faire acception de ressources dans le versement des différentes prestations sociales, ceci débordant bien évidemment le cadre de la déficience visuelle, mais s'étendant aux prestations familiales et même au degré de remboursement qui est le même, qu'on soit smicard ou multimillionnaire, des frais médicaux par la caisse Primaire d'assurance Maladie, de sorte qu'à la fois on détourne le principe fondateur de la sécurité sociale :

"de chacun selon ses besoins à chacun selon ses moyens", .

et on aboutit à une médecine à deux vitesse.

Si les ressources étaient prises en compte dans le calcul de ces dépenses et dans la globalité des actes commerciaux, on n'arriverait pas à cette aberration que l'on reste longtemps non imposable, même quand on a relativement de quoi vivre alors que tout le monde est à égalité devant l'impôt indirect. Tout le monde paye la même TVA,

Je me souviens qu'au moment de la discussion de la loi de 2005, le CFPSAA était vent debout contre l'acception de ressources et je n'ai jamais compris pourquoi.

Tout se passe comme si l'allocation adultes Handicapés (AAH), qu'on refuse de cumuler avec le RSA et qui est déplafonnée, à peine un travailleur touche-t-il un revenu salarié, ce qui n'est guère incitatif au retour à l'emploi et donne le sentiment aux travailleurs handicapés d'être les seuls à travailler à perte, était la seule prestation sociale qui fasse exception à la règle de non acception de ressources. Comprenne qui peut.

L'intégration scolaire précoce, le témoignage sur le vif d'une expérience déjà ancienne

Témoignage de CD.



Bonjour,

Je n'ai aucune prétention de résoudre la question, je ne peux livrer que ma propre expérience d'enfant DV intêgrée totalement dans tous les milieux sociaux ordinaire depuis ma toute petite enfance.

Juste pour donner une petite idée du contexte, mon handicap visuel vient d'une cataracte congénitale due à la rubéole que ma maman a contractée durant sa grossesse. Malgré des examens sangains qui lui montraient que l'atteinte n'avait pas eu lieu, je suis née quand même avec de gros troubles, jugée non-viable à la naissance, puis avec deux ans d'espèrance de vie maximum.
Mes yeux sont malformés, leur croissance et leur évolution ayant été stoppée net, j'avais un gros souci cardiaque et pas mal de petits défauts physiques, genre si je voulais passer inaperçue, c'était raté! lol.
Mes parents, absolument pas conseillés parce que de toute façon on leur avait dit de ne pas s'attacher à "ça" et de faire un "bébé de remplacement", se sont débrouillés comme ils ont pu.
Je grandissais, je guérissais de toutes les maladies qui me sont tombées dessus les unes après les autres, je parlais, riais, chantais, courais, fonçais partout... Donc un jour un médecin a donné une adresse sur Lyon à mes parents pour qu'on voie si je pouvais être opèrée des yeux.
C'est ainsi qu'à l'âge de 3 ans j'ai pu voir réellement un peu.
Pourtant, mes parents, qui travaillaient, se sont d'abord battus pour que je me fasse accepter en crêche, et apparamment ça a été très très difficile, puis à l'école maternelle.
Je me souviens qu'on m'avait mise dans une classe spéciale de mon quartier, avec une instit qui pratiquait une pédagogie différente et qui ne prenait que les élèves dont on n'espèrait rien. Je me souviens encore de cette chaleur humaine, de toutes ces petites choses qu'on apprenait en touchant, en répêtant, en regardant de très près, en comparant... Plus tard, je retrouverai cette pédagogie en exerçant mon métier d'éducatrice. ça a vraiment été une année extraordinaire et moi j'ai progressé.
Ensuite l'instit qui a pris le niveau du dessus ne voulait pas savoir que j'avais besoin d'aide, les récréations passées devant une feuille parce que je ne comprenais pas l'exercice, des punitions, des mises à l'écart parce que j'étais bête, c'est ce qu'elle disait aux autres.
Un déménagement m'a sauvé la mise et je suis retournée dans une classe avec une super instit, petit effectif, et je suivais normalement, il me fallait juste un peu plus de temps que les autres pour certaines tâches plus fines.
Je suis entrée au CP en même temps que les autres, j'ai appris à lire, écrire, même si je ne voyais pas bien du tout le tableau. J'avais le droit de me lever et de me planter le nez dessus, et même d'y revenir pendant la récré si je voulais, avec l'instit pour me réexpliquer ce que je n'avais pas bien compris.
Parce que moi, les récrés... à part me faire moquer, qu'on joue avec moi "pour du beurre", ça n'avait rien de bien interessant, et je n'avais pas trop le droit de courir, pour ne pas buter dans un autre camarade et casser mes épais verres de lunettes qui valaient si cher. Donc, autant que possible, j'évitais la cour.
J'ai fait toute ma primaire ainsi, sans redoubler, et je suis bien vite devenue meilleure en français plutôtt qu'en mathématiques, ça me demandait un temps infini pour bien cerner le problême et comprendre ce qu'on me demandait. Comme on ne me laissait pas ce temps, et que de toute façon tous les élèves ordinaires ont une matière faible, on m'a casée dans les nulles en maths et puis voilà.
Le souci qui se posait, c'était de pouvoir lire les livres scolaires, d'abord c'était pas mal gros pour les premiers livres de lecture, avec plein de couleurs, puis, plus les années passaient, plus c'était écrit petit et plus c'était sombre et triste.
C'est là que ma famille aurait eu besoin d'aide, de conseils et d'écoute.
Ils ne savaient même pas oû s'adresser vu qu'ils avaient refusé ma scolarité dans l'établissement spécialisé de ma ville, quand ils y sont allés, ils ont eu tellement peur des enfants qu'ils y ont croisé qu'ils ont refusé que j'y fasse même un essai. Donc on les a laissés dans la m..., non seulement eux mais moi surtout.
Personne ne leur a jamais parlé du matériel de base, je n'avais qu'une petite loupe pliante de poche, que je devais changer régulièrement pour un grossissement plus gros. Et rien que ça, ça m'en a occasionné des problêmes avec les autres élèves, des sobriquets idiots qui me suivaient partout, des moqueries incessantes, je n'étais plus moi, j'étais ce surnom, c'était invivable!
Comme chez moi, la tactique était de ne pas répondre pour que la rumeur s'en aille toute seule, évidemment ça a duré, duré, duré... jusqu'à ce qu'un jour j'explose et que je frappe littéralement les instigateurs de la dite rumeur. Puisque jamais aucun instit ni la Directrice de l'école n'ont rien fait pour ma défense, jamais expliqué aux élèves, ils se sont sentis coupables et je n'ai pas été punie pour ça.
Comme par magie, la rumeur s'est terminée définitivement ce jour-là précisément.

Au collège, pour que je sois dans une classe avec de bons élèves, mes parents m'ont fait prendre allemand première langue, effectivement j'étais dans la crème de la crème niveau travail mais dans le sommet de l'idiotie niveau camaraderie. J'ai dû les supporter 4 ans, jusqu'à la fin de ma 3ème, parce qu'en plus ma famille m'a fait choisir anglais et latin, pour ne pas tomber avec n'importe qui et continuer à travailler comme il fallait.
ça, pour bosser, j'ai bossé, je n'avais que ça à faire d'ailleurs faute de camarades de classe sympa et faute de solidarité si j'avais besoin de voir quelque chose au tableau.
J'ai très très vite appris à écouter ce que racontait le prof et à prendre en note par écrit. Résultat, je ne faisais pas du tout perdre de temps à la classe et il avait été un temps question que je sois la référence pour la prise des cours aux copains malades. J'ai refusé en bloc parce que, quand moi j'avais besoin qu'on me copie au carbone un shéma au tableau, personne ne voulait le faire, certains se faisaient même payer pour ça!
De moi-même je suis donc aller enquiquiner les profs pour qu'ils m'aident et j'ai fini par aller voir le Chef d'établissement pour avoir gain de cause.
Evidemment, "la ptite handicapée", elle s'est très vite faite mal voir et les moqueries ont recommencé de plus belle...
J'ai terminé mon année de 3ème par de terribles crises d'angoisses, une phobie scolaire qui a duré plusieurs mois et j'ai dû être prise en soutien par un pédopsychiâtre tellement j'avais plus envie de rien et tellement les autres en général me dégoûtaient.
Malgré tout, je me suis accrochée, je suis retournée en cours et j'ai eu mon BEPC, puis je suis entrée au lycée.

Là j'ai fait une section d'études qui me plaisait énormément, j'avais décidé depuis longtemps que je m'occuperai d'enfants, alors en sciences médico sociales, c'était le top!
J'ai appris beaucoup, sur des tas de domaines très diff"érents, de bonnes bases en droit constitutionnel, droit de la famille, médecine, psychologie, éducation, secrétariat, sténo, synthèses et analyses de documents, confrontation des idées, jeux de rôles pour défendre un point de vue sur un projet par exemple (pour la construction d'un autoroute, être l'architecte, l'écolo ou la personne expropriée...), c'était très très intense et enrichissant.
Evidemment, toujours des idiot, ou plutôt des idiotes puisque je n'étais que parmi des filles dans ma classe. Mais là, les profs ont réagi et de lourdes sanctions ont été prises contre certaines, et la plupart de mes camarades me soutenaient, m'aidaient pour que je puisse avoir les shémas soit au carbone soit en photocopie sur grand format. Pour travailler, les conditions étaient plutôt bonnes. Fallait juste donner beaucoup de soi et de son temps, mais ça en valait la peine.

Après avoir eu le Bac, je suis entrée en formation d'éduc-spé. J'étais super motivée, j'avais eu le concours d'entrée au bout de la seule et première tentative, alors que je n'avais pas encore le Bac! Je me suis rendue compte après coup que pas mal de mes camarades de promo ont dû passer ce même concours dans divers endroits et à plusieurs années coup sur coup avant de l'obtenir. Aïe, je suscitais déjà des jalousies à peine arrivée, qui sait si on ne lui avait pas donné son concours à "l'handicapée"? ça commençait mal!
Evidemment, ces souppçons m'ont poursuivie durant les 3 ans de formation... En plus j'avais un suivi personnalisé, manque de bol c'était un formateur tout jeune et tout mignon, et bien il a été dit que j'y allais pour qu'il m'augmente ma note en échange de quelque petit plaisir partagé!!!
Ignoble, infâme!
J'ai donc fait stopper ce suivi et j'ai bien fait préciser que mes notes n'étaient que le reflet de mon travail, bonnes quand elles devaient l'être et mauvaises quand c'était le cas.
ça n'a jamais calmé les rumeurs, et même lorsque j'ai eu mon D.E, une membre du Jury m'a dit en sortant que si je n'avais pas été handicapée, jamais je n'aurais eu mon diplôme et qu'elle allait s'arranger pour que je ne sois jamais embauchée en CDI sur Reims, parce que je n'avais pas à faire ce boulot, c'était pas ma place.
Je vous assure qu'elle l'a fait...

