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mercredi 30 mars 2011

Jean-Marc Rouvière, "Adam ou l'innocence en personne

(Méditation sur l'homme sans péché).

A la suite de notre article sur "La vie, l'existence et l'être", M. Jean-Marc rouvière nous a écrit:

Cher monsieur

Je ne suis pas techniquement à l'aise avec les blogs. Aussi je ne vous écris peut être pas de la bonne manière formelle. Je suis l'auteur de Adam ou l'innocent en personne chez L'Harmattan. On me dit que vous l'avez évoqué dans un de vos échanges sur la toile ; l'avez-vous apprécié ou non ?
Bien à vous et d'avance merci de votre réponse

Voici donc la récension de ce livre que j'ai eu le plaisir de faire à la demande de son auteur:

Cher Monsieur Rouvière,

Tout d'abord, quel plaisir de recevoir votre commentaire, justement quand, il y a deux jours à peine, je viens d'achever la lecture de votre livre.

Il est exact que je l'ai évoqué dans un commentaire que j'ai posté sur le blog du sémillant et extraordinaire abbé de Tanoüarn où vous-même étiez intervenu à la suite d'échanges qui s'y étaient donnés sur le péché originel et la manière de le comprendre.

Ai-je apprécié votre livre ? La question ne me paraît pas exactement bien posée. Est-ce un livre que l'on apprécie ou dont on retire quelques leçons ? Je vais donc essayer de vous dire ce que j'en ai retiré, aussi bien en positif qu'en négatif, pour rester dans le registre de l'appréciatif ou du dépréciatif.

Commençons par le négatif. Je trouve que votre livre manque d'implications existentielles visant à nous faire retrouver, si c'est possible, la mémoire de notre innocence, la conscience de cet état en l'adam qui sommeille en nous, s'il se peut qu'il y ait eu un moment où nous ayons pu percevoir cette innocence. Je regrette aussi que le chrétien que vous êtes très manifestement se laisse aller à parler du péché originel comme d'un mythe, ce qui le réduit à une dimension archétypale : je ne suis pas à l'aise avec l'idée qu'il faille vivre notre foi dans une dimension mythologique, même si, derrière tout mythe, on peut discerner la part de l'immémorial, or l'Eucharistie ne se comprend qu'en tant que Mémorial, c'est-à-dire condensation d'un acte salvateur dans tout le temps humain, comme la prise de distance de l'homme d'eden vis-à-vis de Dieu est un acte qui condense cette distance immémorialement prise par toute existence qui, par le refus de l'home d'eden, accède à la dimension de l'expérience, même si le péché originel ne se réduit pas à n'être qu'une "expérience", comme le pensent les Hindous. Mythe contre mythe, j'ai bien aimé que vous refusiez de traiter la solitude d'adam en eden comme la première des robinsonnades, préférant le rapprocher de la figure d'Ulysse.

Quand je dis que votre livre manque d'implications existentielles, je veux dire qu'on n'arrive pas bien, non pas tant à en discerner la thèse qu'à comprendre comment elle peut se traduire dans notre vied'un point de vue éthique. Si j'essaie pourtant de la dégager, je perçois qu'il y a une sorte d'antithèse entre la personne et l'innocence, antithèse qu'adam aurait vécue seul, au risque de la passivité, mais à l'avantage de ne pas avoir à entrer dans la moralité, cette moralité qui est un tue-liberté comme on dit couramment que le quotidien est un tue-l'amour. Ce qui se dégage de votre livre est qu'à l'innocence adamique, seule, répond l'Innocence du christ, celle par laquelle claudel a été subjugué, percevant, devant son pilier de Notre-dame, "l'éternelle Enfance et Innocence de dieu", à quoi renvoie ces deux verts que j'ai écrits dans le texte d'un cantique intitulé "Sacrement de Lumière", pardonnez-moi de me citer moi-même :

"enfance de dieu, beau soleil de Santé
Que nous aussi voudrions innocenter."

Car le drame intime de l'homme, c'est de percevoir que le Christ Se soit Fait homme pour l'innocenter, ce qui n'a fait que décupler en lui le sentiment de culpabilité.


Vous êtes à l'évidence très marqué par Vladimir Jankélévitch (j'ai d'ailleurs, étant en train de lire votre livre sur ma machine à lire, car je suis aveugle, entendu l'émission où vous étiez l'invité de François Nudelmann, ce qui m'a réjoui une fois de plus, comme si la Providence voulait me confirmer par maints clins d'oeil que j'avais rendez-vous avec votre livre ou avec vous). Je ne connais Jankélévitch que d'en avoir entendu des sonaux de ses conférences à la sorbonne restitués par "France culture", en particulier de ses conférences sur "la tentation" et sur "le mal", livre que vous citez abondamment. J'ai l'impression que Vladimir Jankélévitch nous est un maître à prier les dernières demandes du "notre Père", un peu comme on voudrait entrer dans la méditation quotidienne qu'en faisait Simmonne weil, dès qu'elle en connut la version grecque. Pourquoi Jankélévitch nous est-il un maître à ne pas succomber à la tentation et à être délivrés du mal qui l'a tant marqué dans sa chair de juif, vivant les affres de la shoah et ne pouvant les pardonner ? On ne peut pas remonter avec Jankélévitch jusqu'à la demande antérieure du "notre Père : "Pardonnez-nous nos offenses comme nous-mêmes pardonnons, etc.) ? Si Jankélévitch nous est un Maître, non pas à découvrir la sainteté du Nom de Dieu, la beauté de son règne, la bénignité de Sa volonté, mais à vivre la morale que nous propose le "notre Père en négatif, à la suite de la morale en négatif que nous a proposée le décalogue, comme si Dieu, depuis toujours, avait été Amoral et n'avait pas voulu entrer Lui-même dans la connaissance du bien et du mal, dimension qui manque peut-être à votre livre ; si donc Jankélévitch nous est un maître à vivre la morale apophatique du "notre Père", c'est en tant qu'il se présente comme un athée (se méfier de la tendance qu'ont les chrétiens de faire des athées des croyants malgré eux). Or, ce que montre un athée, c'est que, sans pouvoir nouer une Relation avec un dieuqu'Il ne reconnaît pas, pour autant qu'il soit un homme de bonne volonté, il ne veut pas appartenir au mal. Le chemin vers l'innocentement, c'est peut-être cela : remonter du "je ne veux pas appartenir au mal" à : "je ressens que je suis aimé de dieu".

Par touches discrètes, vous insistez sur le travail de la Grâce (libératrice) que ne peut nous accorder que l'Innocent en Personne, dieu Lui-même, par le Mystère de l'Incarnation, Se faisant Homme et "fils de l'Homme", c'est-à-dire accomplissant la plénitude de l'humanité. La Grâce est le sceau de notre libération, de notre réconciliation avec notre condition humaine que nous pouvons aimer à nouveau, de notre condition d'être nu et amoral, qui n'est plus soumis à la loi et qui n'a plus à se cacher de Dieu, quelle que puisse être son incapacité à ne pas continuer de pécher. Même, le comble, comme s'en émerveillait sainte-thérèse d'avila parvenue dans la septième demeure de son "château intérieur", c'est que, maintenant que sa Majesté est venue, vous vous rendez compte ? "Nous péchons en dieu". Cela devrait nous faire reculer d'horreur et d'effroi, or en prendre conscience est au contraire l'un des sommums de l'Union à dieu.

En espérant que mon commentaire, fait avant relecture de mes notes, aura pu vous apporter quelque chose, je remercie la Providence de nous avoir mis en contact

J. Weinzaepflen


Réponse de l'auteur:

Cher ami

Je ne suis pas très prolixe ni très causeur, mais voici ce que je peux répondre à quelques points de vos remarques très fouillées et très justes.

Implications existentielles :

Le livre est conçu comme une illustration et défense du pauvre Adam. Mon propos est tourné vers lui et son destin beaucoup plus que vers nous.


Mythe :

Vous avez raison, l’emploi de ce mot un peu fourre-tout est une facilité. Mais je ne voulais pas, dans ce livre, m’attarder sur une question de vocabulaire.


La thèse de l’ouvrage :

Mes livres sont brefs (« Le silence de Lazare » et les « Brèves méditations sur la création du monde » ont une centaine de pages) parce que je privilégie la concision au détriment du développement.

Ils sont bâtis sous la forme de méditations successives qui s’enchaînent, mais gardent assez largement leur autonomie.

Donc pas une seule thèse qui s‘épanouirait au long des chapitres. Un fil rouge mais pas plus. J’essaye d’ouvrir des voies, par la philosophie ou la théologie.

D’ailleurs vos commentaires sont, je le comprends, orientés « théologie » alors que, par exemple, la recension par Olivier Sarre sur le site Implications Philosophiques est elle bien davantage tournée vers la philosophie; je ne suis pas mécontent de ces deux types d’approches.


V Jankélévitch :

Oui, je suis très attaché à son œuvre (je co-anime l’association qui porte son nom). Son approche de la tentation, dans ses cours à la Sorbonne notamment, est très marquée par ses lectures bibliques et chrétiennes, mais il reste bien sûr en deçà de la Révélation, et une bonne part de mon livre ne l’aurait pas concerné.



Bien à vous



Jean-Marc Rouvière

Le pacifisme contre la paix

(Extrait du Dialogue entre le Torrentiel et un croissant de lune, partie IV, herméneutique 20)

Envoyé par le Croissant de lune, le 27 mars 2011 à 17h09

Mon Torrentiel.


Bien. Tu te plains qu'on te flagelle, mais te rends-tu bien compte? Es-tu vraiment pacifiste? En ce cas, ton pacifisme ne vaut pas bien cher! Suffit donc qu'on te vende le secours des civils, et tu mords à l'hameçon. Qui t'a démontré que l'ingérance sauve vraiment des vies: non seulement qu'elle tue directement, mais comptes aussi ses conséquences politiques lointaines, probablement mortifères. Finalement, jusqu'au jour de l'ingérance, cette guerre faisait relativement peu de victimes. J'ignore la vérité des chiffres, sur lesquels il existe sûrement des désaccords, mais ce ne fut pas la Bosnie, ni l'Afghanistan martyrisé par tes frères Judéo-Chrétiens Sauviétiques, puis Yankees, ni l'Irak, dont on ignore le nombre exact des morts, jusqu'à ce jour, ni la Palestine, où le sang Arabe est versé comme de l'eau! En ce moment même, dans le monde, il est probable que d'autres combats sont encore plus meurtriers. Bien vrai que les discours du Moammar, ceux de son fils aîné, semblaient ouvrir des perspectives infernales. En fait, quand il a dit qu'il enverrait des millions de soldats, et qu'il purgerait la Lybie point par point, rue par rue, maison par maison, je trouvais ce genre de propos fort déplaisants, mais nul ne croyait vraiment qu'ils soient suivis d'effets. Nous avons affaire à un mauvais orateur, qui nous inonde de ses délires, mais pas sérieux d'y croire!


Alors, tu dis que, si le public Occidental fut trompé, ce fut aussi du fait des médias Arabes. La Jézira, seul pôle médiatique Arabe fiable et libre, jusqu'à présent du moins, n'est pas en cause, s'il y eut des campagnes fallacieuses. Deux jours avant que n'entrent en action les missiles de croisières, certains tenaient encore, dont Hazmi Bchara, que le peuple Lybien était en mesure de se libérer seul. On commençait à admettre qu'un soutien Arabe, abrègerait les épreuves, sans être pour cela décisif! Pendant cette semaine-là, le sheik Lybien, El-Mabrouk, ne voulait pas entendre parler d'aucune intervention étrangère. Si depuis lors, il a varié, ce dut être par esprit de concorde, pour ne pas rompre l'unité des insurgés, et probablement sous la pression, amicale ou non, du Conseil Transitoire, dont il est sensé être la référence religieuse. Mais ce changement est très récent! Dans un autre message, je t'ai livré quelques constatations curieuses, sur la couverture des évènements. Ne dis pas après ça, que l'univers médiatique Arabe, c'est-à-dire, en fait, la Jézira, est coupable de quelque désinformation!. Pendant ces jours-là, j'ai eu l'impression d'un décalage entre la Jézira et les médias Français. Au matin et à midi, j'entendais sur Europe 1 ou d'autres radios, des nouvelles alarmantes, des patients m'en parlaient eux-mêmes dans la journée, si bien que mon coeur battait dans ma pauvre poitrine. J'avais hâte d'arriver au soir, pour suivre la couverture Jézirienne. Chaque fois, le décalage était si fort, que je me suis pris à croire, que les informateurs de la chaîne lui présentaient des versions qui leur convenaient, des bonnes nouvelles, ou tout au moins passables, et je me pris à soupçonner la Jézira, de s'écarter un peu de la vérité, pour plaire et satisfaire à son public. Il faut croire que j'avais tort, encore une fois, de sous-estimer à ce point l'arabité et l'authenticité de la Jézira combattante. J'eusse mieux fait de me ressouvenir, du traitement médiatique tardif et défectueux des médias Français lors des évènements d'égypte et Tunisie! Souviens-toi bien que j'y voyais une preuve à peu près incontestable de l'absence ou insuffisance de liberté et fiabilité médiatique Française. J'eus tort de méjuger de la Jézira, comme il m'arrive trop souvent de méjuger de l'Arabe, ce qui est chez moi, et beaucoup d'autres, un symptôme préoccupant. Nous avons contracté au coeur, une maladie curieuse, nous intégrons mentalement, comme allant de soi, comme vrais, les reproches et les accusations les plus infectes, notamment de vos médias. Saches bien, Torrentiel, que tu n'es pas le seul qu'on flagelle, loin de là! La situation médiatique était ainsi, depuis environ 10 jours avant la résolution, avec ces curieux décalages. Notes bien aussi qu'on ne parla presque pas, En France, des évènements du Bahreïn et du Yémen. Honte à moi, pour avoir douté de la supériorité éthique, voire technique, de la plus grande sincérité et vérité de la Jézira combattante, envers vos médias Croiséristes. Je les nomme ainsi, il faut apeler un chat un chat, et un chien comme il se nomme, et en périphrasant une occurrence Coranique, on peut dire qu'ils habillent la vérité de mensonge et le mensonge de vérité! De toute sorte, les mots "vérité, pureté, sincérité", tout comme l'héroïsme, sont mis à l'indexe par vos élites intellectuelles, désolé! Rapportes-toi donc, à tous ceux qui sévissent sur France-Culture, comme la pouf qui a les idées claires, comme l'autre pouf, nommée Caroline Fourest, Islamo-phobe et Occidentaliste à 200%! Raportes-toi à ces poufs, et parles-leur de vérité et ou de pureté, elles feront de toi un fachiste, bientôt. Existe-t-il encore quelqu'un qui tienne pour ces choses? Le Croisériste, ou l'Occidentaliste, c'est le kidam, qui a la complaisance de se laisser tromper et duper, par ceux qui mélangent vérité et mensonge, ceux qui mêlent le tors au droit. Est Croisériste, l'Occidental qui succombe, par défaut de vigilance et d'exigence. En ce sens, notre ami d'Algérie a décidément raison, sans contredit, sur le conditionnement médiatique du public Occidental, par les médias Occidentaux seuls, qui lui ont vendu, sous couvert de secours aux civils, une infecte croisade.


