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mercredi 27 octobre 2010

LES INAPERCUS DE L'ACTU

(cinquième chronique)

5 octobre 2010

SOMMAIRE :

25. L’antivictimisation ligue.
26. La réforme des retraites ne respecte pas la loi sur le dialogue social.
27. Les romes contre le chouchen.
28. Auditeurs assidus de France inter, réveillez-vous…
29. La sinistre vassalisation pakistanaise.
30. Le terrorisme et les prises d’otage.


25. L’anti victimisation ligue.

La justice ne veut plus être rendue au nom des victimes. Et ça commence à faire un bail. Ca s’est vraiment manifesté avec la publication du livre de caroline Eliacheff et de maître Daniel soulez la Rivière : « LE TEMPS DES VICTIMES », dans lequel la psychanalyste, spécialiste du dépeçage du sentiment de culpabilité de ses patients et l’avocat, défenseur de ses clients jusqu’à l’indéfendable et passeur de leur innocence présumée jusqu’aux limites de leur culpabilité avérée, se sont employés à démonter ce qu’ils appelaient une dérive de la Justice, laquelle n’était plus rendue selon eux au nom de la société, mais au nom des victimes. Ce mouvement est allé de paire avec la dépréciation de la victimisation orchestrée, force est de le reconnaître, même si c’est paradoxal, par les grandes consciences de l’intelligentsia sioniste qui, après avoir fait de la Shoah le golgotah irrémissible et sur lequel il ne fallait point méditer, mais seulement ressasser, de la société moderne, se sont trouvés fort dépourvus, lorsqu’une assimilation douteuse a commencé d’être faite entre le systématisme concentrationnaire des nazis et la maltraitance avec implantations (dites coloniales) sur les territoires occupés soumis, d’après les accords d’Oslo, à la tutelle dépourvue de personnalité juridique pour le droit international de l’autorité palestinienne. Soit dit en passant, tout est permis en Israël, depuis la colonisation jusqu’à la possibilité que cohabite une frange extrémiste de droite dans le gouvernement, quand, à la fois la possibilité de cette configuration gouvernementale est exclue, lorsque cela se produit en Europe, par les thuriféraires de la politique israélienne (on a même parlé d’un accord secret entre l’internationale du b’nai b’rith et le RPR faisant promettre en 1986 à ce parti qu’il ne gouvernerait jamais avec le front National, ce qui mit à l’aise Jacques chirac pour répondre à Laurent Fabius, lors du fameux débat de 1986 où le futur premier ministre défit l’ancien en le traitant de « roquet », que lui-même ne pourrait pas répondre avec autant d’assurance concernant la promesse que jamais, le Parti Socialiste ne referait alliance avec le Parti communiste dont le totalitarisme sévissait encore, mettant sous le joug plus d’un quart de l’humanité). Quant à la colonisation, un article de loi de février 2004 songea bien à la réhabiliter auprès des petits enfants de France, mais la pression d’une kyrielle d’association dont prit la tête « LES INDIGENES DE LA REPUBLIQUE » fut telle qu’on trouva sacrilège de l’avoir tenté. Est-ce que les Etats-Unis d’Amérique avaient jamais pratiqué la moindre colonisation, demandait Antoine Sfeir dans son ouvrage : « VERS L’ORIENT COMPLIQUE » tout en dénonçant que cette puissance qui, au lendemain de la guerre, a avait songé à démembrer la France, avait dans ses tablettes une carte du Moyen Orient, visant à y établir des nations d’après ses ethnies et religions principales, ce que cet auteur jugeait scandaleux.

Israël parlait sans détour de créer des colonies empêchant toute continuité territoriale au sein des « territoires occupés », à quoi nul n’osa trouver à redire, non plus à ce qu’il construisît une barrière de sécurité qui rappelait furieusement le mur de Berlin, dont on ne cessait de célébrer la destruction libératrice, à cela près que le mur de Berlin respectait scrupuleusement le tracé de la frontière délimitée dans la ville de Berlin entre les deux Allemagnes, tandis que la barrière de sécurité israélienne empiétait sur des propriétés palestiniennes coupées en deux. Cet Etat avait formé une coalition dans laquelle entraient des partis d’extrême droite pour former son gouvernement. Donc il devait ne pas élever la voix si d’autres nations choisissaient d’en faire autant, ou bien il devait renoncer à cette coalition pour lui-même, ou bien il se mettait au ban des nations en faisant ce qu’il interdisait aux autres.

Si la critique ne toucha pas l’Etat hébreu, ni sur la coalition, ni sur la colonisation, ni sur le mur, les nations se sentirent offensées une fois de trop par l’interdiction qui leur était faite implicitement de considérer leur histoire avec orgueil. L’un des leviers de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en France fut le refus de la repentance. Celui-ci, paradoxalement (mais les paradoxes opèrent toujours en histoire) avait déjà été porté par les catholiques intransigeants au prétexte qu’on ne peut se battre la coulpe sur la poitrine de ses aînés. Or ces catholiques intransigeants oubliaient qu’en même temps qu’ils ne voulaient pas déshonorer la mémoire de leurs ancêtres directs, ils confessaient le dogme du péché originel, qui n’est autre chose que l’extension du battement de sa coulpe sur la poitrine des aînés jusqu’au premier couple du genre humain, sur lequel repose, dans l’hypothèse créationniste et la Foi monogéniste, la faute originelle qui s’est transmise de génération en génération et a fait de l’homme au paradis perdu « l’imparfait du Dieu parfait », selon la très belle expression d’un fidèle auditeur de radio Notre-dame. Quoi qu’il en soit, ce refus collectif opposé par une société dont il n’émanait plus aucune histoire, A la repentance, parut sonner le glas de la culpabilisation et de la compassion rétrospective. Cela aurait pu être vrai si, dans le même temps où l’avant-garde sioniste de l’intelligentsia française se lassait d’avoir pitié des victimes, des associations d’activistes de la communauté juive ne s’étaient affairées à faire mousser l’un peu plus que centaine d’agressions antisémites qui avait lieu sur le territoire français, en augmentation depuis 2001, touchant une communauté de quelque 600000 âmes, soit une personne agressée sur 6000 citoyens composant cette communauté, ratio qui n’était jamais mis en rapport avec les deux à trois millions d’agressions perpétrées par les citoyens de toutes origines à l’encontre des quelque 60 millions de personnes, toutes origines confondues, vivant sur le territoire français, ce qui faisait une personne agressée sur deux ou trois mille habitants. La base des militants des associations juives fortement identitaires se laissa glisser dans une islamophobie largement décomplexée, arguant, derrière les péroraisons lyriques d’alain finkielkraut, que le nouvel antisémitisme venait de là beaucoup plus dangereusement désormais que de l’extrême droite éradiquée. Cet islamiste cryptolepénien passa dans l’opinion comme un défouloir de son propre « racisme ordinaire » et parce que, de l’aveu même de l’un de mes correspondants musulmans, ceux-ci aiment le combat, mais n’arrivent pas à se victimiser. Et, sans qu’on reprochât jamais à Israël de se venger des attentats commis sur son territoire en tuant les familles des terroristes alors que, dès le 11 septembre 2001, de Lionel Jospin à george bush inclus, les dirigeants du monde entier avaient tenu à ce qu’on ne fît pas d’amalgame entre islam et terrorisme, devant la recrudescence des agressions antisémites, le gouvernement français établit un « secrétariat d’Etat au droit des victimes », qui fut confié à Nicole guedj, membre de l’UPJF (Union du Patronat Juif de France), ce dans le même temps où la parution du livre de caroline Eliacheff et de maître Soulez la Rivière accusait une lassitude de la victimisation en matière judiciaire.

Nicole guedj se montra aussi équitable que la confessionalisation induite de son ministère le lui permettait dans sa défense du droit de toutes les victimes ; mais son secrétariat d’Etat n’en avait pas moins été la dernière occurrence d’une conception de la Justice qui mettait les victimes sur le devant de la scène. La tendance dominante était à dénoncer une « concurrence victimaire » qui passait pour soudain redoutable, car on sait que toutes les victimes agissent à l’arme blanche. La lame de fond qui soulevait ceux qui dénonçaient que la Justice fût rendue au nom des victimes, agitait que les jugements n’étaient plus rendus sereinement, ne respectaient plus la présomption d’innocence bafouée tous les jours par la violation par la presse et les magistrats du secret de l’instruction et la mise en pâture médiatique des suspects, mais surtout finirait par conduire, si l’on n’y mettait bonne garde, à ce que les partisans de la peine de mort l’emportassent à la faire rétablir. Pour moi, ce que la société n’a pas donné, à savoir la vie, elle ne peut pas le reprendre. Toutefois, peut-on nier que la Justice n’est rendue que parce qu’un forfait a été commis, peu importe par qui, qui a touché parfois de la façon la plus grave une victime objective ? Cela n’a jamais amené aucun peuple souverain sagement gouverné à siéger en Tribunal de la partie civile. Mais, en dehors des cas forgés par un juridisme de mauvais aloi qui fait les lois, où un plaignant risque d’être condamné pour abus de procédure, un procès n’a lieu qu’en raison d’un dommage. Cela n’entraîne pas que la Justice soit rendue au nom des victimes, mais au nom du peuple parce qu’il y a eu victime et qu’une société qui se respecte doit défendre ses éléments les plus vulnérables, faute de quoi c’est une société impitoyable.