Je ne saurai dire ce qui est bon ou pas, ce qu'il aurait fallu faire, c'est mon parcours.
J'ai eu la chance de pouvoir suivre niveau compréhension, d'avoir un reste visuel suffisant pour que je puisse me débrouiller seule, même si je dois bien avouer que, avec le recul, avoir fait beaucoup d'imprudences et avoir dépassé souvent les limites de la sécurité étant enfant. Mais je naviguais entre le laisser-faire, histoire de se donner l'illusion que j'étais comme les autres, et le coocooning, parce que, la pauvre petite... Mais me dépasser me plaisait beaucoup, donc voilà.

Le plus dur, est le manque de relations sociales normales, le manque d'amis, de contacts autre que malsains avec les autres.
Les profs et instits n'étaient pas du tout informés ni formés pour gèrer ça, eux aussi comettaient pas mal de maladresses, faut être super solide pour résister à tout ça.

Après, on ne peut pas généraliser, mon parcours n'est pas celui d'un autre, un enfant aveugle de naissance ne réagira pas comme un enfant malvoyant, chaque cas est à prendre de façon individuelle me semble t il.

C'est ce qu'on faisait quand j'étais éduc-spé. Les gamins déficients intellectuels qui pouvaient être intêgrés l'étaient et ceux qui ne le pouvaient pas poursuivaient leur projet, soit en leur donnant plus de temps, soit en en modifiant les objectifs. On ne peut pas prendre un groupe et faire un projet d'intêgration pour un groupe, c'est de l'individuel.

Pour ma part, je me dis que j'ai eu beaucoup de chance d'avoir pu en faire une force de tout ça. Certes ça m'a forgé un caractère que beaucoup n'apprécient pas, mais au moins je suis toujours là malgré tant de nuisances envers ma personne.
Alors quand on a bien cerné à fond la connerie humaine chez les valides et que, quand on arrive auprès des personnes DV et qu'on pense y trouver un peu de solidarité, d'écoute et de conseils... et qu'au lieu de ça on trouve des gens, même si c'est pas une majorité entendons-nous bien, mais ce sont les premiers que j'ai rencontré durant des années, des gens disais-je qui ne pensent qu'à se moquer, qu'à être méchants, qu'à propager eux aussi des rumeurs niveau maternelle, qui ne partagent pas leurs informations, qui vous cassent si vous osez dire que vous n'êtes pas d'accord... je vous assure que ça ne fait pas spécialement envie de s'en sentir solidaire, de penser en faire partie... Combien de fois ai-je plutôt eu envie de fuir cet univers pire que celui des gens qui voient!!!
Faire partie d'une quelconque communauté... euh non, pas vraiment.
Je me sens surtout plutôt genre extra-terrestre, pas comme les voyants mais pas comme les DV non plus, enfin pas dans une certaine forme de mentalité qui attendent tout sur un plateau, qui ne savent pas se tenir correctement en sortie quand ils sont à plusieurs, auxquels rien jamais ne convient... non, surtout pas à ces personnes-là.
Mais il faut de tout pour faire un monde, alors qu'ils tracent donc leur route et moi la mienne, avec juste du respect quand on se croise, c'est tout.

Pour finir, je me dis que votre message ferait beaucoup de peine à une amie, maman d'un petit garçon autiste et qui se bat pour qu'il soit intêgré à mi-temps dans une classe spécialisée sinon le petit devrait rester chez lui sans stimulation adaptée à son handicap et il serait condanné, à long terme, à terminer ses jours en institution psychiatrique...
Ne rien généraliser surtout...

Cordialement.

C.

Pour lire d'autres témoignages, on se reportera utilement aux archives publiques du forum des etats Généraux de la Déficience Visuelle consacrées à l'aspet social du problème.

Rechercher sur google socialegdv, forum Yahoo.

L'intégration scolaire précoce

Chers amis,

N'est-il pas un peu tard pour aborder un sujet si sensible ?

Et peut-on encore inverser la tendance ?

De fait, nous avons beaucoup, sur cette liste, évoqué des préoccupations d'adultes.

Or, pour m'être entretenu ce matin avec un professeur en SAAAIS, pour avoir encore présent à l'esprit l'aveu que me fit la dernière directrice de l'école où je suivis ma scolarité jusqu'en 4²ème, je ne crois pas abusif de conclure un peu témérairement des acteurs de la vie scolaire qui ce que pensaient les acteurs de la vie scolaire qui s'en sont ouverts à moi de l'intégration des jeunes enfants, que celle-ci est loin d'être une réussite, mais qu'il ne faut surtout pas le dire, pour ne pas froisser l'education Nationale, ni les parents d'élèves.

La première a fait de l'intégration précoce des enfants handicapés un dogme, sous l'influence des seconds. On ne peut pratiquement plus s'y déclarer opposé sous peine de passer pour quelqu'un qui défendrait la discrimination. Or les acteurs de l'Education Nationale, les enseignants qui se trouvent avoir dans leur classe un élève déficient visuel, non seulement ne connaissent guère sa problématique et les ressources qui pourraient lui permmettre de poursuivre une scolarité normale, mais ne se montrent guère assidus lors des sessions de sensibilisation marathon qui sont organisées pour mieux les faire appréhender l'univers de leur élève, et ne sont jamais sanctionnés lorsqu'ils n'y participent pas.

Quant aux parents, qui ont obtenu de haute lutte de pouvoir mener une vie familiale normale avec leur enfant aveugle ou malvoyant de naissance, ils l'ont fait sans savoir qu'ils ne connaissaient pas les bases palliatives du handicap visuel, non sseulement le Braille, la géométrie ou la géographie adaptée, mais les moyens sensorimoteurs d'acquisition de l'autonomie pour un enfant déficient visuel, de la locomotion à la psychomotricité, à l'apprentissage du toucher et de l'habileté dans les travaux manuels.

Les élèves qui, très tôt, sont immergés dans le grand bain du milieu ordinaire, doivent montrer beaucoup de dextérité pour acquérir instinctivement des stratégies de contournement des obstacles qui se lèvent sur le chemin de leur acquisition du savoir, à commencer par le tableau noir.

Ces élèves, en sus, sont dans la situation d'un quasi "travail des enfants", certes pour leur compte, dans la mesure où ils font une quadruple journée : la journée scolaire proprement dite, les heures de permanence consacrées au travail avec leur professeur de SAAIS et leur Auxiliaire de Vie scolaire, le temps long du ramassage scolaire et les devoirs à faire à la maison.

La plupart des acteurs de la vie scolaire avec qui j'ai parlé conviennent que les élèves déficients visuels devraient suivre leur scolarité dans un Institut spécialisé durant les années du primaire, pour acquérir les bases qui leur sont propres et ne pas connaître l'épuisement et le combat dès la petite enfance, puis être intégrés, certes le plus tôt possible, mais chacun en son temps.

Est-il désespéré de faire entendre raison en haut lieu aux parents comme à l'education Nationale et de revenir sur ce dogme créateur d'anarchie scolaire qu'est la scolarisation obligatoire de tous les élèves, sans discrimination, dans des classes ordinaires ?

J'espère que non.

Toutefois, je suis conscient qu'il fautmitiger ce point de vue d'une nuance importante.

A vrai dire, nous sommes au milieu du gué, et il est trop tôt pour savoir si cette forme d'intégration obligatoire et précoce va développer l'intégration sociale ou non. C'est de fait la seule chose qui compte.

Quand ma génération est sortie de l'INJA (je suis né en 1973), on disait qu'une personne sur dix s'intégrait un emploi. Bref, la scolarité profitait selon sa suite logique à un dixième à peine de ceux qui l'avaient suivie. Il faut nuancer le bilan humain d'un bilan social pour lequel on n'a pas le recul nécessaire. Or la probabilité va dans le sens de prévoir que, plus tôt on aura côtoyé les autres, mieux on saura s'intégrer à leur monde et plus on se rapprochera de la normalité, qui n'est pas un horizon indépassable, mais avoir accès à un "bonheur normal" (l'expression existe, elle n'est pas de moi) est tout de même souhaitable.

En attendant qu'on ait pris ce recul peut-être faudrait-il proposer une "scolarité à la carte" sans abandonner, ni l'une, ni l'autre des deux possibilités de scolarité, mais en proposant la meilleure réponse en fonction de l'élève et du souhait de ses parents, à qui la société n'a bien sûr pas le droit de confisquer leur autorité.

On peut craindre que cette multiplicité de l'offre ne soit jugée trop complexe par les autorités de tutelle qui auraient à l'avaliser. Or, dans toute autre domaine, la sagesse du législateur veut que l'on propose ad experimentum, pour expérimentation, un nouveau modèle avant de l'évaluer. Cette coexistence des deux modèles avant qu'on soit en mesure de dresser le bilan social qui évaluera le modèle de l'intégration scolaire obligatoire pour tous les élèves dans le milieu ordinaire est donc de pure et simple sagesse législative.

Julien weinzaepflen

mardi 22 novembre 2011

La diversification des ESAT, ou pour un modèle d'intégration horizontal (ou d'intégration à l'envers)

> Cher clément,

> combien ce que vous dites est vrai ! On n'a pas abordé ce sujet, je m'étais
> promis de le faire, mais sans vous, j'aurais oublié et ç'aurait été bien
> coupable, ne serait-ce que parce que le premier degré de vérité que contient votre message est que, manifestement, le niveau culturel, syntaxique et
> intellectuel de ceux qui prennent part à ces discussions est au-dessus de la
> moyenne et qu'il y a donc beaucoup de "sans voix" qui n'auront pas dit ce
> qu'ils pensaient de nos problèmes. (...)

> Je trouve de la vérité à ce que vous écrivez à trois autres niveaux :

> 1. Pour commencer par le plus simple, oui, il faut des moyens pour les ESAT,
> et sans pouvoir me prononcer si le budget affecté aux personnes handicapées
> est suffisant, du moins est-il important, et beaucoup de redéploiements
> seraient à souhaiter, beaucoup de dispositifs ne servent à rien, et beaucoup
> d'argent part dans le trou sans fond du financement de services qui ne sont pas
> prioritaires.