Il a clairement raison sur ce point. En revanche, sur la popularité d'El-Kadhafi, il s'avance trop. Moammar, ne pouvait qu'être impopulaire, au bout de 42 ans de règne, alors qu'une transmission héréditaire se profilait. Rien que la durée et la transmission pourraient suffire, mais en plus, il a usé son peuple à force de slogans, très variables d'ailleurs. Dictature idéologique, c'est le mot de Hazmi Bchara, pour qualifier cette singularité Lybienne. Fut-il sincère? Dans les débuts, sans doute. Mais à force de se noyer dans les idéologies, il cessa de l'être, volontairement ou non. Cet homme délire, jusqu'à un certain point, on ne peut savoir s'il croit sérieusement ce qu'il dit. C'est en effet terrible que nos pays se soient trouvé gerrés par des hommes fort insuffisants. Il usa et lassa son peuple à force de discours interminables, de forums révolutionnaires, de symposiums, de slogans qu'on était tenu de reprendre et d'aplaudir. Paraît qu'il s'est inspiré du Cubain Castro, son Livre Vert, étant à l'évidence, une imitation de Mao. Cette tyrannie idéologique lui fit commettre des crimes. Il emprisonna et tua un nombre incalculable d'Islamistes, pourquoi? On pourrait croire, à première vue, qu'il n'aurait pas grands reproches à leur faire. C'est qu'il voulait qu'on s'accorde avec lui, à la virgule près, dans toutes ses variantes à lui! Le Tunisien Ben-Ali fit ce qu'il put, pour éradiquer, dans la jeunesse, toute trace de pensée. Il persécuta fort les Islamistes, coupables de penser quelque-chose, mais il en eût fait autant des Marxistes, s'il s'en fût trouvé en nombre. Il eut voulu réduire nos jeunes à l'état d'êtres positifs et pratiques, bons techniciens, sans culture. Il les voulait performants, mais sans profondeur. Moamar, lui, voulait que son peuple pense exactement comme lui, à l'instant même. Toute sa vie, il fallait qu'on laime, et qu'on aime sa pensée. Il se noya en lui-même, il est possible qu'il soit cénile, à présent! Or, comme il est le penseur, il a fini par se mettre au-dessus de tous les principes éthico-moraux, alors même qu'en permanence, il les resservait aux autres. Notre prophète répondait à ceux qui ne voulaient pas le croire, qu'il n'est qu'un envoyé, un avertisseur, les laissant libres de ne pas croire à sa parole et à sa mission. Moammar, lui, voulait qu'on boive ses paroles et qu'on s'en imprègne. Après s'être proclamé Guide de la Nation Arabe, il s'est fait prophète du désert, puis roi des rois d'Afrique, etc.


A-t-il vraiment violé une journaliste? Savoir. Il semble avoir des lubies sexuelles insatiables. Or, jouissant de l'impunité des tyrans, si vraiment il attenta à cette étrangère, penses donc, comment il en usait, je le crains, avec les jeunes de son pays! Dans les années 70, faisant un discours, il dit une fois, qu'il n'avait cure de la France et de l'Amérique, qu'il ne manque pas de femmes, ayant près de lui, les 100 millions d'Arabes. Nous étions alors, 200 millions. Le bon mot fut repris par des flagorneurs, on en fit une chanson à sa gloire, qui vantait sa puissance, son tempérament, et comment il écartait d'un revers de main, comme femmes indésirables, la France et l'Amérique. Or, si de fait, il se permet des libertés avec tant de femmes, s'il mène une vie dissolue, le public Arabe ne peut le supporter. Maintenant, il faut ajouter que, s'habituant à être au-dessus des principes et des lois, tout idéal dut mourir en lui. Ses échecs et capitulations ruineuses ont dû le rendre odieux. Il se lança dans des opérations sans nécessité, il perdit toutes ses guerres. Contre l'égypte, vers 75, je ne sais plus pourquoi, il lança ses troupes à l'aventure, et se fit corriger au point de demander grâce et pardon au président Anwar El-Sadat. Tout se fit à l'avenant. Eut-il des succès diplômatiques? Je l'ignore. Sur le plan intérieur, en effet, il y eut redistribution, encore qu'imparfaite et irrégulière. De fait, le niveau de vie est acceptable, sans garantie pour l'avenir! Moamar est à mon avis très impopulaire. Est-ce au point qu'on s'oppose à lui, massivement et au risque de sa vie? Oui, mais je crois plausible qu'une partie des Lybiens préfère encore s'accomoder ainsi, plutôt que de courir le risque de perdre une précaire prospérité! Bien possible qu'il n'y ait pas une aussi grande masse de révoltés, comparé aux situations des pays voisins! Hazmi Bchara nous aprend même qu'en Lybie, il y aurait encore des gens qui tiennent pour le livre vert, et parmi eux, certains soutiennent le guide, d'autres s'opposent à lui, au nom du livre vert qu'il a bafoué! C'est à n'en plus finir. Bref, qu'il y ait insurrection populaire, j'ai tendance à le croire. Ce que je crois moins, en revanche, ce que je ne peux comprendre, c'est qu'on en apelle à la force étrangère. Là-dessus, les insurgés semblent divisés, bien que cette division ne filtre pas au grand jour.


Puis il semble qu'il y ait complot. D'abord, le nombre important des défections et retournements jusque parmi les ministres. Est-ce par esprit révolutionaire? La question mérite d'être posée. D'autres considérations vont dans ce sens. Après les premiers succès des insurgés, la situation semblait se stabiliser, Moammar semblait ambitionner seulement de reprendre la totalité du croissant pétrolier, et n'envisageait pas, concrètement, autrement que par le discours, la reprise totale du pays. Il y eut ensuite une médiatisation curieuse sur ses regains de terrain. Puis il y eut un revirement réel et rapide, parfaitement incohérent, avec, semble-t-il, un renfort d'armes. On a soupçonné différents pays, certains ont décrit des pièces de chars et d'artillerie Israïliennes. Pendant ce temps, cette reconquête, si on peut dire, se déroulait sur un fond de présence Américaine, mais on laissait entendre qu'il n'y aurait pas de résolution, ou qu'elle ne serait pas apliquée. De toute sorte, ce qui ne cadre pas, c'est que Moammar pouvait très bien se suffire de reprendre les seuls secteurs pétroliers, de s'y fortifier et d'attendre. Qu'il se lance dans cette reprise, qu'il étire ses lignes d'approvisionnements, ses machines et chars se trouvant à découvert dans le désert, cybles rêvées des aviations, voilà ce qui interroge les observateurs militaires. Je me permets de présumer sans preuve, que Moamar Kadhafi, eut des garanties de non-intervention, sans quoi il ne se fût pas lancé si vite en pareille opération! Même sans ingérance, et même s'il eût repris toutes les villes, une guerre de partisans bien menée, pouvait couper ses lignes, saisir ses ravitaillements et ses chars. En toute logique, il devait opérer progressivement, grignoter du terrain, spéculer sur l'épuisement de ses vis-à-vis. Ce qui s'est produit, juste avant l'ingérance, ne semble pas s'expliquer autrement que par une duperie, semblable à ce qui se fit envers l'Irakien Saddam! Si Moammar ne se fût pas trompé, si on ne l'induisit pas en erreur, il n'eût pas tant exposé sa machine de guerre. Pour lui, de son point de vue, mener bonne guerre eût été de tenir bon la capitale et les secteurs des ressources premières, rien de plus. Partant de là, il eût pu se livrer à des offres de conférences de négociation. Sans avoir la certitude d'aucune ingérance, et même dans ce cas, ses offensives sont particulièrement folles, en dépit du bon sens militaire. Que le guide soit insensé, j'en tomberais d'accord, mais enfin, il a ses fils et ses conseillers! Donc, je ne vois pas d'autre possibilité et solution qu'une garantie Sio-Américaine, voire Française, une garantie, voire un encouragement à reprendre du terrain.


Si on considère l'insurrection, on notera quelques remarques. D'abord, elle revêt un caractère citadin, plutôt que rural. Qu'elle soit urbaine au départ, dans sa phase pacifique de manifestations, ça se conçoit, mais elle l'est restée, par la suite, dans sa phase armée. Donc, caractère urbain et citadin. On observe également, que les insurgés, très curieusement, ne se livraient que rarement à des opérations nocturnes. Ceci les éloigne singulièrement de ce qui encourut dans l'Afghanistan, dans sa guerre d'indépendance antiSauviétique. On a l'impression qu'au sein de l'insurrection Lybienne, coexistent deux éléments contradictoires: un mouvement populaire Islamiste, et des fonctionnaires et militaires retournés, plus ou moins carriéristes, sensibles à des sirènes étrangères. Pendant que les uns s'exposaient aux balles, répétant ce slogan: "Il n'y a d'autre Dieu que Dieu, le martyre est l'aimé de Dieu", les autres s'En allaient en quête de reconnaissance internationale, loin du combat sacré. Qu'ils recherchent des secours, c'est très louable, mais il faut observer qu'ils ont commencé par aller au loin, courtisant les Occidentaux, en première intention, sans s'appuyer sur une reconnaissance Arabe et Africaine. Hazmi Bchara, rappelait sans cesse ce point, qu'il fallait, au Conseil Transitoire, s'inscrire d'abord dans son environnement géographique, en tant que membre et partenaire futur, avant d'aller au loin, sur cette base, quêter quelque reconnaissance. Il en alla tout autrement, ils donnèrent l'impression de contourner leurs voisins! Ceci fut clairement confirmé, quand leurs envoyés furent introduits à l'élysée, par nul autre que le Sioniste B H L. Ne viens pas nous raconter, Torrentiel, que ce soit chose naturelle, que des insurgés Arabes n'aient pas eu assez de répulsion et assez froid aux yeux, pour coudoyer ce personnage! D'autant, que j'ai entendu certaines de ses interventions radiophoniques, où il considère comme recevables et concevables que la Lybie soit divisée. J'aimerais seulement savoir si les combattants insurgés, qui versent leur sang, savent que leurs chefs, sont si peu Arabes et patriotes, et ce qu'ils en penseraient. Car, parmi les slogans, on répétait sans cesse que la Lybie est indivisible, et que sa capitale est Tripolie. Ton correspondant Algérien te fait remarquer, du reste, à juste titre, que le Sioniste médiatique ne tenait pas pour les autres révolutions, et le voilà tout à coup Arabiste, avec Sarko en prime! Toi-même tu ne le crois pas vraiment. Voilà que Sarko ferraillerait pour les causes Arabes, alors que dans son gouvernement, on parle ouvertement de Croisade, en feignant l'erreur!


Que va-t-il se produire, à présent? Que l'un ou l'autre camp l'emporte, ou encore qu'il y ait partition, l'ingérance aura créé des blessures profondes, des ferments de division, qui promettent plus de cahot que de paix. Que Moammar s'en aille, ou qu'il finisse comme le Roumain, l'Arabe libre et patriote ne saurait plus, à présent, s'en réjouir ni pavoiser! Mettons que le cas le plus probable soit une victoire des insurgés, du fait du soutien de l'étranger, qu'en sera-t-il au lendemain de leur installation aux commandes? On peut s'imaginer, qu'ils auront à faire avec une forte opposition, notament armée. Quand tu me parles d'économiser les vies humaines, vois un peu le résultat probable. Un pays instable, nécessairement sous protection. Voilà ce qui risque d'advenir. Je t'invite donc, Torrentiel, à réfléchir. Qu'en est-il de ton pacifisme, tellement soluble dans l'eau? En fait, ton pacifisme, je n'en veux pas, et je n'y crois pas. Souviens-toi que des pacifistes ont cossigné le fameux appel des cinq cents, en faveur de Bush G W. C'est que ce qu'on nomme pacifisme est une maladie qui dispose aux plus grandes maléabilités, si on pense que la paix, et non la justice, est le bien suprême. Quittes cette lèpre, abjures et foule aux pied l'insecte Croisériste, qui seul explique pourquoi tu ne va en guerre qu'à l'encontre de Musulmans! N'est-ce qu'un hasard? Abjures et mortifie dans ton coeur, cette lèpre et ce penchant. Ce n'est qu'ainsi que l'homme Occidental peut se purger, se purifier, prétendre à l'état d'homme libre. Reçois ces paroles dures mais salutaires.