26. La réforme des retraites ne respecte pas la loi sur le dialogue social.

Lorsque Nicolas Sarkozy accéda à la magistrature suprême de la République française, craignant fort le troisième tour social qu’on lui prédisait de partout s’il avait le malheurde remporter la bataille électorale, il eut l’habileté de mettre les syndicats dans sa poche en faisant adopter une loi qui disposa que les députés ne pourraient plus désormais adopter aucune loi dont le contenu aurait relevé de ce qui intéressait les « partenaires sociaux » (sans mandat), que ceux-ci n’aient préalablement cherché à conclure un accord formel entre eux, lequel aurait été présenté tel quel au Parlement, qui n’aurait plus eu qu’à l’enregistrer, à la manière des parlements d’Ancien Régime. Pour faire passer en force la réforme des retraites actuellement portée par Eric Woerth, on est passé sur cette loi qui ne date pourtant que de trois ans sans que, ni médias, ni syndicats ne dénoncent le procédé, ces derniers, les syndicats, préférant agiter le chiffon rouge de la grève reconductible… dans les transports, qui ne conduiront par conséquent plus leurs usagers, à l’observance près du service minimum. Tout à coup, les socialistes redécouvrent à ma grande joie que, sur une telle question, un référendum serait le bienvenu. Les syndicats leur font répondre qu’il ne saurait en être question. Les non mandatés n’aiment généralement pas que l’on envisage d’en appeler à l’opinion des pseudo mandataires, cela est vrai de toutes les causes sur lesquelles des associations ont fait main basse. De plus, il faut reconnaître qu’un référendum qui ne décomposerait pas le problème et consisterait simplement à demander aux citoyens s’ils approuvent ou non la réforme gouvernementale des retraites n’aurait pas beaucoup de sens. Ce qui montre néanmoins une évolution louable est qu’auparavant, un tel référendum aurait passé pour impossible. Voici que, par démagogie, un parti politique y fait appel. C’est autant de gagné pour qu’on finisse par le reconnaître pour indispensable dans toutes les questions d’importance.

27. Les romes contre le chouchen.

L’une des ressources de Nicolas Sarkozy pour s’attaquer à la pieuvre tentaculaire de la remontée lepéniste est de s’en prendre à la communauté roumaine, il nous a déjà fait le coup quand il était ministre de l’intérieur en se rendant en Roumanie (comme le général de gaulle pendant au moins quinze jours de mai 1968) pour négocier que soient moins donnés de visas aux Roumains par la France et que la Roumanie surveille ses départs. Cet acharnement contre les Romes est presque psychanalytique. Il l’est en termes de communication politique parce qu’en expulsant les Romes dans le plus parfait irrespect des traités et conventions qu’a signés la France et dont Nicolas sarkozy pense qu’il n’y a qu’à s’asseoir dessus étant donné qu’ils s’empilent et qu’un juriste ne pourrait pas y retrouver ses petits, Nicolas Sarkozy sait que, si les médias vont lui tomber dessus, il va parler aux Français d’immigration, que c’est un sujet qui fait frémir et qui va leur faire monter les poils d’un nationalisme travesti, ne serait-ce que parce que les romes, si itinérants soient-ils, n’en restent pas moins des Européens comme les Français et que le rejet de l’immigration qui secoue la population française qui lutte en même temps contre la graine de racisme qu’il y a dans ses gènes comme dans ceux de toute autre nation et dans ceux de tout homme, contre l’étrange altérité de l’étranger, ne se déchaîne pas, si les mots ont un sens, contre une population qui partage la même origine continentale, mais contre une population qui n’a pas la même couleur de peau, avec laquelle les Français d’origine peuvent par ailleurs . entretenir « une érotique du métissage », pour reprendre l’une des expressions favorites d’un de mes correspondants déjà cité, qui aime à se dire« musulmans de nation » et amoureux de la France, et qui tient à garder l’anonymat.

Les romes sont des européens comme les Français et ce que ces derniers peuvent leur reprocher, c’est tout au plus de squatter sur leurs terrains vagues, auxquels ils tiennent tant quand ils en sont propriétaires, d’y faire des saletés, ce que font aussi les participants aux rave partys, et, plus gravement certes, de tirer quelques poules et autres articles de supermarché, de pratiquer une mendicité quelquefois agressive et de faire y prendre part des enfants qu’ils feignent d’estropier et qui, pendant ce temps-là, ne vont pas à l’école, comme disent ceux qui veulent faire pleurer dans les chaumières sur l’expulsion des Romes, pour qui le plus grand mal que leur fait Sarkozy est de déscolariser leurs enfants, sans évoquer le fait que, ceux-ci comme beaucoup de ceux qui vivent sous la juridiction de l’education Nationale sont peut-être frappés, non pas d’une épidémie de grippe a, mais de phobie scolaire. Ce que les Français peuvent reprocher aux Romes, c’est d’être nomades en faisant travailler leurs enfants (les nôtres ont plus de trente-deux heures de cours sans compter les devoirs, ils ne font pas les trente-cinq heures, même si c’est tempéré par les vacances) ; c’est encore, si l’on tient à rallonger la liste, que leurs baraquements-bidonvilles sont hermétiquement fermés à l’action de la police et étanches à ce que quiconque vienne se mêler de leurs affaires, ce qui peut certes occasionner des maltraitances intrafamiliales fort observées par nos sociétés qui regardent à travers le judas. C’est en somme que le chef de clan puisseêtre un tyran domestique éventuellement violent, mais ce n’est certainement pas que des bandes organisées de p’tits romes blancs puissent semer la terreur dans les cités. Mais que n’inventerait-on pas pour éviter la peste brune, dont on sait très bien qu’elle est passée, qu’elle ne repassera pas, parce qu’il n’existe heureusement plus aucun parti durail européen qui ait l’audience de venir jouer les nasillons en Europe, avec prise du Parlement et invasion planifiée de toutes les autres nations européennes pour constituer un empire fondé sur le mythe ariens. Tout ce à quoi ce genre de partis est bon, autant dire à rien, c’est à venir jouer les trouble-fêtes dans les parlements et parfois jusque dans les gouvernements, mais à la condition sine qua non de s’aligner sur ce que les vrais nationalistes appellent « le système » ou « l’établissement ». C’est ainsi que l’Italie berlusconienne (j’allais dire mussolinienne) a réussi à apprivoiser l’hydre fasciste. Les romes moins qu’aucun autre peuple ne font partie de ces envahisseurs qui font frémir pour la raison qu’ils n’aiment rien moins que se fixer. S’ils n’étaient pas presque inoffensifs, on ne les attaquerait pas.

Plus inoffensives encore sont les femmes voilées qui ne veulent pas céder à notre passion de dévisager. On les arrête, on les met à l’amende, mais on n’arrête pas leur père, parce que ce serait plus difficile, lorsque celui-ci veut contraindre ces jeunes filles à des mariages forcés. En les dévoilant, non seulement on attente à leur pudeur, mais on les met en état, à leurs yeux, de commettre un sacrilège contre leur religion, c’est-à-dire qu’on viole la conscience religieuse de ces âmes pudiques, comme au temps des martyres de masse où les chrétiens étaient sommés de faire un acte public qui constituait pour eux une abjuration pratique de leur foi, comme celui de se prosterner devant l’effigie de l’Empereur et de l’adorer comme un dieu, quoi qu’on en pense in pectore. En somme, si l’histoire ne repasse pas les plats, les situations historiques ont le don de serépéter : le laïcardisme fait avec moins de violence aux femmes voilées musulmanes ce qu’on faisait aux vierges chrétiennes avant de les mettre aux fers ou de les jeter dans la fosse aux lions ; les Romes font ce que Victor Hugo décrivait des mœurs bohémiennes au Moyen age et qui ravissait jusqu’à faire tourner la tête de Claude Frolo quand la sérénade était menée avec le charme d’Esmeralda ; quant à l’Union Européenne, est-il séant de dire qu’elle a quasiment ressuscité, sinon le mythe de la Mittel europa caressé par feu le chancelier brûleur, du moins son rêve d’empire si tant est, à la fois que l’Europe soit une puissance et qu’une puissance se confonde avec un Empire ? C’est peut-être ce qui évite à l’Union Européenne de recevoir d’outre-tombe le sourire sardonique de celui qui s’est donné la mort d’une capsule de cyanure après avoir torturé bien des innocents et le jour de mon anniversaire, quoique vingt-huit ans avant que je ne naisse. Le nazisme nous rend tous fous. C’est peut-être aussi ce qui fait que l’Union européenne se révèle le dernier rempart contre les expulsions de masse que Nicolas Sarkozy veut organiser à l’encontre des Romes. Pour éviter de faire monter le Pen ? La sauce a pris une fois, lors de l’élection de ce Monsieur en 2007 ; elle n’a pas pris du tout avec l’organisation du débat au reste très légitime, mais mis en scène à des fins électoralistes, sur l’identité nationale : cela s’est retourné contre l’organisateur qui a perdu les régionales en étant battu à plat de couture ! A présent, les sondages nous disent que la sauce a l’air de reprendre, mais 2012 est encore loin et elle pourrait très bien rancir ! Donc, en termes de communication politique, il n’est pas du tout dit que Nicolas Sarkozy ait réussi sa manœuvre de diversion par la remise en selle du thème de l’immigration avec un faux lapsus ethnique, pas d’aussi bonne facture gustative que le lapsus linguae, lui tout à fait involontaire, de Rachida Dati employant fellation pour inflation. Cela a provoquéen sa faveur, puisque Nicolas Sarkozy n’en a pas voulu, une inflation du désir.