> 2. Votre expérience rejoint donc la mienne, et vous osez formuler comme je
> l'ai fait, ce qui paraît un tabou rarement levé, que beaucoup d'aveugles de
> naissance souffrent en plus d'un "handicap associé", d'une "maladie de
> l'intelligence" ou d'un autre trouble moteur, sans que ce simple constat
> paraisse intéresser la recherche, de crainte que l'on conclue hâtivement que
> tous les aveugles seraient débiles, bien sûr que non, mais afin que l'on
> essaie de comprendre ce qui relie les unes aux autres ces déficiences, lorsqu'elles sont cumulées.

> 3. Non seulement beaucoup d'aveugles souffrant d'un handicap associé
> trouveraient leur place dans des ESAT qui auraient plus de moyens, mais beaucoup d'aveugles qui ne présenteraient pas de déficience intellectuelle souhaiteraient d'y trouver un emploi si, comme vous le dites, les activités que l'on pouvait y exercer étaient plus valorisantes que la chaiserie ou le
> conditionnement, au mépris des capacités du public auquel on s'est accoutumé
> que ces structures s'adressent.

A ces activités plus valorisantes, pourraient être intéressées des aveugles souffrant d'un handicap associé, mais aussi des aveugles ne présentant pas d'autre trouble ni déficience intellectuelle, d'autant plus s'il était possible de faire travailler dans ces entreprises des personnes ne souffrant d'aucun handicap, sensibilisées au préalable à la problématiqque des personnes handicapées, ce en vue, moins d'espérer une hyypotétique réinsertion des déficients visuels dans le milieu ordinaire (pourquoi l'intégration des aveugles devrait-elle être toujours à sens unique et verticale ?) que de faire de ces structures des "milieux ordinaires" en miniature.

> Je connais au moins deux exemples d'ESAT, l'une gérée par l'AVH et l'autre
> par "voir ensemble", l'une où l'ambiance est exécrable et l'autre où elle est
> excellente (vous devinerez vous-même dans laquelle l'ambiance est quoi), où
> on a eu l'idée de faire travailler les aveugles qui le pouvaient sur le
> support écrit, dans l'une pour faire saisir au kilomètre à ces employés des
> rapports de réunion, d'assemblée générale, de comités d'entreprise, de
> conférences ou de colloques ; dans l'autre, on a poussé le pari de "la
> lumière par le livre" et de "l'avenir par la culture" (les plus anciens reconnaîtront un clin d'oeil à la devise d'un organisme qui n'existe plus)
> jusqu'à travailler dans le secteur de l'édition adaptée et à faire participer leurs employés à la fabrication du livre, de sa saisie à sa correction,
> moyennant, pour ceux qui voudraient aller plus loin, une remise à niveau en français, d'autant plus efficace que le produit sur lequel ils travaillent
> étant concret, l'apprentissage des difficultés du Français devient utile.

> Un dernier point, pour déborder un peu le cadre de votre message.

Je crois savoir que les CAT (Centres d'aide par le Travail) n'existent plus. Une grave atteinte au code du travail qui y avait cours était que les employés de ces structures n'avaient pas le droit de se syndiquer, ce qui a été heureusement corrigé dans les ESAT, où l'on élit un délégué du personnel, de manière à pouvoir faire
> progresser les revendications sociales des employés de ces structures de
> l'intérieur et par eux-mêmes. Qu'en est-il aujourd'hui pour les CAT ?
> Existent-ils encore et cette grave atteinte au droit du travail a-t-elle été
> corrigée ? je serais heureux de le savoir.

> Cordialement et en vous remerciant beaucoup d'avoir soulevé ce problème.

Julien weinzaepflen

Plus de moyens pour les ESAT (Etablissements et Services d'aide par le travail)

Par clément Gass

Bonjour, ce sujet n'a pas encore été évoqué, mais nous devons revendiquer une
augmentation des moyens des Ésat et autres ateliers de travail protégé. Sur ces
listes (NDLR: listes de discussion des etats Généraux de la Déficience visuelle), il n'y a probablement que des DV (Déficients visuels) autonomes qui aspirent à travailler en milieu ordinaire, mais pour beaucoup d'autres il n'y a pas d'autre issue possible qu'une place en Ésat.

Beaucoup d'aveugles complets de naissance ont en plus des troubles mentaux associés, et il serait fantaisiste de penser qu'ils
puissent s'insérer en milieu ordinaire, si déjà les malvoyants avec bac +5
galèrent pour trouver du travail.

Le problème est que, vu leur peu de moyens, certains Ésat préfèrent recruter les handicapés les plus légers, qui seront plus
rentables, et recrutent à ce titre sur le même mode que les entreprises
soucieuses de remplir leur quota de 6%.

Je connais un Ésat pour DV géré par une association nommée "Les Cannes Blanches", et pour y être allé avec un voyant, je peux vous dire qu'il y a à peine le quart des employés qui ont besoin d'une canne blanche pour se déplacer. C'en serait comique si le sujet était plus léger.

Parmi les employés de ce même Ésat, il y a un ancien camarade de classe à moi,
dont je me suis toujours demandé ce qu'il faisait en école spécialisée. Il n'est
pas plus malvoyant que les millions de français myopes ou presbytes. C'était
toujours le premier pour faire des sales coups aux aveugles dans la cour de
récréation.

Mais aujourd'hui, lui a une place en Ésat, alors que la plupart de
ses camarades aveugles n'ont rien, voire ont une place en foyer occupationnel ce
qui revient au même, parce que ces foyers sont régressifs et on n'y travaille
même pas l'autonomie, ce sont des maisons de retraite pour jeunes aveugles
rejetés par leurs familles...

Enfin, les rares Ésat qui emploient de vrais aveugles se cantonnent à la
chaiserie ou au conditionnement, choses fort peu valorisantes. Mais c'est la
même chose pour les autres handicaps: je connais un Ésat pour handicapés mentaux
à Troyes qui fait de très bonnes choses dans le domaine musical, mais son avenir
est incertain parce que le financement d'une place dans cet Ésat est 10% plus
cher que le financement d'une place dans un Ésat de conditionnement.

Alors plutôt que de dépenser des fortunes pour la mise aux normes
d'accessibilité de bâtiments dont il est improbable que des handicapés les
fréquentent (exemple de vestiaires d'un terrain de foot près de chez moi),
plutôt que de financer des licences de Jaws à 1800€ pièce, plutôt que de
financer le développement d'applications iPhone dont la seule fonction est
d'annoncer le temps d'attente pour le prochain métro (cas de la Ville de Lyon),
on ferait mieux de financer des places en Ésat !

Le budget handicap de l'État et des collectivités est relativement élevé, mais
très mal utilisé.

Cordialement,

Clément

Handicap ou déficience?

Ma réponse à M. Michel gouban.

Cher Michel,

Si je vous comprends bien et surtout si j'essaie de résumer et simplifier votre propos, il faudrait faire un distinguo entre déficience et handicap.

Réduire le handicap serait le rôle dévolu à l'accessibilité en général, tandis que palier les déficiences serait le rôle des allocations compensatoires et des associations venant en aide aux personnes.

Gommer, ignorer, minorer, faire oublier le handicap s'imposerait en matière d'empoi pour que le travailleur atteint d'une déficience ne se voie pas répondu que "ça ne va pas être possible" avant le premier entretien d'embauche.

Autrement dit, le handicap serait à réserver aux politiques priorisées de diminution des situations handicapantes par le biais de l'accessibilité, tandis que la déficience resterait l'instrument de mesure de la compensation financière ou humaine de l'atteinte physique ressentie par la personne.

Il me semble qu'une telle clarification est plus qu'enrichissante et eût gagné à être énoncée en ces termes au moment où était discutée la loi de 2005, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, et proposer au législateur des distinctions dialogiques plus simples que celles que suggère le vocabulaire sociologique qui, transposé en norme juridique, aboutit, si sa transposition n'a pas cela pour vocation, à léser les personnes sous prétexte de mieux remédier à leur situation, en diminuant le handicap, quitte à oublier la déficience.

Introduire une telle distinction entre handicap et déficience aurait pu permettre, pourrait permettre encore, de séparer nettement les lignes budgétaires dédiées, l'une à la compensation des déficiences et l'autre à la diminution du handicap, pour autant que ces budgets soient extraits de la part de la cinquième branche de la Sécurité sociale qui est consacrée pour partie au handicap, de par la loi de 2005.

Ne conviendrait-il pas, en vue d'améliiorations indispensables à apporter, non seulement à la rédaction, mais encore à l'application de la loi de 2005, d'affiner la distinction que j'ai peut-être un peu librement tirée et par trop simplifiée de l'analyse que vous nous proposez ?

Dans l'espoir de pouvoir en discuter plus avant avec vous,

J. Weinzaepflen

"Situation de handicap" ou "handicap de situation"?

Réponse de M. Michel Gouban à mon interpellation.

"Cher Julien,

Je me souviens de cet article (NDLR: le lire ci-dessous sous le titre: "Handicap, à la croisée des regards") qui visait à expliciter la notion de handicap de façon à ne pas la confondre avec la déficience notamment. Or, je constate que cette notion est largement confondue avec la maladie ou la déficience quelle qu'elle soit.
Je pense qu'il ne serait pas inutile qu'une association, comme la CFPSAA peut-être, organise un congrès sur la question du handicap.

En effet, en fonction de ce dont on parle, quand il s'agit de communiquer avec les organismes sociaux pour revendiquer des prestations, il convient d'amalgamer la déficience et le handicap. Ainsi, je ne suis plus aveugle, mais handicapé et si possible, très handicapé. Dans la société, dans la vie de la cité, il faut bien identifier les situations de handicap, si on veut tenter de les réduire. Si dans ce contexte nous nous disons tous handicapés, il n'y a aucune raison que l'on fasse la différence entre les conséquences de la surdité, la cécité et la déficience motrice ou mentale ou psychique pour l'accessibilité à la voirie ou au cadre bâti ! Et, si on veut, avec une déficience importante trouver un emploi, on a intérêt à minorer la question du handicap si on ne veut pas se faire jeter avant même d'avoir décrocher un entretien. Donc, le handicap peut se lire au travers du "menu contextuel". Il convient juste de savoir quelle paire de lunettes nous avons prise pour regarder les choses ! Or, dans mon article, il ne s'agissait nullement de gêner qui que ce soit, juste faire le point sur des façons différentes d'approcher cette notion qui, je vous le concède, n'est pas un concept universellement reconnu ! Ce qui fait, que nous pouvons avoir des approches plurielles.