Croissant de lune.

lundi 21 mars 2011

Les voies de la france

(extrait du Dialogue entre le torrentiel et un croissant de lune, partie IV, herméneutique 19)

Envoyé par le Torrentiel, le 21 mars 2011 à 17h32

Mon cher croissant de lune,

Tout d'abord, laisse-moi te faire savoir que je porte le deuil de ton silence. Et derrière ton silence, je porte le deuil de ton rêve du développement selon tes plans du soulèvement de ta nation. Et je ne souhaite pas que cette intervention en Lybie, qui prend des allures intempestives, n'en entraîne l'endiguement.

Mais, en premier lieu, il faut nous rappeler que nous ne devons pas rêver le monde. Le monde est trop compliqué pour qu'on puisse le rêver. Ces révolutions arabes étaient parties pour faire croire à des opinions publiques éprises de divertissement que la révolution est un jeu de fléchettes. Il suffisait que l'on ait commencé en tunisie par faire partir ben ali, et les tyrans allaient tomber l'un après l'autre. On demandait : "à qui le tour ?" Mais on se heurta à forte partie quand on voulut que ce fût à celui de Kadhafi. Si l'on voulait jouer à ça, il fallait s'attaquer à moins forte partie.

Je voudrais aussi que tu acceptes qu'il nous faut convenir, en préambule de ce qui va suivre, que toi et moi pouvons être désinformés. Qui l'est, de toi ou de moi ? C'est ce qu'il faudrait savoir, mais la solution n'est pas certaine et ne dépnd pas de quel côté on ait envie que la vérité penche. Je reçois les deux faits troublants que tu proudis. J'ai ouÏ dire toute la semaine, dernière, témoignages à l'appui, que Kadhafi reprenait avec brutalité le contrôle de son pays. Seule semblait s'opposer à lui la poche de résistance de ben gazi dont on craignait qu'il ne l'écrasât, portant un coup définitif à son renversement immédiat. Tu prétends que cette victoire ne daterait que de vendredi ? Si tu as raison, sa progression en serait d'une rapidité sans précédent. Aurait-il, par ailleurs, reçu du renfort en armes et en hommes ? N'ayant pas d'information, je ne puis rien alléguer pour ou contre qui ait le moindre intérêt. Ce que je constate, c'est que les informations divergent, selon les sources dont elles proviennent. La propagande occidentale ne prêche pas, elle éditorialise, mais c'est tout un. Les informations dont tu sembles disposer sur cette chaîne de télévision que tu appelles "l'algézira combattante" paraissent à la fois très factuelles, ce qui vaut la mort de ce malheureux reporter dont tu pleures la mémoire, et être soutenues par le commentaire de véritables orateurs, qui disent ce qu'il faut en penser et comment il faut agir en fonction des événements, tel cet Azmi Bchara qui, chrétien ou non, se pose en "ingénieur des révolutions" et entend que, face à l'intervention étrangère, les peuples ne fassent pas montre de réjouissance, ce qu'il dit étant écouté, pas autant que tu le prétends, à ce qu'il semble pourtant, puisque les insurgés de ben gazi ont accueilli la résolution 1973 avec des tirs et des cris de joie : je suis plus réservé quant à ce que l'on rapporte des résultats de l'intervention étrangère, car les dés sont pipés : la france est partie prenante ; si jamais ils avaient été libres, les médias ont cessé de l'être tout à fait du moment que nous sommes entrés en guerre ; ils doivent dire que la france libère la Lybie pour faire le jeu du minimum de patriotisme requis, la patrie étant engagée.

Rassure-toi : je ne te ferai, ni à moi-même, l'affront d'être versatile. Je ne te dirai pas que, ce dont je me suis félicité hier, je le désapprouve aujourd'hui. Pourtant me donné-je le droit de clarifier ma position.

Tout d'abord, quand je me suis applaudi que "la voix de la France" se soit faite entendre à nouveau, je ne pouvais éviter le parallèle gaulliste, puisque c'est à cette aune qu'est jugée depuis soixante-dix ans la diplomatie française, pariant davantage sur "la parole efficace" que sur la "real politique", mais si j'ai salué un réveil, je n'ai jamais dit que ce réveil était glorieux. D'abord parce qu'il n'y a pas de raison de mettre en doute que Kadhafi ait pu financer comme le prétend son fils la campagne de sarkozy, exactement comme Omar Bongo l'a fait, à ceci près que celui-ci a pu maintenir son pouvoir jusqu'à sa mort, et même désigner son successeur en bon dynaste, tandis que le rêve dynastique de la tribu des Kadhafi bat de l'aile. Si Bongo ou son fils étaient tombés, dont le financement a été avoué par les remerciements de Sarkozy à son bienfaiteur dès le soir de son élection, celui-ci les aurait laissés tomber exactement comme il abandonne aujourd'hui Kadhafi, et c'est ce que j'appelle "mordre la main qui (l'a nourrit". Il n'y a pas que les musulmans que l'on puisse accuser de pareille forfaiture : il n'y a qu'à regarder qui la commet et qu'à la dénoncer quand elle est commise. Ce que Sarkozy a fait de bien, quand tout le monde le trouvait ridicule, c'est d'avoir été le premier à avoir reconnu le Conseil National Transitoire lybien pour interlocuteur légitime de ce pays. Il a bien fait, quand même la faveur militaire eût dû se retourner. Mitterrand en son temps a servi la soupe à de plus vils putschistes qui voulaient rebâtir l'Union Soviétique quand Mikhaïl Gorbatchev ne tarissait pas d'efforts pour la désagréger à travers la perestroïka. Sarkozy s'est encore montré conséquent de dire qu'il accepterait de mouiller la chemise de la france pour la libération du peuple lybien, dans une coalition qui viserait à protéger les civils contre les massacres de son tyran. Mais comment l'a-t-il mouillée finalement ? C'est ici que la méthode est on ne peut plus discutable. Cette dérive était-elle fatale ? Tu m'en avais averti. Mais je crois qu'elle était fatale Dans le cadre du fatalisme de la désertion arabe qui s'est produite pour ne pas aider la Lybie, sinon les événements auraient pu connaître un autre cours.

Tu aurais souhaité que l'intervention fût le fait des seules forces arabes. Si la "ligue arabe" a donné le ton de la résolution 1973, elle n'a pas demandé à l'ONU de la désigner comme mandataire de son exécution. Elle se serait pourtant honorée en le faisant, comme, je te l'écrivais dans mon dernier message, l'ONU ne se décidant pas à réagir avant que sarkozy ne la réveille, de s'autosaisir de ce mandat. Elle n'en a rien fait, non plus qu'elle n'a armé les insurgés lybiens. Car enfin, s'il est évident que l'Occident a armé Kadhafi du temps qu'il pouvait être considéré comme le chef de l'Etat lybien ; plus exactement, s'il a vendu des armes à Kadhafi ; s'il est pour cette raison assez dérisoire qu'il se retourne contre un régime qu'il a armé (mais ce n'est pas la première fois que les choses vont ainsi), tu reconnais toi-même que la "nation arabe" a le premier budget militaire du monde. Elle n'est pas désarmée. Elle aurait donc pu armer les insurgés, à supposer que peu de pays arabes aient souhaité intervenir, pour assurer le brouillage aérien, ou la protection antichar qui auraient suffi, me dis-tu, à mater les velléités massacreuses du colonel Kadhafi. Or la Ligue arabe a peut-être accouché de décisions ne manquant pas de fermeté, surveillé comme elle était par la vigilance populaire aux abords de sa réunion ; on ne peut pas dire que l'arbre à palabre ait accouché de beaucoup plus que d'une souris. A tout prendre, l'Organisation de l'Unité africaine a été plus tranchante, quoiqu'a posteriori, que la Ligue Arabe, la Lybie tenant au moins autant de l'africanité que de l'arabité. Comment la Ligue arabe pouvait-elle à la fois réclamer la protection aérienne et celle des civils, exiger le départ de Kadhafi, condamner toute intervention étrangère, ne pas armer les insurgés, déplorer l'envoi de renforts en armes et en hommes que celui-ci pouvait recevoir d'afrique ou de tel service secret israélien, ou de tel autre partisan tenant à rester discret, et ne pas demander expressément un mandat au conseil de sécurité de l'ONU pour exercer cette protection rapprochée d'un peuple qui était l'un des siens ? Facile, après ça, de tomber sur l'Occident et sur sa logique invasive, croisériste si tu veux, interventioniste en tou cas, mais qui a trouvé ce que tu peux ne considérer que comme un prétexte pour intervenir dans le fait que Kadhafi allait massacrer son peuple sans que personne ne lève le petit doigt, ce qu'Obama , résumait ainsi :
"Je veux rappeler que l'option par la force n'avait pas notre préférence, mais nous ne pouvions pas rester les bras ballants face à un tyran qui disait à son peuple qu'il serait sans pitié", ce qui était un euphémisme tendant à prouver qu'il n'est certes pas, comme "la blanche", "le seul homme du régime !" Crois-tu que Poutine soit plus franc envers toi quand, ayant beaucoup à se faire pardonner après la sauvagerie avec laquelle il a perpétré le massacre des tchétchènes, il dit que cette intervention militaire a toutes les apparences d'une Croisade ? Le trouves-tu sincère ?

Or, si j'ai salué le réveil, même peu glorieux de "la voix de la France" ; s'il s'est confirmé qu'elle a été pour beaucoup dans celui de l'ONU, la voie qu'elle prend aujourd'hui ne me paraît pas satisfaisante, ne me paraît pas conforme à sa voix. La france se serait honorée, pour autant qu'elle eût voulu participer à cette intervention, de se placer sous l'autorité de la Ligue arabe. Au lieu de quoi elle prend le commandement, pour quelques jours de mascarade, de "frappes aériennes" jetées à l'américaine sur des objectifs prétendument ciblés. Ca lui va assez mal de vouloir jouer les chefs de guerre ! Ca lui va d'autant plus mal que la manière dont elle mène le combat ressemble fort à une bravade de sarkozy rendu à lui-même et à l'enfant qu'il est, croyant jouer aux soldats de plomb, sans se douter qu'à agir sans discernement comme il fait, il risque fort de s'enfoncer pour longtemps dans le "bourbier lybien" comme les Etats-Unis auront regretté de s'enfoncer dans le "bourbier afghan", dont ils ne savent pas comment se retirer, si bien qu'ils restent sur la réserve, regardant la manière dont "le petit Nicolas" joue les chef de guerre" et les stratèges, , s'abstenant, non seulement de se mettre sous la férule d'une autorité arabe dirigeant la coalition, mais détournant allègrement la lettre de la résolution 1973 après s'être donné le plaisir de jouer les gros bras en réunissant autour de lui les premiers ministres de la Ligue arabe pour organiser les attaques contre la Lybie. Est-ce seulement par lâcheté qu'aucun de ces pays ne semble vouloir le suivre, à l'exception du Qatar dont tu disais qu'il aurait les moyens de suppléer la carrence égyptienne et que tu estimes sans doute être assez épris de liberté pour héberger l'algézira, mais qui entretient des relations d'affaire troubles avec les aventuristes les plus louches en matière de transactions voyoues ? On n'a pas raconté comment s'était terminé le sommet élyséen qui réunissait sarkozy aux premiers ministres des pays de la Ligue arabe. Ceux-ci se seraient-ils méfiés de ses intentions belliqueuses, du manque de persévérance qu'ils supposaient dans ce chef ou des deux ? Pourquoi, après s'être dérangés jusqu'à Paris, n'ont-ils pas participé à la coalition dont ils condamnent avec raison les méthodes de frappe ? Alain Juppé, qui s'était tenu à l'écart d'une solution militaire trop drastique, avait prévenu :
"Si nous nous mettons à attaquer la Lybie, il faut bien savoir que nous serons en guerre !" Pris de cours par le réveil intempestif de la voix de la France par sarkozy reconnaissant le Conseil National transitoire, Juppé a la mémoire immédiate de son passage éphémère par le ministère de la défense pour servir la façon guerrière dont la France, qui joue les maîtres du jeu, conçoit son intervention. Bernard-Henri Lévy que je trouvais plus sympa que Kouchner, bien que je n'aie jamais tellement réussi à démêler l'un de l'autre, tant tous les deux aiment à raconter qu'ils connaissent tous ceux qui comptent dans tous les pays où ça bouge, semble se hausser du col d'être le nouvel inspirateur de la politique étrangère de la france, après que son homologue en bernardise, qui est aussi son clone, eut été congédié. Il n'hésite plus à dire que la France n'a que faire de respecter la lettre de la résolution de l'ONU qu'elle a pourtant contribué à inspirer. L'"esprit de cette résolution" est de faire partir Kadhafi, personne ne s'y est trompé, ajoute-t-il, et c'est l'objectif que la france poursuit en lançant des frappes aussi massives, dont la propagande ou la communication lybienne a déjà assuré qu'elle a fait quarante-huit morts au jour d'hier. Mais il n'existe pas de guerre où l'on n'ait à déplorer des morts. Seulement, selon la citation de Napoléon qui court dans toutes les rédactions depuis quelques jours, "dans la guerre, c'est comme en amour : il y a un moment où il faut aller au contact". Et pas plus Sarkozy que les américains ne semblent disposés à envoyer leur infanterie en cessant de bombarder sans discernement, ce qui est facile, quand le pilote est protégé dans son avion et que les pilotes de l'aviation lybienne sont connus pour n'être pas très aguerris. Mais si l'on tient vraiment à l'objectif qu'on se fixe, il faut descendre de son piédestal aérien et se battre pied à pied contre ceux que l'on veut renverser.