L’autre aspect psychanalytique de cette attaque contre les Romes est plus triste à dire, et comme j’aimerais ne pas voir juste ! On a vu dans cette chronique comment, lorsque Nicolas désaimait ou se sentait désaimé, il n’hésitait pas à envoyer sa femme au casse-pipe, comme il l’a fait, juste avant de divorcer de cécilia, en l’expédiant à Muammar (…Khadafi) pour, sous prétexte qu’elle libérât les infirmières bulgares, voir ce qu’il allait lui faire. C’était ignoble et dégueulasse. On a vu aussi, dans le même chapitre de cette première chronique, qu’il était tout à fait vraisemblable que la rumeur d’un désamour entre carla et Nicolas fûtavérée. Cela entrait dans le cycle des usures de la cristallisation de carla, et Nicolas comme tous ses prédécesseurs, est plutôt un chaud lapin parce que, pour jouer les pères de nation, il faut être un sacré baiseur ! Il n’est donc pas du tout invraisemblable que Nicolas en ait un peu mare de sa carlolita qui le traîne dans la cour de ses ex, sans compter la smalah, avec la mère, les sœurs et les copines : c’est un peu fatigant pour un Président qui travaille autant, on ne se sent plus respirer, on étouffe, on commence par faire un malaise vagal, et puis on expulse les romes parce que, si carlolita a été adoptée par un Monsieur Bruni Tedesci, d’excellente famille juive italienne, son vrai père s’appelait Maurizio Remmert et était un entrepreneur italien établi au Brésil. D’autres ont prétendu qu’ils s’appelait Maurice romech. Remert ou romech comme rome… De même que Ciganer (le nom de jeune fille de Cécilia) comme tsigane. Les rumeurs du couple battant de l’aile de Nicolas Sarkozy avec Cécilia datent à peu près de l’époque où son ex-mari s’est mis à faire la chasse aux roumains, peut-être un peu perdu comme un gadjo dans la galaxie gitane et romani, comme Céline appelait autrefois les romanichels. Alors Sarkozy expulse les romes comme les Tsiganes étaient autrefois les compagnons de génocide des Juifs, mais on n’en a fait moins de bruit, comme Carla qui mange son chapeau devant cette expulsion, en comprenant peut-être le message subliminal intime, elle qui n’avait pas hésité à comparer à la dénonciation des Juifs sous l’occupation l’exhumation par Airy Routier, très humiliante pour l’ex top-modèle, du SMS envoyé par Nicolas à cécilia :
« Si tu rentres, j’arrête tout ! »
Mais la première dame de France n’est pas seule à se taire. Plus vache, le Président du CRIF, Richard Prasquier, s’indigne que l’on puisse comparer l’expulsion des Romes aux rafles des années quarante. Il a peut-être raison, la comparaison est sans doute abusive, mais d’une part il ne peut nier en toute bonne foi que la situation de ces gens du voyage que sont les Romes, que l’on assimilait jadis aux Tsiganes, reste plus fragile que celle des Juifs qui ont réussi à se réinstaller, où qu’ils l’aient fait, tandis qu’on continue à repousser d’autant plus facilement les romanichels qu’ils sont nomades et se sont faits une réputation de voleurs à la tire. Et d’autre part, que M. Prasquier n’a-t-il des indignations moins sélectives ! N’aurait-il pas pu trouver scandaleux, en son temps, que Carla bruni compare la pseudo-investigation de presse people d’un journaliste du « nouvel ob’s » à une dénonciation de juif pendant la guerre ? Que je sache, Airy Routier n’écrit pas dans « JE SUIS PARTOUT », ni dans une presse assimilable, et les conséquences de sa révélation, avérée ou un peu forcée, sont physiquement moins douloureuses que ne sont néfastes à ceux qui les subissent des expulsions sauvages faites en parfaite infraction avec les traités que nous avons signés et qui nous mettent hors la loi parce que nous expulsons des ressortissants de l’Union européenne. Mais a-t-on jamais, dans l’espace intraeuropéen, aboli le contrôle aux frontières, même pour les citoyens européens ? Quand j’ai pris l’eurostar, je ne m’en suis pas aperçu…

28. Auditeurs assidus de France inter, réveillez-vous…

Avez-vous remarqué cet enchaînement ?

1. Frédéric Bonnaud commence par piquer son horaire à daniel Mermet qui en prend ombrage, pour faire son émission "charivari" assez bobo, sans importance.

2. Sans se déboboïser, mais en se radicalisant un tout petit poil et en renouvelant pas mal les formes, bref, en parvenant à faire une émission radiophonique originale, il crée, à la même heure que "charivari", mais pour le remplacer, "la bande à Bonnaud".

3. Sarkozy étant élu, il est viré par Frédéric schlessinger (je me trompe peut-être sur le nom de cet ancien directeur des programmes, Mermet est toujours en place, bien qu'ayant 68 ans aux portes de sonner et ne cessant de dénoncer le report de l'âge de la retraite ainsi que le traitement des précaires,

4. Précaires qui entretiennent une belle polémique contre Mermet (Claire Hauter et Thierry Scharf) parce que ce sont des précaires que Mermet emploie essentiellement en piquant les plus homériques colères lorsque la station leur signe un CDI : ils ne seront plus à la peine, il veut dire, ils ne mettront plus de cœur à leurs reportages.

5. Les collaborateurs de Frédéric Bonnaud, après avoir pleuré misère contre l'injuste éviction de leur patron bien-aimé, cette éviction ayant même failli entraîné une grève touchant la station tout entière, trouvent tous à se reclasser, qui auprès de stéphane Paoli jusqu'à l'année dernière (sandra freeman), qui en ayant leur propre émission (Philippe colin), qui en demeurant critique au "masque et la plume" (Arnaud Viviant).

6. Quant à Frédéric Bonnaud lui-même, il est engagé par Jean-Marc Morandini auprès duquel il travaille deux ou trois ans. Au début, il tape sans concession contre celui qu'il appelle "(son) Nicolas". Au bout de quelque temps, Morandini craignant sans doute l'excès de son impertinence, le remise à regarder la télé.

7. Septième et dernier épisode de ce jeu de chaises musicales : Frédéric schlessinger, le tombeur de macha Béranger remerciée sans avoir encore l'âge de la retraite) et de Frédéric Bonnaud est viré à son tour, lorsque Sarkozy nomme Jean-Luc Hees Président de radio France et que celui-ci place son ami Philippe Val à la tête de France Inter. Philippe Val, la servilité tellement incarnée qu'on la dirait canine encore que les chiens aient plus de reconnaissance et d'affection envers leurs maîtres. Qui se souvient qu'il était le duettiste de Patrick font qu'il a lâché dès que celui-ci fut accusé d'avoir un peu trop aimé les petites filles avant l'âge de la puberté, ce que Philippe Val dit avoir toujours ignoré alors que Patrick Font en avait fait une chanson. Philippe val ne devait pas écouter les albums de Patrick font. Philippe val alla jusqu’à ajouter qu'en 26 ans de collaboration et de complicité scénique, il n'avait jamais déjeuné avec Patrick font. Tu le crois, ça ? Mais surtout, le versant politique, donc le plus sordide de cette affaire est que Font et val se plaignaient à longueur de spectacles d'être boycottés par les médias du giscardisme. Etait-ce pour que le second nommé, après avoir, encore directeur de « CHARLI HEBDO », participé à l’université d’été du MEDEF, finisse comme directeur de la première radio de service public, coopté par un Président lui-même nommé par Sarkozy et pour que le premier, moins intello, mais plus rablaisien et donc plus talentueux, soit récupéré par "le théâtre des deux ânes", dont c'est tout à l'honneur d'avoir recueilli un pariat qui ne trouvait plus à faire de la scène ? ? Mais tout de même, il y a les chansonniers de droite et les chansonniers de gauche et les seconds tiennent le haut du pavé. Pas un d'entre eux ne pouvait recueillir Patrick Font une fois qu'il eut purgé sa peine ? On se félicite bien que bertrand Cantat reprenne du service le 13 octobre prochain, or Patrick Font n'avait tué personne...

La question sous-jacente que pose toute cette affaire est celle de savoir si une radio d’etat peut demeurer une radio libre. Rien ne devrait s’y opposer a priori à condition qu’elle ne défende pas une position unilatérale ; ou qu’elle soit contrebattue par une autre radio donnant la parole à l’autre côté de l’échiquier politique. Mais ceci serait tout à fait impossible dans le Paysage Audiovisuel français d’à présent, où il convient de se dire une fois pour toutes que « la bourgeoisie restrictive a perdu la bataille du verbe » (autocitation), ce qui constitue la vraie victoire de 1968 : la vraie victoire de 1968, c’est que les réactionnaires et les arrière-gardes ne font tout simplement plus partie du paysage. Réduits au silence, ils peuvent bien japper encore : c’est comme s’ils n’existaient pas. La gauche antimonopolistique a fait une OPA sur « la culture ». La chose est de trop grande importance pour qu’on n’y revienne pas quelque jour dans ces « INAPERCUS ».


29. La sinistre vassalisation pakistanaise.

Lorsque le 11 septembre 2001 a vu tomber les tours jumelles, c’était comme si la terre s’était arrêtée de tourner. Dans les écoles, on fit trois minutes de silence obligatoire dès le lendemain : trois minutes pour les trois mille morts ? Le 11 septembre devint un paradigme à partir duquel on décida que le XXE siècle était terminé comme siècle de déflagration, ou qu’allait au contraire commencer « le choc des civilisations ». En réalité, le 11 septembre était la deuxième étape d’une conflagration de civilisations qui avait commencé avec l’opération « tempête du désert », nom qui fut donné à la phase militaire de la guerre du golfe, première mouture. Celle-ci intervint deux ans à peine après qu’on avait célébré, un peu en hâte, car la Chine ne l’avait pas abdiqué, la fin du communisme. Deux ans de répit seulement pour passer d’une apocalypse à l’autre, s’il faut en croire la thèse que chaque génération connaît son apocalypse, à moins que l’apocalypse, qui a commencé avec la deuxième destruction du temple de Jérusalem, ne soit un processus continu qui se poursuit de génération en génération. Je sais qu’en ce qui me concerne, la guerre du golfe a brusquement éteint l’optimisme infantile de ma naïveté spirituelle et mon désir utopique de contribuer à « améliorer le monde ». Je commençai à comprendre que ceux qui voulaient « améliorer le monde » étaient des gens dangereux, car ils avaient toujours de bonnes raisons pour ça, mais cette amélioration du monde n’allait jamais sans que dussent tomber des têtes : quelque chose comme deux cent mille morts en Irak ajoutés au trois mille morts du 11 septembre dix ans plus tard, mais je serais tombé de plus haut entre temps.