Il est intéressant par exemple de regarder comment les associations, par le biais de leur intitulé, approche la question du handicap. Les Auxiliaires des Aveugles par exemple, ont une approche sociale et individuelle de la question ils ciblent l'aide à la personne aveugle, or, la cécité c'est quelque chose d'objectif et bien lisible pour les personnes bénévoles dont ils ont besoin pour les services à la personne. Pour autant, ils tendent à diminuer le désavantage donc le handicap.
L'association Handicap Zéro par exemple, a, de mon point de vue, une approche davantage sociétale, elle s'attaque à des problèmes de société, plus universels. Cette asso se propose de travailler en amont, vers les opérateurs de téléphonie, les labos pour les médicaments, la société du tour de France... du coup, ils entendent légitimement travailler à la réduction du handicap, c'est-à-dire de la difficulté ou du désavantage rencontré par les personnes aveugles et malvoyantes en général et, par suite, par chacun en particulier évidemment. Et il est légitime de se proposer d'aller jusqu'au zéro du handicap !

Mais, même après avoir réduit le handicap, nous n'en serons pas moins toujours aveugle ! Les deux approches sont complémentaires, avec un angle d'attaque dialogique.

Pour les kinés, ils se sont appelés U M K A, Union des Masseurs Kinésithérapeutes aveugles, puis en 1985, avec l'émergence de la prise en compte de la malvoyance on a mis handicapés visuels, désirant englober les différents niveaux de déficience, et, en 2001, j'ai souhaité que l'on retourne à la cible des mots aveugles et malvoyants, car, le handicap étant synonyme de désavantage, je ne pensais pas, ainsi que mes confrères, que le désavantage était porteur d'une quelconque manière pour l'emploi !

En 1993, dans un article de licence traitant du handicap, Hervé cochet montrait qu'il n'y avait pas de "situations de handicap", mais que des "handicap de situation", ce qui mettait bien le curseur sur la contextualité de la difficulté et aussi, sa labilité...

Oui, la loi de 2005 ou tout du moins ses décrets d'applications, ne s'appliquent pas, en ce qui concerne la retraite, à tous les travailleurs des différents secteurs d'activités.

J'espère ne pas avoir été trop long, peut-être hors sujet, et suffisamment explicite. Mais, la question est complexe et donc on pourrait en parler longtemps !
Je pense qu'améliorer notre culture de la question du handicap, pour nous, les personnes dites stigmatisées (GOFFMAN) et pour les "normaux" même auteur, ne peut que renforcer la communication entre les publics et la pertinence des actions associatives notamment !

Michel gouban

Michel Gouban, un pompier pyromane?

Lorsqu'en 2002, j'ai lu l'article de Michel gouban, "le handicap à la croisée des regards", j'ai compris qu'un tournant était en train de se produire, que l'auteur de cet article, en se bornant simplement à vulgariser le discours sociologique sur le handicap", ne savait pas qu'il favorisait.

Quelle ne fut pas ma stupéfaction, neuf années plus tard, de lire le même auteur, citoyen ou administré, ne pas se rendre compte que la caution qu'il avait naguère apportée en tant que clerc à un discours sociologique qui s'était traduit en loi, avait eu une portée concrète.

Je veux rendre compte ici de son étonnement et de ma première interpellation à celui avec qui, depuis neuf ans, je rêvais d'avoir un échange verbal ou épistolaire. Qu'il soit remercié ici de s'y être prêté d'aussi bonne grâce!


1. " Michel gouban:

Bonjour,

Dans ses adhérents, l'UNAKAM (Union Nationale des Masseurs-kinésithérapeutes Aveugles et Malvoyants) compte de nombreux professionnels exerçant la profession de masseur-kinésithérapeute à titre libéral. Or, aujourd'hui, il semble bien que ceux-ci, comme tous les travailleurs handicapés artisans ou commerçants, sont encore écartés des dispositions législatives et réglementaires qui permettent à des travailleurs des autres secteurs d'activités la possibilité de faire valoir leurs droits à retraite à 55 ans. Qu'en est-il aujourd'hui, quelles sont
les perspectives de réduire ces inégalités de droit entre les travailleurs reconnus handicapés selon les différents secteurs d'activités dans lesquels ils exercent ?


MDPH :

à l'occasion d'un renouvellement d'un dossier PCH (NDLR: Prestation de compensation du Handicap, à base fixe, mais à montant variable, qui a remplacé l'ancienne ACTP (Allocation compensatrice pour tierce Personne à montant fixe), j'ai trouvé le dossier particulièrement lourd, avec un tas de documents et questions sans objet pour une personne aveugle.

Je sais, la question du handicap est complexe et multiple. Je m'en ouvrirai auprès de la CDAPH et de la commission exécutive de mon département, étant membre."

Michel GOUBAN


2. Ma première réponse.

"

Cher Michel,

Sans entrer avec vous dans une mauvaise polémique, il me souvient que c'est vous qui, dans un article du "Louis Braille", avez popularisé auprès de nos milieux la notion de "situation de handicap".

Or, à partir du moment où celle-ci prenait en compte des critères subjectifs concernant la manière dont chacun était ou non en mesure de supporter son handicap, ne s'ensuivait-il pas presque fatalement que, si l'on admettait l'introduction d'une telle notion de "situation", qui certes devenait un critère d'évaluation international du handicap, les dossiers de renouvellement de la prestation susceptible de compenser, non plus d'après le handicap, mais, au cas par cas, celui qui en était porteur (NDLR: nous ferons bientôt une distinction plus fine entre handicap et déficience), deviendraient forcément très lourds...

Outre qu'il est assez ridicule de nous entendre au jour le jour désigner par cette circonlocution jargonnante de "personne en situation de handicap",
Il me semble également me souvenir que, lors de la discussion de la loi de 2005, un point acquis concernait les retraites, auxquelles les personnes handicapées pouvaient prétendre après trente années de cotisation. La loi n'aurait-elle pas tenu ses promesses sur ce point comme ailleurs ?

En amont, croyez-vous qu'il soit trop tard pour revoir, expérience faite, la compensation du handicap selon le barême du caractère objectif de la déficience fonctionnelle?

Pour exemple, en cas de "handicaps associés, la Sécurité sociale fait déjà une distinction entre un aveugle qui n'est qu'aveugle et un aveugle qui serait également malade psychique.

Ne pourrait-on pas s'en tenir à une telle distinction et affecter la prise en charge du handicap supplémentaire éventuel à une meilleure prise en charge (type ALD, Affection de Longue durée) par la Caisse Nationale d'assurance Maladie, du régime général de laquelle nous continuons de dépendre, malgré la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, pour les soins que nous nécessitons, en dehors de toute maladie liée au handicap ?

Le problème, de fait, est complexe, quand on sait que la maladie psychique est considérée comme un handicap donnant droit à la perception de l'Allocation pour adultes Handicapés. Comment traiter humainement et financièrement le caractère cumulatif des handicaps en dehors de la "situation de handicap" dont on a vu qu'elle a été, en réalité, un cheval de troie pour grever nos ressources ?

Comment accepter en outre le caractère profondément inégalitaire du traitement des personnes handicapées, dont les plus gravement touchées sont loin d'être les mieux loties ?

Poser ces questions nécessite, je crois, une réflexion entre nous sur ces sujets.

Bien à vous

J. Weinzaepflen

L'égoïsme d'émancipation et l'individualisme social

Cher Michel,

Je viens de lire pour les publier, et de publier pour contextualiser nos échanges - et, rassurez-vous, de publier en donnant l'auteur et le contexte de vos articles - les trois articles que vous m'avez fait l'amitié de me faire parvenir.

Mon préféré est de loin le dernier, parce que vous y insistez pour dire qu'"il n'y a pas d'autonomie sans dépendance" et qu'"être autonome, c'est choisir ses dépendances" pour accomplir son projet dans l'être-au-monde.

J'aime qu'en d'autres mots, vous preniez acte qu'il n'y a pas d'autonomie sans hétéronomie. L'autre matin, j'écoutais le physicien anagrammiste Etienne Klein sur "france inter" où il était invité avec l'auteur de polars Jean-bernard Pouy, qui s'est toujours affiché comme libertaire. A la question si lui aussi se sentait anarchiste, etienne Klein a fait cette réponse:

"Un physicien ne peut pas être libertaire puisqu'il reconnaît l'existence de lois physiques."

Nous sommes dans une société qui n'aime pas les dépendances, une société indépendantiste, où l'addict est pourchassé jusque dans ses dépendances affectives.

Or celui qui se voudra "autonome" pour "(renforcer son) identité" et agir sur le milieu social, qui n'est pas purement biologique, mais surtout, dites-vous, pour développer son être-au-monde et son projet de transformation de soi par le monde et du monde par soi, ne le sera qu'à la fois dans une perspective relativement individualiste, et dans l'exacte mesure où la société acceptera de se mettre au service du développement de son individualité.

La question vaut d'être posée si c'est le rôle d'une société que de cautionner cet individualisme, sauf à ne le servir que parce qu'il est le reflet de son propre individualisme social, mais au risque d'une déliaison réciproque de l'individu et de la société, mûs par un égoïsme d'émancipation, sans voir à quoi celle-ci est sacrifiée.

Or il me semble que la survalorisation de l'autonomie, comme aussi la survalorisation du combat et du défi, non seulement intériorise le combat comme une norme et son corrolaire la victoire, donc la loi du plus fort, mais, partant, puisque c'est l'individu qui est la seule mesure de la priorité et le seul donneur d'ordre de la priorité, la société dépriorisée par lui en vient à nuire au plus faible, car la société ne veut plus s'ordonner à lui. La société, oubliant qu'elle est d'abord faite pour protéger le plus faible, entérine une "sélection naturelle" qui aboutit à une élimination du plus faible, élimination qui a lieu jusque dans le champ sémantique où on parle de son exclusion. Le plus faible n'a dès lors plus qu'à déclarer forfait.

Dangereux contre-coup de l'autonomie et de l'émancipation individuelle, encouragée par la société elle-même individualiste, qui oublie qu'elle est faite pour protéger le plus faible. Ce contre-coup, on en voit les conséquences dans tous les secteurs d'activité et les catégories socio-économiques. Mais il était à craindre qu'il dût frapper plus fort ces fragiles que sont les "déficients" fonctionnels, indépendamment de toutes les "situations de handicap" ou des "handicaps de situation".