Sarkozy détourne à tel point la résolution 1973 qu'il a décrété que la diplomatie ne se rouvrirait que quand Kadhafi aurait quitté le pouvoir. Or si "la guerre, c'est la poursuite de la diplomatie par d'autres moyens", on ne doit jamais négliger la négociation, même en temps de guerre. Or Kadhafi, qui oscille entre des menaces dont on ne s'est que trop aperçu qu'il les exécute, et des tentatives d'arrêter les hostilités, voire de négocier son départ, a, pour la deuxième fois depuis le déclenchement des frappes, demandé un cesser-le-feu. Qu'on ne se rende pas tout de suite à sa demande de réunir à nouveau le conseil de sécurité, à voir comme il a piétiné l'institution onusienne, on peut le comprendre. Mais qu'on ne se rende pas à lui accorder un cesser-le-feu pour voir ce qu'on peut négocier avec lui, éventuellement son départ, c'est ce qui n'est pas admissible. Tant qu'à entrer dans une guerre, encore faut-il en arrêter les règles. Ce cesser-le-feu ne serait-il utile qu'à cela, il serait le bienvenu. Ici, l'on se trouve à nouveau devant une guerre qui ne connaît d'autre règle que les frappes aériennes, qui semble saoule de ces frappes, comme si elles allaient résoudre quoi que ce soit en se tenant à distance de l'ennemi, ne se posant même pas la question de savoir si la Lybie va continuer de subsister en tant qu'etat, si tous les insurgés l'entendent ainsi, et si la solution de la crise lybienne passe par une défection de Kadhafi au profit de l'instauration d'un régime qui garantirait la continuité de cet Etat, solution qu'on pourrait dire arabe, pour autant que ce serait celle qui profiterait le mieux, à terme, à l'unité de la nation, ou par la partition . de cette Etat entre la tripolitaine, la syrénaïque et une troisième entité, solution à l'africaine qui accentuerait la tribalisation encouragée par Kadhafi, conscient que la Lybie, si elle appartient géographiquement au Maghreb, a un modèle de société qui la rapproche davantage de l'afrique.

Le dernier point qui ne me paraît pas conforme dans la voi(e) de la France de trouver une solution à cette crise, est qu'à supposer que ce soit moi et non pas toi qui ne sois pas désinformé, s'il était vrai que Kadhafi avait reconquis son pays, les armes étaient en train de parler. Qu'il faille s'interposer d'une manière ou d'une autre pour que la reconquête de ben gazi ne soit pas une boucherie ou pour que les deux forces en présence puissent combattre à armes égales, c'était à n'en pas douter traiter humainement le problème ; mais peut-on se permettre de récuser le dirigeant d'un pays s'il a gagné la guerre, au motif que sa victoire ne serait pas morale ? C'est ainsi qu'entre parenthèses, ne t'en déplaise, la france a perdu la guerre d'algérie en gagnant la bataille d'alger. Sans doute n'était-il aucunement justifié que la france entendît vivre à demeure dans un territoire qui n'était pas le sien. Du moins n'aurait-elle pas dû se démettre au moment où elle venait d'acquérir la victoire militaire. Qu'une négociation s'impose avec Kadhafi, qui en disconviendrait ? Mais, selon qu'il aurait été en train de gagner ou de perdre la guerre, il aurait fallu l'orienter différemment. Dans le premier cas, son départ pouvait être exigé ; dans le second, on pouvait l'y inciter. Mais s'il s'y refusait, il s'agissait de lui faire au moins lâcher du leste.

La France était-elle illégitime à participer à une intervention collective dirigée par le monde arabe pour se défaire de Kadhafi ? Je tiens que non et que ça reste à son honneur d'en avoir réactivé la nécessité auprès de l'ONU. Encore eût-il fallu qu'elle ne rate pas un nouveau coche diplomatique et se montre gaullienne en se plaçant sous l'autorité du monde arabe, plutôt qu'en rejouant une nième version d'une offensive occidentale qui ne lui vaudra que des ennemis. Je voudrais que le monde arabe lui sût gré de son premier mouvement, peu importe de qui il vînt, mais en tant que celui-ci émana de la voix de la France. Je voudrais aussi qu'il ne croie pas que sa dignité soit baffouée pour autant qu'il s'associe le concours des puissances étrangères, pourvu que celles-ci ne cherchent pas par leur participation, un moyen de se l'asservir. Je voudrais que l'islam se rende compte de cette réalité géopolitique qu'il est l'une des deux seules nations au monde, lequel a sans le dire décrété la fin des nations. Ce que nous appelons nos Etats-nations ne sont que des Etats-sociétés, plaise à dieu qu'ils fussent des etats-patries et qu'ils acquièrent par là un reste de souveraineté. Mais force est de reconnaître que les deux seules nations au monde sont "la nation juive", qui se croyait exceptée du statut national et qui se retrouve une des deux seules à l'avoir conservé, et et "la nation islamique" ! Que ces deux nations n'en tirent pas prétexte pour faire concourir le monde à leurs intérêts ou pour croire le monde ligué contre elles ! Je reconnais que "la nation juive" s'ingénie à persuader le monde qu'il a tout intérêt à se défaire de tout nationalisme pour n'excepter de cette dénationalisation générale que son modèle national, tandis que la "nation islamique" voudrait réimposer le modèle national au monde ! Quoi qu'il en soit, il ne faudrait pas que, ni l'une, ni l'autre, ne veuille jouer son destin contre celui du monde ! Dieu sauve ta nation, dieu sauve la Lybie, dieu sauve le monde et l'éclaire quant à la juste partition à donner à toutes les parties dans la manière de résoudre la crise que connaît ce pays au mieux des intérêts de son peuple ! Que cette solution n'échappe pas à ce peuple, qu'elle ne réfreine pas l'expansion arabe, et que l'expansion arabe assure que sa victoire ne sera pas la défaite du monde ! Ce n'est qu'à ce prix que le monde la favorisera. Le monde donne un mauvais gage à ta nation en voulant mater sa révolution par une reprise de contrôle par frappe et intervention militaire via des armes de destruction massive ! Mais ta nation ne rassure pas le monde en disant qu'elle ne veut rien lui devoir. C'est à l'Occident qu'elle dit ne rien vouloir devoir ; mais es-tu sûr qu'elle ne lui doit que les récriminations dont elle l'accable tous les jours ? Et, à mieux regarder les choses, ta nation s'épanooussant sur son précarré ne veut-elle pas vivre en otarcie en se méfiant de toute influence étrangère, aujourd'hui occidentale, mais demain chinoise ? Que ta nation rende plus sereines ses relations au monde, et il sera moins tenté de la dominer, tout comme il faudrait qu'elle soit moins tentée de donner une leçon au monde pour que celui-ci ne la croie pas dominatrice.

Ton torrentiel, priant pour et aspirant à une harmonie entre le monde et ta nation, où échange ne soit pas hégémonie ni de part, ni d'autre !

Le silence contre l'ingérance

(Extrait du Dialogue entre le torrentiel et un croissant de lune, partie Iv, herméneutique 18)

Mon Torrentiel.

Moi, je savais bien que nous sommes dans la période du carême, le mercredi des cendres étant le 9 mars. Comme toi, je souhaite que se produise un renouveau Chrétien, et que la France revive quelque chose de la merveille d'être fille aînée de l'église, sauvée par la pucelle. Je m'associe à ton voeu de renouveau de piété, et d'affirmation de l'identité, au lieu du reniement ambiant. Souviens-toi que j'ai dit : "Lèves-toi et prêche". Souhaite-t-on bon carême aux Chrétiens? est-ce l'usage? En ce cas, pardonnes-moi de l'avoir omis. En vrai, Torrentiel, Dieu, qui peut toute chose, est bien capable de rendre à la France sa piété, n'en doute pas! Tel, je le veux et l'espère.


Quant à la voix de la France, où donc l'as-tu entendu? Tu fais ressembler le sioniste d'à-présent au général De Gaulle! Tu crois sérieusement que tout ça n'est inspiré que par la compassion envers les victimes, et le moyen d'en réduire le nombre? C'est pas démontré. Je dois porter à ta connaissance, deux faits troublants. Tu auras su, peut-être, que pendant la semaine écoulée, il y eut une curieuse médiatisation, sur une prétendue progression des forces du tyran. Des journalistes Français s'en sont rendus compte. Ce fut l'effet du tyran lui-même, mais certains pensent que, sans la participation de l'élément Sioniste dans vos médias, cette campagne fallacieuse eût tourné court. Au vrai, rien ne changeait sensiblement, des attaques repoussées, dans certaines villes, campagne psychologique, donc. Le deuxième fait, c'est que depuis la journée d'hier, vendredi, il y eut en effet une activité militaire plus intense, avant, puis après la publication de la résolution 1973. Ce fut au point que les observateurs ont du mal à se l'expliquer sans admettre que le tyran vient de recevoir de nouveaux envois d'armes voire d'hommes. Envoi d'armes, puisque l'usage de missiles en grand nombre, envers ce qui était connu sur les réserves, en témoignerait. Envoi d'hommes, puisque leur comportement différait sensiblement de ce qui se produisait les jours précédents, avec moins de défections et de retournements, exception faite des pilotes, qui cherchaient visiblement à décharger ailleurs que sur les cibles prévues. Deux faits troublants, campagne fallacieuse, et renfort arrivé d'on ne sait où. La chose semble même être attestée par la ministre blanche, le seul homme fort d'Amérique. Faits troublants, situation opaque, non pas le seul cri sincère pour la défense des oprimés, ça cadre mal.


Ce jour, mon coeur s'aflige de ce qui encourt dans la vaste Lybie. C'est ainsi, je m'afliges des ingérances Croiséristes, en rien nécessaires. Je tiens, en effet, que ce que le Croisériste présente comme une aide et un secours a forcément son prix, pas seulement fiducière, mais politique. Tu en doutes? Quel est ce prix? Une conséquence évidente est la pollution et souillure de la dynamique révolutionnaire en Lybie, et au-delà, puisque tout se tient. En effet, il y avait, dans ce but, deux moyens possibles. Soit, laisser le tyran agir et reprendre la totalité du pays, soit l'ingérance et les bombardements massifs. Si on voulait vraiment sustenter la révolution Lybienne, il eût fallu pour cela, fournir des armes aux insurgés, et que des Arabes leur procurent une couverture aérienne, simple survol, qui les accompagne à mesure qu'ils progressent et libèrent du terrain. La chose était faisable, et la dynamique préservée, renforcée même, essaimant dans la région Arabe, et dans le monde. Ce qui encourt en ces heures, n'est libérateur qu'en apparence, ne satisfera que le public Occidental, contre tout le reste des hommes. Libérateur en apparence: c'est plutôt un effet d'endiguement. Ta France ne veut pas tant prêter assistance à l'Arabe, l'effet est son endiguement, son frein. Le jeune homme qui s'est brûlé en Tunisie ne voulait certes pas voir les missiles de croisières croows s'abattre sur nos terres, réduire les défenses Lybiennes, qui, si vétustes soient-elles, sont une possession Arabe, biens de la Nation. Certes, le peuple de France abusé, croira qu'il n'y avait pas d'autre alternative, on le lui enfoncera dans la tête. Imprimes bien dans ton être, Torrentiel, qu'en effet, l'Arabe ne veut pas, mais pas du tout, de vos avions et de vos flottes, l'Arabe ne veut rien vous devoir ni vous en rendre grâce. En doutais-tu?


J'ignores ce qui est advenu, pour que l'égypte et d'autres, n'agissent pas de leur propre ressort, c'était leur intérêt manifeste et celui de l'humanité entière. Quelque chose a dû se produire. Tout le monde guettait l'égypte, voire le Cathare, c'était dans leurs cordes, et c'eût été de notre intérêt à tous, de faire revivre le principe de défense commune. Tous les soirs, Hazmi Bchara, et d'autres intervenants, ne cessaient d'évoquer la solution égyptienne. Du point de vue même du droit, la Lybie étant frontalière, l'égypte eût pu se prévaloir de sa propre sécurité. Hazmi Bchara, c'est, je ne sais exactement, une sorte de politologue, je suppose, faute d'autres mots. C'est un penseur Arabe et Arabiste, qui, en l'ocurrence, agit comme un véritable ingénieur de nos révolutions. Car en fait, ce qu'il dit se trouve plus ou moins exécuté. Saches qu'il est Chrétien ou semi-Chrétien et sois-en honnoré. Eh bien, ces derniers jours, il ne cessait de prévenir les Lybiens et les Arabes des conséquences d'ingérances étrangères. Comme la chose s'avérait, hier, vendredi comme probable, il dit: "En cas de bombardements, "Je ne veux pas voir de manifestations de réjouissances." Il nous invite plutôt à la tristesse, du moins au silence. Le silence digne, est la seule posture de l'Arabe authentique et patriote. Je m'afligerai donc en silence, de ce qui ne peut être la victoire d'aucun Arabe, maintenant, mais le coût douloureux de ce à quoi, nous conduit la tyrannie. L'incurie fut telle, que bien qu'étant, la nation Arabe, le plus grand budget militaire au monde, tant relatif qu'absolu, on voit bien l'état de déserrance de nos armées et forces, et comme les ennemis n'avaient certes rien à craindre. Suffit de comparer les budgets de l'Arabie très supérieur au budget de l'Iran, sans pourtant que l'Arabie dispose d'une force militaire sur laquelle on puisse compter: on en est toujours à un satellite à zéro, pour autant que je sache.


L'effet d'endiguement opèrera-t-il? En Lybie, savoir. Des menées contrerévolutionnaires sont à l'oeuvre dans les deux pays voisins. Pourtant, si Dieu veut, il fera triompher nos enthousiasmes et nos causes, tant que nous déborderons les digues et les endiguements! Pour l'heure, il faut s'affliger en silence, et retenir la leçon tant militaire que politique, cette vérité toute simple, que la souveraineté, nous ne pouvons y avoir droit, que dans un processus d'unité et dans une dynamique de renaissance. Puisque les peuples recommencent à parler, qu'ils saisissent leurs gouvernants de cette demande, qu'ils oeuvrent enfin à l'édification de la force nécessaire et suffisante pour accomplir la souveraineté, qui est aux nations ce que la dignité est aux êtres et individus.