Mon père était né en 1939 et moi en 1973. On m’avait souvent dit que l’année de naissance de mon père était celle de la déclaration de la seconde guerre mondiale : on ne m’avait jamais dit que sept mois s’étaient écoulés entre la naissance de mon père et cette déclaration, comme si l’une avait entraîné l’autre ; on ne m’avait jamais dit que mon année de naissance avait coïncidé avec le premier choc pétrolier. Mon père avait eu beau passer toute sa vie dans une sorte de guerre intérieure, sans doute n’avait-il pas voulu me faire de peine. Et puis le pétrole, ce n’était que du pétrole ! Ce ne sont pas les conditions économiques qui engendrent la guerre, n’est-ce pas ? Les guerres du pétrole, c’était bon pour Dallas, mais à l’époque, il était de bon ton de trouver que dallas était une série nullissime. Je suis loin d’être encore de cet avis. A vrai dire, la guerre du golfe est-elle vraiment une conséquence lointaine du premier choc pétrolier ? Personne ne peut le dire. Pourquoi les Américains sont-ils allés combattre en Irak une première fois ? L’intrication géopolitique à l’origine de ce coup de sang et de missiles a dû échapper à ceux qui en avaient été les promoteurs. « L’histoire n’est pas un complot, mais il y a du complot dans l’histoire », m’écrivait-on il y a peu. Bien sûr, l’histoire a été traversée par une succession de conjurations, il n’y a que maintenant que cette vérité n’est plus bonne à dire, parce qu’on l’assimile à notre théorie du complot, qui est devenue l’un des tabous des temps modernes. « Il y a du complot dans l’histoire » et l’histoire est une suite de conjurations, mais ce qu’il faut ajouter aussitôt, c’est que l’issue de ces conjurations échappe presque toujours à ceux qui les fomentent. C’est pourquoi il n’est pas certain que les stratèges américains sachent encore pourquoi ils se sont engagés dans la guerre du golfe, ni s’ils l’ont gagnée ou perdue. Selon toute apparence, ils l’ont perdue. Quant à moi à qui l’on ne disait pas que l’année de ma naissance, non pas avait déclenché, mais avait coïncidé avec le premier choc pétrolier, mon père, qui ne voulait pas me faire de peine, était persuadé (et m’avait persuadé) que je serais d’une génération qui ne verrait jamais la guerre. La guerre du golfe m’avait sapé le moral et avait entamé mon optimisme parce que j’avais observé incrédule le peuple français se retourner en deux jours et, de pacifiste qu’il était, devenir belliciste et justifier la guerre à venir sans se dire un seul instant que, s’il s’engageait dans cette guerre aux côtés des Américains, la France serait un pays en guerre, comme elle n’avait cessé de l’être de 1939 à 1962, passant de la seconde guerre mondiale où elle fut défaite à la guerre d’Indochine où son départ entraîna le premier exil des boat-people ; puis de la guerre d’Indochine à la guerre d’algérie où il est incontestable qu’elle tortura, mais seule sa torture est aujourd’hui mise encause, et l’on ne dit jamais que son départ entraîna l’exil des pieds noirs et l’abandon à leurs massacreurs d’au moins soixante mille harkis qui l’avaient loyalement servie. Il y a un certain complexe de supériorité culturelle en même temps qu’un sentiment de culpabilité mal cadré accompagné d’un racisme à l’envers à ne parler que de la torture que les Blancs ont perpétrée, comme si les égorgements auxquels se livrèrent les adversaires de la France, dont le désir d’obtenir l’indépendance de leur pays était louable, procédaient d’une arriération des mœurs combattantes dont on ne pouvait pas les incriminer puisque nous les avions colonisés et comme réduits à la minorité. Or n’est-ce pas continuer de les infantiliser que de ne pas leur parler le langage de la vérité ? Quant à nous qui, après la « drôle de guerre », avions été battus en quinze jours avant d’être sauvés par le gong et le mythe gaullien, nous avions été un pays en guerre dix-sept ans de suite après la Libération, et nous allions recommencer à l’être, mais nous allions nous en foutre puisque cette guerre ne se ferait pas sur notre territoire. . Comment peut-on en guerre et, non seulement y être indifférent, mais en être inconscient ?

Mais revenons au 11 septembre. George bush fut accusé de n’avoir pas eu la réaction idoine parce qu’il s’était étouffé en mangeant un bretzel et avait mis quelques heures à réagir. Le ban et l’arrière-ban de l’évangélisme fut convoqué dès le lendemain pour suggérer via Billy graham que c’était aux péchés de l’Amérique que l’on devait cette impardonnable destruction de ce que le prédicateur n’appelait pas son « temple du capital ». Le coupable, bien qu’il n’eût pas revendiqué son attentat, mais parce qu’il était recherché activement déjà par l’administration Clinton, parce que c’était un agent de la CIA qui s’était retourné, fut immédiatement désigné en la personne d’Oussama ben Laden. Dès le 12 septembre au matin sur « France culture », dans l’émission « première édition », Alexandre Adler ne laissait planer aucun doute. Son producteur, Pierre assouline, ne put s’empêcher de lui demander :
« Mais comment le savez-vous ? Comment pouvez-vous désigner un coupable certes probable alors que l’enquête n’est même pas commencée ? »Alexandre Adler lui répondit assez sèchement qu’il le savait, un point, c’est tout et qu’il était de mauvais goût de lui répliquer sur ce ton en un moment où l’Amérique traversait un deuil si terrible. Pierre assouline ne soutint pas l’assaut, ni le Pakistan la menace qui lui fut adressée par george bush, qui compensa son déficit réactionnel en déclarant une guerre mondiale contre le terrorisme, c’est-à-dire contre un ennemi invisible, guerre qui en était une pour des services secrets, mais certainement pas pour une armée, que, si le Pakistan n’aidait pas les services américains à débusquer Ben Laden dans les montagnes afghanes, les bombes tomberaient, non seulement sur l’Afghanistan voisine où s’étaient préparés ces attentats, mais sur ce pays que les Etats-Unis en jugeraient complice. Pervez Musharraf obtempéra, il avait trop d’ennuis intérieurs. Mais pouvait-il se douter que, neuf ans plus tard, après qu’il serait démis et qu’un sinistre aurait frappé seize millions de ses concitoyens, lequel suivait de près un séisme contre lequel l’aide humanitaire n’avait jamais égalé les efforts consentis lors du tsunami parce qu’il ne s’y trouvait pas d’occidentaux en vacances, les doigts de pieds en éventail, non seulement les médias tiendraient ces seize millions de sinistrés pour quantité négligeable, mais les Etats-Unis ne viendraient chichement en aide au Pakistan qu’après avoir sermonné son gouvernement de ne pas détourner leur argent ? et il ne fut pas jusqu’au secrétaire général de l’ONU qui ne dût rappeler à l’ordre la communauté internationale (parmi laquelle se sentirent premièrement visées les nations arabes voisines, et pourtant elles n’étaient pas les seules à pouvoir donner) qu’il était inadmissible de laisser les sinistrés pakistanais dans un tel état de déréliction. Le silence médiatique et l’absence de compassion pécuniaire furent la réponse de l’Occident américanisé à la vassalisation pakistanaise que, sous prétexte de l’avoir trouvée de mauvais goût sans voir que le Pakistan était pris entenailles, les nations islamiques alentours firent payer au Pakistan, qui se trouva bien avancé d’avoir la bombe atomique…


30. Le terrorisme et les prises d’otages.

Une vie humaine est-elle égale à une autre ? Les droits de l’homme ont l’air de nous dire que oui et, si n’en devait rester que cet héritage, j’aimerais l’assumer. Pour ça et pour la liberté dont, quoi qu’en ait dit Tocqueville, l’homme s’approche beaucoup plus que de l’égalité. Parce que les droits de l’homme ont beau nous persuader qu’une vie en vaut une autre ; ils ont beau être prolongés dans leur persuasion par la définition du « crime contre l’humanité » basée sur l’affirmation que « qui tue un homme tue l’humanité », l’application de l’inculpation pour crime contre l’humanité tout comme la comptabilité macabre, si disproportionnée, selon que vous êtes des morts du 11 septembre ou des sinistrés du Pakistan ou selon que vous avez été occis par l’armée française (qu’on ne dit pas civilisée) ou que votre vie a été soustraite par des mouvements de guérilla (qu’on ne dit pas barbares), ont l’air tous les jours de prouver que non : une vie n’en vaut pas une autre, parce qu’il y a des morts qui flashent. Les auteurs d’attentat et les preneurs d’otages ont parfaitement assimilé ce principe de « la société du spectacle » qui fait moins corps avec qu’elle n’est l’esprit de la démocratie représentative (qu’on serait tout aussi bien inspiré d’appeler une démocratie de représentation pour en accentuer le côté théâtral. Certes, l’otage a toujours bénéficié d’un statut particulier. D’un instant à l’autre, il lui a suffi d’être saisi par des bandits de grand chemin ne faisant aucun cas du droit des gens pour devenir tout à coup un représentant de la nation, comme si son corps devenait « corps du roi », non qu’il soit investi du pouvoir national auquel la légitimité confère jusqu’à la thaumaturgie, mais de la représentation nationale autrement opérante que dans ce mauvais acteur qu’est un député de la nation. Ceux qu’on appelle malencontreusement les terroristes (il en est des terroristes comme des adeptes d’une secte : ils combattent pour des causes minoritaires comme ceux-ci ont embrassé une petite religion au plan de la loi du nombre) ont compris qu’on pouvait jouer sur la corde médiatique. Ils manient le ressort du caractère impressionnable de l’attentat et sont sûrs, de la sorte, d’être relayés par les médias, pour qui tout ce qui fait sensation est bon à prendre, sans qu’il soit à rechercher, ni si c’est un témoignage de moralité bien sûr (il en est du témoignage de moralité comme du jugement de valeur : tous les deux sont à bannir), ni s’il ne vaudrait pas mieux déontologiquement taire une information qui poussera des candidats au terrorisme qui auraient douté de son efficacité dans la logique de l’attentat ou qui donnera des idées aux bricoleurs d’explosifs d’augmenter leur arsenal jusqu’à l’entraxe ou l’armement bactériologique. Les preneurs d’otages et les auteurs d’attentats font monter les enchères tandis que meurent dans leur lit les solitaires, dans leur voiture les accidentés, dans les hôpitaux les malades affectés d’infections nosocomiales dont on nous indique juste à la fin de l’année le nombre de morts, avec, si vous êtes concernés, vous ou l’un de vos proches, les coordonnées d’un organisme à contacter si vous voulez être indemnisés, un organisme appelé l’ONIAM, qui a l’air de porter le nom d’une plante médicinale et qu’a mis en place Bernard Kouchner, quand il était ministre de la santé, pour que les familles des patients décédés à l’hôpital ne fassent pas de vagues, ce qui est en revanche tout à fait recommandé aux familles des victimes d’attentat, pour faire de la publicité au terrorisme et en maintenir le mode d’action, parce qu’il est très équilibré de déstabiliser de temps à autre le pouvoir dominant, lequel, n’ayant pas à faire face à des guerres plus sérieuses ou moins banales, saura toujours comment s’y prendre pour donner le change et l’impression qu’il maîtrise la situation. Ainsi, les rôles de chacun des protagonistes-antagonistes sont bien réglés dans le spectacle sans autre coup de théâtre que des reprises de l’action sensationnelles.