Je regrette de véhiculer une vision si pessimiste de ces grands acquits. Mais j'ai toujours eu l'intuition que la précarisation serait au bout du chemin de nos revendications, qui ont commencé aux alentours de 2002 au point de ne plus connaître aucune limite, et je crains que la conjoncture économique, qui n'est elle-même que le reflet de notre consumérisme effréné, ne vienne sanctionner douloureusement notre oubli du plus faible, oubli inconscient de notre part, tant la société nous flattait d'être des gagneurs.

Notre défaite économique est un retour de bâton qui remettra peut-être nos velléités à la place qu'elles peuvent occuper, entre le légitime élan qui nous fait vouloir nous hisser au-dessus des situations et le regard que nous devons toujours porter à plus malheureux que nous, pour ne pas tellement le distancer que la cordée se brise en faisant s'écrouler tout l'édifice.

Julien, un soir de crise.

L'autonomie

par Michel Gouban et Hervé Cochet

(article réalisé pour la célébration du centenaire de la création de l'Institut de kynésithérapie de l'Association valentin Haüy. Michel Gouban en était encore le directeur. Hervé cochet est Cadre de Santé, Masseur-kinésithérapeute et Docteur en Sciences de l’Education.)


Tenter d’esquisser quelques lignes sur le concept d’autonomie est relativement ambitieux, mais, sa fréquence d’emploi dans le langage courant, tant des rééducateurs que dans celui des formateurs, donne une raison d’oser se lancer dans cette entreprise, au risque d’être trop rapide. Il ne s’agit donc que de pistes d’éclaircissement, des «aides à penser».

Étymologiquement, l’autonomie, du grec autos (soi) et nomos (loi) représente la «condition d'une personne ou d'une collectivité, qui détermine elle-même la loi à laquelle elle se soumet» (Lalande, 1992, p. 101). La traduction des deux racines grecques formant le mot «autonomie» donne l’idée de «se gouverner soi-même», se donner les lois que l’on va suivre». Le libre arbitre est mis en avant, la responsabilité de soi devant soi préside. Ces idées s’inscrivent dans le courant de pensée qui conduit aux droits de l’homme, à la démocratie, à la reconnaissance de la différence, à l’idée même d’individu.

En revanche, menée à l’extrême, la proposition d’un être sécrétant lui-même ses règles de vie, peut aboutir à l’extrême de la négation de l’autre, à la dictature absolue. Cette première approche demande d’être enrichie d’un rapport au social, à un environnement physique, humain et idéel.

Pour l’être vivant, il y a autonomie quand il y a capacité à maintenir, protéger, régir, régler et régénérer sa vie en interaction avec le milieu environnant. Pour Edgar Morin, il n’y a pas d’autonomie sans dépendance du milieu extérieur. Cette vision rajoute une qualité au sujet, celle de considérer, connaître et tenter d’agir sur son milieu. Son aptitude à repérer ses liens de dépendances, puis celle de savoir les gérer, les guider, sont mises en avant. Cette qualité ouvre vers les notions de perception et de représentation.

Dans le contexte biologique, l’autonomie est une dépendance entre un système fermé sur lui-même (l'être vivant) et en même temps ouvert sur l’environnement. Le milieu intérieur se nourrit du milieu extérieur. En cela, l'autonomie est consubstantielle à la vie. "Toute vie humaine autonome est un tissu de dépendances incroyables " (Morin, 1990, p. 261). Ainsi apparaît clairement la différence radicalement hétérogène l’une à l’autre, entre une possibilité de dire sa loi sans s’occuper d’un milieu à l’entour, ce qui correspond finalement à l’idée d’indépendance, et la liberté de concevoir ses règles et principes mais par interactions délibérées avec les liens que l’on entretient avec son milieu. L’autonomie n’est donc pas l’indépendance ; ce qui lui confère une certaine fragilité, une vulnérabilité.
Corollairement à cette idée, on peut donc comprendre que si nous manquons de ce dont nous dépendons, alors nous sommes perdus, nous sommes morts. De fait, qu’adviendrait-il de notre vie autonome si nous venions à manquer d’oxygène et plus généralement si les conditions terrestres de la vie venaient à nous faire défaut ?

Si on ne peut concevoir l’autonomie sans dépendance, on ne peut pourtant pas affirmer que plus il y a de dépendances, plus il y a d’autonomie. Il n’y a pas réciprocité entre les termes d’autonomie et de dépendance. Du moins ce lien récursif n’existe pas si c’est la quantité de dépendances qui est dénombrée. En revanche, repérer le nombre de dépendances sur lequel le sujet exerce une gestion libre et délibéré, augmenter, non seulement ce nombre, mais surtout la qualité régulatrice de cette gestion, semble pouvoir être nommée «acquisition d’autonomie».
Savoir plus, sur soi, sur son fonctionnement, sur le monde et sur les liens qui nous unissent à lui, alimente un processus d’autonomisation.
Pour le Conseil Économique et Social, l’autonomie est la capacité et le droit d’une personne à choisir elle-même les règles de sa conduite, l’orientation de ses actes et les risques qu’elle est prête à courir. L’autonomie devient dès lors, un droit. Le citoyen est en droit de revendiquer une autonomie qui le satisferait. Mais ce droit implique une grande connaissance des risques encourus, c'est-à-dire des limites, des possibles, des conséquences. Apparaît alors l’anticipation. L’être autonome désire, tente, agit mais réfléchit ce que ses désirs, tentatives, actions vont entraîner, faire surgir. L’être autonome essaye d’être un décideur éclairé.

S’agissant de l’autonomie de l’apprenant, Henri Portine, professeur en linguistique et didactique à l’université de Bordeaux III écrit : «l'autonomie, c'est construire un projet d'action et gérer la réalisation de ce projet au sein d'une structure qui définit les contraintes globales et apporte une aide lorsqu'elle est nécessaire.»
L’autonomie est donc une relation subtile entre capacité et incapacité, entre le pouvoir faire seul et le pouvoir faire avec une aide librement choisie des autres. Elle suppose la conscience de ses limites en interaction avec les contraintes de l’environnement. Pour être autonome, il faut incorporer ou du moins accepter les contraintes qui nous agissent, non seulement celles qui nous viennent de l’extérieur mais aussi celles de notre propre fonctionnement. Cette connaissance de soi et cette connaissance du monde autour, cette exploration de liens de dépendances et de contraintes, sont par essence, des champs illimités. Nous ne sommes donc jamais autonome absolument, mais qu’en recherche de niveaux d’autonomie, dans telle ou telle direction. En cela, rééduquer et former sont bien des guides à l’acquisition d’une autonomie supplémentaire.

Pour la personne dite «en situation de handicap», on dira qu’elle est autonome si elle a la possibilité de choisir librement ses dépendances. Pour des raisons de sécurité, la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) ou la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) offrent aux personnes aveugles un guide gratuit qui doit se déplacer du point de départ au point d’arrivée de la personne guidée. Toutefois, nombreuses sont les personnes aveugles qui préfèrent voyager seules en choisissant de demander des petits services aux passagers. Cet exemple nous montre que la personne aveugle a le choix entre dépendre d'une seule personne, représentante d’une structure dédiée d’une institution le guidant, ou de multiples personnes anonymes de rencontre. Ce choix comprend des prises de risques différentes, des contraintes quasi inverses entre système organisé et système informel. Nombreux déficients visuels considèrent que le second choix est davantage illustratif de l'autonomie qui se construit plutôt à travers de petites dépendances qu'une grande dépendance.

L’autonomie est un renforçateur d’identité. Pour Michel Foucault, elle est productrice de soi. C’est un exercice de soi au monde, c’est s’évaluer dans sa capacité à mener ses projets à leur réalisation. Traverser une gare ou aller acheter seul un objet dans un magasin inconnu, se former à un métier et s’installer, fonder une famille et la développer, sont autant de projet à géométrie variable dont la réussite est une marque d’autonomie et une construction de soi.

La personne atteinte de déficience physique, intellectuelle ou psychique présente, dans un premier temps du moins, une réduction de ses capacités qui est souvent compensée dans les pays modernes par une aide de la société, un recours à des droits accrus. Ces droits conférés par la société vont notamment contribuer à permettre à la personne de recouvrer, à défaut des capacités perdues, de nouvelles capacités (fonctionnelles, économiques, sociales et professionnelles). Toutefois, et en partie seulement, l'autonomie de la personne handicapée dépend de sa personnalité, sa volonté et sa détermination à vaincre "l'adversité". L’autonomie pour l'essentiel ne s’acquiert pas, elle se conquiert. Elle suppose en effet une dépense d’énergie nécessaire à chacun pour son organisation en interaction avec l'environnement. Si acquérir, c’est acheter, il y a échange entre soi et l’extérieur : je donne quelque chose (de l’argent ou de l’effort..) pour obtenir autre chose en échange. Conquérir, c’est avancer sur un territoire qui, l’instant d’avant n’était pas à moi. Je fournis de l’énergie pour conquérir, je suis aussi dans l’insécurité. C’est un travail sur soi déstabilisant.

Pour Edgar Morin, l’autonomie suppose information, computation et communication. Or, pour la personne aveugle ou très déficiente visuelle, c’est la réduction de la prise d’informations qui compromet son autonomie relative comparée à celle d'une personne n’ayant pas cette déficience et vivant dans des conditions comparables. La perturbation de la prise d’informations va notamment limiter les capacités de la personne à anticiper les événements qui surviennent dans sa vie pratique quotidienne, sociale et professionnelle. L'absence, l'atténuation ou la modification de l'information visuelle perturbe les opérations de computation, c’est-à-dire le traitement de celle-ci. Par suite, cela affecte la pertinence de la communication. Par exemple, comment une personne aveugle à qui vous dites bonjour peut-elle savoir si vous lui tendez la main ? Au changement d’équipe dans un hôpital, comment le professionnel aveugle peut-il dire, sans risque de se tromper, au revoir à ceux qui quittent le travail et bonjour à ceux qui arrivent dans la multitude des déplacements et des intervenants ?

Pour la personne en situation de handicap, plus encore que pour tout un chacun, l’autonomie et l’activité professionnelle entretiennent des liens récursifs. En effet, s’il est nécessaire d’être autonome pour avoir des chances d’occuper un emploi, les obligations conférées par cette activité (contraintes d’horaires, de déplacements, de productivité et de sociabilité), contribuent au maintien de l’autonomie. L’autonomie est indispensable à toute activité, alors que l’activité maintient, renforce et régénère l’autonomie.

A grands traits, l’autonomie est un processus, constructeur de soi, renforçateur d’identité, inépuisable et toujours renouvelable. Elle s’alimente de connaissance, elle demande anticipation et évaluation. Être autonome ce n’est pas se gérer, c’est se gérer dans le monde pour son projet.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

- Lalande, A. (1992). Vocabulaire technique et critique de la philosophie, volume 1. Paris : Presses Universitaires de France, p. 101.