Croissant de lune, silencieux et afligé.
----- Original Message -----
From: Julien WEINZAEPFLEN
To: Abdellatif Harzi
Sent: Wednesday, March 16, 2011 6:18 PM
Subject: la voix de la France


Bonjour, mon croissant de lune,

Nous sommes en plein carême. Je ne peux pas dire que nous le respections avec la même intransigeance quant au jeûne que vous en faites preuve durant le Ramadan. Un faux prétexte sur lequel je ne veux pas m'appesantir est que les médias ne nous y aident pas beaucoup, qui parlent du ramadan et jamais du carême, ne marquant seulement pas le mercredi des cendres. A ce signe d'abolition d'identité, de renégation des racines et de l'histoire qui trahit un certain rapport de ferveur qui s'est inversé, nous n'aurions qu'à opposer une ferveur inverse pour que l'on se remette à mieux faire le carême, même dans un contexte de laïcité indifférente à tous les cultes. Mais mon propos n'est pas de sombrer dans des lamentations à ce point lamentables.

Nous sommes en plein carême, et voici que s'abat, sur le Japon, pays qu'on disait préparé à ces failles géologiques, un séisme doublé de ce qui s'annonce sans nul doute coomme une catastrophe nucléaire pire que celle de Tchernobil. Toi et moi sommes convenus de ne jamais avoir une compassion sélective : nous avons gémi sur le Pakistan, dont les maux ne sont certainement pas réparés. Ne dirons-nous rien du Japon ? Nous contenterons-nous de cette appréciation vulgaire suivant laquelle une bonne préparation à le souffrir ne suffit pas à prévenir un sinistre ? N'empêche : elle l'atténue quand même ! Seulement, je ne puis m'empêcher de me demander quel est le sens profond qui se cache sous tel malheur particulier qui arrive à une nation ou à une société. Ici, pourquoi le Japon ? N'a-t-il pas assez souffert de l'arme nucléaire ? Sans doute, mais en a-t-il tiré les conséquences ? Qu'a-t-il permis le développement, dans son propre pays, du nucléaire civil et, qui sait, militaire ! Où l'on se prend à réfléchir qu'une science qui ne s'est point fixée de finalité, se retourne contre la direction dans laquelle elle devrait rechercher et, parce qu'elle devient prométhéenne, produit le mal pour lequel la science n'est point faite ! Je conçois que tu trouves mon raisonnement un peu simpliste, de chercher des causes surnaturelles historiquement proximales à des catastrophes naturelles qui s'abattent sur des pays meurtris, j'en perçois moi-même les limites. Seulement, à bien y réfléchir, toi et moi devrions-nous être pour le nucléaire ? Tu m'as dit toi-même que tu trouvais sa prolifération contraire au "combat sacré", sauf qu'il faut combattre à armes égales. Quant à moi, j'aurais tendance à penser que tout ce que la science peut faire, étant donné qu'elle ne va pas nous demander notre avis pour le faire, il est vain de ne pas l'autoriser à le faire, sauf que le Japon, voyant tomber Hiroshima sous la première bombe atomique et n'en développant pas moins le nucléaire, ne Devons-nous pas le prendre comme un avertissement ? Un peu comme le SIDA ? Que vient faire le SIDA là-dedans ? Un jour, je m'étais risqué (c'était pendant un carême, je devais avoir quatorze ans) à dire que le SIDA était une maladie qui affectait les homosexuels parce qu'ils avaient eu des moeurs inverties, et qu'il s'était bientôt répandus aux débauchés de toute espèce, toute identité sexuelle confondue, moins comme un châtiment divin que comme un rappel de la nature que l'on ne se moque pas impunément de ses prescriptions. Que n'avais-je pas dit là ! Je me souviens en particulier de la sortie d'une camarade, Armelle Ricard :
"Il ne faut pas tout attribuer à Monsieur Là-haut !"
Avec le recul, mon expression était naïve, et j'aurais bien mieux fait, à cet âge, plutôt que de m'établir en père la pudeur, de me montrer plus curieux des attraits des jeunes filles. Je faisais preuve, alors, d'un prosélytisme presque agressif, voulant me rattraper d'avoir eu, l'année d'avant, honte de ma foi. Et pourtant, est-il tabou de supposer que toute chose puisse avoir un sens, même s'il est souvent plus caché que les apparentes évidences qu'on se plaît à aligner ; qu'ici, le Japon qui meurt d'avoir développé l'arme de son bourreau, que là, le SIDA qui frappa en premier ceux qui commirent le péché de Sodome avant que leur stigmatisation par cette maladie ne les pousse à pratiquer la surrenchère dans la reconnaissance de leur "inversion", qui est peut-être une orientation sexuelle vieille comme la nature et qui ne mérite pas l'opprobre dont elle a été couverte ("sortez couverts" !), mais qui n'impose pas davantage que l'on organise ces antiprocessions que sont les "marches des fiertés" ou "gay pride", ou bien que l'on parte à la chasse aux homophobes au moyen d'une loi imitée des lois mémorielles ! Certes, le SIDA ne touche pas que les homosexuels ; mais comment expliquer que, dans les "films d'époque", qui sont censés nous narrer ce qui s'est passé au début des années 80, la communauté homosexuelle ait été particulièrement décimée par une maladie qu'on n'arrivait pas d'abord à définir ; qu'elle l'ait senti et qu'ensuite, quand le VIH s'est répandu aux "majorités sexuelles", c'était comme si elle poussait un grand "ouf" de soulagement, non pas que d'autres soient contaminés, encore que "les nuits fauves puissent permettre d'en douter, mais que l'on sortait de la logique d'un châtiment attaché à des moeurs, quinze ans à peine après la libération sexuelle, perception de châtiment qui n'a pas été pour peu de choses dans l'abaissement du seuil de la liberté par le "principe de précaution". Car précisément, on a voulu "sortir couvert", on s'est couvert de tous les côtés, on a adopté le "principe de précaution" à propos de tout et n'importe quoi, on a voulu suivre les produits à la trace sans pour autant désindustrialiser l'agriculture, et ce malgré l'écologie, qui était naguère portée par un agronome, rené dumont, avant qu'elle n'accuse les agriculteurs d'être les premiers des "pollueurs", bien qu'en contact avec la nature, contrairement à ces idéologues !

Nous sommes en plein carême et je suis surpris d'assister moi-même à ma mutation en va-t'en-guerre ou peu s'en faut ! Car enfin, à quoi n'assiste-t-on pas ? A la reconquête par Kadhafi du pays qu'il dirigeait d'une main de fer. Et tout cela pourquoi ? A cause de l'attentisme. Quel attentisme ? L'attentisme des etats-Unis qui ont varié, mais qui semblent maintenant assez peu contrariés que les choses prennent la tournure qu'on leur voit prendre, au point qu'Hilary clinton vient de balayer d'un revers de main le spectre (si c'en est un) d'une intervention militaire que son supérieur de Président avait pourtant agité, c'est-à-dire cet être pour lequel elle profère une condescendance raciste à peine voilée, sa campagne en a témoigné contre elle, mais auquel elle devrait théoriquement être subordonné. Obama avait agité sa menace contre Kadhafi sous la bronca des combattants lybiens de tous bords, sous celle de leurs voisins arabes, qui n'entendaient pas souffrir une nouvelle ingérance étrangère, et de tous les pacifistes du monde entier, au rang desquels j'aurais dû compter ; or, depuis le début de cette crise, je ne me suis pas senti en prise avec ce pacifisme-là.

Tu t'es réjoui que "la ligue arabe" se soit réunie en sommet, sous la sommation populaire, et qu'elle ait pris une aparence de décision, pour une fois : elle ne laisserait pas Kadhafi massacrer son peuple, elle volerait au secours des insurgés lybiens si... Si l'ONU daignait lui en donner le mandat. Or le conseil de sécurité de l'ONU ne se décide pas à siéger. Tu vas me dire que cela condamne l'ONU et, comme d'habitude, je vais te répondre que cela condamne la manière dont l'ONU est actuellement dirigée, avec cinq membres permanents qui répercutent le rapport des forces armés, mais non pas l'égalité des peuples selon ces chers droits de l'homme universels à valeur purement déclarative, comme se vante Stéphane Hessel d'avoir donné cette portée limitée à la charte dont il est si fier d'avoir participé à la rédaction. Mais ne ravivons pas ici notre vieille et stérile querelle ! Ce qui est en cause, c'est que, voyant la léthargie d'un conseil de sécurité aux résolutions duquel elle a peu de part, la Ligue arabe aurait pu s'autosaisir, comme les etats-Unis ne se sont pas privés de le faire au cours de la seconde invasion irakienne en 2003, quand ils ont vu que, malgré tous leurs efforts, ils n'arrivaient pas à faire croire à leurs salades sur les armes de Saddam, et par conséquent qu'ils n'obtenaient pas l'aval de la communauté Internationale qui ne croyait pas aux bobards des documents qu'il produisait et dont l'auteur s'est récemment dénoncé, qui devrait être condamné en cour martiale dans son pays par contumace, puisqu'il vit aux etats-Unis, où il s'est vanté de sa forfaiture. Et ne va pas me répondre que les pays islamiques aiment trop le droit pour pouvoir s'y soustraire, tu sais bien que ce ne serait qu'un vain prétexte dont je t'accable d'ailleurs injustement, car tu ne serais pas homme à me le produire. Une ligue arabe décidée aurait parfaitement pu ne faire preuve d'aucun complexe à ne faire aucun cas d'un droit qui se refusait à dire le droit. Et ce faisant, elle aurait agi en employant les mêmes procédés que le pays que les peuples qu'elle représente disent leur ennemi héréditaire. On n'avait pas le temps d'ergoter, il y avait urgence !

Reste la bravade sarkozyenne. Dieu sait qu'on l'a moquée, et qu'on aura tout dit sur son impréparation, qu'on lui aura supposé toutes les motivations malveillantes, du servage au pillage en passant par la potacherie. D'abord, elle bouleverse le protocole de toute diplomatie. Au sortir de l'Elysée, les représentants du conseil des Insurgés Lybiens sont autorisés par le Président de la république, sous les yeux des diplomates de profession qui n'en croient pas leurs yeux, sans qu'aient été avisés, ni le ministre des affaires étrangères qui réclamait justement un périmètre élargi de ses prérogatives, ni Jean-ddavid Lévite, le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, à se prévaloir de l'appui de la france qui les a reconnus comme le seul interlocuteur lybien désormais légitime de ce pays sur la scène internationale. Scandale des chancelleries qui tirent à boulets rouges sur cette initiative intempestive, à l'exception de david cameron, ce qui a fait dire à plus d'un que Sarkozy se montrait le champion des valets de son maître atlantiste, dont tout pouvait laisser penser que David cameron continuait à être l'oeil de Moscou. Or David cameron n'est peut-être pas tony blair ! Comment ? Sarkozy prétendait reconnaître internationalement un interlocuteur sans en référer préalablement à l'Union européenne ? Ce fut sur ce point qu'il eut le plus de mal à s'en tirer : il argua qu'il faisait un "acte politique" qui n'imposait rien à l'europe, mais voulait lui en imposer, en lui montrant ce que, pour sa part, la france avait l'intention de faire. Or voilà qu'on l'accusait de reconnaître un interlocuteur qui n'était pas en situation de gouverner. Henri guaino a fait pièce de cette accusation, qui a certes des vacances lybiennes à se faire pardonner, mais moins compromises que cet ancien Président des anciennes amitiés parlementaires franco-lybiennes de POM, le compagnon de MAM, amitiés dont on sait que, quand le couple s'investit, il prend des parts dans le capital d'affaires juteuses du pays auquel il s'intéresse, parents et beaux-parents compris... Mais point de diffamation s'il vous plaît ! Revenons au conseiller spécial du Président sarkozy. La tradition diplomatique de la france, expose Henri guaino, veut qu'elle ne reconnaisse que des etats, pas des régimes. Or pas d'etat sans régime, précise-t-il ! si un régime est défaillant et que la france veuille rompre ses relations diplomatiques avec lui, elle est libre de le faire, quitte à reconnaître dans la foulée l'organisation qui veut le renverser. Et guaino de prendre l'exemple un peu controuvé de churchill. N'a-t-il pas, en de gaulle, reconnu un homme seul, pas même une organisation insurrectionnelle ? A cela près que Churchill continuait à discuter avec Pétain. Du temps que l'autorité palestinienne n'était nullement déshonorée d'être incarnée par arafat, tous les etats du monde, malgré leur reconnaissance d'Israël, avait fini par nouer des relations diplomatiques avec l'Organisation qui voulait donner naissance à l'etat palestinien.