Trouvez-vous que ce modus operandi et que cette inéquité de la valeur des vies soient aristocratiques ? Je les trouve plutôt inélégants de lâcheté de part et d’autre. Mais sans doute, ces deux processus partent-ils en effet d’un aristocratisme latent qui, quelqu’effort que l’on fasse pour commencer par reconnaître la dignité intrinsèque et essentiellement théorique, tant qu’elle ne trouve pas son application, à toute personne humaine, n’empêche pas que certaines vies valent plus d’être vécues que d’autres. Autrefois, les nobles avaient des serviteurs ; aujourd’hui, les « happy few », les « people » et les idoles ont des fans. Autrefois, on avait de la branche ; aujourd’hui, on a son quart d’heure de reconnaissance, ou nos vies sont condamnées à être inconsistantes. Ce n’est pas que, pour étendre ce fameux quart d’heure, la naissance n’aide pas. Mais, faute de l’avoir connu, les philosophes diront que nous aurons vécu, mais que nous n’aurons pas existé, ce que confirmeront les journalistes en nous traitant d’ »anonymes » que l’on appelle par son prénom et qui ne sort du lot que si quelque chose de sensationnel nous arrive, fût-il scabreux. A un anonyme, il ne peut arriver que du sensationnel scabreux. Alors, après que sa chair aura été lacérée par un psychopathe, humiliée par un violeur, éprouvée par un preneur d’otage, blessée par un auteur d’attentat ou accidentée par un chauffard, les journalistes, ces oiseaux de proie, viendront se poser sur elle comme des vautours. L’auteur d’attentat et le preneur d’otage savent cela et que l’événement qu’ils créeront aura d’autant plus de prise et sera plus rapporté qu’il sera plus sensationnel. La démocratie représentative et la « société du spectacle » perdurent parce que l’homme, pour les éliminer, devrait consentir à dépasser une nature instinctivementaristocratique. La paranoïa elle-même en témoigne, qui est une façon de s’annoblir jusqu’à la mutilation persécutrice, s’il le faut, si nous avons fini par paraître transparents aux autres, mot qui, par une dérive bizarre, est devenu un synonyme d’ »invisible ». Chacun de nous ne déroule-t-il pas indéfiniment le récit des célébrités qu’il a un tant soit peu rencontrés ? Cette nôtre contribution à l’inéquité de la valeur des vies est le pendant de la distraction que nous trouvons à regarder des crimes se commettre et à nous repaître de la façon dont ils vont être résolus en nous mettant du côté de l’enquêteur, ce qui nous blanchit. L’aristocratie est issue de l’instinct de fascination, et c’est parce qu’il a dérivé de la même racine que ce mot de fascination que le fascisme a pu proclamer sa foi en une race des seigneurs. L’aristocratisme latent de la nature humaine idolâtre par fascination tout comme le terrorisme, preneur de vies, sont des fascismes dont il faut se défasciner par la tentative morale et politique de travailler, non au nivellement par la médiocrité, mais à la reconnaissance de l’équité de la valeur des vies.

Julien WEINZAEPFLEN

UNE RENCONTRE AVEC MGR GAILLOT

C’EST un peu court, monseigneur gaillot …


Ce soir, nous fut lancée à Mulhouse l’invitation de PRENDRE PART à une conférence de Mgr gaillot promotionnant son livre : « CARNETS DE VIE ». L’occasion pour l’ancien évêque d’Evreux de commencer par exposer les quatre points qui fondent sa spiritualité :

1. Priorité à l’humain. « Cherchez-vous le sacré ? Il est moins dans les reliquaires que partout où vous trouverez des hommes. Un espace ne devient sacré qu’en raison de ce qui s’y vit d’humain,au sens où cet adjectif qualificatif désigne une qualité de cœur. » Jean-Paul II, déjà, avait dit lors de son premier voyage en France :« l’homme est la route de l’Eglise », on ne peut pas dire que cette voie ait été beaucoup suivie, y compris par le magistère de ce pontificat. Il est vrai que l’Eglise est gênée aux entournures par cette Parole du Christ :»JE SUIS LE CHEMIN, la verite ET LA VIE », Parole qu’aggrave encore, si j’ose dire, cette affirmation inscrite dans l’apocalypse de saint-Jean que le Christ Est l’alpha et l’Oméga. Comment l’homme peut-il se frayer un chemin et, mieux, devenir la route de l’Incarnation, si la condition de disciple consiste en celle de suiveur ? Ces problèmes de théologie ne hantent pas Mgr Gaillot. Il est plus concret :2. « Il faut promouvoir une spiritualité sans frontière, « nous sommes des citoyens du monde ». Son ami le professeur Albert Jacquart, coprésident avec lui de l’association « DROIT DEVANT » fondée dans la foulée de l’occupation de la rue du dragon pour les sans-papiers, abonde dans son sens, nous confie-t-il, mais ne peut s’empêcher de lui faire observer que l’homme semble avoir une tendance naturelle à se diviser entre « dominants et dominés », « clercs et laïques », « autochtones et étrangers », « hommes et femmes », idoles et fans, cette dernière division étant rajoutée par l’auteur de ces lignes, qui veut montrer par là que l’homme est comme mené malgré lui par un besoin pyramidal, par un désir de hiérarchie, par un instinct aristocratique qu’il doit chercher àdépasser, mais la liberté est plus facile à acquérir que l’égalité. L’invocation sans-frontiériste ne suffit pas à supprimer les frontières, y compris intérieures. Mgr gaillot est-il conscient qu’ayant été destitué de son ministère d’évêque de plein exercice pour être nommé évêque in partibus, destitution qu’il avoue lui-même avoir vécue comme une blessure, a certes rebondi, mais, non seulement n’a pas quitté l’eglise parce qu’il avait besoin d’attaches (il est resté danssa famille), mais a troqué un mode de relations d’autorité contre une forme d’activisme mmilitant ? Le fait de privilégier le militantisme aux relations duelles, aux rencontres en « face à face », même si son livre et sa conférence sont truffés d’anecdotes, mais dans lesquelles il a toujours le dernier mot, le mot édifiant, ne constitue-t-il pas la frontière intérieure cachée de Mgr gaillot ? Au cours des questions qui suivront son exposé, on lui demandera comment faire le pont entre la rue et l’Eglise et s’il ne faudrait pas commencer par manifester quelqu’intérêt pour le clochard qui se trouve à la sortie de l’Eglise, ce paroissien invisible qu’on ne fait jamais entrer et à qui on donne encore moins la parole tout en priant, à l’intérieur du sanctuaire, pour que nos cœurs s’élargissent aux plus démunis et surtout en remerciant Dieu pour le dévouement de ceux qui leur viennent en aide. Il n’est pas essentiel, aux yeux de Mgr Gaillot, de faire entrer le clochard à l’intérieurdu temple, mais d’établir un vrai contact à l’extérieur de l’église avec les étrangers. Voilà réintroduite par la fenêtre la frontière que Mgr Gaillot avait chassée par la porte : l’étranger acquiert une dignité intrinsèque du seul fait qu’il est étranger. Le prochain de Mgr gaillot, c’est l’étranger, cet hôte lointain. Il doit exhaler ce parfum d’exotisme pour intéresser le prélat. Il doit être son « autre » pour que Jacques gaillot puisse se dire son « monseigneur » (en référence à son livre : « JACQUES GAILLOT, MONSEIGNEUR DES AUTRES ». Or le prochain, ce n’est pas celui qu’on choisit parce qu’il dégage le maximum d’altérité. Il y a comme une gradation entre « aimer son prochain », « nous aimer les uns les autres » et aimer le TOUT AUTRE. Mgr Gaillot cherche l’Altérité de Dieu dans son lointain humain qu’il veut se rendre proche. Mais c’est à Dieu d’opérer ce rapprochement qu’on pourrait, par amour des mots, appeler une approximation. Elle ne vaut que si celui qui la vit de l’intérieur accepte que, certes, que les critères du Jugement Dernier nous soient donnés ; mais, dans ces critères, il y a aussi celui de ne pas être conscient de l’Identification que Dieu opère de qui il veut à Lui. Tout se passe comme si Mgr gaillot choisissait ses prochains par goût de l’exotisme. Or l’amour du prochain ne doit pas résulter d’un goût personnel. Aimer son prochain par goût personnel, c’est une antinomie, une antithèse, une attitude paradoxale.
2.
3. On pourra objecter que, la seule fois où le Christ donne un exemple concret d’ »amour du prochain », Il le fait à travers la parabole du bon samaritain, où le prochain secouru l’est par un étranger et est donc un étranger lui-même : il est secouru par un samaritain ; mais, plus étonnant, il est secouru par procuration : le bon samaritain confie à l’aubergiste d’en prendre soin. Il viendra seulement s’acquitter de tous les frais supplémentaires engagés par l’aubergiste. En somme, le bon samaritain est le généreux donateur d’une association humanitaire et l’aubergiste un membre de cette ONG. Mgr Gaillot, que la perspective de voir des clochards envahir des églises ne soulève pas d’enthousiasme, déclare en revanche que « les étrangers nous honorent lorsqu’ils les investissent ». Une chose est sûre : c’est que, lorsque, sous le gouvernement Juppé et l’autorité de Jean-Louis debré, alors ministre de l’intérieur, les « occupants de saint-bernard » ont été délogés à coups de hache, l’etat s’est déshonoré et fait savoir avec force que la laïcité était consommée, que nous étions dans une société définitivement post-chrétienne parce qu’il exerçait son droit de propriété sur ce bâtiment dont l’évêque qui, en l’occurrence, n’était pas fâché de son action, n’était que l’affectataire ; et peu importait à l’etat que les églises aient depuis la plus haute Antiquité été considérées comme des lieux où s’exerçait « le droit d’asile » où quiconque venait s’y réfugier ne pouvait être inquiété (Saint-augustin en avait même fait un argument en faveur de l’Eglise au moment où les « vieux romains » reprochaient au christianisme devenu religion d’etat d’avoir dénaturé l’Empire et la République. Jusqu’à ce coup de force du gouvernement Juppé, l’Etat moderne et laïque avait respecté l’inviolabilité des églises au point qu’il était interdit à un policier d’entrer armé dans un édifice religieux.
3. « C’est dans l’homme que vous trouverez Dieu. » Ici, il se précise que Mathieu XXV pris au pied de la lettre est, non seulement la charte qui guide l’action de Mgr Gaillot, mais semble contenir la totalité des articles de foi de son « credo ». . Et de raconter comment un militant athée se plaisait à décrire la supériorité morale des incroyants sur les croyants, la charité d’un croyant étant intéressée, quand l’entraide de l’incroyant ne regarde qu’aux gens eux-mêmes et aux problèmes qu’ils ont. Mgr Gaillot ne peut s’empêcher de reconnaître que le raisonnement de son interlocuteur et camarade de combat est juste, mais on sent que la pilule a du mal à passer… Nous ne pouvons nous libérer des traces anciennes qu’a laissées en nous un catéchisme qui nous apprenait que l’autre sur lequel nous penchions notre sollicitude avait comme reçu une délégation de servitude de dieu, devant Lequel sa personnalité d’être unique s’effaçait, ne lui étant conservé que son statut de « pauvre ».