- Morin, E. (1990). Science avec conscience. Paris : Éditions Seuil, p. 261.

- Morin, E. (Oct.Déc.98) Autonomie ou dépendance de la science, repris de Quadrature n° 30, pp. 5-11.

D'une déficience à une science du défi, un équilibre complexe

Par Hervé Cochet

(Article réalisé pour un congrès de rééducateurs en 1991)

Cet article vise à proposer une définition de la notion de handicap à travers la mise en place d’un outil d’analyse.

Il cherche à souligner ce que la connaissance d’un handicap peut contenir comme dimension formatrice.



TOUTE contrainte peut être considérée comme ressource, les véritables défis que sont formation, gestion d'un handicap et rééducation peuvent se trans-inter-enrichir.
Connaître et tenter de maîtriser les enjeux situés au cœur de ses défis revient à éclaircir quelques notions directement opérationnelles, jongler avec ces notions sert les processus d'adaptation ou de réadaptation, de formation ou de rééducation.
Enfin, l'appréhension systémique proposée suggère à tout projet s'épanouissant dans ces domaines, défi et créativité.

LA NOTION DE HANDICAP

Si l'ensemble des activités humaines est représenté par un volume dont les trois dimensions sont le temps, l'espace et l'action, les capacités de chaque individu dessinent une parcelle à la surface de cette planète multiforme et sans cesse en expansion. Chacune de ces parties se chevauche, s'intrique avec ses voisines. Ces zones de recouvrement forment le lieu d'interaction entre les individus. Un handicap, confondu à la lésion dont il découle, et considéré comme immuable, va correspondre finalement à un rétrécissement du territoire de l'individu considéré. D'un chevauchement producteur d'échanges, les limites vont glisser vers l'apparition d'un fossé, séparant "le handicapé" du champ social l'environnant. Les quelques passerelles éventuellement conservées n'aboutiront en général qu'à des échanges artificiels et réducteurs. Cet état de fait apparaît chaque fois que l'individu, la déficience et le handicap sont amalgamés sans discernement. L'être humain dans toute son ampleur est alors rabattu sur un seul plan, celui de ses difficultés, voire celui de son déficit. Il convient donc en premier lieu de définir les mots déficience, incapacité, handicap.

La déficience est consécutive à une maladie, lésion d'un organe ou d'une fonction. Pour être définie, elle fait appel à des descripteurs anatomiques, physiologiques, biologiques, psychologiques et pathologiques. Il s'agit donc de l'instantané photographique d'un état.

L'incapacité est consécutive au dysfonctionnement qu'entraîne la survenue d'un déficit. Elle se désigne en terme fonctionnel. Par rapport à la déficience, une dimension supplémentaire est prise en compte, tel un film centré sur l'individu soulignant les perturbations de son fonctionnement.

Ces deux premiers degrés considèrent l'individu soustrait de son contexte. La notion de handicap découle d'une vision systémique individu-contexte. En effet, c'est muni de ses propres capacités que chacun interagit avec les multiples situations qu'il rencontre. Ainsi, les difficultés vont surgir de façon variable en raison des différentes composantes constitutives des situations rencontrées. De plus, tout dysfonctionnement entraîne une redistribution des cartes, suivant de nouvelles règles du jeu physiologique. Il s'agit de stratégies de compensation qui vont tendre à atténuer les difficultés rencontrées.

La notion de handicap est éminemment variable car issue elle-même de trois concepts variables : incapacité, situations rencontrées, et stratégies de compensation. Elle est au cœur de nombreuses interactions circulant entre ces trois concepts. Au-delà d'une simple photographie ou d'un film, la notion de handicap est un relief mouvant, véritable hologramme où chaque partie contient le tout.


OUTIL D'ANALYSE DE LA NOTION DE HANDICAP

La modélisation mathématique possède l'avantage de mettre en évidence les interactions existantes entre plusieurs paramètres. Ainsi, les paramètres déterminants de la notion de handicap peuvent être combinés dans l'équation suivante
incapacité/situations - stratégies de compensations = handicap.

Cette équation constitue un outil schématisant une forme de raisonnement pour appréhender au plus près la notion de handicap, de ce fait, elle possède des vertus heuristiques. Chaque terme de l'équation doit être explicité.

Incapacité : la définition d'un handicap implique obligatoirement la détermination très précise des déficits et donc des dysfonctionnements qui en découlent. Les thérapeutiques existantes jouent leur plein rôle à ce niveau, elles doivent tendre au maximum à réduire ce paramètre. Ainsi, toute prise en charge rééducative comportant d'une part une démarche de bilan délimitant les possibilités présentes et d'autre part une tentative d'optimisation de ces possibilités trouve ici sa pleine justification. Mais ceci met en évidence que l'aspect curatif n'agit que sur un seul volet du handicap, sans connexion avec le contexte.

Situations : se déplacer et communiquer, produire et consommer, former et se former, etc., sont autant de situations que l'individu gère en regard de son propre projet et, si possible, en cohérence avec le projet du groupe social auquel il appartient. Une dissemblance trop flagrante dans cette gestion aboutit parfois à une marginalisation du "handicapé" qui s'éloigne trop par son fonctionnement du sens commun. Le système ambiant cherche toujours à conserver le sens. "Il faut bien faire comme tout le monde".

Stratégies de compensations : elles s'organisent en trois niveaux
- "intra"-déficitaire par utilisation intensive du résidu post-lésionnel ;
- "extra"-déficitaire par mise en place d'autres moyens utilisant des schémas fonctionnels différents ;
- "supra"-déficitaire par intégration des nouvelles formes d'analyse et de compréhension de la situation, véritable aspect cognitif, lié à la plasticité du système neuro-psychologique.

Les deux premières stratégies se réfèrent à des procédures (façon de faire), la troisième étant de l'ordre des processus (façon de concevoir). Ces trois formes de compensations s'organisent entre elles, afin de "défier" chaque situation. Imagination et ruse les alimentent au prix parfois, malgré le système ambiant, d'une grande modification des fonctionnements usuels. Il y a alors transformation du sens, sorte de créativité qui souvent dérange.
Au total, la gestion d'un handicap consiste à équilibrer deux boucles par rapport au système ambiant, l'une conservatrice et l'autre créatrice de sens.

UN OUTIL D'ÉVALUATION-RÉGULATION

Le jeu qui s'institue entre les différents paramètres constituant le handicap, symbolisé par l'équation proposée précédemment, ouvre une perspective d'évaluation-régulation. Cet éclairage ajoute des notions formatrices à cet outil d'analyse.

Outil d'évaluation
Afin d'évaluer la nature exacte d'un handicap, il convient avant tout de le mettre en évidence sans ambiguïté. Il faut donc augmenter globalement la valeur de l'équation, et ce en diminuant la valeur du dénominateur de la fraction. En effet, à un instant donné, l'incapacité est constante, et les stratégies de compensation sont liées à la situation étudiée. C'est donc cette dernière qui prend le statut de révélateur. Elle doit être étudiée en de multiples micro-situations à la loupe, à la pince à épiler, passée au peigne fin. Chaque dimension ainsi isolée est examinée et soupesée.

Vont alors progressivement apparaître certains points spécifiques sur lesquels les stratégies de compensation n'ont pas ou peu de prise. Simultanément, la transférabilité d'une micro-situation à une autre est envisagée, afin de travailler sur les liens qu'elles entretiennent entre elles. C'est de la conflagration entre les dysfonctionnements propres à chaque individu d'une part, et les caractéristiques des situations traversées d'autre part, qu'émergent de proche en proche le handicap qui ne peut en aucun cas être défini sans le contexte.

Cette évaluation doit prendre en compte toute subjectivité. Elle est par essence qualitative, se situant sur un plan totalement différent d'une mesure simplement quantitative et donc réductrice.

Au total, il n'existe pas de situation de handicap mais que des handicaps de situation.

Outil de régulation
La vision systémique individu-contexte invalide la proportionnalité allouée habituellement au rapport déficit/handicap, où la diminution de l'un entraînant automatiquement la diminution de l'autre. Réguler un handicap revient à diminuer la valeur globale de l'équation. Et ce, dans le plus grand nombre de situations révélatrices rencontrées. Outre le versant purement curatif dévolu aux thérapeutiques déjà évoquées, il s'agit de développer les stratégies de compensation. Ainsi, chaque individu à un instant donné dans une situation donnée doit dépister, connaître, maîtriser ses propres stratégies, les organiser entre elles, évaluer leurs performances, les mémoriser et enfin imaginer les transferts dont elles feront l'objet. Il n'existe aucune stratégie immuable, aucune recette, elle résulte toujours d'une construction qui au moment où elle est mise en place doit être régulée et valorisée en fonction de son efficience. Ce réseau (de stratégies de compensations) se construit de façon diversifiée. Du point de vue intra-déficitaire, l'utilisation optimale du résidu post-lésionnel amène à l'augmentation des performances au-delà d'un niveau habituel.
Du point de vue extra-déficitaire, l'exploitation de possibilités inattendues amène également, parallèlement, vers l'inhabituel.
Si dans les deux cas, il y a découverte voire innovation, le premier système "grandit et généralise" pendant que le deuxième «spécifie et spécialise". Poussé à l'extrême, et dans le cadre d'un résidu exploitable, un décalage apparaît entre l'hyper-efficience demandée à l'incapacité et la diversification proposée aux autres fonctionnements.

Ici se trouve le progrès, l'assouplissement des structures, l'apparition de nouveaux plis, l'auto-réorganisation, l'adaptation relevant du point de vue supra-déficitaire. Jouer avec les interactions entre stratégies de compensations et situations rencontrées donnent au sujet une connaissance profonde de son fonctionnement, véritable éducation cognitive de la gestion de son handicap. L'auto-régulation qui en découle amène à considérer les situations difficiles comme les situations les plus formatrices. Le rééducateur, par son rôle de miroir, de guide et de conseiller est au centre de ces interactions.
Au total, la rééducation apparaît sous l'angle d'un équilibre complexe entre deux nécessités : celle de se rapprocher d'un fonctionnement usuel et celle de prendre en compte de nouvelles formules de fonctionnement original.

STRATÉGIE DE REEDUCATION

Toute prise en charge rééducative est formation. Or, la connaissance de l'organisation de la gestion d'un handicap présente de nombreuses facettes en rapport avec la fonction formation. Ces deux concepts se rejoignent à plusieurs niveaux.