Mais sarkozy devait entraîné l'inexpérimenté cameron dans un forfait plus grave : il se proposait de ne pas hésiter à faire des frappes ciblées contre tel palais ou tel Bunker kadhafien, si l'ONU lui en donnait mandat. En un mot, il se proposait de renverser un régime aventuriste par des frappes aventuristes. Il avait beaucoup à se faire pardonner, après avoir été l'un des premiers dirigeants européens, mais pas le seul, à laisser le colonel Kadhafi planter sa tente en france, ce que tout le monde trouvait d'un ridicule achevé, sauf si c'est respecter son interlocuteur que de lui laisser planter une tente bédouine, même en face de l'hôtel Marigny ! Mais il avait aussi voulu fonder l'Union Pour la Méditerrannée avec le colonel Kadhafi et le Président Bachar El-Hassad, Union qui aurait courre-circuité l'europe, si cette dernière n'avait pas tout fait pour s'y engouffrer et la faire capoter en l'exfiltrant. Plus grave avait été le risque que, par vengeance conjugale, Nicolas sarkozy avait fait courir à sa future ex-femme, certes accompagnée de claude guéant, à l'occasion de la libération des infirmières bulgares, pour laquelle il l'avait envoyée sous la tente du "guide de la révolution lybienne", qui avait violé la journaliste Memona Hintermann. Nicolas sarkozy avait donc à se rattraper de l'un des nombreux péchés originels de son quinquennat, qui avait été de recevoir Kadhafi, si ce n'est que le personnage ayant beaucoup mué, on pouvait pardonner à sarkozy d'avoir reçu l'une des mues de Kadhafi. Mais n'est-il pas honorable de vouloir mettre fin à un régime aventuriste quand il devient ouvertement massacreur ? Je ne parle pas seulement du panache qu'il y a à le proposer, même si ce panache est assorti de la réserve qu'a émise la Ligue arabe : ne ne rien faire avant que l'ONU ne se soit prononcée ! C'était risquer d'ajourner sine die cette intervention salutaire. Je ne suis pas sûr que, si une telle levée de bouclier n'avait pas été portée contre cette initiative sarkozyenne jetée comme un pavé dans la mare, celle-ci n'aurait pas eu l'effet inverse que le veto jamais opposé par Jacques chirac à l'invasion de l'Irak par les etats-Unis en 2003. Car enfin, tout le monde a crié au fou : l'europe qui répondit à sarkozy qu'il n'y pensait pas, les Etats-Unis qui n'y pensaient plus, les pays arabes que c'était leur affaire, tout le monde à l'exception des insurgés lybiens, surtout ceux qui se battaient sur le terrain, qui furent beaucoup à déclarer qu'ils n'oublieraient jamais, l'heure victoire venue, que la france était venue à leur aide. Et ils ne l'auraient pas oublié si elle y était venue en effet. Maintenant, je la crois trop intimidée pour le faire. Le "concert des nations" l'a ramenée à ce "ministère de la parole" qui a fait son effet sous de gaulle, mais qui ne prend plus, maintenant que celui qui avait pour lui d'avoir porté un mythe, quatre années durant, le mythe d'une victoire militaire, sinon d'une légitimité nationale qui ne se trouvait pas où était l'etat qui en exerçait le gouvernement, maintenant que cet homme n'était plus. Céline dit dans l'un de ses entretiens diffusés sur "france culture" à l'occasion du cinquantenaire de sa mort, et donné en 1957 que la France a beau jeu de vouloir parler encore comme Louis XIV, maintenant qu'elle n'a pas plus d'influence que la drôme, que son armée est réduite en poussière et qu'elle a juste réussi ce miracle, ayant le génie de savoir parler, de transformer une défaite militaire en participation à la victoire des alliés, bien que les faits restent les faits et ne trompent personne. C'est imparable et, tôt ou tard, les nations devaient nous renvoyer à cette "puissance de la drôme" ou, pour être plus beau joueur, à cette "puissance moyenne" que Giscard d'estaing avouait que nous étions, d'autant plus si, déracinés, nous ne sommes plus seulement disposés à reconnaître que nous avons été, autrefois, non seulement le royaume subjugué par Jehanne, la pucelle, qui eut à tes yeux le mérite de bouter les anglais que tu n'aimes pas hors de France, mais le royaume où a battu le coeur de la chrétienté. Nous ne voulons plus le reconnaître bien que sarkozy donne des signes dans ce sens : mais il dit concomitemment que les racines juives sont en france antérieures à la france ; nous ne voulons plus le reconnaître, et voilà pourquoi les nations ramènent notre voix à la place qui est la sienne ! Seulement, je reconnais à sarkozy le mérite de l'avoir fait parler, et je lui aurais été plus obligé encore s'il l'avait faite agir !

Oui, tu entends bien, c'est moi, le pacifiste, qui te parle ! Je m'étonne moi-même de devenir un va-t'en-guerre en plein carême. Et je te promets que ce n'est pas sous ton influence ou pas beaucoup. Mais il s'agissait de ne pas laisser un peuple être massacré par son tyran. Je ne prévoyais paps même alors, quand Sarkozy fit sa sortie et que je trouvai qu'elle me représentait, que le rapport de forces pût s'inverser en faveur de Kadhafi, qui n'a peut-être gagné qu'une bataille, mais je crains que non ! Et je suis déçu que, cédant à tes préventions, tu n'aies vu là qu'une menée émanant du sionisme le plus servile. D'abord, le sionisme n'est pas la pire des choses, prends des balances plus justes pour peser. Mais surtout, tu ne peux nier qu'Israël fasse plutôt "profil bas" depuis que ces événements arabes secouent le monde et sa torpeur. Je crois qu'à la vérité, Israël ne sait trop sur quel pied danser. Cet Etat a du sens politique. Il sait que ce n'est pas en "exaspérant" le ressentiment de peuples en train de se libérer et qui lui vouent une rancune qui date déjà de quatre vingts ans qu'il va se les concilier, si d'aventure ils parviennent à leur fin. Bien heureux déjà que l'egypte n'ait pas remis en cause sa signature du traité de cesser-le-feu de camp david, ce qu'on a dit qu'il exigeait. On ne nous relaie pas ici que le peuple égyptien fasse preuve d'une volonté farouche et immédiate que ce traité soit déchiiré, ni de sentiments antiisraéliens exacerbés. Quoi que tu en dises, la communauté copte y paie un plus lourd tribut. Il en va de même en tunisie où l'on n'entend pas beaucoup d'imprécations contre Israël, même si la propagande politique, qui nous berce d'un silence abasourdi, ne nous les fait pas connaître, si de telles imprécations sont prononcées. Quel intérêt réel aurait Israël au maintien en place du régime lybien, qui ne s'est pas toujours montré très amène avec lui, loin s'en faut ? Kadhafi dans les derniers temps joue la carte israélienne, mais c'est une carte qu'il abat, comme tu reconnaissais toi-même que saddam Hussein abattait dans le sens inverse la carte antiisraélienne, quand les circonstances s'y montrèrent propices. Pour rester un instant sur cet autre aventuriste qui a trop facilement les faveurs de l'amateur de gestes personnelles qu'est l'occidental que je suis, en deuil de geste politique, ou de politiciens qui aient une histoire et pas seulement un "story telling", ce qui les ferait pardonner de ne pas savoir nous conduire dans l'histoire, je te dois cette justice que l'Occident est resté tout aussi pétrifié quand, à peine l'opération "tempête du désert" fut-elle terminée, Saddam Hussein gaza les Curdes. L'Occident resta pétrifié et je ne me souviens pas d'avoir eu eu la même compassion des curdes que j'ai aujourd'hui des Lybiens.

Quel intérêt ont les américains à ne pas voir partir Kadhafi que n'en auraient les Isréaliens à souhaiter qu'il restât ? Le fait est qu'ils ne se sont pas montrés empressés, dans un premier temps, à le pousser vers la sortie. Les américains surveillent qui contrôle le pétrole. Ceci est un lieu commun de la politique américaine, mais qui pourrait bien peser d'un moindre poids, maintenant qu'a été découvert un procédé qui permet de produire du pétrole à partir du gaz de chyste, à peu près inépuisable, qui rendent les etats-Unis de moins en moins importateurs de cette énergie dont on n'est même plus certain qu'elle soit foscile ! Quand je te disais que le génie humain suppléerait d'une manière ou d'une autre au "pick oil", dont on ne donnait plus de réserves que pour quarante ans ! S'il en avait été ainsi, l'industrie automobile, qui n'avait aucun intérêt à faire faillite, faute de prospective, aurait depuis longtemps poussé ses recherches dans la promotion d'un moteur alternatif. La solution que j'avais entrevue était chimique : la décomposition de la molécule de pétrole. Elle s'avère plus biochimique que je ne l'avais entrevue. Nous pourrons nous vanter toi et moi que tu auras, de tes souhaits, favorisé la solution du problème de l'eau à l'échelle mondiale et moi, la solution de celui du pétrole. Tu ne m'as pas encore expliqué ce que ta nation avait découvert pour l'eau. Toi, l'eau et moi, le pétrole : j'avoue que j'ai un peu honte ! J'aurais préféré me préoccuper davantage de l'eau, mais on ne se refait pas. Les etats-Unis veillent certes à qui finalement détiendra la maîtrise des puits lybiens, mais l'arabie sahoudite lui a déjà donné sa parole qu'elle pourrait les fournir pour trois ou quatre ans. et d'ici là, ce procédé de production du pétrole à partir du gaz de chyste se sera plus développé qu'il n'est déjà en train de renverser la position des etats-Unis, d'exportateurs en importateurs qui peuvent raisonnablement espérer être bientôt bénéficiaires sur ce marché. Donc les Etats-Unis peuvent relâcher leur vigilance sur la garde des puits de pétrole lybien, et le pétrole n'est plus leur souci principal dans la région. Aussi, les Etats-Unis ne sont plus guère empressés d'aller combattre Kadhafi. Ils ne sont plus guère empressés, la guerre lybienne n'était pas une guerre pétrolière, c'était ce qui m'avait rendu va-t'en-guerre en plein carême. C'était une guerre, c'étaient des frappes qui auraient pu, qui pourraient peut-être encore sauver un peuple. C'est pour cela que personne ne veut la ni les faire, même pas la Ligue arabe qui ne se saisit pas du problème et sauf la "voix de la france", gagnée par la peur du ridicule et qui crie dans le désert qu'il faut mener des frappes ciblées en Lybie et refondre le Système Monétaire international, ce dont on devrait profiter, cependant qu'elle dirige le g20. Bravade sarkozyenne, comme on a accusé l'aventurisme de son interventionnisme sous prétexte que l'autorité qu'il reconnaissait des Lybiens insurgés lui aurait été présentée par Bernard-Henri Lévy, ce qui tendrait à confirmer la thèse d'une conspiration sioniste à la base de cette reconnaissance ? Or Bernard-Henri Lévy, dont on ne niera pas que ses livres bénéficient d'un vrai succès aux etats-Unis, même s'ils encensent le botulisme, surtout quand il vilipende george bush, court sur tous les lieux de combat, sans prétendre avec le même aplomb que Kouchner dont sarkozy est revenu qu'il connaît tout le monde. Bernard-Henri Lévy est plus sympa que Kouchner. Je ne dis pas qu'il ne soit fort impliqué dans la vigilance contre l'antisionisme. Ca n'en fait pas un agent systématique du sionisme radical. Pour mémoire, Bernard Kouchner comme Ségolène royal, voulaient que l'on fît tout de suite la guerre à l'Iran. Sarkozy n'a jamais voulu, George bush non plus d'ailleurs. Fut-il vraiment question qu'on laissât faire "le sale boulot" à Israël ? Evidemment qu'Israël n'y a jamais pensé ! Je l'avoue : à mon propre étonnement, je suis devenu va-t-en-guerre en plein carême, parce que la guerre où l'on me proposait d'impliquer mon pays n'était pas une guerre d'ingérance humanitaire, mais évitait simplement un populicide par le chef de l'une de ses tribus. Dans ce soudain bellicisme non préemptif, non préventif, mais défensif de nul intérêt que du maximum de vies humaines qu'il fût possible de sauver, j'ai délaissé mon impensé de la guerre et je me suis montré l'ami des peuples que j'avais toujours été, n'ayant dérogé à mon pacifisme qu'en cette seule occurrence, tandis que beaucoup d'autres, qui n'ont que la malédiction et la haine à la bouche (je pense au front National ancienne manière, même pas au misérable marinisme) n'auraient pas levé le petit doigt contre saddam Hussein, en quoi je les aurais approuvés, sous prétexte qu'il ne fallait faire que les guerres de l'intérêt national, mais ils ne viendraient pas davantage en aide au peuple lybien massacré sous leurs yeux. Il est vrai qu'une guerre contre le dirigeant lybien ne touche pas directement l'intérêt national, donc on ne peut pas les accuser d'inconséquence. N'empêche qu'ils se montrent salement égoïstes et lâches ! Comme croient pouvoir se sauver, sans l'aide de personne, les arabes qui disent que leurs victoires ne seront la défaite de personne, pourvu que le monde ne s'en mêle pas et qu'il les laisse se massacrer entre eux, se faire justice à eux-mêmes, au nom du "combat sacré". Eh bien, je ne demande pas mieux qu'ils se portent assistance ! Mais qu'ils le fassent, et se rendent cette justice qu'ils ont sans cesse à la bouche, et boutent les tyrans hors des pays qu'ils assiègent, sans nous dire, quand nous intervenons, que nous voulons les piétiner et, quand nous ne faisons rien, que nous sommes indifférents à leur sort ! qu'ils cessent de se montrer indifférents à celui de leurs frères ! Et il sera démontré, que ce soit un bien ou non, que le monde peut se gouverner par "ère de civilisation", si c'est la seule alternative au "choc des civilisations". Mais en es-tu bien sûr ?