4. « Il faut élargir son cœur et son action à l’accroissement du bien-être de l’humanité. »
« Quelle est la fonction de l’Eglise » ? me hasardé-je à demander.
« L’Eglise doit œuvrer à faire entendre un message de libération qui humanise la société. »
Après tout, c’est déjà pas mal. Devrait-on bouder un tel appel à la liberté ? Il n’est pas si fréquent dans le logiciel d’un chrétien engagé et encore plus d’un clerc. Dans sa mise en œuvre, on peut reconnaîtreà Mgr Gaillot beaucoup de cohérence et de fidélité. Ne s’est-il pas employé à la rédaction collective, en fonction des questions qui lui étaient posées, d’ »UN CATECHISME AU GOUT DE LIBERTE » ? Grâce à lui, l’eglise n’est pas cet organe qui dit toujours « non », cette institution arc-boutée davantage sur la défense patrimoniale d’une politique familiale que sur la considération des humains, pris dans la réalité de leur condition (Sans préjudice des Vérités divines, si l’home est la route de l’Incarnation, les vérités humaines interrogent la Vérité d’En Haut).

Comme le Christ, cet évêque que sa hiérarchie a mis en rupture de ban, à qui certains diocèses (comme celui de cologne) interdisent même de venir donner des conférences, s’est fait l’apôtre des « sans voix », des « sans famille », des « sans abri », des « sans papier. » Le fait que Rome, tout en le destituant, n’ait pu lui enlever la dignité épiscopale dont l’avait revêtu son sacre comme successeur des apôtres, lui permet de concentrer dans sa personne les dignités d’évêque et de prophète dont quelqu’un dans la salle doutait qu’elles soient compatibles. Mgr gaillot se pose comme un prophète de la liberté. Je l’entendrai toujours, dans une circonstance antérieure, prononcer cette phrase qui a fait se dresser mes poils de la joie des affranchis :
« Quand on a peur, on n’est pas libre et quand on est libre, ça fait peur » !

Mais je reviens à la charge :
« N’assignez-vous pas à l’eglise une mission trop exclusivement temporelle ? Que faites-vous de l’aspiration de l’homme à l’immortalité ? C’est déjà pas mal de faire de l’Eglise une Société humaniste ; mais ne pouvez-vous pousser jusqu’à la reconnaître comme une passeuse d’âme ? »
Je sais qu’en posant cette question qui déploie tout à coup le langage animiste, je vais perdre Mgr Gaillot :
« C’est maintenant qu’il faut agir, c’est maintenant que dieu nous attend au tournant et au charbon. Personne ne sait ce qui se passera de l’autre côté. La vie éternelle, c’est maintenant qu’elle se scelle. »
Mgr gaillot se cantonne dans l’agir. Et c’est peut-être ici que son catholicisme rejaillit pour le meilleur et pour le pire : il ne croit tellement pas qu’il ne peut y avoir la foi sans les œuvres que les œuvres lui tiennent lieu de foi. « La foi est une force qui va ». Mais qui va sans transcendance, qui rapetice Dieu aux dimensions des seuls combats humains, qui est éprise de Justice sans ressentir que vaine est la justice humaine si elle n’a pour assise profonde un cœur justifié. C’est peut-être pourquoi la vie de Mgr Gaillot s’est caractérisée par une telle agitation. Mais c’est une agitation qui a assumé un devoir de provocation, qui a provoqué à agir (l’action n’est loin d’être inutile), et qui a fait retentir une parole de bienveillance qui était la bienvenue, parce qu’on était peu habitué à ressentir de la bienveillance de la part de l’Eglise, parce qu’à vrai dire, on n’en attendait plus.


Julien WEINZAEPFLEN

LA NOTION DU TEMPS

La mort est un seuil, qui marque une naissance à l’indéterminé et l’inconnu. Penser la mort comme le seuil d’une nouvelle naissance ne nous console pourtant pas de mourir, car ça nous a été un tel traumatisme que de naître que nous en avons refoulé le souvenir. Cette absence pour chacun du souvenir d’être né n’est que le négatif analytique de la conséquence surnaturelle qu’on peut tirer de ce fait en le regardant sur un plan synthétique et panoramique : ne pas se souvenir d’être né, c’est ne pas avoir le sentiment de l’incoatif, c’est se croire sans commencement. De manière innée, l’homme se croit sans commencement. Il n’a donc pas la notion du temps, mais celle de l’éternité. Ne pas se souvenir d’être né, c’est avoir de manière innée la notion de l’éternité, ce qui bat en brèche cette idée reçue que l’homme ne peut penser l’éternité puisqu’il n’a que la notion du temps. Il se peut, soit que la notion du temps ait été refoulée par le traumatisme originaire de la naissance, soit au contraire que la notion de l’éternité soit conforme au « principe d’innatalité », lequel précède peut-être la croyance en l’immortalité de l’âme. L’homme n’a peut-être forgé toutes ses « cartographies de l’au-delà » que parce qu’il ne se souvient jamais que d’avoir été. L’homme est peut-être plus porté à se ressaisir d’un passé qui l’a lâché qu’à éterniser un présent qui reflue de remugles ou à investir dans un avenir incertain. C’est sans doute par nostalgie que l’homme reconstitue sa vie posthume. Or « la nostalgie est une douleur du retour » et la reconstitution implique une reconstruction à partir de données qu’on connaissait déjà. Ce n’est que par conversion que nous plantons nos racines dans le ciel. Vivre de cette condition terrestre nous apporte peut-être l’indication que, puisque l’origine nous est devenue une source d’amnésie traumatisée qui n’a pas supprimé la nostalgie et résiste au puzzle inquisitorial de notre reconstitution, il y a une certaine conversion qui s’impose comme par un état de nécessité.

LE PROGRES SPIRITUEL

Il y a une mémoire spirituelle où s’enfouissent toutes ces découvertes que l’on a faites au point de les avoir cru inoubliables, qui ont contribué à notre progrès spirituel, et nous ont fait avancer d’un pas. Mais le progrès spirituel est celui pour lequel semble être fait le proverbe :
« deux pas en avant, un pas en arrière ! » Bien sûr, nous rétrogradons, mais ce processus nous a tout de même fait faire un pas. L’idée qui nous a fait faire le pas est oubliée dans la rétrogradation et n’est pas réintégrée dans les deux pas qui suivent. Il arrive cependant que nous en conservions le souvenir comme d’une chose lointaine et naïve qui nous rappelle notre état d’enfance. L’enfance spirituelle consiste à renouer avec les idées dont l’émerveillement nous a faits avancer. Ce renouement est un déphasage de la dérision qui nous fait prendre notre progrès spirituel d’antan pour une illusion du comble de notre naïveté. La véritable dégradation du progrès spirituel se trouve dans le processus adulte qui consiste, plutôt qu’à laisser sécréter une carapace par notre vulnérabilité, à nous protéger de grandir par l’obésité qui nous rend stationnaires comme des « vautrés » par couches successives de graisse protectrice, qui nous fait chercher une sécurité intérieure d’autant que nous perdons notre optimisme et notre allant. Même si toutes les épopées, de l’Illiade et l’Odyssée à l’eneÏde sont construites sur une certitude d’arriver à bon port malgré les tribulations, la véritable aventure se moque de s’assurer contre le risque de l’échec. Cette graisse spirituelle d’autoprotection que nous croyons divine commence souvent par la mise en place dans notre vie d’une prière de rabâchage, extrêmement ritualisée, qui nous épuise au point qu’à bout de forces, nous refusions tout effort et déclarions forfait pour le combat spirituel. Le suprême degré de la dégradation spirituelle consiste à prendre l’adoration pour un acte de dérision. Il faut sortir de la malédiction de la dérision pour revenir à la voie d’enfance. Ce n’est qu’une fois qu’on a traversé « la malédiction des railleurs » que se réveillent les découvertes qui nous ont d’abord émerveillés. C’est en mesurant les méfaits des processus de dégradation spirituelle qui nous sont imputables et de la rétrogradation spirituelle qui est inévitable que nous découvrons à quel point le conseil évangélique, doné par le Christ dans le sermon sur la montagne, de « faire deux mille pas avec celui qui nous demandait d’en faire mille avec lui » était judicieux. Peut-être une lecture superficielle de ce conseil nous avait-elle d’abord fait prendre ce précepte pour une apologie de l’esclavage. Nous nous rendons compte, à nous être refusés ou épuisés jusqu’à sombrer dans l’assoupissement de toute faculté d’aimer dieu et de faire pour Lui le moindre acte de volonté, que cette invite à faire deux mille pas revenait à une description très avisée de la condition humaine. Il en est de même du conseil de « tendre l’autre joue » qui paraît à beaucoup une complaisance morose dans la faiblesse épousée. Or « tendre l’autre joue » réussit surtout à désarmer la logique de nos adversaires pour nous faire aimer de nos ennemis avant de nous les rendre aimables. Il n’y a qu’à voir en fin de compte comment le Christ suit Son propre conseil. Lorsqu’au moment de boire jusqu’à la lie la coupe d’amertume, Il Est frappé par le serviteur du grand prêtre, loin de tendre l’autre joue, Il plaide :« si j’ai mal parlé, montre-moi en quoi ; mais si j’ai bien
parlé, pourquoi me frappes-tu ? »