A la base, toute formation comme toute rééducation consiste à construire des situations donnant à l'apprenant l'occasion de se former. De la même façon, tout handicap se détermine à partir d'une situation donnée et "oblige" à se former. Toute prise en charge de rééducation est aussi soin. Décider de posséder le pouvoir de soigner, agir sur la santé d'autrui n'est pas un mince pari. De la passivité à l'interventionnisme, de la dépendance à l'autonomie, l'équilibre de l'action de rééducation est complexe.

Ainsi, dans leur développement, gestion d'un handicap, formation et rééducation procèdent d'un "défi lancé" afin d'aller vers le changement. Dans tous les cas, cette dynamique est un des axes générateurs du projet qui anime patient et rééducateur.

Mise en place d'un défi

Lors de la survenue d'une déficience, de l'hémiplégie à l'arthrodèse vertébrale, de la perte de vue à la fracture du col fémoral traitée par arthroplastie, de l'ataxie proprioceptive à la simple lombalgie, pour ne rester que dans des exemples kinésithérapiques, l'individu en cause, amorce une descente caractérisée par la prise de conscience de ses nouvelles incapacités. Cette prise de conscience s'amplifiera encore lorsque des situations apparemment simples rendront le handicap évident. L'accumulation soudaine de ces contraintes peut, si les conditions motivationnelles sont réunies, se retourner en ressource tel le coup de pied d'élan au fond de l'eau. C'est à cet instant précis que naît la notion de défi.
En effet, si l'évolution dans le temps du niveau motivationnel du patient est symbolisée par une courbe, le graphe obtenu tendra à représenter une parabole, peut-être plusieurs fois répétée. Ainsi, pour un même niveau de motivation, la pente de cette courbe, dérivée représentant le vécu situationnel à un instant donné sera :
- soit négative, preuve des contraintes ressenties
- soit positive, prise de conscience de ressources à exploiter, ces deux versants co-existent et co-évoluent dans le même instant.
Le point de bascule, le plus bas placé sur la courbe, lieu d'une dérivée nulle, symbolise le point d'équilibre au-delà duquel il faudra toujours se situer pour tenter de se maintenir dans la composante ascensionnelle de la motivation.

Le défi en question est contenu dans cet auto-dépassement permanent et sans cesse renouvelé.

Le champ situationnel fait ainsi surgir des objectifs-obstacles, obstacles-objectifs, générateurs de créativité. C'est dans le successif simultané de ce double mouvement que jaillit une tension émotionnelle mobilisatrice.

Une science du défi
La confrontation avec de multiples micro-situations donne l'occasion à l'individu de déceler les points où ses stratégies sont mises à mal. La construction par le rééducateur de nombreuses variations autour de nouvelles situations voisines des précédentes vont faire apparaître des stratégies adéquates. D'abord, ce sont les capacités en état qui sont exploitées, dont rien de ce qui existe déjà, même à l'état embryonnaire n'est laissé de côté. Ici, la rééducation travaille aux limites de ce que le dysfonctionnement permet. La volonté est de repousser les frontières pour agrandir le territoire des possibles. Parallèlement, imaginations et ruses vont permettre d'ouvrir des passerelles neuves entre diverses capacités, développement de chemins nouveaux caractéristiques des stratégies extra-déficitaires. Des boucles se démultiplient, s'enchevêtrent, de généralisation en discrimination, de transport en transformation, donnant et reprenant sans cesse du sens à l'action mise en place.
L'appropriation progressive de tous ces fonctionnements suggère de nouvelles solutions. Le patient va ainsi jongler de façon "supra" avec ces modèles de raisonnement et en effectuer le transfert dans des domaines divers.

Rééduquer : mille et une sollicitations dans mille et une situations avec mille et une variations pour obtenir mille et une adaptations.
Au total, c'est une véritable formation qui est mise en place, pour l'individu qui est concerné par la déficience mais également pour les individus qui gravitent autour et particulièrement dans le cadre de sa réadaptation.

DANS LE SILENCE DU DÉFI

Ainsi, à chaque pas, chaque situation révèle. Elle révèle
- un éventuel handicap
- sa valeur qualitative
- son mode de régulation par les stratégies requises
- l'état motivationnel instantané
- les potentialités soudainement actualisées
- la finalité de l'ensemble

Il n'y a nulle constance, nulle fidélité, entre l'individu et les capacités qui se révèlent et l'abandonnent tour à tour dans chaque situation. Il y a dé-fi (latin qui a cessé d'être fidèle).

Dans les difficultés générées, la situation souligne et amplifie la déficience mais, dans le même mouvement, la délimite et la clôture suggérant sa maîtrise. Le paradoxe ici posé par une vision synchronique, place le handicap comme produit par l'originalité qui s'imprime dans chaque situation traversée, et comme producteur du mode de gestion original de chaque situation immédiatement modifiée.
Et s’il est des cas où le déficit ne préexiste pas, il prend parfois corps de lui-même, donnant à penser que sa création, son surgissement, puis sa résolution, son dépassement, constituent des étapes nécessaires à l'épanouissement du projet de l'individu. Combien de barrières ne sont-elles pas recherchées ou créées dans l'instant ? Combien d'inhibitions déguisées en incapacités encombrent le chemin comme pour lui permettre de gravir ?
Dans une vision diachronique, chaque situation prend un sens particulier, projetant une représentation mouvante qui se réfère au continuum chaotique et rebondissant dans lequel elle s'insère, et qu'elle engendre.
Le système individu plus déficience plus contexte situationnel délibère et conçoit dans le même temps les stratégies à jouer et les directions à gagner. En rééducation par exemple, un subtil dosage est objet de négociation, parfois explicite, le plus souvent implicite, afin que chaque situation construite : bouscule et dérange, consolide et conforte.

Dans un dialogue invisible, inaudible et indicible, sous l'égide et les traits de la ruse, l'individu et le monde se lancent et relèvent sans cesse des défis silencieux.

CONCLUSION

Que la déficience et l'incapacité en jeu soient éphémères ou définitives, rééduquer c'est gérer un handicap de situation, et gérer un handicap, c'est aller vers un équilibre complexe entre deux boucles, l'une conservatrice, l'autre créatrice. Mais aussi, rééduquer, c'est offrir au patient la liberté de se former, au travers de ses difficultés.

Si l'aspect formateur du handicap est pris en compte, le territoire des capacités de l'individu dessiné sur la planète des activités humaines retrouve une place tout à fait appréciable avec de nombreuses zones de recouvrement riches d'échanges. Toute minorité évoluant à l'intérieur d'un éco-système transforme celui-ci. Ainsi, ce qui est bon pour une minorité, si ce n'est pas systématiquement bon pour tout le monde, possède néanmoins du bon pour chacun des membres du système. De ce point de vue, apprivoiser une déficience en vue de conquérir l'autonomie revient à concevoir une véritable science du défi.

BIBLIOGRAPHIE

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- BÈGUE, SIMON A.M. - De l'évaluation du préjudice à l'évaluation du handicap. Réadaptation, n° 344, 1987.
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- LE MOIGNE J.L. - Modélisation des systèmes complexes. Éditions Dunod, 1990
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- NUTTIN 1. - Développement de la motivation et formation. Éducation permanente, n° 88, 89
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- VARELA F.J. -Autonomie et connaissances essais sur le vivant. Éditions Le Seuil, Paris, 1989
- VON BERTALANFFY - Théorie générale des systèmes. Editions Dunod, 1973

Handicap, à la croisée des regards

Par Michel gouban, puvlié en 2002 par la revue "le Louis Braille" et par les éditions Maçon.

(Michel gouban était alors Directeur de l'Institut de Formation en Masso-kinésithérapie Valentin Haüy Paris)

Pour faire suite à l'année européenne des personnes handicapées où le handicap a également été déclaré grande cause nationale par le Président de la République, l'occasion nous est donnée de préciser ce que recouvre cette notion .
Même si nous côtoyons ou/et vivons de près le handicap ou les situations de handicap, il n’est pas certain que nous maîtrisions cette notion souvent plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, le terme handicap est loin d’être univoque. Cette notion assez récente a beaucoup évolué dans le temps, elle est fonction des cultures et des pratiques sociales.
Les regards posés par le corps médical, la société, les sociologues, les anthropologues, les psychologues… et ceux des sujets impliqués par le handicap sont autant de facettes qui, en se combinant et s'intriquant, se complètent et tendent à conceptualiser la notion de handicap.
C’est à l’intersection de ces regards, toujours évolutifs, que se construit et se déconstruit le sens donné à cette notion.
Les solutions proposées pour tenter de pallier le handicap et/ou de remédier aux situations de handicap sont directement fonction de "l'angle de vue" qui sera pris pour appréhender la notion. Autant dire que ces regards sont loin d'être neutres.
Après avoir rappelé l'origine du mot handicap et son inscription dans le champ social français, nous envisagerons quatre façons complémentaires de le regarder :
F un regard centré sur l’individu,
F un regard centré sur la société,
F un regard interactif,
F le regard du sujet impliqué.

Nous envisagerons différentes solutions adoptées par les professionnels de la santé et proposées par certaines sociétés.

Le mot handicap est d’abord utilisé dans les pays anglo-saxons. Au XVIme siècle, l’expression "the hand in the cap " (la main dans le chapeau) qui est couramment utilisée dans un jeu de hasard populaire, serait à l’origine du mot.
Au XVIIIme siècle, le milieu hippique s'empare du terme et l’utilise pour définir des courses de chevaux à handicap. L'arbitre crédite les concurrents les plus performants, soit d’une surcharge de poids, soit d’une distance supplémentaire à parcourir, afin de niveler les chances de chacun.
En France, il faut attendre 1932 pour voir le terme apparaître dans la huitième édition du dictionnaire de l’Académie Française.

Dans le champ social, le Dictionnaire critique d’Action sociale indique que "c’est à partir des années soixante que le mot handicap va être largement utilisé et va connaître un étonnant succès, véritable porte-drapeau d’une volonté d’identification et rénovation dans le domaine des exclus pour cause de différences" [1] . En effet, ce n'est qu'à partir de 1957 que la loi utilise le terme à propos des travailleurs handicapés. Il trouvera une place centrale dans la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Pour autant, cette loi ne définit pas le handicap, seul l’article premier indique : "est handicapée toute personne reconnue comme telle par les commissions…" Toutefois, cette loi va constituer un tournant majeur pour les personnes handicapées en France. En effet, elle a permis de passer d’une logique d’assistance à une logique de solidarité.