Torrentiel, défenseur des peuples et du maximum de vies humaines, parlant contre son pacifisme ordinaire

samedi 19 mars 2011

Les sens inversés de l'histoire et de la littérature

La littérature, c'est de la mémoire alors que l'histoire, c'est de l'imagination. Je veux dire par là que la littérature s'avoue comme une série d'images, mais prélevées par la mémoire, tandis que l'histoire n'avoue pas ne pas suivre de grand dessein, pratiquant ele aussi des prélèvements sur le présent, mais destinés à frapper l'opinion en stimulant son imagination. L'impression stimulatrice et simulatrice de l'histoire se veut la plus imaginative possible, telle est la marque de l'histoire, dont la sélection de ses points de marquage, taillés dans le vif de la philosophie des événements, résulte d'un calcul savant pour faire passer un message, procédé de sélection des images tout différent de celui de la littérature qui se la laisse dicter, sa sélection des souvenirs survenants, par l'aléatoire de la mémoire qui n'est pourtant pas sans message : mais la littérature ne sait pas qu'elle à un message à véhiculer ; et, quand bien même le saurait-elle qu'à la perspective d'avoir une leçon à donner, elle fuirait à toutes jambes en se détournant royalement de la voie du roman. Elle veut rendre artistement la philosophie de l'expérience. Empiriste, la littérature n'enseignerait pas pour un empire. La littérature est de la philosophie sous cloche sommée pourtant, sonnée malgré elle et rattrapée par la mémoire qui ne laisse pas le message se diluer, d'associer les images et, tantôt de les développer, tantôt de les tasser, les potasser, de les passer, fût-ce au tamis poétique, dans un Etat Modifié… de conscience. La littérature se méfie des vérités en détention dans la mémoire qui n'est jamais si aléatoire, après avoir soigné les apparences, qu'elle ne débrouille le sens d'une vie dégagé de sa langue des signes, tandis que l'histoire dit dessiner ses actions au nom de la vérité. Mais la faiblesse de la vérité historique, de la vérité de l'histoire en train de se faire sous les yeux des témoins, c'est que la vérité dont elle se prévaut est préconçue et induite au lieu d'être déduite. La mémoire déduit des vérités tandis que l'histoire veut enseigner sans les avoir apprises des vérités qu'elle a induites a priori et préjugées par idéologie. Dans l'hypothèse la plus favorable, l'histoire ne sait pas qu'elle se ment, bien qu'elle soit accoutumée à la propagande, alors que la littérature se veut l'adepte du "mentir vrai". La littérature dévoile une mythologie et l'histoire une mythomanie. La mémoire produit de la pensée par image et l'imagination de l'action résolue. [1] Ce qui est vrai, c'est que la pensée par image dans laquelle se complaît la mémoire, quoique donnant le fin mot de l'histoire, est incapable d'indiquer les voies d'une morale qui soit plus qu'onirique. La mémoire sait que la morale est un rêve et la Bible dit que "ceux qui rêvent sont des fous !" L'histoire croit toujours agir au nom de la morale lors même qu'elle s'en défend. La morale est un rêve et l'histoire est un leurre. car si elle ne rêve pas, les vérités que répand l'histoire se révèlent si controuvées à l'usage que c'est à cause de leur obstination dans l'erreur que le monde marche sur la tête. L'histoire fait le monde avoir la tête à l'envers, non seulement à cause du caractère controuvé des vérités qui la font marcher, mais justement parce que l'histoire est l'affaire de caractères, ce qui est la manière anglosaxonne de désigner les personnages... de romans. L'histoire est affaire de caractère qui, plus mauvais il est (un caractère est toujours mauvais), plus féroce est l'empreinte sur les événements des caractériels "animaux politiques" qui font l'histoire, véritables chefs nés : on n'accède à marquer l'histoire qu'à force de caractère ou quand on est un force-né. Ces grands veneurs et grands prédateurs de l'histoire, plus ils sont de grands baiseurs et de mauvais pères de la nation, plus ils sont de grands meneurs. L'histoire ne retient que des histoires dont la vérité dépasse la fiction tandis que la littérature, à bout de souffle et de vraisemblance, tire le roman aux limites du vraisemblable ou, quand elle a renoncé jusqu'à être fantastique, paresse dans les facilités de l'autofiction. (L'histoire se croit toujours arrivée à son terme, elle a toujours touché le fond, mais la fin de l'histoire tire en longueur. La littérature ne sait plus raconter des histoires : c'est que le roman s'est épuisé d'être à la remorque de l'histoire.) La vérité historique passe l'imagination. L'épopée à laquelle elle nous fait participer sous la houlette d'"orphelins dictateurs" (Sadam, Hitler, Sartre, Napoléon... [2] vit dans le mythe de l'apogée d'une "ville dont le prince est un enfant". Pourtant nos meneurs d'hommes et de prosopopée ne sont pas des pantins, mais bien des personnages. Car l'autre ruse de l'histoire rapportée à la littérature, c'est qu'on n'en retienne que les personnages alors que la littérature, au premier moment, ne voulait qu'imposer des personnages à l'esprit frappé de ses lecteurs, et puis en est venue à se méfier de ces machines, jugeant avec Nathalie Sarraute que les personnages "typifiaient". L'histoire ne sort donc pas de son rôle en étant l'oeuvre de personnages : que ceux-ci soient des "types humains" hors du commun, c'est un fait ; mais ces "types humains" reflètent de manière très typiques ce à quoi l'opinion dont ils ont émergé a voulu les employer. Si "Hitler, "né à versailles en 1917", ([3]) a été élu démocratiquement, c'est que le peuple allemand savait très bien à quoi il voulait le faire servir. Ce qui est du véritable populisme (la séparation du peuple de ses politiques, insulte toujours à l'intelligence des peuples. Un peuple sait très bien ce qu'il fait, pour le meilleur et pour le pire. Un peuple n'est pas une foule. Sinon à quoi bon être démocrate ?), c'est de dire que le peuple allemand n'était pour rien dans ce qui s'est passé durant la seconde guerre mondiale comme, à notre époque, il est ridicule et bassement clientéliste de distinguer soigneusement les électeurs du Front National du parti pour lequel ils votent. Le peuple est responsable de son histoire, même si l'amour de la pantomime de ceux qui tiennent à le garder sous tutelle le met à couvert d'être le maître du jeu. Les personnages historiques ne sont que les archétypes de l'opinion qu'ils reflètent et représentent. L'ennui, c'est que ces archétypes sont en représentation par la malice du système, ce qui fait du monde un théâtre d'ombres. Ils sont en représentation comme l'étymologie l'a bien deviné : Sur le fonds où elle a dégagé que la personne venait du masque (le personnage étant le masque des masques) : elle n'a jamais pu empêcher que vienne prospérer le personnalisme ou glorification échevelée de la personne, victoire en calvitie du masque au triomphe de l'hypocrisie ! Que l'histoire soit l'oeuvre de personnages couronnés fait que le monde marche sur la tête. Que le monde marche sur la tête donne l'impression d'un inexorable et pitoyable retournement au terme duquel l'homme ne va plus, les pieds devant, précédé par son répétiteur de sagesse, la mémoire, qui le fait se souvenir des leçons du passé, mais est mené, écervelé, par une imagination débordante, qui lui fait tambour battant commettre d'absurdes vilenies à chaque pas et répéter les mêmes erreurs qui l'on fait se viander, tout en ne se répétant pas autant que les schémas répétitifs de la psychologie, car l'histoire ne repasse pas les plats. La tête à l'envers de l'homme assurant la marche du monde à la place de ses pieds - et cette tête ne l'assurant pas sans intelligence si c'est sans mémoire -, le masque du personnage grimé prime les idées déprimées qu'il devrait servir, et deux effets se déduisent de cette double inversion : d'une par, la politique et la diplomatie du monde ne sont plus qu'un vaste marivaudage menés par des Arlequins en plumes de sapajou. Dans le théâtre de Marivaud, il n'y a que des princes, pas de roi. [4] Ça tombe bien pour notre second effet : on peut affirmer sans exagération que le monde à travers l'histoire et l'histoire à travers le monde sont menés par le prince de ce monde : le roi s'en est éclipsé, il a mis le monde en gérance, le bail se prolonge emphytéotiquement bien que l'intendance ne suive pas, la question reste pendante de savoir pourquoi. C'est dans la nature de l'histoire de vouloir faire des romans, le mot ne parle-t-il pas de lui-même, le roman racontant des histoires ? Mais peut-on se satisfaire d'une explication cernant d'une proximité si banale le sens propre du nom d'un art qu'on voudrait enrichi, d'autant que l'art roman se veut plus dépouillé et que, dans un autre registre, le nom propre des anecdotes de l'histoire se prend pour l'Histoire et promet de nous raconter la biographie de l'humanité ? La littérature voudrait couper l'herbe sous les pieds des romans en herbe de l'histoire. Mais, outre qu'elle se trouve par profession, si vainement d'ailleurs qu'elle a fini par renoncer à cette battue, à la poursuite d'un vraisemblable qui ne passera jamais le vrai, l'histoire, qui dépose une gerbe sur le tombeau de la littérature dont ça lui va bien de faire le panégérique, lui a volé les deux effets qui s'en présentaient comme les caractéristiques principales : être le fruit de l'invention et imprimer la marque de personnages dans les mémoires. Il est mystérieux comme la littérature avoue plus vite que la musique avoir perdu toute imagination au point qu'elle aurait tout dit. Celle-là, la musique, ne dispose guère de Plus ou moins douze notes suivant les modes et les gammes, arrangeables en une série limitée d'accords, disposant d'une réserve gigantesque, mais non pas inépuisable dee mélodies dont le nombre des combinaisons doit pouvoir être calculé pour en marquer la finitude ; or la musique ne se trouve pas à sec ; tandis que des millions de mots, déclinables en une quantité certes moindre d'histoires que la musique ne peut arranger de mélodies, mais pourtant de beaucoup supérieurs, quand bien même les mots seraient-ils mineurs, au Chiffre général de la Musique, s'avouent vaincus par l'inanité des assonnances et et accablés par l'action dont ils se disent désormais précédés alors que, dans l'ordre ancien, la triade pensée/parole/action était articulée de façon que la pensée précédât la parole (bien que le Verbe Se Fût Fait chair) et que la parole à son tour fût le facteur déclenchant de l'action. Mais l'accablement des mots, consolez-vous, est à peu près sans douleur de n'avoir presque plus rien à accoucher : la littérature se remet très bien de n'avoir rien à dire, et en particulier de ne plus savoir raconter des histoires, ce qui ne serait de toute façon, au point de l'histoire de l'art où nous sommes arrivés collectivement, qu'une vulgarisation de ce genre déjà mauvais qu'est le roman. L'histoire au contraire, toute excitée d'être le fruit de l'imagination et libérée d'avoir à porter la légende de la mémoire, se montre si peu empressée de porter le deuil de celle-ci que, non seulement il ne faudrait pas la pousser bien loin pour qu'elle avoue l'avoir perdue : mais, pour ne pas faire cet aveu qui la déconsidérerait tout de même, ele s'en est tout simplement séparée. L'histoire a déposé la mémoire. L'histoire a posé qu'ele-même et la mémoire, dont elle était pourtant censée provenir en première instance, étaient deux disciplines différentes, deux relations diverses à l'événement dont la plus scientifique, entendez la plus disciplinée, avance-t-elle avec insolence, n'est pas nécessairement celle que l'on croit, à savoir celle qui a vécu objectivement l'événement, mais est l'histoire disciplinaire ; si bien qu'on en arive à cette ultime déconvenue, pour qui désespère que la vie soit logique, que la littérature publie des Mémoires tandis que l'histoire se méfie des témoins. La mémoire est mère de l'analyse : l'histoire en a fait, déchéance de l'épopée, une mélopée pour choeur de pleureuses donnant la réplique de tragédie à une opinion publique en mal de cendres et qui n'aime les Cassandres que si elles lui prédisent des malheurs supportables et traitables par voie antalgique ! Aux romans et aux divans l'analyse et le resassement : l'histoire les jette par-dessus bord ou, pour paraître tolérante, saute par-dessus pour consacrer le "story telling", c'est-à-dire, en Français dans le texte, la capacité de dire n'importe quoi pourvu que ça mousse. [5] L'histoire préfère ça aux témoins oculaires et gênants qui, pour les avoir vécus, auraient regardé les événements avec les mauvaises jumelles... Mieux vaut, et de beaucoup, se fier à qui implore qu'on ne compte pas sur lui pour dire la vérité ! [6] Aux témoins de s'adapter au "story telling !" La vérité historique disparaît de l'horizon de l'écriture de l'histoire pour être ravalée aux fictions romanesques qui n'ont plus de fictif que l'intitulé "roman", tandis que la littérature historique voudrait accéder à ce rang tout en n'ayant jamais été plus statistique. La littérature documentaire a été reléguée aux ordures pour excès de naturalisme, le monument littéraire devient le document historique malaxé par ordinateur après qu'a périclité la littérature assistée par icelui, jugée trop répétitivement apoétique pour la confiance aveugle avec laquelle elle s'était livrée au hasard décapant de l'"écriture automatique". Je crains beaucoup pour les "%" qui foisonnent dans le document statistique historique, monument de la littérature scientifique comparée. La mémoire des ordinateurs est experte aux ssynthèses synaptiques. La qualité générique de la mémoire des hommes est sa capacité d'analyse. La mémoire des intelligences non artificielles quoiqu'elles aussi déterminées par on ne sait quoi de génialement génitif, fabrique des synthèses secondes que devraient décrypter les analystes programmeurs et qui nous interrogent sur le fil d'Arianne qu'a tendu l'âme tout au long du chemin pour revenir à une vie sans histoire, mais non pas sans images, une vie quintessenciée dans la réminiscence. L'analyse est tellement la capacité générique de la mémoire qu'elle a pris le pas, dans le genre romanesque qui est l'apanage de la mémoire avec le reste de la littérature, sur la description, le récit et le dialogue, qui formaient avec elle les quatre piliers du roman traditionnel. Tellement la littérature est le genre de la mémoire qu'on peut sauter par-dessus les descriptions les plus impressionnistes, qui sont pourtant elles aussi des peintures de mémoire, pourvu que l'analyse soit sauve, qui dresse les portraits moraux de nos procès verbaux. L'histoire ne veut pas être jugée à l'aune de l'ordre morale qu'elle récuse après s'être faite en moraliste. L'histoire soutient que les valeurs sont mouvantes. Elle saute allègrement par-dessus les analyses de la mémoire et lui relègue le ressort du resassement pour ne sauvegarder que le crime sur lequel elle enquête en épiloguant sans merci ni remords. L'enquête est sans discernement ni repentance : elle traque les empreintent de faits qui sont à porter aut tableau du portrait de la nature humaine, nature morte et roture forfaiturière, dans laquelle doivent bien se retrouver ces roturiers de citoyens moyens pour qui parlent sans fin les politiciens de la médiocratie qui ne laisseront qu'"un paragraphe dans l'histoire". Les historiens professionnels sont des commissaires de la trempe de Julie Lescaut, mais ce sont aussi des commissaires politiques. On regarde avec soulagement le soir les autres commettre ses petits crimes qu'on n'avait même pas prémédité de perpétrer dans la journée, car on n'a plus de grandes haines. On prend son lavement de haine ordinaire en commettant par procuration les crimes auxquels on n'avait pas pensé. Mais après la catharsis du crime regardé comme devant l'accident face auquel on reste hébété de curiosité parce qu'il n'arrive qu'aux autres à l'exemple du bonheur, une nouvelle téléphagie nous sera de verser des larmes de crocodiles sur les atrocités de la shoah, sous le couvercle de la mémoire, pour nous purifier, cette fois, des crimes commis par autrui, nos ancêtres, dont nous n'expions pas, mais nous pleurons les exterminations, ayant entraîné le malheur avec ferme intention de le provoquer. L'histoire s'écrit sans affect pour ne sauvegarder que le crime parfait, et notre boulimie de conférer sur les ignominies de nos indignes ascendants fait de nous des parricides, criminels aux petits pieds ou crocodiles à dents de loup, tant nous savons esquiver la seule question qui vaille et que nous a pourtant soufflée Jean-Jacques Goldmann, le robinet d'eau tiède de la chanson française, qui trouvait néanmoins indécent que Georges Brassens eût écrit une chanson pour affirmer qu'on ne devait pas "mourir pour ses idées" : [7]

"Aurai-je été meilleur ou pire que ces gens

Si j'avais été allemand ?"