Julien WEINZAEPFLEN

VERITE DE LA CECITE

Le neutre, ce sont les points d'accord, abstraction faite des points aveugles qui sont à l'origine de toutes les oppositions et en raison desquels on se donne des torts et on se cherche des noises. Pour autant, si la raison du monde était réductible à la somme des points d'accord ou à la somme des raisons de ceux qui n'ont pas tort, si pouvait s'y mouvoir à loisirle "on" que nos maîtres d'école se plaisaient à nous apprendre à traiter de "pronom imbécile" sans parler d'Heidegher qui en accusait "la dictature", d'autant qu'il est si peu personnel comme pronom, ce syncrétisme prétendument crétinisant nous laisserait bientôt le goût amer que la vérité ne soit pas plus suggestive au regard des connaissants subjectifs que nous sommes, qui n'aimons la vérité que si elle nous fait vibrer, que s'il nous plaît. L'objectivité est fatigante et si peu émouvante... C'est pourquoi je reçois mal que "Dieu soit l'Objectivité Absolue" comme l'affirme Annick de Souzenelle. Parce que "le neutre" a fasciné les structuralistes comme "Roland Barthes qui, après "la mort de dieu", ont décrété "la mort du sujet" pour mieux nous transférer dans un monde interné dans des structures inertes qui sont autant de machines à nous "enrégimenter". D'où il résulte que nous avons tant de mal à croire à "la neutralité bienveillante" des "marchands de sommeil" qui nous allongent sur leurs divans en nous persuadant qu'ils détiennent la clef des songes. La raison des plus forts en raisons les plus fortes ne nous veut pas de bien, à vouloir nous priver de cécité. ( La raison du plus juste n'est pas toujours la meilleure, si elle fait de la vérité une banquise de la pensée. Cécité : le miracle est la case d'exception dont la science décrète arbitrairement qu'elle confirme la règle et dont elle ne veut pas faire cas pour que le cas fasse école ou pour former une autre règle, où l'exception soit contenue. Nous-même sommes notre principale source de cécité. Nous sommes principalement aveugles à nous-mêmes, non que nous nous connaissions le moins : au contraire, nous nous connaissons plutôt bien et nous voudrions nous en sortir ; non que nous voudrions sortir de nous-mêmes : mais nous aspirons, par-delà que nous nous sentons être en nous-mêmes, à exister aussi dans le sein du monde. Or il advient que nous saschions très bien comment les autres devraient s'y prendre pour exister dans le monde, s'en sortir et être reconnus ; mais qu'à force de si bien nous connaître que nous confondions la connaissance de notre idéal et la croyance que nous l'avons atteint, en sujets désirants qui avons touché la satisfaction par la puissance du rêve, nous nous enlisions dans l'incapacité à ne pas trouver la seule corde de rappel qui nous ramènerait au monde. et quoiqu'il soit moins profond d'exister que d'être, être isole terriblement, et être ramené des profondeurs de nous-mêmes aux vases communiquants du monde où tout se téléscope est vital, car qui ne communique pas meurt de ne pas être entendu. On meurt, non de ne pas entendre (car les sourds sont sensibles à la vibration), mais de ne pas être entendu et, comme on ne sait se faire entendre, on vit dans ses rêves avant de perdre la Foi. On perd la Foi à trop rêver, car la Foi ne survit pas à ne pas être l'accomplissement de nos rêves, dans lesquels on avait trouvé la force de la compensation quand on avait commencé de les faire. Mais amère découverte : à mesure que s'écoule le sablier de la bande passante de notre vie, tandis que nous nous enlisons dans l'évanescence des impuissances rêvassantes, dans les sables mouvants et mourants des désirs émouvants, irréalisables et impensables autant qu'incompensables, on finit par s'apercevoir que nos rêves ne sont pas une source inépuisable. Voici qu'eux-mêmes doivent se recueillir dans la reconnaissance que, si nous avons pu nous connaître, seul peut nous procurer autrui que, désormais, nous avons besoin de toucher : nous avons un besoin palpable de toucher autrui. Au plus, si nous trouvons à bien les interpréter, nos rêves peuvent-ils être le labyrinthe où trouver le fil d'Arianne que suivre va nous ramener jusqu'au port du monde où nous aurons hissé la voile noire pour la perte d'Egée que nous rendrons inconsolable de notre perte comme Yseult le sera de celle de Tristan ; jusqu'à "la mer du siècle" où nous saurons flotter au moins autant qu'on sait nager dans la mer morte sans avoir eu besoin de bouée ni d'apprendre les gestes, parce que LE FLOTTEMENT EST LE COMMENCEMENT DE LA MYSTIQUE. Si le monde est un lieu de perdition, "la mer morte" un lieudit indigne de notre assimilation aux algues planctoniques et le flottement platonique, une déperdition de l'"énergie spirituelle" EN une mystique dans la vase, nous-même est sans contredit le lieu le plus sûr de notre désertion. Mais ne pas condamner qui ne trouve pas la clef de sortir de soi, car IL DETIENT LA CLEF DE SOI, et par là illustre que nulle vie n'est inutile ni ne vaut la peine d'être vécue. Car si c'est une bien grande peine que de vivre autistiquement prostré en soi, il s'est donné bien de la peine, qui a trouvé la clef de soi, et ne nous est pas inutile, qui nous enseigne à nous ouvrir, par la leçon que chacun est "la matière de son livre" (idée chère à MOntaigne).

Détenir la clef de soi et malgré cela ne pas s'en sortir prouve que la lucidité ne sert de rien. On peut être lucide jusqu'à savoir qu'"on se ment à soi-même" et qu'on commet par là le plus gros des mensonges, car "mentir à dieu est impossible ; mentir aux autres est inutile" (abbé Philippe Laguéry), mais on se convainc que "mentir à soi-même" est "un mensonge officieux", c'est-à-dire un mensonge qui aide à vivre, faute de mieux, parce que "la vérité est un fluide glacial" à quoi il faut peut-être préférer la réalité, mais la réalité a ses lois biologiques, qui sont aussi indépassables que les lois mathématiques. Même si certains soutiennent qu'en son plus haut degré, c'est-à-dire au-delà de la métaphysique, la spiritualité s'assimile aux Mathématiques.

Julien WEINZAEPFLEN

AMOUR ET CONNAISSANCE

"Nous avons imaginé de fabriquer un ordinateur qui arrive à penser, et certains croient que nous allons y arriver. Mais personne n'a encore sérieusement nourri l'utopie de fabriquer un ordinateur qui arrive à aimer. Savez-vous pourquoi la connaissance nous intéresse plus que l'amour ? C'est parce que la connaissance conduit directement au pouvoir tandis que l'amour mène au service" (d'après le Père Ianouara Cantalamessa, prédicateur de la maison du pape, le vendredi saint 2007, 6 avril)

Pr Armand Abécassis :
En termes de connaissance, le symbole l’emportera toujours sur le concept ». (

« Les grecs sont le peuple élu de la vérité » (

« Le monde du sens dépasse la raison ».

« Le monde du sens est celui de la contradiction des significations qui fait que la Révélation, non seulement continue de se faire par l’histoire, mais n’est jamais close dans l’histoire puisque la compréhension des Ecritures ne peut que s’enrichir sans cesse, quoique d’une loi, toujours la même. »

TOLERANCE OU RESPECT

« Je vais vous dire du mal de la tolérance parce que la tolérance, c’est la tolérance du mal . Or le mal doit être combattu et il y a de l’intolérable. Contre la tolérance, je préconise le respect » » (Mgr Francis deniau)

« Juif, lorsque j’aime mon prochain, lorsque je pratique ce que je n’appelle pas la charité, lorsque, simplement, je lui fais traverser la rue, je deviens responsable de son aventure humaine. Je deviens devant Dieu responsable de ce qu’elle réussisse et ne s’enfonce pas dans une impase » (pr Armand Abécassis).

LE DECLIN DU THEME

(brouillon d'une conférence que j'ai peut-être été invité à donner sur ce "thème").