Un regard centré sur l'individu

Le regard médical

Pendant longtemps, le handicap est confondu avec la maladie. À l'époque des maladies infectieuses, la préoccupation de la médecine est d'identifier la maladie par ses manifestations, d'en rechercher ses causes et de trouver un remède tant que la guérison n'est pas atteinte. La solution au problème est ici dans une médecine préventive et curative. Dès que la maladie est éradiquée ou guérie, la question du handicap ne se pose plus.
Toutefois, avec l'émergence des maladies chroniques, l’allongement de la durée de la vie et les séquelles de traumatismes de guerre notamment, cette façon d'appréhender la question du handicap s'est vite révélée insuffisante. Quand la guérison n'est plus possible, il faut envisager de permettre à l'individu de vivre avec ses séquelles. C'est ainsi que, dans les années 1950, la médecine s'est progressivement orientée vers la rééducation et la réadaptation de la personne. En l’absence de guérison, les professionnels de santé et les sujets concernés doivent rechercher et trouver des solutions pour gérer le handicap. L'objectif est de permettre à la personne de vivre avec ses nouvelles difficultés en utilisant et valorisant son potentiel en vue d’une adaptation optimale à un environnement donné.
Dans l'une ou l'autre de ces situations, c'est l'individu qui est considéré porteur du handicap. Le langage social parlera de "personne handicapée" tandis que l'homme de la rue parlera en désignant la personne atteinte de déficiences physique, sensorielle, intellectuelle ou psychique, de "l'handicapé". Le handicap est ici un attribut permanent et constitutif de la personne. Il est incarné et même pendant son sommeil, une personne aveugle, sourde… est considérée handicapée.
À la suite des travaux d’un français le docteur Grossiord et d’un anglais, le docteur Wood, l’OMS va proposer en 1980 une Classification Internationale des Handicaps (CIH) [2]. Celle-ci va inclure le volet social du handicap sans pour autant en changer la représentation qui demeure centrée sur l’individu. En effet, le désavantage social, représenté par l’impossibilité d’accomplir certains rôles sociaux ou de survie, est directement consécutif aux déficiences et incapacités de la personne.
Cette interprétation du handicap engendre notamment dans les sociétés latines l'idée que ce désavantage social peut être réparé par l'attribution d'allocations ou d'avantages sociaux divers.
Cette logique de réparation est née en France sous Napoléon, elle commence par la notion de réparation de dommages de guerre : "Napoléon, et la nation reconnaissante, accueillent les "invalides” et leur octroient des pensions, visant à compenser la perte d’un œil, d’un bras" [3]. Cette logique de réparation des blessures de guerre en premier lieu, sera prolongée en 1898 par une loi qui reconnaît la responsabilité patronale en matière d’accident du travail et qui oblige les employeurs à réparer financièrement les préjudices occasionnés à leurs salariés. Les ordonnances du 4 octobre 1945 qui créent la sécurité sociale vont amplifier et étendre cette logique de réparation sous une forme assurantielle par l'instauration d'un régime d’assurance maladie invalidité qui est fondé sur un principe de solidarité.


Un regard centré sur la société

Dans les pays anglo-saxons et surtout en Amérique du Nord, le regard n'est plus porté sur l'individu mais sur la société qui fait plus ou moins obstacle à la participation sociale de tout individu. La façon de penser l'organisation de la société et l'environnement des personnes va jouer un rôle plus ou moins facilitateur ou inhibiteur de leur participation sociale.
"Il y a ici un refus d'expliquer le handicap par des caractéristiques individuelles des personnes mais plutôt par l'ensemble des barrières physiques et socioculturelles faisant obstacle à la participation sociale et à la pleine citoyenneté de ces personnes" [4].
Dans cette perspective, on ne parlera pas de personne handicapée mais de personne en situation de handicap. Dans sa version extrême, le regard porté sur le handicap est complètement désincarné. On a retiré tout caractère de corporéité au handicap, il est "démédicalisé". Le traitement est ici sociétal, il consiste en l'aménagement de l'environnement de la personne.

Ces deux visions de la notion de handicap se réfèrent à deux paradigmes opposés. Pour tenter de comprendre dans quel registre de pensée nous nous situons, Ravaud nous rapporte une expérience simple. Celle-ci évoque une situation de handicap ordinaire : une personne en fauteuil roulant au bas d'un escalier d'un bâtiment public tel que la poste. Cette personne souhaite aller téléphoner. On interroge des passants sur cette situation, à savoir pourquoi cette personne est-elle dans l'impossibilité d'aller téléphoner ? On recueille deux types de réponses :
1- Parce que la personne est paralysée ou qu'elle ne peut pas marcher. On est ici dans un schéma de pensée centré sur les impossibilités de la personne. C’est la personne qui est pensée handicapée.
2- Parce qu'il y a un escalier ou qu'on ne se préoccupe pas des personnes handicapées. On est ici dans un schéma de pensée centré sur la collectivité, c’est la société qui est considérée comme responsable de l’impossibilité d’agir, elle est handicapante.


Un regard interactif

Les deux visions précédentes présentent des aspects réducteurs. La première, centrée sur l’individu, fait abstraction de la situation environnementale, alors que la seconde fait pour sa part abstraction de tout caractère de corporéité du handicap.
Une nouvelle vision interactive du handicap va se développer sous l’impulsion d’un anthropologue québécois, Patrick Fougeyrollas, lui-même atteint d'une déficience physique. Cette vision interactive est traduite par l'expression de Processus de Production de Handicap (PPH). Le PPH est basé sur "un modèle anthropologique de développement applicable à tout être humain" [5]. Le modèle du développement humain présente l’interaction entre trois types de facteurs, les facteurs personnels composés des systèmes organiques et des aptitudes, les facteurs environnementaux et les habitudes de vie. Cette approche permet d’"illustrer la dynamique du processus interactif entre les facteurs personnels (intrinsèques) et les facteurs environnementaux (externes) déterminant le résultat situationnel de la performance de réalisation des habitudes de vie correspondant à l’âge, au sexe et à l’identité socioculturelle des personnes" [5]. L’intérêt de cette approche est qu’elle est positive et applicable à toute personne et à tout contexte et répond aux "positions du mouvement de défense des droits des personnes ayant des incapacités" [5].
Faisant suite aux travaux de P. Fougeyrollas, l’OMS va adopter en 2001, après plusieurs années de travail et plusieurs versions d’essais, une nouvelle classification du handicap. Celle-ci est intitulée : Classification Internationale du Fonctionnement, de la Participation et de la Santé dont l’acronyme est en français, CIF [6]. Cette classification va faire évoluer le regard qui dans la CIH était centré sur l’individu vers un regard centré désormais sur les interactions entre les fonctionnements de tout individu et un environnement physique ou social donné. Cette nouvelle vision que veut impulser la CIF , va se traduire par le choix de termes qui sont loin d’être neutres dans la mesure où les auteurs ont souhaité éviter tout "étiquetage" ou toute "stigmatisation" des personnes handicapées. C’est ainsi que les termes d'incapacités et de désavantages utilisés par la CIH laissent place aux termes d'activités et de participation dans la CIF et que le terme générique handicap a pour correspondant le terme fonctionnement.


Le regard du sujet impliqué

Si on comprend que le handicap puisse se constituer d’éléments intrinsèques et extrinsèques à l’individu, objectivables, classifiables et mesurables ; il n’en demeure pas moins qu’une grande partie du handicap est d’ordre subjectif. Pour Ravaud, la question du sujet et du jugement qu’il porte sur ses déficiences, ses incapacités et ses situations de handicap est aujourd’hui à prendre en compte dans une conception plus globale du handicap. Bien entendu, le regard que porte le sujet sur ses situations de handicap s’alimente du regard des autres "les normaux" et réciproquement. Il oscille pour Marie-José Vega "du regard fuyant à la générosité coupable, de la commisération excessive à l’évitement, à la curiosité ou à la peur, de la compassion à la gêne…" [7]. Il est très souvent mutilant.
Une représentation positive de soi minorera le handicap alors qu’une représentation négative le majorera.

Temps chronos et temps vécu sont ici une nécessité impérieuse aux remaniements des représentations de soi.

Nous venons de voir que le terme handicap n’est pas un concept bien défini et que sa signification n'est pas stabilisée. Au contraire, cela reste une notion encore imprécise et complexe qui combine de façon multidimensionnelle des interactions entre une personne atteinte de déficiences mais qui présente des aptitudes, un environnement physique et social pouvant majorer ou minorer le handicap et l'être psychique que nous sommes et qui rend plus insaisissable la réalité du handicap.
C’est le métissage de tous ces regards qui fonde l’approche sémantique de la notion de handicap. De la compréhension globale du handicap et/ou des situations de handicap découlent des interventions multidirectionnelles qui tentent d’y apporter des solutions adaptées.
Pour terminer, et inspiré par l'approche philosophique de la définition de la santé de Canguilhem , je dirais qu’être en bonne santé, c’est aussi avoir expérimenté le handicap et l’avoir intégré et surmonté. C’est un luxe psychologique [8].
Le handicap est une expérience holistique du sujet inscrit socialement et culturellement, souvent réductrice dans un premier temps mais pouvant être "démultiplicatrice" dans un second temps.


RÉFÉRENCES

[1] Barreyre Jean-Yves, Bouquet Brigitte, Chantreau André, Lassus Pierre (sous la direction de), Dictionnaire critique d’Action sociale, Collection "Travail social", Bayard Éditions, Paris, 1995, 437 p.
[2] OMS-INSERM-CTNERHI, Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des conséquences des maladies, Paris : CTNERHI-PUF, 1988.
[3] CNEFEI, Docteur Pascale Gilbert. DGAS – Sous-direction des personnes handicapées. Les classifications dans le domaine du handicap. Suresnes, 2002.
[4] Ravaud, J.F., Modèle individuel, modèle médical, modèle social : la question du sujet, Handicap, revue de Sciences Humaines et Sociales, n° 81, 1999, pp. 64-74.
[5] Fougeyrollas, P., Cloutier R., Bergeron, H., Côté, J., Saint-michel, G., Classification québécoise Processus de production du handicap, Québec : RIPPH, 1998, pp. 7-8.
[6] OMS, Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé, CIF, Genève : OMS, 2001.
[7] Vega, M-J. in Mieux connaître les besoins de la personne handicapée, sous la direction de Philippe Denormandie et Dominique de Wilde. Rueil-Malmaison, Lamarre éditions, Doin éditeur, 2001.
[8] Canghilhem, G. Le normal et le pathologique. Paris : Presses Universitaires de
France : 1999, p. 132.