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[1] (Voir le chapitre "de la force de l'imagination" des "ESSAIS" de Montaigne).

[2] (Sartre a écrit dans "LES MOTS" que tout orphelin était un dictateur et, dans "LES CHEMINS DE LA LIBERTE", qu'Hitler était un enfant. Quant à Napoléon, il avait depuis longtemps perdu son père quand il fut sacré Empereur ; on raconte qu'à l'issue de ce Sacre, il prit son frère Joseph à part et lui murmura :

"Hein Joseph, si papa voyait ça !"

tandis que leur mère Laetitia se renfrognait aux questions dont on la pressait de dire comme elle était fière de son fils :

"Pourvou que ça doure !")

[3](Lucien Yotnahparian, conversation à bâtons rompus)

[4](Or l'homme est de race royale. Il l'est pour réaliser le Règne de dieu dans Sa Personne. Il l'est pour que soit exhaucée par sa médiation cette prière adressée à Dieu en Sa faveur :

"Que Votre Nom Soit Sanctifié, que Votre Règne arrive !"

Etre prince ne suffit pas à l'exactitude de circonférence avec laquelle nos têtes se sentent faites pour porter couronne. Elles ont été confectionnées sur mesure pour porter le chapeau. Tant que tout homme ne s'est pas vu couronné, il vit dans la névrose du prétendant massacré par Ulysse ou ses imitateurs, abandonneurs de Pénélope. L'homme ne se paie pas de prétention. Son humilité réclame de siéger sur le trône à la droite du Père comme le Seigneur, son Dieu, en roi très chrétien. L'Eglise n'a jamais pris la mesure de l'humilité. Le parcours initiatique de l'humilité réclame que l'homme, homonyme de cette qualité, s'exalte d'abord, puis diminue de son chef afin de renaître de Dieu. Le moment d'exaltation que l'Eglise refuse à ses fidèles fait pourtant partie intégrante de l'accession de l'homme à la vertu d'humilité, l'humilité étant le propre de l'homme, sa seule propriété pour ainsi dire naturelle, puisqu'home et humilité sont de même racine, et cette racine est la racine : l'étymologie fait foi comme un signe du verbe pour nous donner le sens dans le silence où, par l'Esprit, Son Articulation s'est élargie. Le Verbe Se tait à Se décrocher la mâchoire tandis que l'homme descend de Dieu pour remonter jusqu'à la Cime de Son ciel. A la racine de la destinée humaine est une conscience de la race royale dont est issu, peut-être chacun son tour, tout individu de cette espèce bénie, mais tellement malmenée de nos jours, l'espèce humaine planéticide, et la véritable fatalité est que si peu d'êtres humains arrivent en effet à se faire couronner comme il se devrait. La difficulté de l'opération, qui devrait se faire sans conspiration ni conjuration, fait sombrer les prétendants non arrivés, à qui l'on a moins mis de bâtons dans les roues qu'ils n'ont pas compris le mode d'emploi de la vie, dans la mélancolie de leur mégalomanie ou de ce que la psychiatrie croit telle. La mégalomanie est niée dans les droits les plus fondamentaux du royaume de la personne humaine. La psychiatrie fait de la paranoïa une maladie mentale, alors que c'est de loin la plus répandue puisque grandeur et fatalité sont les deux ressort croisés et contrasté du destin de l'homme. La fatalité a donné la victoire à la conjuration des persécuteurs, mais le couple peu improbable puisque paradoxal, que la fatalité forme avec la grandeur, est la suite logique de ce que, quoique chaque homme se croie grand comme il est vrai qu'il l'est, il se trouve dans l'impossibilité statistique de le manifester dans le même temps que ses semblables qu'il n'a pas subjugués s'il n'est pas leur leader. La démocratie pallie comme elle peut l'impossibilité de cette simultanéité de manifestation paranoïaque en élevant chaque citoyen au rang de souverain et non plus de sujet qui messied à la dignité de l'homme. La perspective réincarnationniste dont je m'empresse, catholique à tout crin comme je suis, de dire qu'elle n'est pas la mienne - et n'est pas individualiste -, a trouvé une solution tout à fait originale contre la frustration que chacun sent à n'être point roi quoique chassant de race : après avoir fait le constat contrargumentatoire qu'il y a plus de prétendants à la vie antérieure de personnages historiques et célèbres qu'à la vie d'anonymes impersonnels, d'aucuns en infèrent (comme mon amie Maryse Bonard) que lorsqu'un roi est mort, la condensation d'énergie qu'il lui a fallu concentrer sur sa personne se désagrège en d'autant plus de corps qui porteront la trace de cette incarnation que le roi qui vient de succomber se sera révélé un plus vaillant guerrier. Cette déperdition d'énergie divisée dans des destinées plus anodines s'explique par le fait qu'après l'apogée, le cycle de l'histoire réclame que le roi se repose, bien qu'il reste une trace, non des faits de ce prince, mais de sa race royale, dans ses poursuivants sur la chaîne karmique des incarnations,à travers la prétendue paranoïa conspirationniste avec laquelle ceux qui se retrouvent "sans grade" éprouvent de la nostalgie d'être devenu si anodin. La malice de l'intuition réincarnationniste avérée ou non est de faire chaque homme, au lieu de participer de la royauté en général, être roi en particulier chacun son tour. Ce qu'à charge de revanche, le sentiment de la plupart des individus d'appartenir à la race royale démontre à la tendance réincarnationniste qu'on sait portée sur la vanité, c'est que le désir de l'homme est fondé de se croire d'importance. En un sens - et pour faire écho à ce qui suit dans le corps de l'aphorisme -, on peut dire que l'histoire sera menee par le prince de ce monde tant que tous les hommes ne seront pas rois et non seulement soldats du roi : on ne peut passer toute sa vie de mélomane à consoler sa mégalomanie en écoutant "l'histoire d'un soldat" de Stravinsky. Pour éviter que la situation ne se prolonge, d'asservissement sous le prince souverain de ce monde qui en est le mauvais régent et le mauvais génie, la meilleure parade n'est-elle pas la démocratie ? Je crois qu'il y a un véritable providentialisme démocratique, mais on peut me retourner l'argument en me faisant valoir qu'où il y a parade, il y a mensonge, c'est irréfutable. Alors je crains qu'il n'y ait pas renversement de situation avant longtemps, à savoir qu'il ne soit pas possible que l'histoire ne devienne d'ici longtemps le mémorial des rois, plutôt que celui des méfaits des princes de ce monde dont ils sont vulgairement appelés "les grands", à moins qu'il n'y ait sortie de l'histoire ; mais comme cette sortie de crise est une issue fatale, qui nous échappe et dont on n'a que trop abusé, je crains que le pessimisme morbide et se complaisant dans la mésappréhension du monde ait encore de beaux jours devant lui ! Mais atention ! la mort est l'absence d'issue, canal historique !)

[5] (Ça n'est pas c'qu'on fait qui compte,

C'est l'histoire, c'est l'histoire,

La façon dont on l'raconte

Pour le faire savoir." (Yves duteil).)

[6](Bénédicte, l'héroïne de "L'AMOUR EST UN PLAISIR", l'un des premiers et peut-être le plus beau romans de Jean d'Ormesson, est amoureuse de Philippe, qui semble être un fidèle reflet de l'auteur. Comme celui-ci vient de déclarer combien il se réjouit d'être "quelqu'un sur qui on ne peut pas compter", Bénédicte s'extasie :

"c'est merveilleux de pouvoir confier sa vie à quelqu'un sur qui on ne peut pas compter !"

Cet échange de non consentements scellera l'inévitable consommation de leur juvénile amour. De cette romance dégoulinante d'érotisme aquatique où l'eau sort par tous les pores de nos de naïades ondoyant à la recherche éperdue des "possibles" qui leur conviendraient dans "le sentiment océanique existentialiste" du milieu des années 50, découlera la noyade volontaire de Gilles, le précédent amant en titre de Bénédicte, congédié le matin même par la jeune fille qui ne voulait pas s'embarrasser de sentiments qu'elle n'éprouvait plus. Le roman maritime d'un évasif amour d'été se termine en perte d'insouciance infligée à deux amants qui ne seront plus jamais l'un à l'autre qu'unis par un indicible chagrin traîné sur le radeau de leurs deux existences séparées : ils porteront le deuil l'un de l'autre et ils porteront le deuil de Gilles.



Tout comme dans ce roman scellé par un pacte d'infiabilité et sanctionné par "y'a mort d'homme", l'histoire ratiboise gratis et c'est la civilisation qui en pâtit, voire en meurt de chagrin, si du moins, par ce mot démodé de "civilisation" qui se réduit comme peau de chagrin, on veut bien entendre, au-delà de l'archaïsme, l'industrieux lien social qui s'est tissé au fil des siècles et au métier d'un long compagnonnage, lequel était fraternel et corporatiste. Foin des confréries de jadis, elles n'existent plus : les syndicats en branches les ont remplacées, qui ne donnent guère d'épinards pleins de fer aux prolétariat anémié des ouvriers qui s'assourdissent derrière le marteau-piqueur ! Le témoin d'aujourd'hui est assermenté, mais sa parole est mise en doute par une société qui, pour se donner l'air fraternel, prend la précaution juridique du principe érigé en droit. Chagrin et barbare est le monde où la parole est prise à menterie par les enfants de la déconstruction dont je ne saurais pas ne pas être, question de génération, ma manière d'écrire témoignant en outre contre moi, trahissant mon appartenance :

"Tu écris comme au 20ème siècle, m'a dit mon ami Franck. La littérature du 20ème siècle ne dit pas n'importe quoi, c'est son drame, mais elle écrit n'importe comment. Elle écrit n'importe comment pour rendre incompréhensibles des choses qui mériteraient d'être comprises."

Je participe de couper le lien, comment le nierais-je ? Les humoristes ne sauraient reculer devant un bon mot comme je ne saurais résister à trancher le noeud gordien. Je suis si déconstructionniste que je renverse l'histoire que j'ai volée à la mémoire, en fruit de l'imagination entre les mains du prince de ce monde, lequel fait marcher celui-ci sur la tête, au bruit de la cervele répandue sur les pas du travail des hommes, travail dépersonnalisant du "capital humain" exploité moins respectueusement qu'aucune ressource naturelle. Je me laisse porter par le courant. Le soupçon de la parole testimoniale traitée de menteuse au lieu que "le commérage (produise) de la morale" comme le disait Frédéric Taddeï l'autre soir, est un jeu pervers de l'esprit ; un fruit de l'Esprit-saint eût été "la confiance dans les autres" : la confiance envenimée, soupçonnée pour le plaisir de l'esprit joueur qui n'a rien à gagner parce qu'il n'en a plus rien à foutre, c'est le poison du mensonge insinué et disqualifiant cette sincérité en laquelle nous avions pourtant cru voir la vérité enfin ramenée à modestie. Nous vivons des conséquences de l'"ère du soupçon", dans une époque hypocritement sincère et inconsolable d'être détrompée, elle qui, avec son goût de l'authentique, ne peut rien prendre pour argent comptant, rien n'étan digne de confiance puisque pouvant être sali, passé au filtre de l'inconscient, ce grand révélateur de l'ambivalence universelle. L'inconscient n'inspire pas confiance. Si notre langue fourchait comme du temps que nous étions paysans fourchus, nous dirions "l'inconfiant" et non pas "l'inconscient". L'inconscient et l'inconfiance se synthétiseraient dans l'inconstance. savons-nous à quel filtre nous avons bu ? L'inconscient, c'est du cyanure. l'inconscient est un filtre de connaissance, ce n'est pas le "filtre d'amour" - la connaissance n'est pas l'amour -. Ce n'est pas le filtre auquel burent Tristan et Yseut, qui les assoupit et les rendit inconscients afin de les innocenter du drame amoureux paradisiaque qu'ils allaient vivre avant de hisser la voile noire, provoquant la mort du roi Marc comme bénédicte et Philippe provoquèrent la mort du pauvre gilles. Mais Tristant et Iseut vécurent un drame paradisiaque, c'est-à-dire soustraits aux lois de "la connaissance du bien et du mal" qui les auraient rendus responsables comme nos héros existentialistes de "l'amour est un plaisir", là où tristan et Iseut sont présentés comme innocents. Sept siècles ou peu s'en faut séparent les deux oeuvres ! Quel est donc le changement de paradigme qui s'est produit pendant cet écoulement temporel ?)

[7](Il l'a dit en jetant un froid lors d'une émission d'hommage à George Brassens rendu par la famille Show Biz sous l'égide de Michel Druker, famille par rapport à laquelle, quoiqu'il soit son Fournisseur Officiel de Tubes, il avait l'air particulièrement en retrait, Michel Drucker disant de lui en sa présence :

"Jean-Jacques Goldmann est le seul chanteur français que je vouvoie !.)

Julien weinzaepflen