Pourquoi le thème est-il en déclin ?
a) Le thème a toujours été en déclin, c’est pourquoi le thème porte en germe l’anathème.b) Il est aussi en déclin parce que, par-delà la déchéance de la notion de « fort en thème », le thème n’est plus à l’honneur : on préfère faire des traductions (ou versions) que des rétroversions. Pourtant dieu sait si nous vivons dans des sociétés qui aiment l’inversion et n’ont pas peur de la perversion. Mais la rétroversion, cela supposerait, au premier chef, que l’on trouvât intéressant de se mettre à la place des autres au point de risquer de se mettre à parler dans leur langue, ce qui va beaucoup plus loin que de traduire leur langage.

c) Mais les autres ne sont pas seuls en cause dans ce « déclin du thème » : serions-nous prêts nous-mêmes à faire l’effort de faire un thème, c’està-àdire de traduire l’original de notre pensée-message dans le langage des autres ? Il nous est beaucoup plus facile de déplorer d’être incompris pour rendre impossible la rencontre. S’astreindre, quand on est un autre, à faire une rétroversion, de même que s’astreindre, à l’usage des autres, à faire un thème, c’est se lancer dans un effort de Pentecôte personnelle, de Pentecôte par ses propres moyens, c’est donner du souffle à ce que nous sommes, ce qui ne nous empêche pas de fair appel au souffle du Dieu qui, tour à tour, peut « confondre les langues » ou les rendre compréhensible les unes par les autres, quand Il ne nous fait pas murmurer en des glossolalies qui seraient des « gémissements thématiques » dont la musicalité serait seule accessible aux Oreilles de dieu, la musique étant un infralangage au gré de l’entendement humain, mais étant Langue auprès de dieu, car Dieu n’a pas besoin d’entendement pourentendre. La musique est peut-être le Verbe de dieu. On parle bien de thème musical. Exposer ce thème, c’est extérioriser sa « musique intérieure ». L’extérioriser, c’est l’extravertir ; mais l’extravertir, ce n’est pas trahir le secret d’une introversion, c’est simplement répondre au besoin de dévoilement qu’a l’existence, car le secret lui-même réclame d’être proclamé. Qui confie un secret à son vis-à-vis le fait entrer dans la confidence ; mais il n’est pas impossible qu’en un sens, cette preuve de confiance qu’il lui fait ne cherche pas ultimement à sortir de l’intime pour pouvoir être exclamé, comme on guérit de la douleur en la criant. On guérit de la douleur en proclamant son mal ; pour autant, verbaliser son thème ne fait pas que nous soit apporté sur un plateau l’objet de notre désir. La Création par le Verbe de dieu est beaucoup plus la pesée des correspondances par son entendement qui ne nous paraît même pas être une langue que l’appel à l’existence de l’au, de l’air et de la lumière, dont ont besoin les plantes pour faire végétativement circuler leurs germes séminaux depuis leurs étamines jusqu’à leur pistil. Le Verbe musical de Dieu cherche « les correspondances musicales » entre sons, couleurs et parfums, tandis que nous n’entendons pas seulement peser si nos désirs sont ou non légitimes. Rudolf Steiner se justifie ainsi de conjuguer la réincarnation avec le golgotah que, quand nous mourrons, notre âme s’en ira, frustrée de tous les désirs qu’elle n’aura puassouvir. Et elle sera tentée de revenir jusqu’à avoir obtenu satisfaction.

d) Mais comment comprendre que le
thème soit ainsi mis au secret ? Dans la logique intime de cet effacement, se dissimule, j’en ai peur, que nous préférions nettement une logique de sujétion qui ne nous fait jamais sortir du rapport de dominant à dominé, de la « relation maître-esclave », à l’acceptation enjouée que nous ne sommes qu’un thème, qu’est engrammé en nous un message, qui fait la spécificité de notre âme, à charge pour nous de le traduire. Il y a certes un certain déterminisme sous cette idée que, si nous sommes un message, c’est que nous avons un thème, qui ne serait plus cette fois musical, mais astral… Or à l’acceptation de ce déterminisme est subbordonnée celle-là même, si nous en avons, de notre génie : si nous avons du génie, du moins nous faut-il en rabattre, car le génie n’est qu’un génitif. Le code génétique qui est unique pour tout vivant confirme que, si nous sommes un message qui a du génie, ce ne peut être qu’en qualité de complément de détermination. Nous ne sommes en quelque sorte qu’un complément de création ; or nous nous sommes laissés subjuguer par l’idée que nous pourrions être un nominatif. C’est ainsi que nous avons interprété le cartésianisme et lu son postulat de base :
« Je pense donc je suis ».
D’un seul coup, nous nous sommes dit :
« Je n’ai plus simplement le pouvoir de nommer les êtres, je suis l’être en soi.
Et nous nous sommes en même temps donnés l’illusion de penser sans voir que l’incapacité même où nous sommes de savoir seulement décomposer une pensée signifie que nous ne pensons pas puisque nous ne sommes pas maîtres de la combiner comme bon nous semble : nous ne pensons pas, nous contenons seulement. C’est ce qui nous est dit au fond du :
« Connais-toi toi-même ». Connais-toi toi-même, non pas pour te sublimer toi-même en tant qu’objet de connaissance, mais pour savoir ce que tu contiens :
« Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux », dit l’oracle complet du templed’apollon sis à Delphes.
Du reste, Descartes ne l’a jamais entendu autrement : la déduction que je suis de ce que je suis l’instance qui pense n’a pas pour conséquence que je suis le sujet et la cause de tout ce qui est. Mais descartes ajoute aussitôt qu’au-dessus de moi, est une instance que je puis appeler dieu et Qui, non seulement Pense et est plus que moi, car IL n’a pas besoin de douter de tout ce qui est autour de Lui pour Se rassurer dans Son Etre, mais Dont la Pensée est la cause de tout et dont l’être est la cause de soi. Loin de l’auteur du « DISCOURS DE LA METHODE » de s’imaginer chimériquement être le sujet originaire de tout ce qui existe, mais bien plutôt le sujet de sa Majesté Donnant l’existence. Si je suis le sujet de quelque chose, si je dois être placé sur le piédestal d’un trône, je ne suis tout au plus que le sujet de la majesté existentielle de mon royaume personnel. Je peux en chasser le roi. Mais en chasser le roi, c’est faire un déni de réalité. Faire allégeance en tant que sujet de Sa Majesté de l’Essentiel, c’est me libérer d’une illusion. Mais, en même temps, me poser d’emblée dans l’essentiel plutôt que de me proposer seulement dans l’existentiel et dans son jeu, c’est précisément faire de ma vie quelque chose de non ludique. Accepter la règle du jeu, du déterminisme qui peut quelquefois me rendre génial et me faire faire des étincelles parce que je possède la lampe d’Aladin, c’est faire éclater ma vie du rire de son jeu. Nous avons cru nous libérer en nous croyant « sujets » et « personnes » en oubliant que le sujet est le dernier mot de la soumission et que la personne vient du masque, moyennant quooi être une personne, c’est porter un masque et jouer un rôle. Nous sommes moins une personne que nous n’avons une personnalité et nous sommes moins un sujet que nous ne sommes un thème, c’est-à-dire que ce n’est certes pas nous qui faisons parler les choses en provoquant les phénomènes ; mais si nous savons bien . nous y prendre, nous serons le sujet dont on parle. Sujets ayant jusque là décliné, d’abord par notre acceptation théorique, et puis logiquement par la sujétion sémantique de « la philosophie du sujet », dans l’évanouissement de l’inouÏ, qui ne craignons plus jusqu’à « la mort du langage », et puis « la mort de l’homme » après « la mort de Dieu » ; sujets qui, par l’insignifiance de nos gestes, ne cessons de chanter le chant du cygne du signe dont nous ne croyons plus qu’il puisse faire œuvre dans nos mains, cathédrale ou temple : nous ne nous croyons plus des bâtisseurs, mais des syndiques de faillite. Mais si nous nous laissons réhabiliter jusqu’à devenir ce que nous sommes, à savoir des thèmes, c’est-à-dire moins des sujets que des attributs dotés d’une qualité principale et moins des déterminants que des compléments de détermination ou de création, le signe refleurira sous notre signature et nos conversations démembrées reparleront de quelque chose.

Julien WEINZAEPFLEN

LA VOIX ET LE REGARD

La voix est la marque thoracique de l'âme dont les yeux sont les fenêtres.

Voix et yeux sont l'expression de l'âme, mais les yeux en sont l'expression extravertie qui la mettent en relief à destination du reste de l'existant, tandis que la voix est poitrinaire. Elle frappe à la poitrine de son possesseur pour libérer en l'extravertissant la connaissance qu'il voudrait avoir de son âme, mais un ordre est donné que la voix reste enfermée dans la cage thoracique pour être entendue, comme l'a si bien dit Malraux, par les oreilles à l'extérieur et par la gorge à l'intérieur. La voix est poitrinaire, ou pour le dire autrement, elle vit dans le sanatorium de la pensivité. La voix est enfermée parce que la pensée s'est cloîtrée et cloisonnée dans le monastère où, en fait d'être au secret pour se retirer et prier, et aller à la rencontre de Soi ou du Dieu Intime que l'on porte en Soi, elle erre d'heureuse dilection dans les travées de la distraction où elle parle, observatrice et sans charité bien plus qu'observante et chartreuse, des moines des stalles d'à côté, dans "les petites chapelles" (qui bernèrent le vieil amant de Manon Lescot) aussi bien qu'aux restaurants où l'on déblatère à part soi quand on dîne seul.

A quoi sert-il qu'il y ait des visages qui produisent de la lumière si l'on a perdu les hommes pour savoir la regarder ?
La voix, comme le regard, est unique.
Il y a pourtant des types de regard et des fonds de voix. ([1])
Par exemple, il y a des voix hypocrites dont le déguisement de la pensée est devenu un revêtement du parler qui trompent jusqu'à leur émetteur. des voix où la perversité s'entend et qui sont souvent des voix de prêtres ou des voix dépravées d'homes de droite, étant entendu que la droite est très hypocrite puisqu'elle ne sait même plus qu'elle fait de la psychologie inversée ([2]) et que, quand elle thésaurise au nom du "bien commun", c'est uniquement pour qu'on ne lui fasse pas les poches.


[1](comme je disais quand j'étais petit qu'il y avait des "marques de chiens" alors que c'étaient des "races", m'avait-t-on corrigé, mais le mot ne me plaisait pas, un de mes copains d’école aimait à employer cette expression de « fond de voix » alors que l’on parle plutôt du « grain de la voix », comme on parle des « couleurs de l’orgue » ou de celles d’une symphonie. Or cette expression de « fond de voix » est merveilleusement adaptée à la nature de celle-ci, car la parole par du fond de celui qui parle, et la voix la fait vibrer dans sa poitrine. La voix est un intermédiaire entre « le silence des organes » que ne troublent les battements du cœur qu’en cas d’arythmie ou d’effort et l’extraversion d’un message projeté sagitalement vers le monde, mais qui résonne en vibrant comme une introversion dans celui qui parle et que parler libère si peu de sa gangue que c’est ce qui empêche, même si sa parole part en flèche, son messaged’atteindre son but.
[2](expression empruntée à sandrine Moreau, mon ancienne femme de ménage, à propos des pessimistes qui le deviennent pour n’être jamais à l’abri d’une bonne surprise, comme c’est généralement le cas des hommes de droite.)